FOLIE MEURTRIÈRE (Mio caro assassino) réalisé par Tonino Valerii, disponible en Blu-ray + CD-audio le 15 février 2022 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : George Hilton, Salvo Randone, William Berger, Marilù Tolo, Manuel Zarzo, Patty Shepard, Piero Lulli, Helga Liné…
Scénario : Roberto Leoni, Tonino Valerii, Franco Bucceri & José Gutiérrez Maesso
Photographie : Manuel Rojas
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1972
LE FILM
L’inspecteur Peretti enquête sur la mystérieuse décapitation d’un agent d’assurances. Au fur et à mesure, d’autres corps sont retrouvés… Un homme est supposé s’être suicidé, une femme est étranglée, une autre attaquée dans son appartement… Tous les indices convergent vers une affaire non résolue, concernant un enlèvement et un meurtre. La seule piste de Peretti sont les dessins d’une petite fille…
Le cinéphile se souvient essentiellement de Tonino Valerii (1934-2016) pour un film, un chef d’oeuvre incontesté, Mon nom est Personne – Il mio nome è Nessuno, chant du cygne, oraison funèbre ou chant mortuaire du western spaghetti, l’enterrement de tout un genre, qui confrontait un personnage à la Sergio Leone (producteur et initiateur du projet) à celui tiré de son pastiche. Ancien assistant de Camillo Mastrocinque et là aussi de Sergio Leone sur Pour une poignée de dollars, ainsi que sur …et pour quelques dollars de plus, Tonino Valerii fait ses propres débuts derrière la caméra immédiatement après le second volet de la Trilogie des Dollars, avec quelques westerns. Il dirige notamment Giuliano Gemma et Lee Van Cleef dans Le Dernier jour de la colère – I Giorni dell’ira, avant d’offrir le rôle de sa vie à Silvia Dionisio dans le drame psychologique Une jeune fille nommée Julien – La ragazza di nome Giulio, adapté du roman à scandale de Milena Milani. En 1972, le metteur en scène désire changer de registre et de surfer sur le succès rencontré par les gialli dans les cinémas du monde entier. Ce sera Folie meurtrière – Mio caro assassino, connu également sous son titre français Mon cher assassin, traduction littérale du titre original. Remarquable opus du genre, ce thriller prend aux tripes du début à la fin, happe l’audience dès sa première séquence, qui a très largement contribué au statut culte du film avec cette excavatrice qui attrape un homme par la tête pour ensuite le décapiter, avant de terrasser définitivement le spectateur au cours d’un final éprouvant pour les nerfs et dont l’image ultime glace les sangs à jamais. Assurément l’un des plus grands fleurons du giallo.
Lorsque l’assureur Paradisi entreprend de draguer un étang avec un ouvrier, c’est toute l’affaire Moroni qui ressurgit, et avec elle son cortège de cadavres… À l’époque, cette sombre affaire de kidnapping d’enfant avait mal tourné et laissé deux morts, la petite Stephania, l’otage, et son père Allessandro, venu remettre la rançon et kidnappé à son tour. Les deux victimes sont mortes de faim dans un bunker. Aujourd’hui, après la décapitation d’un agent d’assurances et la pendaison d’un de ses fonctionnaires, la série noire reprend, quelqu’un voulant faire taire les témoins et faire disparaître les preuves après lesquelles court l’inspecteur Peretti, chargé de l’enquête et bien résolu à devancer le meurtrier.
Le scénario de Folie meurtrière, imputable principalement à Roberto Leoni (Santa Sangre d’Alejandro Jodorowsky) et Franco Bucceri (California de Michele Lupo), auxquel Tonino Valerii aura contribué au cours du tournage, renvoie directement aux enquêtes d’Hercule Poirot, y compris dans son fabuleux final au cours duquel l’inspecteur chargé de l’enquête réunit tous les suspects potentiels, afin de leur dévoiler qui est le véritable coupable. Ce dernier est incarné par George Hilton, de son vrai nom Jorge Hill Acosta y Lara (1934-2019), vu dans moult westerns et autres perles du cinéma Bis (Deux salopards en enfer, Les Rendez-vous de Satan, Le Temps du massacre, L’Adorable Corps de Deborah, Toutes les couleurs du vice). Le comédien britannique d’origine uruguayenne promène élégamment son mètre 85 et campe un flic intègre, bien déterminé à remuer la fange, à aller au bout de son enquête dégueulasse et à trouver le salopard qui a enlevé, séquestré et laissé mourir une gamine. Au cours de ses investigations, il rencontrera quelques personnages peu reluisants, abjectes voire carrément monstrueux et sordides, à l’instar de l’oncle pervers, dont beaucoup d’indices laissent supposer qu’il s’agit en fait d’un pédophile, qui sous couvert de sa situation d’artiste-peintre, fait poser une petite fille nue. Cette apparition très rapide a fait couler beaucoup d’encre à la sortie du film et ce plan inattendu de totale innocence dans un monde putride laisse un goût de fer en bouche.
