EMMANUELLE – Director’s Cut réalisé par Just Jaeckin, disponible en Blu-ray le 6 janvier 2021 chez Studiocanal.
Acteurs : Sylvia Kristel, Alain Cuny, Marika Green, Daniel Sarky, Jeanne Colletin, Christine Boisson…
Scénario : Jean-Louis Richard, d’après le roman d’Emmanuelle Marsan
Photographie : Richard Suzuki
Musique : Pierre Bachelet
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Emmanuelle, une jeune femme aisée, rejoint son mari, un diplomate en poste à Bangkok. Le trajet l’ennuie et la belle oisive s’offre à deux passagers sans attendre l’atterrissage. L’ennui persistant, Emmanuelle use sans ménagement de la totale liberté qu’entend lui laisser son mari, soucieux d’amener sa femme à plus d’abandon. Elle fait la rencontre de deux jeunes femmes, Marie-Ange et Bee, qui l’initient aux jeux de l’amour. Emmanuelle découvre donc le goût des très jeunes filles en fleur, puis les séductions du sadisme bien tempéré avec Bee, avant de confier à l’inénarrable Mario, professeur d’érotisme réputé en Thaïlande, le soin de lui faire parcourir toute la gamme des plaisirs…
Mélodie d’amour chantait le coeur d’Emmanuelle,
Qui bat coeur à corps perdu,
Mélodie d’amour chantait le corps d’Emmanuelle,
Qui vit corps à coeur déçu… (air connu)
9 millions d’entrées dans les salles françaises (dont plus de 3 millions sur Paris intra-muros), près de 50 millions dans le reste du monde (où il aurait rapporté près de cent millions de dollars), Emmanuelle, le premier long-métrage réalisé par Just Jaeckin (Histoire d’O, Gwendoline), est un film culte, un événement, un phénomène, un monument. Film-phare et emblématique de l’érotisme chic au cinéma qui a fait de Sylvia Kristel une star internationale et une icône du jour au lendemain, Emmanuelle est resté pendant longtemps le mètre-étalon du genre, maintes fois copié, jamais ou alors très rarement égalé, donnant naissance à moult ersatz qui ont fait les beaux jours, ou les belles nuits plutôt, des troisièmes parties de soirées du dimanche sur M6. Vous voyez de quoi je parle petits coquins. Quand les adolescents préparaient une VHS de 240 minutes et enclenchaient en douce l’enregistrement, pour pouvoir le lendemain visionner en cachette Sexy Zap, la coupure publicitaire (« Chaud devant chaud ! Un jingle pub pour la 6 ! »), la première partie du téléfilm (un Zara White, un Black Emanuelle ou autres ré-jouissances), une nouvelle coupure pub (« Le Commandant et son équipage vous souhaitent un bon voyage dans cet espace publicitaire »), puis la dernière partie du spectacle. Bref, Emmanuelle premier du nom est l’adaptation du roman éponyme d’Emmanuelle Arsan, publié en 1959, qui avait déjà connu une première transposition au cinéma en 1969, en Italie plus précisément, sous le titre Moi, Emmanuelle – Io, Emmanuelle, mis en scène par Cesare Canevari, réalisateur des fameux ¡Mátalo! (1970) et La Dernière orgie du IIIème Reich (1977), avec rien de mois qu’Erika Blanc dans le rôle-titre. Mais l’histoire a finalement retenu la version de Just Jaeckin, qui a su bouleverser les spectateurs du monde entier, à tel point que certains pays limitrophes n’hésitaient pas à organiser des voyages en bus dans le seul but de transporter celles et ceux qui voulaient se rendre à Paris, dans le but de voir le film, diffusé non-stop pendant plus de dix ans à l’UGC Triomphe où il était sous-titré en anglais pour ces touristes particuliers. C’est dire si Emmanuelle, au-delà du parfum de scandale qui l’a accompagné à sa sortie, a su marquer les esprits et même si pas mal d’éléments ont forcément vieilli ou s’avèrent aujourd’hui inappropriés, cette œuvre est et demeure anthologique.
