Test Blu-ray / Le shérif aux mains rouges, réalisé par Joseph M. Newman

LE SHÉRIF AUX MAINS ROUGES (The Gunfight at Dodge City) réalisé par Joseph M. Newman, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 9 décembre 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Joel McCrea, Julie Adams, John McIntire, Nancy Gates, Richard Anderson, James Westerfield, Walter Coy, Don Haggerty…

Scénario : Martin Goldsmith & Daniel B. Ullman

Photographie : Carl E. Guthrie

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h21

Date de sortie initiale: 1959

LE FILM

En état de légitime défense, le chasseur de bisons Bat Masterson tue un officier de cavalerie. Sur les conseils d’un ami et pour éviter les représailles, il quitte la ville pour Dodge City dont le shérif n’est autre que son frère Ed. Après que celui-ci ait été abattu d’une balle dans le dos, Bat reprend son insigne à la demande d’une population en colère contre Jim Regan et sa bande…

Ceux qui voudraient en savoir plus sur le réalisateur Joseph M. Newman (1909-2006) pourront se reporter à la chronique de Fort Massacre, car aujourd’hui nous parlerons d’un de ses autres westerns, cette fois encore interprété par Joel McCrea, Le Shérif aux mains rougesThe Gunfight at Dodge City. Après Les Bannis de la SierraThe Outcasts of Poker Flat, La Dernière Flèche Pony Soldier et avant Tonnerre apache A Thunder of drums, Joseph M. Newman livrait l’un de ses films les plus singuliers, les plus ramassés sur la durée et à l’intrigue aussi riche que concise. S’il se fera très rare sur les écrans par la suite (même s’il ne mourra que trente ans plus tard), Joel McCrea signait assurément ici l’une de ses meilleures prestations, faisant de lui l’un des plus grands noms du western aux côtés de Randolph Scott, John Wayne, Gary Cooper, Audie Murphy et consorts.

Après avoir abattu un officier de la Cavalerie par légitime défense pour une histoire de femme, le chasseur Bat Masterson se rend dans la ville de Dodge City où il retrouve son frère Ed, devenu marshall. Avec le soutien de sa fiancée Pauline et de son beau-père, le révérend Howard, Ed présente sa candidature pour le poste de shérif, face au corrompu Jim Regan. Bat décide alors de s’installer dans la ville. Il se lie vite d’amitié avec le docteur Sam Tremain puis s’éprend de la jolie Lily, une veuve qui peine à gérer le Saloon Lady Gay. Pour l’aider à remonter ses finances, Bat devient joueur professionnel, s’associe avec elle et investit une forte somme d’argent. Le succès du Saloon cause des problèmes de jalousie puis, un soir, Ed est tué par Dave Rudabaugh, cousin de l’officier que Bat a jadis abattu. Lassés par la violence perpétrée par les hommes de Regan, les notables de la ville décident de nommer Bat au poste de shérif afin de faire régner la loi…

Nous n’aurons jamais de cesse de dire le bien que l’on pense de ces petites séries B tournées en très peu de jours, avec un budget modeste, dans l’habituel Melody Ranch, décor vu dans moult westerns. En 80 minutes, Joseph M. Newman parvient à dire autant de choses que d’autres cinéastes moins glorieux en deux heures de temps. Sur un scénario coécrit par Martin Goldsmith, déjà à l’oeuvre sur Fort Massacre, mais aussi l’auteur des fabuleux Detour d’Edgar G. Ulmer et L’Énigme du Chicago Express de Richard Fleischer, et Daniel B. Ullman (L’Île Mystérieuse de Cy Endfield, Le Salaire de la haine de Paul Wendkos, Terre de violence de Nathan Juran), Le Shérif aux mains rouges s’attarde sur une poignée de personnages complexes et ambigus. Ceux-ci connaissent la violence de l’ouest, en ont sûrement profité, d’une part pour rester en vie, mais aussi pour s’élever en société. Cependant, Bat Masterson, aventurier qui a d’ailleurs réellement existé, ancien shérif adjoint aux côtés de Wyatt Earp (le personnage apparaît dans Règlements de comptes à O.K. Corral de John Sturges), n’a rien du type froid qui reste de marbre devant la mort, comme l’atteste la scène pré-générique où il explique à un jeune et innocent simple d’esprit ce que cela fait de tuer un homme : « Je vais te le dire. C’est moche. D’abord, tu lui fais face, et tu as peur. Tu voudrais te cacher. Mais tu ne peux pas. Parce qu’à ton premier geste, l’autre tirera. Alors, tu fixes ses yeux et tu pries Dieu qu’il cane, ou qu’il parle afin que tu t’en sortes. Tu essaies aussi de parler. Mais tu y arrives trop tard. Il n’est plus devant toi. Il est allongé par terre, les gens hurlent et t’offrent à boire, disant qu’il a tiré le premier. Toi, tu cherches un coin sombre, et tu vomis ».