L’un des éléments inoubliables de Folie meurtrière est la composition du maestro Ennio Morricone, dont la petite comptine qui l’accompagne contraste avec les crimes horribles qui sont commis. Tonino Valerii enchaîne les morceaux de bravoure pendant 1h40. S’il place d’emblée la barre très haut avec sa percutante introduction, le réalisateur parvient à maintenir l’intérêt du spectateur, aussi bien dans le déroulement de l’enquête, que dans les divers assassinats qui parsèment le récit, particulièrement inventifs, comme celui entré dans l’histoire, réalisé à partir d’une scie électrique. Pourtant, ce que l’on retiendra en premier de Folie meurtrière, c’est bel et bien l’émotion qui nous étreint au fur et à mesure que l’on se rend compte du calvaire subi par la petite disparue, jusqu’à la résolution finale. Ce qui révélera à Peretti l’identité du meurtrier est une immense trouvaille, intelligente et bouleversante.
Formidablement mis en scène et interprété (le merveilleux Salvo Randone, acteur fétiche d’Elio Petri, les belles Patty Shepard et Marilù Tolo), Mio caro assassino n’a rien perdu de son efficacité et demeure un modèle de polar. Un admirable whodunit transalpin, à la fois sadique et déchirant.
LE COMBO BLU-RAY + CD
En 2007, Neo Publishing avait déjà proposé Folie meurtrière en édition Standard, dans sa collection Giallo. 2022, Le Chat qui fume remet les pendules à l’heure en sortant le film de Tonino Valerii en Blu-ray, accompagné d’un autre disque, un CD de près d’une heure comprenant 16 titres signés Ennio Morricone, du Venin de la peur à L’Antéchrist, en passant par Holocaust 2000 et L’Affaire Mori. Les deux galettes sont disposées dans un luxueux Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné très classe et au visuel clinquant signé Frhead aka Frédéric Domont. Mention spéciale à la sérigraphie du Blu-ray qui prend la forme d’une scie circulaire. Le menu principal est animé sur la musique d’Ennio Morricone. Edition limitée à 1000 exemplaires.
Omniprésent chez les éditeurs français, Sidonis Calysta, Rimini Editions, Tamasa Dsitribution, Artus Films, TF1 Studio, Jean-François Rauger a aussi réalisé moult interventions pour le compte du Chat qui fume (L’Emmurée vivante, Terreur sur la lagune, A la recherche du plaisir, Le Couteau de glace et La Longue nuit de l’exorcisme) et revient chez ce dernier afin de nous présenter Folie meurtrière (19’). La genèse du film, les thèmes (une charge contre la bourgeoisie, la critique sociale où « tout le monde est coupable »), les partis-pris, les codes du giallo (la «sédimentation» de meurtres), le casting, la musique d’Ennio Morricone, les conditions de tournage (en Italie et en Espagne), la mise en scène des meurtres, les scènes cultes du film, l’utilisation des décors (le commissariat de police notamment), sont les sujets principaux abordés dans ce supplément.
Place au scénariste Roberto Leoni ! Ce dernier présente à son tour Folie meurtrière durant 45 minutes, durant lesquelles il revient premièrement sur ce qui a pu inspirer les films qu’il a écrits, en l’occurrence d’avoir passé son enfance dans le quartier du Trastevere à Rome, un lieu où se déroulait moult faits divers et qu’il qualifie même de « Far West ». Ensuite, Roberto Leoni aborde ses sujets de prédilection, « les sentiments cachés, le dévoilement, montrer ce qui se cache derrière les apparences, trouver la lueur qui représente l’espoir, la violence qui se consume et l’innocence qui finit par triompher », en citant quelques auteurs qui l’ont influencé comme Agatha Christie et William Irish. Il parle aussi la genèse de Folie meurtrière, le travail avec Tonino Valerii (dont il a été l’assistant sur le tournage), les conditions de prises de vue, les effets spéciaux (la première scène et celle de la scie électrique sont passées au peigne fin), le casting, l’accueil critique, les accusations portées à son égard d’avoir « récupéré » l’affaire Milena Sutter (la fille d’un industriel avait disparu, puis son corps sans vie avait été repêché deux semaines après), alors que le film avait été écrit et réalisé bien avant. Roberto Leoni clôt cette interview en indiquant avoir écrit ce film « avec beaucoup de passion » et que « sa force demeure, même s’il a un peu vieilli ».
L’Image et le son
Le Chat qui fume déroule le tapis rouge au film de Tonino Valerii avec un superbe master Haute-Définition (1080p, AVC). Un traitement royal notable dès la mythique séquence inaugurale, avec une propreté sidérante, une copie stable et un piqué aiguisé. Hormis quelques plans flous qui nous semblent d’origine, la photographie est merveilleusement restituée et n’a vraisemblablement jamais été aussi resplendissante à l’écran. Les quelques poussières et griffures qui ont pu échapper au scalpel numérique demeurent subliminales, la restauration subjugue du début à la fin (oublions les deux ou trois poils en bord de cadre), tout comme la luminosité, les couleurs et l’élégante tenue des contrastes.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique d’Ennio Morricone. Elle est la plus dynamique du lot, mais également la plus virulente et la plus frontale dans ses dialogues par rapport à son homologue. La version française DTS HD Master Audio Mono pousse un peu trop les dialogues, légèrement chuintants, au détriment des effets annexes, mais le doublage est très bon et l’on reconnaîtra d’ailleurs la voix de Pierre Arditi, qui prête son timbre à George Hilton. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.