LA CHARTREUSE DE PARME réalisé par Christian-Jaque, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 décembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Gérard Philipe, Renée Faure, Maria Casarès, Louis Salou, Lucien Coëdel, Tullio Carminati, Louis Seigner, Aldo Silvani, Maria Michi, Claudio Gora…
Scénario : Pierre Véry, Pierre Jarry & Christian-Jaque, d’après le roman de Stendhal
Photographie : Nicolas Hayer
Musique : Renzo Rossellini
Durée : 2h46
Date de sortie initiale : 1948
LE FILM
En 1821, Fabrice Del Dongo quitte Naples où il a terminé ses études ecclésiastiques et arrive chez sa tante, la duchesse de Sanseverina, à Parme. Fasciné par Napoléon, Fabrice rêve de grandes actions et d’aventures guerrières, mais, destiné par sa famille à être prélat, il ne fera que multiplier les aventures amoureuses…
En 1947, la carrière au cinéma de Gérard Philipe explose avec Le Diable au corps de Claude Autant-Lara. Cette adaptation du roman éponyme de Raymond Radiguet s’accompagne d’un parfum de scandale et attire près de 5 millions de spectateurs dans les salles. Le succès de La Chartreuse de Parme, coproduction franco-italienne, sera encore plus fulgurant et quelques mois seulement après Le Diable au corps, le film de Christian-Jaque franchit la barre des 6 millions de spectateurs. Du haut de ses 26 ans, Gérard Philipe foudroie par son charisme, sa fougue et son immense sensibilité, trois caractéristiques qui ne se démentiront jamais jusqu’à sa mort prématurée en 1959 à l’âge de 36 ans. S’il avait connu une adaptation à l’opéra, l’oeuvre de Stendhal publiée – en deux volumes en 1839 – n’avait pas encore connu les honneurs d’une transposition au cinéma. La version de Christian-Jaque s’en éloigne parfois, au point que certains crieront au scandale à la sortie du film (entre autres, tout le début du roman et la bataille de Waterloo sont juste évoqués ici), mais pourtant La Chartreuse de Parme ne démérite pas et demeure un film romanesque, qui conserve intact son charme d’antan, qui reste brillamment interprété et surtout porté par un souffle aussi exalté que passionné qui emporte facilement le spectateur durant 2h45.
En 1821, après trois ans d’études ecclésiastiques, Fabrice del Dongo revient à Parme rejoindre sa jolie tante la duchesse Sanseverina, qui tombe amoureuse de lui. Mais le jeune homme ignore ce sentiment et cherche ailleurs ses aventures galantes ; une idylle avec une cantatrice se termine par un duel. Puis Fabrice poursuit une ingénue comédienne. Mais il est attaqué par le directeur de la troupe, qu’il tue. Il est arrêté en cherchant à traverser la frontière pour passer en Lombardie. Transféré à la citadelle de Parme, il est enfermé à la tour Farnèse et condamné à 20 ans de prison. Clélia Conti, la fille du gouverneur de la prison tombe amoureuse du beau prisonnier. Ils communiquent grâce à la complicité du geôlier (Louis Seigner, phénoménal). Clélia réussit à faire échouer la tentative d’empoisonnement dont le comte Mosca, épris de la duchesse et jaloux de Fabrice, est l’auteur. Elle jure d’épouser le marquis Creszenzi, un parvenu que son père lui destine malgré elle, si Fabrice est sauvé.
Nous ne pointerons pas les différences notables entre le livre et le film, d’une part parce que le souvenir du roman de Stendhal semble diffus, d’autre part parce qu’il est fort possible qu’on ne l’ai pas lu en fait. Toujours est-il que le long-métrage de Christian Maudet alias Christian-Jaque (1904-1994), prolifique scénariste et metteur en scène (59 longs métrages à son actif de 1932 à 1977), reste symbolique du cinéma classique français, que certaines mauvaises langues qualifieront de poussiéreux, mais qui n’en demeure pas moins propre, efficace, solide du point de vue technique et qui s’attachait au soin des costumes et des décors, ainsi qu’à l’élégance des images puisque pour le réalisateur le cinéma devait avant tout rester une évasion. Avec Les Disparus de Saint-Agil (1938), L’Assassinat du père Noël (1941), Boule de suif (1945), Fanfan la Tulipe (1952), Si tous les gars du monde (1956), Les Bonnes Causes (1962) et La Tulipe Noire (1964), La Chartreuse de Parme est sans nul doute l’un de ses films les plus célèbres. Outre la beauté incommensurable de la photographie de Nicolas Hayer (Panique de Julien Duvivier, Au grand balcon de Henri Decoin, Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot) et de la musique lyrique signée Renzo Rossellini, ce que l’on retient évidemment en premier de La Chartreuse de Parme est son casting.
