Test Blu-ray / Le Péril jeune, réalisé par Cédric Klapisch

LE PÉRIL JEUNE réalisé par Cédric Klapisch, disponible en Édition Blu-ray + 2 DVD + Livret le 5 mars 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Romain Duris, Vincent Elbaz, Julien Lambroschini, Nicolas Koretzky, Joachim Lombard, Lisa Faulkner, Julie-Anne Roth, Hélène de Fougerolles, Caroline Damiens, Élodie Bouchez, Jackie Berroyer…

Scénario : Cédric Klapisch, Santiago Amigorena, Alexis Galmot & Daniel Thieux

Photographie : Dominique Colin

Durée : 1h41

Année de sortie : 1994

LE FILM

Dix ans après leur terminale, voici Léon, Bruno, Momo, Chabert. Quatre garçons chahuteurs devenus quatre hommes, jeunes encore, mais que la vie déjà grisaille, le cheveu plus sage, la tenue plus stricte. Ce qui les réunit ? La naissance imminente du bébé de Sophie, une ex-copine de classe. Ce qui les hante ? La mort de Tomasi, le père du bébé, leur pote, le feu follet. Au fil des conversations, les regards se rallument, les secrets se libèrent.

C’est ce qu’on appelle un film culte. Et il n’y en pas tant que ça en France. C’est surtout qu’on a quelque peu abusé (y compris l’auteur de ces mots) de cette expression, que l’on a tendance à mettre à toutes les sauces, un moyen sans doute détourné pour dire autrement que « le cinéma c’était mieux avant » sans être taxé de réac. Mais en ce qui concerne Le Péril jeune de Cédric Klapisch, c’est évident, incontestable. Ce film, ou plutôt téléfilm car à l’origine tourné pour la télévision et plus précisément pour La Sept-Arte, le quatrième ouvrage derrière la caméra du réalisateur après deux superbes courts-métrages (In Transit et Ce qui me meut) et son premier long-métrage Riens du tout (avec Fabrice Luchini) est très vite devenu un phénomène. Près de 650.000 spectateurs iront applaudir ces jeunes comédiens venus de nulle part, inconnus, se retrouver en eux, pour se rappeler leur propre jeunesse, tandis que ceux de la même génération que Tomasi, Chabert, Léon, Bruno, Momo, Sophie, Christine se projetaient en eux…Trente ans plus tard, celui qui incarnait Tomasi, Romain Duris est devenu une star du cinéma français, Vincent Elbaz, s’il n’a jamais connu le même statut que son partenaire, n’a jamais quitté les écrans, Élodie Bouchez a remporté deux César…Cédric Klapisch, qui a instantanément fait sa place dans le septième art hexagonal et continue de réjouir souvent les spectateurs, aura offert un véritable tremplin à cette troupe d’acteurs, tandis que ses personnages annonçaient déjà ceux que l’on allait découvrir à travers sa filmographie, notamment L’Auberge espagnole, dont l’engrais est déjà bien présent dans Le Péril jeune.

Quatre amis se souviennent des années au lycée Montesquieu en 1975. Ils se rappellent la rencontre de Tomasi avec sa future femme, Sophie, qui était en seconde à l’époque. Le groupe veut se politiser et forme le G.A.G (Groupe Anarchie Dure). Une étudiante, Barbara arrive de Londres pour animer le cours d’anglais. Elle est très jolie et les garçons tombent sous son charme. Lors d’une assemblée générale, le groupe G.A.G. s’oppose aux organisateurs. Plus tard, Momo révise dans son salon. Son père boulanger est muet et veut qu’il l’aide aux affaires. Il refuse. Dans la famille de Léon, on assiste à un repas de famille où il discute avec son frère de Mai 68 et de la lutte des classes. Quand Léon demande à son frère quelle est la réelle définition de la lutte des classes, celui-ci se moque de lui. Bruno, quant à lui, s’exerce à la guitare et, croyant avoir trouvé quelques accords, se met à écouter un disque de Ten Years After. Il se rend compte du fossé qui existe entre lui et le guitariste du groupe, Alvin Lee. Tomasi appelle Bruno et il lui propose d’aller acheter de la drogue. Ils se rendent à Barbès et font la rencontre de Jo, un dealer un peu mystique. Ils vont dans un bar de hippies et Jo commence à les baratiner sur l’Inde, Katmandou et la philosophie. Tomasi et Bruno s’impatientent, les dealers leur font cadeau d’un peu de poudre. En 1980, retour au présent à l’hôpital, Bruno s’isole dans les toilettes pour pleurer la mort de Tomasi.

Le Péril jeune a touché une corde sensible chez les spectateurs de tous les âges. Sujets intemporels, la jeunesse, l’adolescence, l’insouciance, les années lycée, la découverte de la sexualité, des drogues (pour certains hein), de l’amour, de l’engagement politique (ou pas) avaient déjà été abordés au cinéma et le seront d’ailleurs encore. Mais l’oeuvre de Cédric Klapisch est sans doute arrivée au bon moment, au point de taper dans l’oeil de certains, qui ont donné la chance au Péril jeune de connaître une exploitation sur le grand écran, alors qu’il était au préalable destiné à la petite lucarne.

