Test Blu-ray / À des millions de kilomètres de la Terre, réalisé par Nathan Juran

A DES MILLIONS DE KILOMÈTRES DE LA TERRE (20 Million Miles to Earth) réalisé par Nahan Juran, disponible uniquement en coffret Blu-ray ou DVD Ray Harryhausen – Coffret n° 3 : Le Monstre vient de la mer + Les Soucoupes volantes attaquent + À des millions de kilomètres de la terre le 15 octobre 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : William Hopper, Joan Taylor, Frank Puglia, John Zaremba, Thomas Browne Henry, Tito Vuolo…

Scénario : Christopher Knopf & Robert Creighton Williams, d’après une histoire originale de Charlotte Knight

Photographie : Irving Lippman & Carlo Ventimiglia

Musique : Mischa Bakaleinikoff

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Une fusée américaine s’écrase au large de la Sicile. Des pécheurs parviennent à sauver deux astronautes qui se trouvaient à son bord avant que l’aéronef ne coule dans la Méditerranée. Quelques heures plus tard, un petit garçon du village découvre un tube sur une plage, tube contenant un étrange objet visqueux. En fait, le vaisseau spatial revient d’un voyage sur la planète Vénus et cette « chose » est un cocon extraterrestre !

À des millions de kilomètres de la Terre 20 Million Miles to Earth est la première collaboration entre Ray Harryhausen et le cinéaste Nathan Juran (1907-2002). L’ancien chef décorateur oscarisé pour Qu’elle était verte ma valléeHow Green Was My Valley de John Ford se spécialise tout d’abord dans le thriller (Le Mystère du château noirThe Black Castle, La Tueuse de Las Vegas, Piège double), le western (Gunsmoke, Quand la poudre parle, Qui est le traître ?, La Rivière sanglante), avant que sa carrière bifurque vers le fantastique. 1957 est une grande année pour lui puisque quelques mois seulement séparent la sortie de trois de ses films, qui deviendront des fleurons du genre : La Chose surgit des ténèbresThe Deadly Mantis, dans lequel une mante religieuse géante, qui après avoir été libérée d’un iceberg brisé, attaque New York et Washington, puis À des millions de kilomètres de la Terre20 Million Miles to Earth, avec sa créature vénusienne qui sème la panique dans les rues de Rome, puis enfin – sous le nom de Nathan Hertz – Le Cerveau de la planète Arous (The Brain from Planet Arous) et son extraterrestre nommé Gor, qui souhaite asservir la Terre. S’ils sont signés Fred Knoth dans La Chose surgit des ténèbres, qui avait travaillé sur L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold, les effets spéciaux d’À des millions de kilomètres de la Terre sont créés par le maître en la matière, Ray Harryhausen, qui à cette occasion imagine l’une de ses créatures les plus célèbres et que ses aficionados connaissent sous le nom d’Ymir, inspiré par un géant provenant de la mythologie nordique. Entre Les Soucoupes volantes attaquent et Le Septième Voyage de Sinbad, le concepteur et créateur d’effets visuels donne vie à Ymir, un être arraché à son sol natal par une équipe d’astronautes et de militaires américains, alors qu’il n’était même pas né. L’ombre du King Kong de Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack plane certainement sur 20 Million Miles to Earth, mais le récit parvient à s’en démarquer et à trouver une identité propre, imputable à l’efficacité de la mise en scène de Nathan Juran et au génie de Ray Harryhausen qui met au monde l’un de ses monstres les plus empathiques. C’est ce qu’on appelle un chef d’oeuvre de la série B.

Une énorme fusée tombe dans la mer à proximité d’une flottille de pêche du village sicilien de Gerra. Des pêcheurs téméraires, Verrico et Mondello, secondés par le gamin Pepe, réussissent à sauver deux de ses occupants avant qu’elle ne soit engloutie par les flots. Les survivants, le colonel Calder et le docteur Sharman, s’avèrent être des membres d’une expédition américaine de retour de Vénus, leur engin ayant dévié de sa trajectoire. Après le transport des blessés dans un hôpital de fortune, Pepe trouve sur le rivage un cylindre en verre identifié « Armée de l’air – Projet 5 » et en extirpe une sorte de cocon gélatineux. Il va immédiatement le vendre comme une curiosité de la mer au docteur Leonardo, un zoologiste qui travaille non loin de là dans son laboratoire ambulant en compagnie de sa petite fille Marisa, médecin en devenir. Cette dernière est appelée en renfort au chevet des blessés et Calder recueille les notes de Sharman avant que celui-ci expire : ils ont rapporté un spécimen animal de leur expédition. Avec l’aide de la délégation militaire américaine arrivée à la rescousse et des autorités italiennes, Calder, remis sur pied, part à la recherche du cylindre. Pendant ce temps, dans la caravane des Leonardo, le cocon libère une créature miniature. En la découvrant, les Leonardo pensent d’abord qu’il s’agit d’une espèce marine inconnue et prennent aussitôt la route pour l’apporter au Jardin zoologique de Rome. Entre-temps, Pepe révèle à Calder qu’il a vendu le spécimen à Leonardo. Calder et ses troupes se lancent à la poursuite des Leonardo au moment où ceux-ci découvrent avec stupéfaction que la créature grandit rapidement. Trop rapidement.

