ALICE, SWEET ALICE (Communion) réalisé Alfred Sole, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 23 septembre 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Linda Miller, Niles McMaster, Mildred Clinton, Rudolph Willrich, Paula Sheppard, Michael Hardstark, Jane Lowry, Alphonso DeNoble, Brooke Shields…
Scénario : Alfred Sole & Rosemary Ritvo
Musique : Stephen Lawrence
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
Alice Spages, 12 ans, vit avec sa mère et sa sœur Karen, à laquelle elle adore faire peur. Karen s’apprête à fêter sa première communion lorsque son corps est retrouvé atrocement mutilé dans l’église. Certains pensent qu’Alice pourrait être à l’origine du meurtre, mais comment une enfant si jeune pourrait-elle commettre une telle abomination ? Pourtant, les meurtres se poursuivent dans l’entourage d’Alice…
Alice, Sweet Alice, Communion sanglante, Holy Terror (dans un montage censuré), The Mask Murders, Communion, ou Alice, douce Alice chez nos amis québécois, est un slasher psychologique réalisé par un certain Alfred Sole (1943-2022), qui se situe rétrospectivement après Black Christmas de Bob Clark et Halloween – La Nuit des masques de John Carpenter. Le film surfe sur un sous-genre en éclosion, La Baie sanglante de Mario Bava, La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven et Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper étant sortis durant les cinq années précédentes, mais qu’il a aussi contribué à son identité, à sa « croissance », à sa mutation. Emballé pour la modique somme de 350.000 dollars, le tournage ayant été interrompu à plusieurs reprises faute de moyens, ce qui a entraîné la succession d’une demi-douzaine de directeurs de la photographie et le passage du 35 au 16mm selon les billets verts mis à disposition de l’équipe, Alice, Sweet Alice demeure un fleuron de l’épouvante, foncièrement ambigu, redoutablement inquiétant, subtil, malsain, qui prend pour cible le fanatisme religieux et dresse le portrait d’une des adolescentes les plus flippantes du cinéma de genre, formidablement interprété par Paula Sheppard, feu follet du cinéma, mais dont le visage reste imprimé dans la mémoire des cinéphiles.
En 1961, à Paterson, New Jersey, une mère divorcée, Catherine Spages, rend visite au père Tom avec ses deux filles, Karen, neuf ans, et Alice, douze ans, qui fréquentent toutes deux la St. Michael’s Parish Girls ‘School. Karen se prépare pour sa première communion et le père Tom lui offre le crucifix de sa mère en cadeau. Alice, jalouse, revêt un masque transparent, représentant une vieille femme maquillée, effrayant la gouvernante du père Tom, Mme Tredoni. Elle vole la poupée de porcelaine de Karen, avant de lui faire peur et de la menacer si elle venait à en parler à quelqu’un. Le jour de sa première communion, Karen est étranglée à mort dans la sacristie de l’église, par une personne portant ce masque effrayant et un ciré jaune. Une religieuse découvre le corps de Karen et donne l’alerte alors que la cérémonie a commencé. Après les funérailles de Karen, l’ex-mari de Catherine, Dominick, commence à enquêter de son côté sur le meurtre de sa fille, tandis que le détective Spina s’occupe officiellement de l’affaire. La sœur de Catherine, Annie, emménage pour l’aider, bien qu’Alice et Annie se détestent. Catherine envoie Alice remettre un chèque de loyer à leur propriétaire, l’obèse morbide M. Alphonso (on se croirait alors dans un film de Jean-Pierre Jeunet), qui tente de l’agresser et d’abuser d’elle. Immédiatement après, Annie est attaquée par une personne masquée et vêtue d’un ciré jaune. À l’hôpital, Annie affirme qu’Alice a tenté de la tuer. Cette dernière est alors envoyée dans un établissement psychiatrique pour subir des tests et des analyses psychologiques.
Et on va arrêter là. Car Alice, Sweet Alice joue constamment avec les nerfs et les attentes des spectateurs, à l’instar d’un yoyo qui n’arrêterait pas d’aller et venir, en déroulant son récit et en emmenant son audience là où elle s’y attendait le moins. Difficile de disséquer plus profondément le second (et le plus célébré) long-métrage du scénariste et réalisateur Alfred Sole (qui était encore architecte à l’époque), quatre ans après son premier coup d’essai Deep Sleep, opus classé X (à cause duquel il sera excommunié, événement qui le poussera à écrire son deuxième film), déjà tourné à Paterson, ville de naissance du cinéaste et où se passe également l’action d’Alice, Sweet Alice. Autant dire qu’il a eu le temps de bien observer et d’assimiler les mentalités de celles et ceux qui l’ont entouré depuis toujours, surtout les fidèles se rendant à la messe tous les dimanches et prônant une vie placée sous le signe de Dieu, l’iconographie religieuse étant d’ailleurs omniprésente dans Alice, Sweet Alice.