C’est dans cet état d’esprit que Ben s’installe à Dodge City au moment d’une fiévreuse campagne électorale, où il se retrouve rapidement au centre d’une lutte d’influence entre son propre frère, Ed (Harry Lauter, Le Monstre vient de la mer), et Jim Regan (Don Haggerty, La Chevauchée des Vaqueros), un homme ambitieux et retors, peu scrupuleux et même corrompu, du genre à faire assassiner un rival. Ed tué, Bat se présente au poste de shérif à sa place. Élu, il entend rétablir l’ordre à Dodge City, ignorant encore que Regan porte la responsabilité du meurtre et qu’il devra bientôt retourner son colt contre d’anciens amis. Joel McCrea trône sur une distribution solide, également composée des deux talentueuses et ravissantes Julie Adams (Tarawa, tête de pont, L’Étrange créature du Lac Noir, Le Déserteur de Fort Alamo, Victime du destin, Les Affameurs) et Nancy Gates (Je dois tuer, Comanche Station, Comme un torrent, Nevada), de l’excellent John McIntire (Honkytonk Man, Bronco Apache, À l’assaut du Fort Clark, Psychose) et de l’imposant (et inquiétant ici) Richard Anderson, vu dans Les Détrousseurs d’Alan Rafkin et Le Génie du mal de Richard Fleischer, mais qui reste essentiellement connu pour avoir campé Oscar Goldman dans les séries télévisées L’Homme qui valait trois milliards et Super Jaimie.

Il n’y a rien à jeter de cette nouvelle production Walter Mirisch (Scorpio, Deux sur la balançoire, Dans la chaleur de la nuit, Les 7 Mercenaires, Monsieur Majestyk), y compris la belle photographie de Carl E. Guthrie (All I Desire de Douglas Sirk) et la musique de Hans J. Salter (Duel dans la Sierra, Le Salaire du diable, Quand les tambours s’arrêteront). Joseph M. Newman n’est certainement pas un manchot et le prouve une fois de plus avec ce western très maîtrisé, carré, peu conventionnel et aux protagonistes psychologiquement fouillés, sur lesquels repose l’histoire, bien plus que les affrontements et l’action, par ailleurs peu nombreux. Divertissant et pas bête, Le Shérif aux mains rouges se démarque indéniablement du tout-venant.

LE BLU-RAY

Disponible dans le catalogue Sidonis Calysta depuis 2010, Le Shérif aux mains rouges revient dans les bacs en DVD, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition. Visuel typique de la collection. Le menu principal est animé et musical.

Pour cette nouvelle édition, Sidonis a tout d’abord repris la présentation de Patrick Brion (6’35). L’Historien du cinéma retrace le parcours de Joseph M. Newman, réalisateur d’une trentaine de films, avant de parler de Joel McCrea, « un excellent comédien, sous-estimé, pas assez connu », ainsi que du reste du casting.

Puis, l’éditeur a tout naturellement demandé à Jean-François Giré de s’y coller à son tour (10’30). Ce dernier, plus prolixe, revient sur les mêmes points que Patrick Brion, mais étaye plus ses arguments. Il défend ce « film très intéressant », un western urbain qu’il faut selon lui découvrir absolument en version originale, la VF dénaturant la vérité historique et la motivation des personnages. La carrière du cinéaste et celle de Joel McCrea, ainsi que le reste du casting sont abordés.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et un portrait rapide de Joel McCrea (5’, déjà présent sur l’ancien DVD) écrit par Jean-Claude Missiaen (et narré par Alain Carradore), qui retrace sa carrière, énumère ses plus grands rôles, ses partenaires féminines, indiquant comme Patrick Brion que le comédien demeure méconnu du public français.

L’Image et le son

Comme bien souvent, la copie présentée par Sidonis Calysta a déjà quelques heures de vol. Cela se voit notamment au niveau des couleurs, quelque peu fanées (même si la luminosité semble étrangement élevée), du piqué qui manque singulièrement de mordant, des décrochages sur les fondus enchaînés, des effets de pompage. Le master est propre, le cadre large plaisant, les détails appréciables, surtout sur les gros plans. Si la compression n’est pas optimale, ce Blu-ray au format 1080p s’en tire bien, honorablement du moins, en dépit d’un grain argentique souvent trop lissé.

En VF comme en VO (avec sous-titres français non imposés), les mixages DTS-HD Master Audio 2.0 (point de remixage superflu à l’horizon), l’écoute demeure fort appréciable, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées. Léger souffle constaté dans la langue de Molière, ainsi que des répliques parfois couvertes, mais rien de gênant. Le changement de langue n’est pas verrouillé.

Crédits images : © Sidonis Calysta / MGM / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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