Gérard Philipe est juste parfait, déjà extrêmement à l’aise au maniement de l’épée et dans les scènes d’action où il n’est pas doublé, dans le rôle de Fabrice del Dongo, qui confère à son personnage une innocence juvénile qui contraste constamment avec une sensualité-sexualité débordante, et dont le charme ravageur n’est pas sans donner quelques frissons aux femmes qui l’entourent (dont ses anciennes conquêtes) et rendre jaloux les compagnons ou les pères de ces demoiselles en fleur. Mais même si Gérard Philipe reste aujourd’hui l’une des principales attractions de La Chartreuse de Parme, le comédien se fait instantanément voler la vedette à chaque apparition de l’extraordinaire et sublime Maria Casarès, qui incarne ici la duchesse Sanseverina. Celle qui fut Nathalie, la fille du directeur du théâtre des Funambules dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné et la vénéneuse Hélène dans Les Dames du bois de Boulogne de Robert Bresson, crève l’écran une fois de plus dans le film de Christian-Jaque. Éprise de son neveu, l’inceste est d’ailleurs évoqué au détour d’une réplique, Sanseverina, qui lutte constamment contre ses sentiments qu’elle sait interdits, est bouleversée quand elle découvre le nouvel amour de Fabrice pour la jeune Clélia. Elle se résigne à vieillir aux côtés d’un homme plus âgé qu’elle, le comte Mosca (Tullio Carminati) et fera tout, y compris mettre sa vie en danger ou à se donner au prince Ernest IV (Louis Salou, le comte Édouard de Montray des Enfants du Paradis), monarque fou qui s’ennuie tellement qu’il s’amuse à semer la zizanie parmi ses sujets, pour sauver l’existence de Fabrice. C’est incontestablement le plus beau personnage de La Chartreuse de Parme, à la fois fort et tragique, ambiguë et bouleversant. De ce fait, Renée Faure, sociétaire de la Comédie-Française, que Christian-Jaque avait fait débuter au cinéma dans L’Assassinat du Père-Noël, fait ce qu’elle peut pour donner un peu de consistance à son rôle plus effacé de Clélia Conti et même si elle le fait bien et possède une belle présence à l’écran, sa partenaire la dévore bel et bien.
Christian-Jaque, Pierre Jarry et surtout Pierre Very (L’Enfer des anges, Papa, maman, la bonne et moi…), prennent comme partis-pris d’adapter l’oeuvre de Stendhal à travers les yeux de ses protagonistes. Il en résulte une histoire d’amour exaltée, pleine d’aventures, de rebondissements et même teintée d’humour, La Chartreuse de Parme est un très grand divertissement populaire.
LE DIGIBOOK
Suite et fin de la vague Coin de Mire Cinéma du mois de décembre 2020. La Chartreuse de Parme rejoint ainsi la collection La Séance de l’éditeur avec dernièrement Le Mouton à cinq pattes de Henri Verneuil, Le Chat et La Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre, Le Soleil des voyous de Jean Delannoy et Le Jardinier d’Argenteuil de Jean-Paul le Chanois. Le film de Christian-Jaque était jusqu’à présent disponible en DVD chez M6 Vidéo, dans la collection Les Classiques Français SNC depuis 2007. Le Digibook de Coin de Mire Cinéma est comme pour les autres titres de l’éditeur, limité à 3000 exemplaires.
L’édition de La Chartreuse de Parme prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm), constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de cette édition contient également la bio-filmographie de Christian-Jaque avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, la reproduction en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, ainsi que la reproduction d’articles tirés de Mon Film et de la couverture du magazine Nous deux mon film. Le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
Ne manquez surtout pas le journal des actualités de la 21è semaine de l’année 1948 (10’) qui reste marqué par la première visite à Paris d’Elizabeth Alexandra Mary, qui deviendra la reine Elisabeth II quatre ans plus tard, qui venait d’ailleurs de quitter le sol britannique pour la première fois de sa vie. La France reçoit la reine et son époux Philip comme il se doit et leur fait faire le tour de la capitale, en passant également par le château de Versailles et l’hippodrome de Longchamp. Elizabeth (encore avec un z) en profite pour s’exprimer à la foule, dans la langue de Molière. Vous trouverez aussi au programme le récap du 10è Grand Prix de Monaco de Formule 1, remporté par l’italien Giuseppe Farina sur Maserati, une représentation assez hallucinante de funambules, sans oublier la visite de Winston Churchill à Oslo.
Les réclames publicitaires (9’) vantent les mérites des Galeries Barbès, l’accueil de l’Hôtel de l’Ouest Betty Rousset, de la margarine Astra (remplie d’huile de palme, idéale pour la santé de toute la famille !) et bien d’autres !
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
La Chartreuse de Parme est présenté dans un master restauré aux normes 2K (scan et étalonnage numérique), dans son format respecté 1.37. Si la copie présente encore quelques défauts, des griffures, certains pompages, des décrochages sur les fondus enchaînés (ou durant la séquence où Fabrice est emmené en prison), des rayures verticales, revoir le film de Christian-Jaque dans ces conditions techniques était sans doute inespéré. Le N&B est dense, les noirs concis, les blancs lumineux, le piqué est souvent vif, la gestion du grain fort correcte et le codec AVC consolide l’ensemble. On oublie donc rapidement les accros subsistant puisque nous n’avions jamais vu cette oeuvre comme cela, aussi pimpante et élégante.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 s’en tire avec tous les honneurs, même s’il faut bien l’avouer, les dialogues restent souvent étouffés et peuvent fluctuer au cours d’une même séquence. L’écoute demeure propre, la part belle est faite à la musique de Renzo Rossellini.