LE DRAPEAU NOIR FLOTTE SUR LA MARMITE réalisé par Michel Audiard, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juin 2023 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Jean Gabin, Jacques Marin, André Pousse, Jean Carmet, Raymond Meunier, Micheline Luccioni, Yves Barsacq, Jacqueline Doyen, Roger Lumont, Michel Pilorgé, Ginette Garcin, Gilberte Géniat, Eric Damain, Ginette Leclerc, Claude Piéplu…
Scénario : Michel Audiard & Jean-Marie Poiré, d’après le roman de René Fallet
Photographie : Pierre Petit
Musique : Georges Brassens
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1971
LE FILM
Victor, épicier et patron tyrannique ne cesse de parler à sa famille de son passé de marin, bien que ceux-ci ne l’ont jamais cru. Lorsque son neveu gagne un concours de maquette de bateau et est chargé d’en construire un à échelle réelle, Victor va tenter de s’imposer comme le patron de la petite équipe…
Invisible pendant près d’un demi-siècle en raison de droits partagés entre Paramount et Universal, Le Drapeau noir flotte sur la marmite réapparaît dans une copie intégralement restaurée. Unique opus dans lequel Michel Audiard « dirige » Jean Gabin, cette bizarrerie que le Vieux tourne entre Le Chat de Pierre Granier-Deferre et Le Tueur de Denys de La Patellière est bien plus une curiosité qu’une comédie disons-le d’emblée réussie. Né en 1920, Michel Audiard commence sa longue, mythique et éclectique carrière de scénariste à la fin des années 1940. En 1968, il passe pour la première fois derrière la caméra avec Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Suite à ce grand succès avec plus de 2 millions d’entrées, il enchaîne l’année suivante avec Une Veuve en or avec Michèle Mercier, puis connaît son plus grand triomphe dans les salles avec Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !. En ce qui concerne Le Drapeau noir flotte sur la marmite, nous retrouvons ce qui pouvait faire la qualité, mais aussi malheureusement les défauts de Michel Audiard placé lui-même à la tête d’un long-métrage. Certes celui-ci n’a jamais brillé avec ses mises en scène, mais demeure une sympathique distraction, une fantaisie où les acteurs livrent de merveilleux numéros, tout en se délectant des dialogues truculents signés bien sûr Audiard lui-même. Derrière ce titre à rallonge comme les affectionnait Michel Audiard, nous trouvons une comédie aux scènes lâchement reliées entre elles, prétextes à une poilade entre amis, coécrite avec Jean-Marie Poiré, d’après un roman de René Fallet (La Soupe aux choux, Un idiot à Paris, Les Vieux de la vieille, Le Triporteur, Porte des Lilas). Ainsi, Jean Gabin s’avère comme toujours remarquable dans la peau d’un mythomane, qui va se retrouver confronter au mensonge qui entoure son existence, pour épater ce qui lui reste de famille, y compris son jeune neveu, qui l’admire et le prend pour un grand aventurier. Moins foutraque qu’à son habitude, probablement en raison d’un casting sur lequel trône le Vieux, Michel Audiard peine toutefois à maintenir l’intérêt du début à la fin, à trouver un rythme sur la durée et met un peu de tout dans sa tambouille, ou la marmite ici, au risque de frôler souvent l’indigestion. Néanmoins, découvrir ce Drapeau noir… fait indéniablement plaisir pour les complétistes que nous sommes.
Alexandre Volabruque, le chef d’Antoine Simonet à la SNCF, à Villeneuve Saint Georges, félicite chaleureusement son employé pour la construction d’une maquette de frégate(en allumettes) avec laquelle il vient de remporter un prix à l’Exposition des Artistes Cheminots. Mais Volabruque, qui a de la suite dans les idées, tient à présent à ce que Simonet lui construise un véritable bateau pour pêcher la daurade. Il a en effet l’idée fixe d’aller passer sa retraite à Dieppe, à bord d’un Grondin, qui lui permettrait de vivre du produit de sa pêche. Simonet, songeant à son avancement, n’ose pas refuser, d’autant plus que Volabruque a encore deux ans à faire avant de prendre sa retraite… et n’est pas réputé pour être tendre. Il ne lui reste plus qu’à faire appel à l’oncle Victor Ploubaz, un vieux loup de mer ayant sillonné tous les océans. Ploubaz s’installe chez Simonet après avoir imposé à Volabruque de renoncer à construire son Grondin, au profit d’un sloop à gréement Marconi. On en comprendra plus tard la raison. Le voilier est construit dans le jardin familial avec l’aide de collègues de Simonet qui se prennent tous au jeu et ne jurent bientôt plus que par la mer et les bateaux. Balloche, en particulier, renonce à sa passion exclusive pour le vélo, pour ne plus rêver que vagues et gréements. Après quelques semaines, et plusieurs incidents cocasses, le voilier est enfin prêt. Mais le fameux loup de mer n’est pas celui que l’on croit, et le sort du bateau et des parties de pêche de Volabruque est bientôt remis en question…
On dit qu’« On n’est jamais si bien servi que par soi-même », mais ce n’est pas tout à fait vrai pour Michel Audiard, dont les dialogues signés pour ses propres films en tant que réalisateur, ne résonnent pas du tout de la même façon que quand un autre s’en empare. C’est le cas cette fois encore pour Le Drapeau noir flotte sur la marmite, qui contient de bons mots d’auteur, mais peu et moins percutants. Tout y est ici plus mécanique, artificiel, comme si Michel Audiard se contentait de filmer platement ses potes en train de débiter ses apophtegmes, sans avoir aucune autre prétention. Si Jean Gabin, impérial avec sa véritable casquette de marin, entamait l’ultime partie de sa vie et donc de sa filmographie (il ne tournera plus que six longs-métrages après celui-là), on retiendra surtout la prestation de l’ (par le talent) Jacques Marin, dont nous avons déjà parlé. Il faudra qu’un historien du cinéma se penche un jour sur ce petit bonhomme qui aura tout de même travaillé avec Jean Dalannoy, René Clément, André Cayatte, Henri Verneuil, Claude Autant-Lara, mais aussi John Huston, Richard Fleischer, Gene Kelly, Ted Kotcheff, Stanley Donen, William Wyler, Jack Cardiff, Blake Edwards, John Guillermin, John Schlesinger et bien d’autres. Il tient la dragée haute à son aîné et leurs scènes sont les meilleures du film. Évidemment, Claude Piéplu, Micheline Luccioni, Jean Carmet, Ginette Leclerc (explosive), André Pousse et les autres savent qu’ils n’ont pas grand-chose à défendre, mais leur présence suffit pour notre bon plaisir.
Pour l’anecdote, le titre provient de Jean Gabin (et d’une expression déjà existante), qui au cours d’une conversation avec Michel Audiard, lui expliquait qu’à un moment de sa carrière, « le drapeau noir flottait au-dessus de la marmite », autrement dit que le comédien avait été obligé d’accepter des projets sans intérêt, dans le but de nourrir de sa famille, car la situation commençait à devenir critique. Il n’en fallait pas plus à Audiard pour changer le titre du livre de René Fallet, Il était un petit navire, pour ensuite l’arranger à sa sauce (pesante sur l’estomac). Bon point également pour la jolie musique de Georges Brassens, ainsi que l’aspect documentaire rendu par un tournage dans les rues de Villeneuve-Saint-Georges, par ailleurs ville natale de René Fallet.
Après cet échec au box-office (750.000 entrées), Michel Audiard tentera de renouer avec le succès en livrant une fausse suite à Elle boit pas…, en l’occurrence Elle cause plus…elle flingue, ce qui lui permettra de renouer momentanément avec le public.
LE BLU-RAY
Comme nous l’indiquions sur la chronique de La Vierge du Rhin, Coin de Mire Cinéma délaisse, on l’espère momentanément, le Digibook en raison de la situation du marché du DVD/Blu-ray en France et de l’explosion du coût de fabrication des dits objets. Thierry Blondeau, le grand manitou de Coin de Mire Cinéma, s’est longtemps battu pour pouvoir disposer des droits de Le Drapeau noir flotte sur la marmite. C’est désormais chose faite ! La galette HD est présentée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même glissé dans un surétui cartonné. La jaquette et le menu principal (fixe et musical) reprennent les même spécificités habituelles de l’éditeur.