Telles des réminiscences, on retrouve notre poignée de protagonistes en 1975, puis quelques années plus tard, avant l’arrivée du sida, la bande étant amputée d’un de ses anciens membres, qui s’est suicidé un mois auparavant, alors que sa compagne est sur le point d’accoucher. Le récit coécrit par Cédric Klapisch avec ses amis rencontrés sur les bancs du lycée, Santiago Amigorena (En corps, Deux moi) et Alexis Galmot (Ni pour ni contre (bien au contraire), Peut-être), passe ainsi de façon fluide des années 1970 aux années 1980, à travers quelques vignettes qui progressivement composent l’album d’une partie de l’existence de ses personnages. C’est Tomasi (celui qui manque en 1980), qui lors d’une séance de sport, monte sur un panneau de basket pour amuser la galerie et, imitant le personnage de l’oncle fou du film de Federico Fellini Amarcord, crie à maintes reprises, en italien, qu’il veut une femme. Ou bien Chabert, qui dans sa chambre, se met à réviser son contrôle d’Histoire, avant de s’accorder très vite une pause pendant laquelle il fait semblant de jouer au basket, au foot, au tennis. C’est aussi la préparation pour une manif dont certains ignorent le sujet, même en s’y rendant, une élève que l’on prend pour une fille facile et dont on se demande ce qu’elle est devenue quelques années après, les flippers et les verres de bière enchaînés au bar du coin, un squat de hippies (des survivants de mai 68) qui vont initier le groupe aux acides.

Mais Le Péril jeune n’est certainement pas qu’une comédie marquée par l’énergie explosive et contagieuse de son casting, car pour Cédric Klapisch et ses auteurs, l’adolescence n’est pas le plus bel âge. Le film étonne encore par cet équilibre fragile et sensible entre le rire « gras » propre aux adolescents, volontiers potaches, qui se chambrent continuellement, qui en viennent même aux mains, y compris avec les filles à qui l’on tord facilement les bras, et une gravité, une mélancolie. Après tout Tomasi disparaîtra très jeune en raison d’une overdose et sa nature aussi bondissante que rigolarde, dissimule un mal-être évident. Du haut de ses 19 ans, repéré au cours d’un casting sauvage, Romain Duris traduit ces sentiments avec un naturel confondant, une fraîcheur rare, un charisme hors-norme. Même si ses partenaires n’ont rien à lui envier, il n’est pas étonnant qu’il ait été celui dont tout le monde parlait à la fin de la projection, au point que son absence lors des présentations du film dans les salles soit sifflée, surtout de la part des spectatrices qui n’étaient pas insensibles au charme de ce jeune homme rebelle et à fleur de peau.

Le Péril jeune, c’est la vie comme elle vient. Là où Alain, Momo (Nicolas Koretzky), Léon (Joachim Lombard) et Bruno (Julien Lambroschini, devenu scénariste et auteur du Grand bain de Gilles Lellouche) s’imaginaient champion du monde ou propriétaire d’un restaurant, les années ont fait d’eux un employé de bureau, un kiné, un avocat, un architecte…Le temps a surtout fait d’eux des adultes, pas obligatoirement responsables, même s’ils s’efforcent tout de même de l’être puisque certains sont devenus parents, mais la flamme de l’adolescence brille encore quelque part. Elle leur donnera ce qui faut pour rallumer momentanément le moteur de leurs jeunes années, pour courir dans la rue dans la scène finale, vers un dernier pot, l’ultime peut-être, avant de repartir chacun de leur côté.

Le tout dernier plan du Péril jeune s’interprète désormais de deux façons. Elle capture non seulement le personnage de Tomasi, décédé en 1980, figé éternellement dans sa jeunesse – y compris dans l’esprit de ses camarades – passée entre le rire et les larmes (son sourire s’efface progressivement, au ralenti), mais photographie également Romain Duris, dont la vie allait changer du tout au tout, qui disparaît de l’écran pour se diriger vers son avenir où il allait devenir l’un des comédiens les plus convoités de sa génération.

LE BLU-RAY

Trente ans, ça se fête ! En plus d’un lifting 4K, Le Péril jeune revient tout casser dans les bacs, sous l’égide de Rimini Éditions ! Le classique de Cédric Klapisch déboule donc en édition Blu-ray + 2 DVD + Livret, le tout prenant la forme d’un coffret rigide monocuvette, dont les couleurs rappellent le célèbre trip sous acide. On adore le superbe Digipack à deux volets où sont ancrés les disques (à la sérigraphie différente et par ailleurs très élégante), ainsi que le livret « On a été sincères », comprenant une passionnante interview de Cédric Klapisch par Marc Godin, critique et historien du cinéma (24 pages), revenant sur la genèse, le tournage, la sortie du Péril jeune et son statut culte. Ce coffret contient aussi 3 photos tirées du film au format carte postale. Le menu principal de l’édition HD est animé et musical. Et nous ne sommes pas peu fiers de vous dire que cette chronique est la 2000è du site !

