LA BATAILLE DE LA VALLÉE DU DIABLE (Duel at Diablo) réalisé par Ralph Nelson, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 1er juillet 2022 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : James Garner, Sidney Poitier, Bill Travers, Bibi Andersson, Dennis Weaver, William Redfield, John Hubbard, Ralph Nelson.…
Scénario : Marvin Albert & Michael Grilikhes
Photographie : Charles F. Wheeler
Musique : Neal Hefti
Durée : 1h45
Date de sortie initiale: 1966
LE FILM
Le garde-frontière Jess Remsberg a pour mission de conduire un détachement à travers un territoire hostile jusqu’à Fort Conchos. Mais son courage et sa dévotion cache une autre motivation : à destination, se cache l’homme qu’il suspecte du meurtre de sa femme. Tandis que Rosenberg découvre la véritable identité du meurtrier, le convoi est sauvagement attaqué par des apaches…
Ralph Nelson (1916-1987) demeure connu pour Le Lys des champs – Lilies of the Field (1963), nommé pour l’Oscar du meilleur film, récompensé à trois reprises au Festival de Berlin. Quand on creuse un peu sa filmographie, on se rend compte que deux sujets reviennent fréquemment, le racisme et la violence, qui sont souvent imbriqués et dont la représentation reste particulièrement frontale et percutante pour les années 1960. Durant cette décennie, le réalisateur signera tour à tour La Dernière Bagarre – Soldier in the Rain avec Steve McQueen et Jackie Gleason, Le Crash mystérieux – Fate Is the Hunter avec Gleen Ford, Grand méchant loup appelle – Father Goose avec Cary Grant et Leslie Caron (sur un scénario de Peter Stone, Les Pirates du métro de Joseph Sargent), Les Tueurs de San Francisco – Once a Thief avec rien de moins qu’Alain Delon, Ann-Margret, Ven Heflin et Jack Palance, sans oublier son adaptation du roman Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. Charly, qui vaudra l’Oscar du meilleur acteur à Cliff Robertson. Avant d’explorer encore plus loin dans ses thèmes de prédilection avec Tick… Tick… Tick et la violence explosa et surtout Soldat bleu – Soldier Blue, dans lequel il revenait sur le déroulé des guerres indiennes, Ralph Nelson y allait déjà à fond les manettes avec La Bataille de la vallée du diable – Duel at Diablo, l’un de ses trois westerns, dans lequel il dirige à nouveau Sidney Poitier, qui avait lui aussi reçu l’Oscar du meilleur acteur (une première pour un afro-américain) pour Le Lys des champs (ainsi que le BAFTA, le Golden Globe), associé à l’écran avec l’imposant James Garner et la suédoise Bibi Andersson, qui se permettait une récréation hollywoodienne entre Toutes ses femmes et Persona d’Ingmar Bergman. Petit western ambitieux, La Bataille de la vallée du diable n’est pas exempt de défauts, loin s’en faut, mais il contient suffisamment de bons éléments (on a rarement ressenti autant la soif, les brûlures et l’impact des flèches dans un film) et surtout d’excellents acteurs qui en font un bon divertissement.
