
LA SORCIÈRE SANGLANTE (I Lunghi capelli della morte) réalisé par Antonio Margheriti, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 3 juin 2025 chez Artus Films.
Acteurs : Barbara Steele, George Ardisson, Halina Zalewska, Umberto Raho, Laura Nucci, Giuliano Raffaelli, Nello Pazzafini, Jeffrey Darcey…
Scénario : Antonio Margheriti & Tonino Valerii, d’après une histoire originale d’Ernesto Gastaldi
Photographie : Riccardo Pallottini
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
À la fin du XVème siècle, Adèle Karnstein est condamnée au bûcher, accusée d’avoir tué le comte Franz à l’aide de ses pouvoirs maléfiques. Sa fille aînée, Helen, tente de la sauver en accordant ses faveurs au comte Humboldt. Mais hélas, il est déjà trop tard. Avant de mourir devant les yeux de sa plus jeune fille, Elizabeth, Adèle lance une terrible malédiction. Peu après, Helen est tuée par le comte Humboldt, qui craint les représailles de l’église pour le crime d’adultère. La malédiction s’opère, et une épidémie de peste s’abat sur la région. C’est dans cette ambiance lugubre que surgit Mary, d’outre-tombe, pour séduire Kurt, le fils du comte…

Réalisé par l’éclectique et inclassable Anthony M. Dawson aka Antonio Margheriti (1930-2002), metteur en scène des illustres Opération Goldman en 1966, Django, la mort est là (1968), Contronatura (1969), La Brute, le Colt et le Karaté (1974), Pulsions cannibales (1980), Nom de code : Oies sauvages (1984), pour ne citer que ceux-là et ainsi vous montrer la capacité du cinéaste à passer d’un genre à l’autre, La Sorcière sanglante – I lunghi capelli della morte est l’un de ses plus grands films. Immédiatement ou presque après Danse macabre, le temps d’emballer trois autres films la même année, Antonio Margheriti retrouve la britannique Barbara Steele pour un nouvel opus d’horreur gothique. S’il n’atteint pas la complète réussite de son précédent ouvrage, ainsi que de La Vierge de Nuremberg – La Vergine di Norimberga (1963), le metteur en scène signe tout de même un autre classique du genre, qui se démarque de ses camarades par son cadre spatio-temporel original et qui plonge le spectateur dans un récit fantastique qui donne toujours autant la chair de poule.


En Europe centrale en 1499, Adele Karnstein est accusée de sorcellerie et du meurtre du comte Franz, qui règne sur la région. En conséquence, elle est emprisonnée dans le château du noble. Adele a deux filles : une plus jeune nommée Lisabeth et une autre, Helen Rochefort, qui prend immédiatement la défense de sa mère auprès du frère du comte assassiné, car elle est convaincue de l’innocence de sa mère. Elle suppose que quelqu’un au château avait un intérêt beaucoup plus grand dans la mort du comte Franz. Le frère de Franz ne veut pas complètement écarter l’hypothèse d’Helen et la « réconforte ». La mort d’Adele sur le bûcher est pourtant décidée depuis longtemps, mais il est le seul à décider quand. Il fait donc patienter Helen et exige d’elle qu’elle se donne à lui en attendant. Le fils de Franz, Kurt, a cependant de bonnes raisons de ne pas attendre trop longtemps l’ordre d’exécution de son père et ordonne de sa propre initiative d’allumer le bûcher. La petite Lisabeth est rejointe par la servante du comte, Grumalda, et doit assister à la combustion de sa mère dans les flammes. Avant de mourir, la damnée lance des imprécations et des malédictions sauvages sur les responsables de sa mort par le feu et sur les villageois, d’après lesquelles tous les Humboldt vont également mourir le dernier jour de la fin du siècle. Helen, qui craint le pire pour elle et Lisabeth, tente de s’enfuir, mais elle est rattrapée par le frère du comte et précipitée dans une rivière au bord d’une falaise. Grumalda balaye les cendres de la prétendue sorcière Adèle et les enterre avec le corps d’Helen dans un lieu de sépulture, afin qu’au moins Lisabeth, qui doit vivre au château, puisse avoir un endroit pour faire son deuil en silence. Lisabeth, qui ressemble trait pour trait à sa mère, grandit au château Humboldt et doit, selon la volonté du comte, épouser Kurt. Celui-ci avoue, lors d’une dispute avec son père, qu’il a en réalité tué le frère de ce dernier, ou plutôt son oncle Franz, car il veut s’approprier tout l’héritage : titre, droit de seigneurie et château. Kurt est alors déshérité par son père. Le dernier jour de l’année 1499 est arrivé. La peste fait rage partout et la malédiction d’Adele semble se réaliser, car les habitants des murs du château commencent à blâmer les Humboldt pour ce fléau et sont sur le point de prendre le château d’assaut. Puis un violent orage éclate et, à la suite d’un coup de foudre, Helen se réveille d’entre les morts et sort de sa tombe.