Dennis Muren, Rick Baker, Phil Tippett et autres grands noms des effets spéciaux sont tous unanimes, À des millions de kilomètres de la Terre20 Million Miles to Earth est une date importante dans le domaine de l’animation. Si le récit est somme toute classique, l’intégration du monstre, mais aussi sa fluidité et surtout son interaction avec les comédiens (la séquence incroyable de la grange) sont encore aujourd’hui très impressionnants, pour ne pas dire magiques. Non seulement ça, Ray Harryhausen prend immédiatement parti pour son personnage, capturé à l’état de larve pour être étudié sur Terre, et qui une fois lâché dans la nature, perdu, inoffensif, incapable de s’en prendre à un agneau et ne répliquant par la force que lorsqu’il se sent en danger ou pour se défendre, se voit pourtant traqué par des soldats et des scientifiques qui sont même prêts à l’exterminer. Les acteurs ont beau faire ce qu’ils peuvent, notamment William Hopper (également tête d’affiche de La Chose surgit des ténèbres et père de Natalie Wood dans La Fureur de vivre), la belle Joan Taylor (de retour après Les Soucoupes volantes attaquent) et Frank Puglia (un des grands seconds voire troisièmes rôles du cinéma américain), nous n’avons souvent d’yeux que pour Ymir, cet être à la fois humanoïde et reptile. Ses expressions, ses attitudes, ses cris déchirants laissent pantois d’admiration et l’on oublie rapidement qu’il s’agit d’un personnage animé, tant on y croit, tout en espérant qu’il s’en sorte face à toute cette armée liguée contre lui. A ce titre, on pense beaucoup à l’un des grands moments du Hulk réalisé par Ang Lee, sorti en 2003, dans lequel le monstre vert (lui aussi) atterrissait à San Francisco, alors qu’il se faisait attaquer par quelques militaires fous de la gâchette. De là à dire que le cinéaste taïwanais a voulu rendre hommage à Ray Harryhausen en citant à la fois Le Monstre vient de la mer et À des millions de kilomètres de la Terre, il n’y a qu’un pas.

Ymir devient l’un des protagonistes principaux de 20 Million Miles to Earth, celui qui nous intéresse le plus, celui dont on se sent le plus proche et ce dès sa sortie du cocon, quand il se cache les yeux devant une lumière bien trop aveuglante pour lui. Un réflexe humain comme tant d’autres qui se révéleront à mesure qu’il grandit, jusqu’à ce qu’il obtienne la taille d’un éléphant, animal contre lequel il se mesurera au cours d’une scène épique dans le zoo de Rome, devant les badauds parmi lesquels certains reconnaîtront Ray Harryhausen lui-même. Le final au sein et au sommet du Colisée (cette fois encore, on pense à King Kong escaladant l’Empire State Building) reste un immense moment de cinéma, celui qui vous fait frissonner et vous tire les larmes plus de soixante ans plus tard. Sublime.

A mon ami Arnaud Biry.

LE BLU-RAY

À des millions de kilomètres de la Terre avait déjà bénéficié d’une édition HD chez Sony Pictures en 2009. Sidonis Calysta propose désormais ce film, uniquement en coffret DVD ou Blu-ray pour le moment, avec Le Monstre vient de la mer et Les Soucoupes volantes attaquent. Le menu principal est animé et musical.

Producteur de musiques de films, David Schecker propose un très bon portrait du compositeur Mischa Bakaleinikoff (22’30). Ce dernier est présenté comme un « héros méconnu » de la Columbia, puisqu’en dehors de son activité, Mischa Bakaleinikoff était capable de réutiliser des thèmes appartenant au studio, en les accélérant, en les ralentissant, en les mixant à d’autres, tout cela dans un souci d’économie. Des déclinaisons que l’on retrouve parfois de film en film, comme un patchwork réalisé à partir de sources diverses. La bande originale d’À des millions de kilomètres de la Terre, se compose ainsi de 18 thèmes différents !