Emmanuelle (Sylvia Kristel) s’envole de Paris pour Bangkok afin d’y rejoindre Jean (Daniel Sarky), son mari qui occupe un poste de diplomate ; lorsqu’il lui demande si elle a eu des amants pendant qu’elle était seule à Paris, elle lui affirme que non. Pendant l’après-midi, ils font l’amour, épiés secrètement par deux serviteurs : la jeune servante est poursuivie par le majordome, dans une fuite à travers le parc, elle y est rattrapée et tout se termine par une scène d’amour torride et passionnée. Ou un viol, c’est selon. À Bangkok, Emmanuelle commence à s’ennuyer et à être quelque peu dégoûtée des rapports qu’elle a avec ses amies françaises expatriées jusqu’à ce qu’elle remarque Bee (Marika Green). Se baignant nue dans la piscine, elle est approchée par une jeune fille prénommée Marie-Ange (Christine Boisson, mini-short et sucette en bouche) qui lui demande si elle peut venir chez elle. Intriguée, Emmanuelle donne son accord. Marie-Ange saisit un magazine, y trouve une photo de Paul Newman et commence à se masturber devant Emmanuelle qui n’en croit pas ses yeux, mais regarde la scène, comme fascinée. Elle raconte alors à Marie-Ange qu’elle n’a pas menti à son mari en lui disant qu’elle n’avait couché avec personne à Paris, mais qu’elle a fait l’amour avec deux inconnus pendant la nuit du vol vers Bangkok, alors que la cabine était dans l’obscurité. Lors d’une soirée peu de temps après, Marie-Ange présente Emmanuelle à l’un de ses amants d’un certain âge nommé Mario (Alain Cuny, dont le nom était évidemment approprié) ; celui-ci dit à Emmanuelle qu’il enverra une voiture la chercher la nuit prochaine.
Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français. (la bande-annonce).
Alors oui, on comprendra que certains, ou certaines plutôt, puissent s’indigner du parallèle entre le viol et le plaisir sexuel, élément narratif récurrent dans le genre érotique où le « Non » mute alors soudainement en « Oui », une fois que la jeune femme se soit décidée à rendre les armes, pour laisser sa brute épaisse de compagnon lui faire ce dont il a envie. On pourrait épiloguer pendant 107 ans sur ces scènes, qui assurément ne sont pas les meilleures du film et s’avèrent dérangeantes et nullement excitantes comme elles ont pu l’être à sa sortie. Néanmoins, Emmanuelle, même s’il reste fortement et indéniablement marqué par son époque, est aussi un opus bourré de charme. Tout d’abord, celui de la comédienne principale bien sûr, Sylvia Kristel, ancien mannequin, néerlandaise, polyglotte, au Q.I. de 165, qui possède un naturel confondant devant la caméra, un peu gauche, suffisamment – et faussement – naïve pour être attachante, capable de s’enflammer et de brûler la pellicule, à l’instar de la séquence de l’avion, de loin la plus bandante du film, qui sait affoler le thermomètre en ne montrant que ce qu’il faut, avec une belle « chorégraphie » des corps. Il y a ensuite la superbe photographie de Richard Suzuki (Catherine et Cie), qui met en valeur la beauté des décors exotiques et surtout celle du cadre de Just Jaeckin, qui rappelons-le était avant tout photographe (y compris de mode), peintre et sculpteur avant d’être réalisateur.
Emmanuelle ne se contente pas non plus d’enfiler les scènes chaudes les unes à la suite des autres, la première n’intervient d’ailleurs qu’à la douzième minute, mais repose sur un scénario écrit par Jean-Louis Richard, acteur de renom (Le Dernier Métro, Le Professionnel, Le Gendarme et les Gendarmettes), auteur complice de François Truffaut (La Peau douce, Fahrenheit 451, La Mariée était en noir, La Nuit américaine), qui propose une réflexion sur le désir, le rôle du sexe dans la vie et la notion d’érotisme. Le dernier acte du film, peut-être le plus connu étrangement, est sans doute le plus lourd puisque ces intentions sont mises dans la bouche du suintant Alain Cuny, dont la voix monocorde et le charisme figé finissent par lasser quand son personnage de sexagénaire pervers s’adresse à notre pauvre Emmanuelle que l’on aiderait bien à se dépêtrer de son exposé saoulant.
Outre un épilogue où la chenille devient un vrai papillon, nous retenons aussi la douce et merveilleuse musique de Pierre Bachelet, dont la ritournelle est encore dans toutes les mémoires. Disparue en 2012 à l’âge de 60 ans, Sylvia Kristel restera prisonnière de ce rôle « maudit » qu’elle retrouvera à onze reprises, dans les suites officielles (Emmanuelle l’antivierge de Francis Giacobetti, Goodbye Emmanuelle – Emmanuelle 3 de François Leterrier, Emmanuelle 4 et Emmanuelle au 7e ciel de Francis Leroi), ainsi que dans sept téléfilms mis en scène par ce dernier, Éternelle Emmanuelle, La Revanche d’Emmanuelle, Emmanuelle à Venise, L’Amour d’Emmanuelle, Magique Emmanuelle, Le Parfum d’Emmanuelle et Le Secret d’Emmanuelle, TOUS tournés en 1993. Si les amateurs de Bis se souviendront aussi d’Emanuelle et Françoise – Emanuelle e Françoise (1975) avec Erika Blanc ou d’Emanuelle et les derniers cannibales – Emanuelle e gli ultimi cannibali (1977) avec Laura Gemser, tous les deux réalisés par Joe d’Amato, Emmanuelle de Just Jaeckin est et restera la pierre fondatrice de tout un genre.