Et ce n’est que le début des aventures de ce pauvre Kurt ! En effet, même si nous n’avons souvent d’yeux que pour Barbara Steele (à l’affiche de huit longs-métrages en 1964, y compris chez Lucio Fulci et Georges Lautner), George Ardisson (Hercule contre les vampires, La Ruée des Vikings, Django défie Sartana) se taille la part du lion et l’on jubile de voir ce pauvre Kurt Sebastian Weil Humboldt décliner, devenir fou, tout en essayant de se raccrocher à la belle Helen (ou Mary) Rochefort Karnstein. Belle interprétation également de Halina Zalewska, dans un double-rôle, celui d’Helen Rochefort Karnstein, dont l’exécution ouvre le film, puis dans la peau de Mary Karnstein, sa fille. Italienne, mais née en Suisse et d’origine polonaise, Halina Zalewska a traversé le cinéma durant une quinzaine d’années, où son étrange beauté est apparue chez Luchino Visconti dans Le Guépard, Hercule, Samson et Ulysse de Pietro Francisci , Cent millions ont disparu d’Ettore Scola, Un ange pour Satan de Camillo Mastrocinque et Les Tueurs de l’Ouest d’Eugenio Martin, avant de mourir tragiquement en 1976 à l’âge de 36 ans.


La Sorcière sanglante apparaît comme un manifeste féministe, où les femmes, victimes des hommes, bravent la mort pour pouvoir se venger de leur perfidie, de leurs tromperies, de leurs crimes. Antonio Margheriti, expert en effets spéciaux, a recours à certains tours hérités de Georges Méliès, et la magie fonctionne à l’écran. L’étau se resserre autour de Kurt, qui perd petit à petit la raison, à mesure que les phénomènes paranormaux se multiplient.


Le final, on peut en parler comme le film a tout de même soixante ans, est un monument à part entière et annonce même celui de The Wicker Man de Robin Hardy. On se doute après avoir vu la fabrication de la grande marionnette articulée, arborant les longs cheveux coupés de la survivante de la peste, que cette création servira plus tard. Effectivement, Kurt y est bâillonné et ligoté, complètement immobilisé, telle une véritable marionnette. La terrible prophétie d’Adele a été accomplie par les filles et la vengeance est consommée.


Magnifiquement photographié par Riccardo Pallottini (Danse macabre, Société anonyme anti-crime, Lady Frankenstein), marqué par la composition entêtante de Carlo Rustichelli (Un vrai crime d’amour, L’Appel de la forêt, Détenu en attente de jugement),I lunghi capelli della morte est une superbe expérience de cinéma, une séance d’hypnose, une référence de l’épouvante gothique italien, remarquablement écrit par Ernesto Gastaldi (qu’on ne présente plus), secondé par Tonino Valerii (Mon nom est Personne, Folie meurtrière, Le Dernier jour de la colère, Lanky, l’homme à la carabine) et emballé par l’un des plus grands artisans de la série B venue de l’autre côté des Alpes. Et pour info, La Sorcière sanglante restera le plus grand succès du gothique italien.


LE COMBO BLU-RAY + DVD
Après Danse macabre en décembre 2024, Artus Fims revient à Barbara Steele en proposant Un ange pour Satan de Camillo Mastrocinque et La Sorcière sanglante d’Antonio Margheriti en Combo Blu-ray + DVD. On espère que l’éditeur nous proposera prochainement en Haute-Définition Nom de code : Oies sauvages, Contronatura, Joe l’implacable, Opération Goldman, La Planète des hommes perdus (tous déjà disponibles chez l’éditeur en DVD), et peut-être d’autres titres inédits d’Antonio Margheriti, que nous adorons à Homepopcorn. La Sorcière sanglante est édité sous la forme d’un digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est fixe et musical. Notons que La Sorcière sanglante était déjà sorti en DVD chez Artus Films en octobre 2006.


Précipitez-vous sur la présentation de Nicolas Stanzick ! Durant près de quarante minutes, le journaliste et auteur de Dans les griffes de la Hammer revient sur tous les aspects de La Sorcière sanglante, “ou la conclusion de la trilogie gothique, qui contient aussi un diptyque avec Barbara Steele”. L’âge d’or du cinéma gothique italien est ainsi passé en revue, ses trois auteurs (Riccardo Freda, Mario Bava Antonio Margheriti), ses codes, ses titres emblématiques, Nicolas Stanzick indiquant que le réalisateur qui nous intéresse aujourd’hui est sans doute “celui qui aborde le genre avec honnêteté, comme une profession de foi”. La carrière d’Antonio Margheriti est évoquée, ansi que sa passion pour les effets spéciaux, tout en insistant sur le fait que le gothique continuera d’imprégner une grande partie de sa filmographie. Le fond et la forme de La Sorcière sanglante, sa spécificité (avec son récit se déroulant à l’époque médiévale), les parallèles avec Le Corps et le fouet de Mario Bava, le thème de la sorcellerie, ainsi que le triomphe du film sont aussi les sujets abordés au cours de cette merveilleuse présentation.