Jusqu’où peut aller l’abnégation, le délire pieux, la dévotion frénétique, l’exaltation mystique, la fièvre sacrée ? Autant de questions sur lesquelles se penchent Alfred Sole et sa coscénariste Rosemary Ritvo, tout en contentant très largement les amateurs d’émotions fortes et de meurtres à l’arme blanche (mais pas que). Ces derniers sont particulièrement brutaux et secs, inattendus et jamais surlignés d’une musique bourrin inappropriée, même si la composition entêtante de Stephen Lawrence (Le Petit Chaperon Rouge d’Adam Brooks) participe beaucoup à l’ambiance lourde et pesante du film.
Si Paula Sheppard est sans aucun doute la star d’Alice, Sweet Alice, l’histoire aura pourtant plus retenu la première apparition au cinéma de Brooke Shields, quatre ans avant Le Lagon bleu – The Blue Lagoon de Randal Kleiser, ici dans le rôle de Karen, la sœur d’Alice et première victime du récit. Le reste du casting est impeccable, solidement dirigé, la photographie – même si forcément hybride vu les conditions de tournage – est élégante, l’atmosphère et les thèmes annoncent même ceux de certains ouvrages de Stephen King, y compris divers motifs comme le fameux ciré jaune (même si celui du film tire son origine de celui – de couleur rouge – de Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg) qui aura son importance dans Ça, qui paraîtra plus de dix ans plus tard. Pas étonnant qu’Alice, Sweet Alice ait depuis acquis un statut culte auprès de plusieurs générations de spectateurs et gageons que sa réédition en DVD-Blu-ray en France chez Rimini, fera de nouveaux aficionados.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Nous n’avions plus de nouvelles de cette merveilleuse collection Horreur/Fantastique depuis le mois de mai et le dernier titre en date Les Traqués de l’an 2000. Rimini Éditions y revient avec le vingtième titre de cette anthologie et non des moindres, puisqu’il s’agit d’Alice, Sweet Alice. Le film d’Alfred Sole avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD chez Bach Films en 2009, édition qui se revendait alors à prix d’or. Le combo Rimini se présente sous la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Vous avez le choix. Soit vous consultez le livret de Marc Toullec intitulé Le Bon Dieu sans confession (20 pages) disposé dans le Digipack, soit vous écoutez la présentation du film (24’) par Gilles Gressard, écrivain et historien que nous avions déjà croisé chez Rimini dans les bonus des Griffes de la peur et ceux de L’Autoroute de l’enfer, mais aussi chez Elephant Films pour…Beethoven et sa première suite. En effet, les deux spécialistes reprennent ou peu ou prou les mêmes arguments. Personnellement, nous vous conseillons de passer un moment avec Gilles Gressard, un hôte chaleureux et dont les interventions sont toujours extrêmement bien écrites. Dans les deux cas, vous en apprendrez très largement sur le casting (on apprend que Paula Sheppard, qui joue Alice, avait en réalité 19 ans au moment du tournage), sur la place d’Alice, Sweet Alice dans le registre du slasher (un film précurseur), les thèmes (l’enfance vénéneuse, une réflexion sur l’influence de la religion sur la famille et sur les cas psychanalytiques que la religion peut engendrer), la carrière du réalisateur Alfred Sole, les inspirations (Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, l’éducation judéo-chrétienne du metteur en scène), les partis pris (des crimes réalistes et sanglants), les problèmes de financement du film, la musique de Stephen Lawrence, la sortie d’Alice, Sweet Alice au cinéma, ses différents titres d’exploitation, sans oublier son statut désormais culte.
L’Image et le son
Ce master HD présenté par Rimini Editions est superbe. Une copie restaurée 2K qui en l’état est on ne peut plus épatante, rien d’étonnant puisque le lifting a été réalisé à partir du négatif original 35mm. Un réel rafraîchissement des couleurs, un nouvel équilibre des contrastes, un Blu-ray qui en met souvent plein les yeux. Le côté bricolé du film dû aux soucis de budget, problèmes qui ont entraîné une valse de directeurs de la photographie (six se sont succédé) et le passage incessant entre le 16 et le 35mm, se voit sensiblement au niveau de la texture argentique, plus ou moins appuyée selon les séquences, évidemment plus grumeleuse au moment des prises de vue en 16mm. La propreté est éloquente, la stabilité de mise, les détails impressionnants (la peau vérolée du flic) le piqué agréable, la palette chromatique riche. Blu-ray au format 1080p.
Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements et les dialogues sont souvent mis trop en avant. La version anglaise est plus dynamique, propre et intelligible, notamment au niveau des effets sonores. Aucun souffle constaté sur ces deux pistes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.