En ce qui concerne les suppléments, Rimini Éditions a tout naturellement repris la quasi-intégralité des bonus – à l’exception de celui avec Jackie Berroyer – présentés sur le DVD Gaumont. On démarre par les retrouvailles de l’équipe du film en 2003, pour le dixième anniversaire du tournage du Péril jeune. L’occasion de savoir ce que sont devenus certains que l’on avait perdu de vue, et qui le sont redevenus depuis, tandis que Vincent Elbaz avait déjà derrière-lui Les Randonneurs et La Vérité si je mens !, que Romain Duris avait déjà rejoué pour Cédric Klapisch à trois reprises (Chacun cherche son chat, Peut-être et L’Auberge espagnole) et qu’il allait passer une nouvelle vitesse dans sa carrière avec De battre mon coeur s’est arrêté, qu’Hélène de Fougerolles présentait une carrière impressionnante (de Michel Deville à Arthur Joffé, en passant par Danny Boyle, Jean-Jacques Beineix…) et qu’Élodie Bouchez avait déjà remporté deux César (pour Les Roseaux sauvages et La Vie rêvée des anges). L’ambiance est évidemment détendue et bon enfant, Cédric Klapisch regardant ses acteurs avec un beau regard emprunt de nostalgie. Les anecdotes de tournage fusent, les scènes cultes sont passées au peigne fin, quelques images de tournage viennent illustrer le tout, tout comme celles provenant des tests des comédiens que l’on retrouve en intégralité dans le module suivant.

Nous venons d’en parler, les essais des comédiens sont présentés ici, soit acteur par acteur, soit en intégralité (38’). Certaines de ces vidéos sont d’autant plus précieuses, qu’elles dévoilent les premiers pas de Romain Duris (avachi, dissimulé derrière ses mèches, se demandant ce qu’il fout là) devant une caméra. Vincent Elbaz est déjà explosif et se démarque nettement de ses camarades, déjà à fond dans la peau du personnage de Chabert. Un témoignage vraiment touchant, où le charisme d’Élodie Bouchez agit instantanément et où Hélène de Fougerolles crève l’écran par son naturel. Chacun se présente, dit où il en est (Romain Duris hésitait entre deux jobs d’été), ses expériences passées (s’il y en a eu), avant d’entamer une scène histoire de voir si les répliques lui conviennent et bien sûr si le comédien est fait pour le rôle.

Nous passons ensuite au documentaire rétrospectif intitulé Le Périple jeune (29’), composé des interviews de Cédric Klapisch, de Pierre Chevalier (alors directeur de la fiction chez Arte de 1991 à 2003, décédé en 2019), les producteurs Aïssa Djabri et Farid Lahouassa, sans oublier Pierre-Ange Le Pogam (directeur de Gaumont-Buena Vista de 1992 à 1997). Comme est né Le Péril jeune ? Comment s’est déroulé le casting ? Le tournage sur un peu plus de trois semaines ? Comment un téléfilm tourné pour Arte s’est-il retrouvé dans les salles et a connu un succès inattendu ? Vous saurez tout dans ce supplément tourné en 2003 en vue du dixième anniversaire du film.

Le dernier segment est une discussion entre Cédric Klapisch et ses deux co-scénaristes, Santiago Amigorena et Alexis Galmot (9’). Les trois complices, qui se sont rencontrés au lycée, reviennent une dernière fois sur Le Péril jeune. Amusant de voir comment les trois intervenants s’expriment comme leurs personnages, essayent d’être sérieux, avant de redevenir très vite potaches. Ceux-ci évoquent leur collaboration, les personnages, leurs expériences personnelles qui ont nourri le scénario.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Après une première édition Standard sortie chez Gaumont en 2004, Le Péril jeune fait peau neuve chez Rimini Éditions, qui lui déroule un véritable tapis rouge. Complète restauration pour le (télé)film de Cédric Klapisch, un lifting 4K concocté à partir du négatif original. Rappelons que ce projet Arte a tout d’abord été conçu et mis en scène pour la télévision. Le réalisateur a opté pour des prises de vue en Super 16. La texture argentique est donc très présente, heureusement d’ailleurs, bien gérée, équilibrée, organique, superbe. Le piqué s’en trouve donc émoussé, plus aiguisé sur les scènes diurnes (claires, élégantes), plus hésitant sur les séquences sombres et nocturnes, ou lors du fameux trip sous acide. La propreté est irréprochable, la copie est d’une stabilité à toute épreuve. Probablement l’édition définitive du Péril jeune qu’attendaient ses aficionados, et ils sont nombreux !

Le remixage Dolby Digital 5.1 ne déçoit pas, tant au niveau de la délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage parvient vraiment à immiscer le spectateur dans l’ambiance du film. Les enceintes latérales délivrent sans mal les effets naturels et l’ensemble demeure harmonieux. La piste Stéréo est également de très bonne qualité et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Rimini Éditions / Vertigo Productions – La Sept Arte – TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.