L’éminent scénariste Ernesto Gastaldi (bientôt 91 ans), revient sur La Sorcière sanglante dans un entretien récent (26’). Il revient notamment sur sa rencontre avec Antonio Margheriti, avec lequel il est devenu très ami et ce dès 1955. Puis, il aborde la genèse et l’écriture de La Sorcière sanglante, partage quelques souvenirs quant à leur mode opératoire, tout en insistant sur le fait que leur relation était basée sur l’humour. Ernesto Gastaldi avoue qu’il ne se souvenait pas de La Sorcière sanglante, avant de le revoir pour cette interview, puis parle de Barbara Steele, de l’amour du réalisateur pour les effets spéciaux, avant de conclure en indiquant qu’il considère Antonio Margheriti comme un autre père du cinéma d’horreur italien auprès de Mario Bava.

Pour cette nouvelle édition, Artus Films ajoute le générique anglais du film (2’35), un nouveau Diaporama d’affiches et de photos, le film-annonce italien et la bande-annonce anglaise.


Mais attendez, c’est loin d’être terminé, puisqu’Artus Films reprend aussi les bonus de son édition DVD sortie en 2006 ! Ceux-ci sont exclusivement proposés sur le Blu-ray.
On (re)démarre par un entretien avec Edoardo Margheriti (11’). Le fils du réalisateur Antonio Margheriti évoque brièvement ses années passées auprès de son père comme assistant, où il avait aussi parfois la charge des effets spéciaux. Également metteur en scène et producteur, Edoardo Margheriti revient sur La Sorcière sanglante, tout en dressant un très beau portrait de son père. Il insiste sur la passion de ce dernier pour le cinéma d’horreur gothique (au point qu’il regrettait de ne pas pouvoir en refaire après que le genre soit passé de mode), et déclare que son père avait horreur du sang (d’où l’utilisation du N&B).

Le module intitulé Mon ami Nini (15’30), est un entretien avec Luigi Cozzi, passionné de science-fiction et de fantastique, journaliste, scénariste et réalisateur, qui revient abondamment sur Antonio Margheriti. À travers moult anecdotes, c’est un nouveau portrait du réalisateur qui est ici dessiné. Luigi Cozzi aborde sa passion pour les effets spéciaux, sa filmographie prolifique (« C’était un forçat de travail…mais il le faisait aussi pour renflouer ses comptes »), sa virtuosité technique, puis parle brièvement de La Sorcière sanglante, « sans doute moins beau et tendu que Danse macabre ».

L’un des gros morceaux de cette interactivité demeure la présentation de l’illustre Alain Petit (42’), qu’on ne voit malheureusement plus, qu’on se permet de saluer et de remercier pour toutes ses formidables interventions, notamment chez Artus Films. Il revenait d’ailleurs avec pertinence et érudition sur La Sorcière sanglante, ainsi que sur l’horreur gothique italien. Cela nous permet de recroiser certaines informations données par Nicolas Stanzick quasiment vingt ans plus tard. L’icône Barbara Steele, l’évolution du genre (vers ce qui deviendra finalement le giallo), le triomphe du film en Italie, sa sortie très tardive en France, le scénario, la musique, la carrière d’Antonio Margheriti (« un des artisans les plus doués du bis italien »), sa passion pour les effets spéciaux et bien d’autres sujets sont abordés ici. Vous nous manquez monsieur Petit !

On termine, et cette fois pour de bon, sur une rencontre avec Anne Ferlat (18’), écrivaine, conférencière, auteure d’un essai sur les traditions européennes, titulaire d’une thèse en sociologie, sur le retour aux religions de la nature. Autant vous dire que ce bonus s’adressera aux plus pointus, même si les propos d’Anne Ferlat restent accessibles. Riche sur le sujet de la sorcellerie, cette analyse vaut assurément qu’on s’y attarde.

L’Image et le son
Quelques petits défauts constatés, quand bien même la propreté de la copie est indéniable, surtout en comparaison avec celle sortie en DVD en 2006 chez le même éditeur. Exit les rayures et les poussières, les contrastes sont ici solides, les noirs sont denses, les gris riches, la stabilité rarement démentie, la texture argentique bien équilibrée et l’ensemble est lumineux. Les conditions de visionnage sont confortables (adieu les pixels de l’ancien DVD!) et permettent de (re)découvrir La Sorcière sanglante. Blu-ray au format 1080p.

La version originale est évidemment celle à privilégier, d’autant plus que la VF s’avère assez monotone et marquée par un bruit de fond jusqu’à la fin. La VO est riche, ample, équilibrée. ATTENTION, sur le DVD, la piste italienne se coupe au bout d’une heure ! Nous avons prévenu l’éditeur.



Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr