99 femmes (Der heiße Tod) réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 17 mai 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Maria Schell, Herbert Lom, Mercedes McCambridge, Luciana Paluzzi, Maria Rohm, Rosalba Neri, Elisa Montés, Valentina Godoy…
Scénario : Jess Franco, Carlo Fadda, Milo G. Cuccia, Peter Welbeck & Javier Péres Grober
Photographie : Manuel Merino
Musique : Bruno Nicolai
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1969
LE FILM
Des jeunes femmes sont envoyées au pénitencier Castillo de la muerte, au milieu du Pacifique, dirigé de main de fer par la directrice Diaz, qui n’hésite pas à abuser sexuellement des prisonnières. Marie, le numéro 99, est sa proie favorite. Mais devant la série de morts inexpliquées au sein de l’île, le gouvernement diligente une enquête. La jeune inspectrice Léonie est chargée de faire un rapport.
1969 est certes l’année érotique comme le chantaient Serge Gainsbourg et Jane Birkin, mais aussi celle où Jess Franco livrait quelques-uns de ses meilleurs crus comme Sumuru, la cité sans hommes, Le Trône de feu – The Bloody Judge, tandis que certains pays pouvaient déjà découvrir Justine ou les Infortunes de la vertu. Un autre opus tourné à cette période sort également du lot, Les Brûlantes ou L’Amour dans les prisons de femmes (agrémenté d’inserts pornographiques en France), 99 Mujeres ou tout simplement 99 femmes pour l’exploitation vidéo-DVD du film, son premier long-métrage catégorisé Women In Prison. Le réalisateur espagnol y reviendra souvent, avec Des femmes pour le bloc 9 – Frauen für Zellenblock 9 ou bien encore Quartier de femmes – Los amantes de la isla del diablo. Pour ses débuts dans ce sous-genre du cinéma Bis, Jess Franco s’en sort formidablement et l’on suit avec autant de plaisir déviant qu’un réel intérêt cinéphile ces prisonnières qui subissent des sévices dégradants et qui décident à un moment donné de se rebeller, dans l’espoir de se sortir de leurs conditions. Évidemment, 99 femmes repose sur un casting essentiellement féminin composé de magnifiques créatures, Maria Schell (Le Trône de feu, Le Diable par la queue, Nuits blanches, Gervaise, La Ruée vers l’ouest), Maria Rohm (Venus in Furs, Justine ou les infortunes de la vertu, Les Inassouvies, L’Appel de la forêt), Elisa Montes (Django, ne prie pas, Texas Adios), Luciana Paluzzi (Opération Tonnerre, Le Vice et la vertu) et surtout Rosalba Neri. Cette dernière, comme elle l’avait précédemment fait dans Pas de roses pour O.S.S. 117 d’André Hunebelle, Furie au Missouri d’Alfonso Brescia, Opération Re Mida (Lucky l’intrépide) de Jess Franco, Hercule contre les vampires de Mario Bava, et le fera encore par la suite dans Les Vierges de la pleine lune de Luigi Batzella et A la recherche du plaisir de Silvio Amadio, crève l’écran de sa beauté animale et Jess Franco l’a bien compris en la mettant en valeur à chaque apparition. On ne s’en lasse pas.