Peu après avoir découvert le corps d’un éclaireur torturé par les indiens, Jess Remsberg sauve la vie d’un cavalier poursuivi par deux d’entre eux et dont la monture vient de mourir d’épuisement. Lorsqu’il s’en approche, il s’aperçoit qu’il s’agit d’une femme. Il ramène la rescapée, Ellen Grange, à Fort Creel où son mari est commerçant. Pour avoir été enlevée et être restée plusieurs années captive des Apaches, elle était en butte au mépris de la population et avait fui le fort pour rejoindre la tribu. À son retour, son mari Will Grange lui fait d’amers reproches, ne comprenant pas plus que les autres pourquoi elle ne s’est pas donné la mort plutôt que d’être la compagne forcée de Nachee, fils du chef Chata. Remsberg apprend que son vieil ami Scotty McAllister est à présent sous-officier. Lors de leurs retrouvailles, ce dernier lui montre un scalp : celui de la femme comanche de Jess. Scotty lui apprend également le nom du coupable, un marshal sans scrupules nommé Clay Dean. Ivre de vengeance, Remsberg s’apprête à prendre la route de Fort Concho pour aller tuer le meurtrier de sa femme. McAllister le dissuade de partir sur-le-champ et lui propose d’être l’éclaireur du détachement de cavalerie qui doit rallier Fort Creel à Fort Concho sous son commandement, en escorte de deux chariots de munitions. La patrouille est accompagnée de Toller, autrefois sergent du 10e de cavalerie (les Buffalo Soldiers), qui s’occupe à présent de capturer et de débourrer des chevaux pour l’armée ; ainsi que de Grange, dont la femme a de nouveau fugué, qui souhaite bénéficier de la protection militaire pour son transport de marchandises. Entre-temps, Ellen Grange a regagné le campement des Apaches, qui la rudoient. Chata ne lui pardonne pas la mort de son fils Nachee, tué par des blancs. Il autorise Ellen à s’occuper de son fils Kaeta, qu’elle a eu pendant sa captivité et pour lequel elle est revenue, mais il lui annonce qu’elle sera enterrée vive aux côtés de Nachee dans la montagne. Les indiens tendent une embuscade au détachement et détruisent le chariot d’intendance, tuant également plusieurs soldats. McAllister, blessé au cours de l’attaque, compte sur des renforts envoyés de Fort Concho. Lorsque Remsberg, qui a délivré Mme Grange et son fils métis, lui apprend que le messager a été intercepté et tué, il doit élaborer un autre plan : ils feront mine de se diriger vers le campement où Chata a laissé les femmes et les enfants, pour attirer les guerriers sur leurs traces, puis ils bifurqueront vers Diablo Canyon. Là-bas se trouve un point d’eau dont ils ont désespérément besoin.
Commençons par les mauvais points du film. Il y en a. La mise en scène de Ralph Nelson n’est sans doute pas à la hauteur et fait aujourd’hui penser à un épisode de série télévisée. Les scènes d’affrontements sont plutôt sèches, mais la réalisation s’avère souvent confuse, peu aidée en cela par un montage approximatif de Fredric Steinkamp (à qui l’on devra pourtant celui de Tootsie, Fedora, On achève bien les chevaux) et une photographie peu reluisante de Charles F. Wheeler (Che ! de Richard Fleischer, Silent Running de Douglas Trumbull, C.H.O.M.P.S. de Don Chaffey, Condorman de Charles Jarrott). Ça fait déjà beaucoup, mais heureusement, cela n’empiète pas sur le côté divertissant de Duel at Diablo. Le casting est on ne peut plus attractif, avec en premier lieu James Garner, qui enchaînait alors les films les uns à la suite des autres, avec un pic en cette année 1966, avec La Bataille de la vallée du diable, D pour danger – A Man Could Get Killed de Ronald Neame et Cliff Owen, Mister Buddwing de Delbert Mann et Grand Prix de John Frankenheimer. Dix ans après la série Maverick qui a fait de lui une star, le comédien revenait au western en incarnant ici un personnage diamétralement opposé, crasseux et fatigué, animé par le désir de venger sa femme comanche, scalpée par un individu dont l’identité reste trouble.
À ses côtés, tout juste auréolé par son Oscar, Sidney Poitier apparaît dans la peau d’un cowboy dandy, tiré à quatre épingles, un ancien sergent devenu vendeur de chevaux, uniquement attiré par l’appât du gain, qui a pour projet d’ouvrir un saloon. Alors que le racisme envers les Indiens parcourt les veines de La Bataille de la vallée du diable, il n’est curieusement fait mention de la couleur de peau de Toller, ce qui aurait été un élément dramatique « facile » certes, mais qui n’influe jamais sur les personnages. Si certains prennent peur ou deviennent agressifs en présence des Apaches qui rôdent, Toller, peut-être en raison de son costume ou de son background dans l’armée, n’est pas montré du doigt ou vilipendé. Un choix narratif étrange, mais qui reflète le désir de brosser Sidney Poitier dans le sens du poil, comédien en pleine explosion, qui se préparait à tourner Dans la chaleur de la nuit – In the Heat of the Night de Norman Jewison et Devine qui vient dîner… – Guess Who’s Coming to Dinner de Stanley Kramer. Les deux acteurs principaux, très investis dans les scènes d’action, donnent donc la réplique à la belle Bibi Andersson, dans l’une de ses rares incursions dans le cinéma commercial, que l’on retrouvera trois ans plus tard dans La Lettre du Kremlin – The Kremlin letter de John Huston. Blonde platine aux yeux bleus étincelants, sa présence détonne dans La Bataille de la vallée du diable et son personnage est indéniablement le plus intéressant du film. Saluons aussi la solide participation de Dennis Weaver (Willard Grange) et de Bill Travers (le lieutenant Scott McAllister), impeccables, ainsi que les impressionnants décors naturels (capturés entre l’Arizona et l’Utah) et la singularité de la musique composée par Neal Hefti (Pieds nus dans le parc, Boeing Boeing, la série Batman des années 1960).