Aujourd’hui, La Séance démarre par les journaux des actualités de la 41è semaine de l’année 1971. Gros plan sur un certain Roger Dechambre, dont la particularité est de s’entraîner quotidiennement afin de participer à tous les jeux radiophoniques existants. On le retrouve ainsi face à Pierre Bellemare et Lucien Jeunesse. C’est ici l’occasion de voir qu’on pouvait déjà être « connecté » en permanence à tous les médias. Place ensuite à la route du Champagne avec les nouvelles vendanges, sans oublier le Boulevard du Rhum, en d’autres termes, le tournage du dernier film de Robert Enrico, en compagnie du réalisateur et de ses deux stars, Brigitte Bardot et Lino Ventura.
Place aux réclames publicitaires ! Il y en a pour tous les goûts et surtout pour les amateurs de comédies musicales ! Avec Frigécrème, Chocorêve, Pernod (« Très frais, très jaune, très Pernod ! »), Tuc (« Tuc à toute heure »), la margarine Astra, Babybel, Total, sans oublier le riz Lustucru avec les jeunes Thierry Lhermitte et Valérie Mairesse !
Julien Comelli, qui était déjà intervenu sur plusieurs titres Coin de Mire Cinéma, nous présente Le Drapeau noir flotte sur la marmite. Le journaliste en pop culture nous explique pourquoi le film de Michel Audiard était invisible depuis plus d’un demi-siècle et dormait jusqu’alors dans un tiroir à Hollywood, jusqu’à ce Thierry Blondeau réussisse à persuader les ayants droit de les lui vendre. Julien Comelli se focalise ensuite un peu plus sur le Michel Audiard réalisateur (« une erreur de parcours » dira toujours l’intéressé), qui en réalité n’aura vraiment voulu faire que son premier long-métrage, Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages en 1968. Le casting (dont un bel hommage à Jacques Marin), les rapports de Michel Audiard et de la Nouvelle vague, les collaborations du dialoguiste avec Jean Gabin, la participation au scénario du jeune Jean-Marie Poiré, la musique de Georges Brassens et d’autres éléments sont abordés au cours de cette excellente intervention.
L’éditeur a ensuite pu mettre la main sur un making of d’époque, constitué d’interviews de Jean Gabin, Michel Audiard et René Fallet, le tout illustré par des images de plateau. Un vrai petit trésor, au cours duquel le Vieux explique en détail la signification du titre, tandis que René Fallet, alors le seul citoyen d’honneur de Villeneuve Saint Georges, dit être ravi que le tournage se déroule dans sa ville natale. Si Michel Audiard, qui ne dit pas non à l’idée de reproposer un film à Jean Gabin, ce dernier déclare « Lui il a encore tout l’avenir devant lui, moi il est quand même limité l’avenir ! ».
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Une résurrection. Et cette fois le mot n’est pas de trop. Des années de négociations ont enfin permis d’exhumer Le Drapeau noir flotte sur la marmite, qui s’offre enfin à nous en Haute définition (1080p), dans une nouvelle copie entièrement restaurée à partir d’un master 4K. L’élégante photo signée Pierre Petit (Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause, Le Rapace, La Roue) semble ne pas fêter son demi-siècle. Cette édition renforce les contrastes et l’homogénéité n’est jamais prise en défaut. L’image est stable, entièrement débarrassée de poussières diverses et variées qui avaient sûrement dû s’accumuler avec les années, les yeux bleus de Jean Gabin brillent de mille feux, les scènes en extérieur affichent une superbe luminosité, tout comme un relief inattendu, un piqué souvent pointu et des couleurs tranchantes. Merci monsieur Blondeau.
La musique de Georges Brassens donne le la dès le générique. La bande-son a été restaurée de fond en comble, et le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono s’en donne à coeur joie. Les dialogues de Michel Audiard sont toujours intelligibles et les effets annexes jouissent d’un joli coffre. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Paramount – Studiocanal – Gafer / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
Bonjour, le blu ray est restauré en 4k. Est-ce que l’on peut le lire avec un lecteur blu Ray classique ou est-il nécessaire d’avoir un lecteur compatible 4k ?
Bonjour Frédéric. Bien sûr, il s’agit juste de la restauration 4K, mais il s’agit d’un Blu-ray classique, ne vous en faites pas !
Super, merci pour cette réponse rapide. Très bon WE