LE BLU-RAY
On ne compte plus les éditions diverses et variées consacrées à Emmanuelle. Une édition Collector en DVD dès 2003, une ressortie en édition simple en 2008, une nouvelle édition Collector en 2013 (comprenez ici avec une affiche et des photos), une ressortie en DVD en 2015, un premier Blu-ray en 2009 et un second en 2015. 2021, toujours chez Studiocanal, Emmanuelle refait surface en Haute-Définition, mais estampillé cette fois de la mention Director’s Cut. Quoi de neuf alors ? Rien de plus qu’une longue scène d’amour entre Sylvia Kristel et Marika Green qui avait été coupée ou raccourcie, et qui est ici réintégrée dans son intégralité. Le menu principal est malheureusement fixe et muet, et reprend le visuel de l’affiche originale du film, non pas celle plus célèbre de Sylvia Kristel, confortablement installée dans son fauteuil en rotin, mais celle de la pomme-fesses à la peau coupée qui se transforme en serpent.
Pour cette nouvelle édition, l’éditeur n’a repris aucun des suppléments disponibles sur les anciens DVD ou Blu-ray, en dehors de la bande-annonce originale. En revanche, nous trouvons un bonus inédit, une excellente, dense, passionnante et intelligente présentation du film par la journaliste et sociologue Camille Emmanuelle (31’). Avec quelques pointes d’humour, l’invitée de Studiocanal, qui voue une grande tendresse pour ce film, spécialisée sur les questions de sexualité, d’érotisme et de féminisme revient sur tous les aspects du premier long-métrage de Just Jaeckin. Elle dresse ainsi le portrait du personnage principal (« une jeune femme qui devient bourgeoise, oisive, qui va découvrir sa sexualité durant un vrai parcours initiatique »), évoque le roman écrit (ou pas, ou en partie avec son époux) par Emmanuelle Arsan, parle de la carrière du réalisateur, des conditions de tournage (un budget limité, sur un temps très court, bravant les interdictions de tourner un film érotique en Thaïlande), le contexte historique et politique, le triomphe international du film… Puis, Camille Emmanuelle aborde les points positifs, qui selon elle n’ont pas vieilli (« quelques scènes excitantes et très bien filmées »), ainsi que les points négatifs, notamment tout ce qui tourne autour des scènes dénudées (« en gros les femmes sont toujours à poil, tandis que les hommes habillés ne font que sortir leur bite »), de la sur-érotisation des jeunes filles pubères post-adolescentes (le personnage de Christine Boisson), de la vision presque colonialiste de la Thaïlande et de ses habitants, ou de la représentation de l’orgasme féminin, sans oublier les deux séquences de viol, évidemment inconcevables aujourd’hui, puisque le récit lie cet acte à l’épanouissement sexuel. Ne manquez pas cette intervention.
L’Image et le son
Just Jaeckin est un vrai plasticien, et même s’il ne signe pas la photographie de son film, Emmanuelle reste marqué par son sens esthétique et adopte de très beaux partis pris. Studiocanal transcende les volontés artistiques originales à travers un superbe master HD, aux couleurs étincelantes. Rien à redire sur la qualité de la copie présentée. La propreté est au rendez-vous, tout comme la stabilité. L’aspect est parfois sensiblement voilé, l’éclairage est luminescent (la scène de squash à la 34è minutes), les visages (et autres) regorgent de détails, les contrastes sont impressionnants. Les plans flous sont d’origine et la texture argentique, parfois très appuyée, est conservée. Au final, cette restauration 4K étalonnée par le directeur de la photographie Robert Fraisse (Histoire d’O, Madame Claude, Le Dernier amant romantique), qui faisait office de cadreur sur Emmanuelle, est un ravissement pour les mirettes.
Piste DTS-HD Master Audio 2.0. Le confort acoustique est conséquent avec une excellente restitution des dialogues et de la musique de Pierre Bachelet. Pas de souffle constaté, c’est fluide, clair et dynamique. L’éditeur joint aussi les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Bonjour. Quel est le format du boîtier? Amaray avec fourreau ou digipack?
Merci
Bonjour,
Nous n’avons pas pu avoir le produit fini pour réaliser la chronique malheureusement et sommes dans l’incapacité de vous répondre 🙁