D’après un scénario de Michael Grilikhes, adapté d’un roman de Marvin H. Albert, Duel at Diablo repose essentiellement sur ses comédiens, qui parviennent à faire oublier une technique somme toute décevante et qui élève guère le niveau du film au-delà de la simple curiosité.
LE BLU-RAY
En fouinant, on se découvre que La Bataille de la vallée du diable disposait jusqu’à présent d’une minuscule édition DVD sortie en 2004 chez MGM / United Artists, reléguée au fin fond d’un catalogue. Sidonis Calysta exhume ce titre de Ralph Nelson, pour l’intégrer à sa collection Silver, en DVD, ainsi qu’en Combo Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.
Honneur aux plus anciens, Patrick Brion démarre les festivités en nous présentant La Bataille de la vallée du diable (16’35), un bonus réalisé à l’occasion de cette sortie. Du haut de ses 80 ans, l’historien du cinéma passe tout d’abord brièvement en revue les quelques westerns américains qui subsistaient en 1966, année de la sortie de Duel at Diablo, comme Les Professionnels de Richard Brooks ou Alvarez Kelly d’Edward Dmytryk. Puis, il évoque la carrière de Ralph Nelson (surtout ses trois westerns), passe le casting en revue, la singularité des personnages (dont celui de Sidney Poitier), la représentation à l’écran des guerres indiennes, ainsi que les « quelques idées curieuses qui parsèment ce film très attachant, assez juste et qui mérite d’être revu ». Attention aux spoilers !
Jean-François Giré intervient à son tour, plus longuement que son confrère, pour nous parler de La Bataille de la vallée du diable (24’), qu’il avait découvert au cinéma à sa sortie et dont la violence, ainsi que le réalisme l’avaient immédiatement frappé. Une intervention très détaillée et qui prend la défense du film de Ralph Nelson, souvent critiqué par les aficionados du western, dont il trouve les scènes de batailles remarquablement mises en scène. L’invité récurrent de Sidonis Calysta donne de nombreuses informations sur le réalisateur, sur son habituelle représentation de la violence, rapproche Duel at Diablo de Fureur Apache de Robert Aldrich, développe les thèmes du film (le racisme) et la psychologie des personnages, parle du casting et de la musique de Neal Hefti. Jean-François Giré indique aussi que la photographie lui pose problème et estime qu’elle n’est pas à la hauteur, malgré des choix de décors parfaits.
L’éditeur a pu mettre la main sur un tout petit making of en N&B (5’). L’occasion de voir les acteurs et le réalisateur sur le plateau, James Garner surtout, qui nous fait une démonstration de ses capacités physiques à cheval, avant de commenter quelques cascades réalisées par les professionnels.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Bof…C’est pas terrible tout ça…S’il n’y a rien vraiment à redire sur la propreté de la copie, l’ensemble est aléatoire au niveau des contrastes, de la texture argentique, de la définition. Les couleurs sont acceptables, ou étrangement fanées et ternes, le grain est tantôt lisse, tantôt équilibré, tantôt grumeleux, des plans « poncés » font leur apparition, parfois même au cours d’un champ-contrechamp. Le prologue et le générique sont peu reluisants. Un master qui a donc déjà quelques heures de vol, sans doute en meilleur état que l’ancien DVD MGM, mais dont l’élévation HD reste complètement anecdotique. Blu-ray au format 1080p.
Comme pour l’image, le confort acoustique est aussi quelque peu hasardeux, en version originale comme en français d’ailleurs. Les deux pistes DTS-HD Master Audio 2.0 sont honnêtes, mais n’hésitez pas à monter le son pour mieux profiter des ambiances et de la musique. La restitution des dialogues est dynamique, suffisamment du moins. Les sous-titres français ne sont pas imposés.