Test Blu-ray / Le Jour où la Terre prit feu, réalisé par Val Guest

LE JOUR OÙ LA TERRE PRIT FEU (The Day the Earth caught fire), réalisé par Val Guest, disponible en combo DVD et Blu-Ray le 7 décembre 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Janet Munro, Leo McKern, Edward Judd, Michael Goodliffe, Bernard Braden, Reginald Beckwith, Gene Anderson, Renée Asherson, Arthur Christiansen, Austin Trevor…

Scénario : Wolf Mankowitz & Val Guest

Photographie : Harry Waxman

Musique : Stanley Black

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

En pleine guerre froide, les Etats-Unis et l’URSS jouent à qui a la plus grosse (bombe atomique) et procèdent à des tests d’armes nucléaires exactement au même moment. Des journalistes londoniens découvrent qu’à cause de ces tests, la Terre voit son axe dévier et se dirige lentement mais sûrement vers le soleil. Peu à peu, les températures s’affolent. La population aussi.

Le Jour où la Terre prit feu ne pouvait s’ouvrir sur un gros plan plus signifiant. A posteriori, on comprend en effet très bien où Val Guest veut en venir en choisissant de faire de Big Ben la figure augurale de son long-métrage : car si on en retient l’hybridation très réussie entre film post-apo (ou plutôt ici, pré-apo) et film d’enquête journalistique, Le Jour où la Terre prit feu est aussi et surtout un film sur le temps. Ici, le temps passe, s’arrête et s’accélère au gré des révélations en chaîne, des attentes angoissantes ou des rares moments de calme, conférant au film un rythme aussi détraqué que l’axe de rotation de la planète – jusqu’à un compte à rebours final mémorable. Le cadran de l’emblématique clocher londonien en introduction en est l’image la plus absolue. Elle est suivie par une série de plans fixes montrant la ville vidée de ses habitants. Seule la silhouette d’un homme se dessine, celle d’un journaliste écrasé par la chaleur et se dirigeant vers la salle de rédaction où il travaille – vide, elle aussi – pour y rédiger un dernier article. Premier coup de génie de Val Guest : nanti d’un budget ridicule au vu du potentiel spectaculaire de son synopsis, le réalisateur pallie le manque de moyens par une astucieuse idée de mise en scène et figure la canicule à l’écran par le choix du sepia.

A la faveur d’un flashback, le film change de temporalité, mais aussi de tonalité chromatique. Le cinémascope est toujours là, mais de l’orangé, on passe au noir et blanc. Il faut dire que quelques mois auparavant, la Terre n’était pas encore au bord de l’embrasement. La rédaction du Daily Express, elle, oui. Deux de ses journalistes, l’un chevronné et rôdé à l’urgence (Leo McKern, futur « n°2 » mythique de la série Le Prisonnier), l’autre, alcoolique, en dépression depuis son divorce et ayant perdu de sa superbe éditoriale (Edward Judd), sont persuadés que les caprices nucléaires des deux grandes puissances rivales provoquent les catastrophes (tremblements de terre, tâches solaires, inondations, cyclones…) qui inquiètent la population mondiale. A Londres, un épais brouillard haut de quatre étages plonge les habitants dans la stupéfaction et Val Guest dans la seule séquence réellement spectaculaire du Jour où la Terre prit feu. Car en dehors de ce passage central plongé dans un smog magnifiquement vintage, l’essentiel du film se déroule en intérieur, dans l’appartement de Janet Munro ou dans les locaux du journal. Deuxième coup de génie de Val Guest : tourner dans les véritables bureaux du Daily Express à Fleet street et confier le rôle du rédacteur en chef à Arthur Christiansen… ancien rédacteur en chef du Daily Express. De la salle de rédaction jusqu’aux rotatives, entre le fracas des machines à écrire, les réunions de crise, les coursiers volant de bureau en bureau et les ouvriers du livre s’affairant autour des machines, l’effervescence du monde de la presse y est parfaitement reconstituée. La catastrophe imminente se vit donc par procuration – pas besoin de la filmer… Les velléités documentaristes du cinéaste sont évidentes. Pour renforcer l’aspect réaliste de l’entreprise, troisième coup de génie : l’utilisation de stock-shots issus de reportages où l’on peut voir de vraies scènes de catastrophes naturelles, parfaitement raccordées à celles tournées par Guest. La quasi absence de musique participe aussi de cette volonté d’authenticité (et d’économie!).

Enfin, la seule lecture du synopsis suffit à souligner l’aspect terriblement visionnaire du Jour où la Terre prit feu, qui non seulement annonce le réchauffement climatique du fait de la bêtise humaine mais ne prend pas le parti d’une conclusion optimiste ou pessimiste (d’ailleurs, aucun carton de fin ne vient clore le film), laissant au spectateur de 2023 le choix de décider si la planète se relèvera d’une telle folie. A l’issue d’un ultime travelling latéral dans la salle de rédaction où deux unes du lendemain ont été imprimées (l’une annonçant le sauvetage de l’humanité, l’autre sa destruction), à nous de continuer – ou non – à regarder ailleurs pendant que notre maison brûle.

LE BLU-RAY

Le film, édité chez Studiocanal, est présenté en double programme avec Le Cirque des horreurs, de Sidney Hayers, dans un boîtier digipack comprenant un combo 1 Blu-Ray + 1 DVD par film. Make My Day n°54.

Les deux films n’ont pas grand-chose de commun, ni dans les histoires qu’ils proposent ni dans la façon dont leurs réalisateurs respectifs les racontent, mais on décèle ça et là quelques points intéressants : le lieu de tournage hors-studio (un vrai cirque pour l’un, une vraie salle de rédaction pour l’autre), leur ancrage très net dans la production britannique de l’époque, leur incarnation du début des années 60. De quoi justifier leur présence dans un même coffret dont le film de Guest constitue indéniablement la pièce maîtresse.

Dans le bonus assuré par Philippe Rouyer (30′), ce dernier se montre d’ailleurs nettement plus enthousiaste qu’au moment de présenter celui de Sidney Hayers. On y décèle une authentique admiration de sa part pour le cinéaste, à qui l’on doit par ailleurs les deux volets du cultissime dyptique originel de SF consacré au professeur Quatermass (Le Monstre en 1955 et La Marque en 1957). Même chose pour Jean-Baptiste Thoret (8′), créateur de la collection Make my day, fan du film de Val Guest dont il loue le caractère hyper-visionnaire avec beaucoup de chaleur (et pour cause). Dans les deux cas, on regrette juste de ne pas pouvoir visionner la moindre bande-annonce ni les très belles affiches originales qui auraient pu être proposées dans une galerie.

Crédits images : © Studiocanal / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Une réflexion sur « Test Blu-ray / Le Jour où la Terre prit feu, réalisé par Val Guest »

  1. J’espère que les 2 hurluberlus suscités ( pardon, ‘ honorables collègues ) mentionnent le Night of the big heat – qui surfe sur le même postulat quelques années plus tard . Mais qui , à cause de son titre , eut le malheur de se voir caviardé de séquences … Pornos du plus bel effet ( véridiques ) .
    🙂

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