Si vous désirez en savoir plus sur la colorisation des trois films de Ray Harryhausen chez la Columbia, autrement dit Le Monstre vient de la mer, Les Soucoupes volantes attaquent et À des millions de kilomètres de la Terre, n’hésitez pas à visionner le module consacré à ce sujet (11’), dans lequel le créateur des effets spéciaux et quelques artistes de chez Legend Films, reviennent sur ce procédé. Barry Sandrew (fondateur de Legend Films), David G. Martin (directeur de Legend Films) et Rosemary Horvath (directrice artistique chez Legend Films) expliquent en long en large comment ils ont pu prolonger la vision originale de Ray Harryhausen, présent tout au long du processus, qui ne disposait pas du budget nécessaire ou de la bonne pellicule couleur au moment du tournage de ces trois films, ce qui l’avait obligé à se contenter de prises de vue en N&B.

Place à Ray Harryhausen lui-même (27), qui au cours d’un entretien revient sur la genèse et la mise en route d’À des millions de kilomètres de la Terre, ainsi que sur la création d’Ymir, les projets avortés et les conditions de tournage. Surprise, il y a du beau monde qui apparaît ensuite à tour de rôle dans ce bonus : l’animateur indépendant et historien de l’animation John Canemaker, les cinéastes Terry Gilliam et John Landis, ainsi que les créateurs des effets spéciaux Rick Baker, Stan Winston et les frères Chiodo. Chacun revient tour à tour pour évoquer leur grand attachement pour ce film culte, qui a contribué à leur passion du cinéma, ainsi que sur l’importance du travail de Ray Harryhausen sur leurs carrières respectives.

Last but not least, vous trouverez un commentaire audio (en version originale sous-titrée en français) de Ray Harryhausen (en duplex de Londres), « accompagné » du producteur Arnold Kunert et des créateurs des effets spéciaux Dennis Muren (E.T. l’extra-terrestre, Le Retour du Jedi, Indiana Jones et le temple maudit) et Phil Tippett (Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir, RoboCop, Willow, Starship Troopers). Si vous avez écouté tous les suppléments précédents, alors certains propos tenus ici vous paraîtront redondants, puisqu’ils sont quasiment tous intégralement repris au cours de cette discussion. Nous en apprenons plus sur le casting du film, ainsi que de la réaction très enthousiaste de Ray Harryhausen devant la copie colorisée d’À des millions de kilomètres de la Terre. La légende de l’animation se penche également sur le côté scientifique et semi-documentaire voulu pour donner un aspect réaliste au film. On ne peut éviter le côté cirage de pompes avec « vous êtes une légende » et « vous êtes un génie » tout au long de ce commentaire, qui reste tout de même un bon moment.

L’Image et le son

Si on le compare aux masters HD du Monstre vient de la mer et des Soucoupes volantes attaquent, celui d’À des millions de kilomètres de la Terre est sans aucun doute le plus beau des trois. Certes, quelques séquences restent marquées par une texture argentique très appuyée, avec même un voile « granuleux » sur toutes les scènes dans la fusée échouée (représentée par une fumée ajoutée au postproduction), mais la propreté est indéniable, surtout que le film possède beaucoup moins de stock-shots par rapport aux deux autres films. La version colorisée est très plaisante, Ymir arborant une teinte verte du plus bel effet. Divers points blancs sont notables, tout comme certaines griffures et rayures, ainsi que de légers fourmillements, mais l’ensemble se tient. La version N&B possède évidemment les mêmes points positifs et négatifs, ainsi que des contrastes étonnamment léchés à de multiples reprises. Vous aurez également la possibilité de passer d’une version à l’autre, en appuyant directement sur la touche Angle de votre télécommande. Le Blu-ray est au format 1080p.

Pas de version française sur ce disque, comme sur l’ancien Blu-ray Sony Pictures. Privilégiez le mixage DTS-HD Master Audio 2.0, dynam(ation)ique à souhait, avec un report suffisant des dialogues, de la musique et des effets annexes. La version DTS-HD Master Audio 5.1 est facultative ici, d’autant plus que les effets latéraux sont souvent absents, à part pour mettre en valeur le score de Mischa Bakaleinikoff, et que le caisson de basses reste endormi. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Columbia Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.