Plusieurs jeunes femmes sont incarcérées à El Castillo de la Muerte, une prison pour femmes au milieu de l’océan. Cette prison n’est pas tout à fait habituelle car elle est tenue par la directrice Thelma Diaz, une directrice sadique qui, avec le gouverneur de la région, le dénommé Santos, abusent sexuellement des prisonnières, particulièrement de l’une d’entre elles, le numéro 99, Marie. Mais un événement inattendu vient bouleverser la prison : l’État vient de nommer un nouveau ministre de la justice qui ouvre une enquête sur les décès suspects à la prison. Il décide d’envoyer sur place une jeune inspectrice, Leonie, chargée de lui faire un rapport ; celle-ci bouleverse la vie de la prison par sa gentillesse et son humanité envers les prisonnières dont Mary. Cette dernière a été jetée au cachot lorsqu’elle a voulu avertir les gardiens de la mort de l’une d’entre elles, Nathalie, décédée d’une péritonite à la suite de son mauvais traitement. Diaz et le gouverneur décident alors tendre un piège à Leonie… Pendant ce temps, Mary, libérée par Leonie, s’évade avec une autre captive, Rosalie, et l’amant de cette dernière. Mais ils sont aussitôt traqués dans la jungle hostile…
Ces quelques beautés sauvages – des brunes, des blondes, des rousses, il y en a pour tous les goûts ! – se trouvent dirigées par une gardienne cruelle, Thelma Luiz, génialement interprétée par l’impressionnante Mercedes McCambridge, lauréate de l’Oscar et du Golden Globe de la meilleure actrice pour Les Fous du roi – All the King’s Men (1949) de Robert Rossen, vue chez Nicholas Ray (Johnny Guitar), George Stevens (Géant), Orson Welles (La Soif du mal), Joseph L. Mankiewicz (Soudain l’été dernier) et qui donnera même sa voix au démon Pazuzu dans L’Exorciste de William Friedkin. Son duo avec Herbert Lom (La Secte, Le Fantôme de l’Opéra, L’Île Mystérieuse, L’Enfer des tropiques), impeccable en gouverneur pervers (coucou Franco !, non pas Jess mais Francisco) est gratiné comme on l’aime et l’on se délecte de voir les deux énergumènes abuser de leurs prisonnières en toute impunité. Durant près d’une heure, Jess Franco prend un malin plaisir (partagé) à disséquer les rouages de la prison Castillo de la Muerte, paumée au beau milieu du Pacifique, où tout semble réglé comme du papier à musique. Mais c’était sans compter sur l’arrivée inattendue d’une enquêtrice, Leonie Caroll (incarnée par la divine Maria Shell) chargée de révéler les exactions commises par Diaz et sa gardienne. Le dernier tiers du film prend alors la forme d’un survival, quand une poignée de taulardes se font la malle et tentent de traverser cette île maudite, à la recherche d’un bateau qui pourront les éloigner de cet enfer.
Jess Franco trouve cet équilibre difficile, parvient autant à exciter qu’à dégoûter son audience avide d’émotions «originales ». Disposant d’un budget on ne peut plus correct grâce au producteur Harry Alan Towers, ainsi que de la collaboration de Bruno Nicolai à la musique et du fidèle Manuel Merino à la photographie (Le Trône de feu, Justine ou les infortunes de la vertu), le réalisateur signe assurément l’un de ses plus grands films des années 1960.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Troisième titre de la dernière salve en date qu’Artus Films consacré à Jess Franco après Le Trône de feu et Justine ou les infortunes de la vertu, 99 femmes était déjà sorti en DVD chez Opening en 2006. Cet opus intègre logiquement la collection Jess Franco chez l’éditeur, dans une nouvelle édition Standard, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition. L’objet prend la forme d’un magnifique Digipack à deux volets, très élégamment illustré, glissé dans un fourreau cartonné au visuel plus qu’attractif. Le menu principal est fixe et musical.
En plus de trois films-annonces et d’un Diaporama constitué de photos et d’affiches d’exploitation, Artus Films et Christian Lucas ont de nouveau fait appel à Stéphane du Mesnildot pour nous présenter 99 femmes (21’). Cette fois, celui-ci nous parlera un peu plus du producteur « un peu étrange et trouble » Harry Alan Towers (un espion pour le compte de l’Union Soviétique ? Un dirigeant de centre de prostitution ?), qui allait offrir à Jess Franco l’opportunité de réaliser quelques-uns de ses meilleurs fleurons à la fin des années 1960, avec des budgets plus que raisonnables et la participation de vedettes ou de stars en perte de vitesse, qui cherchaient un second souffle ou tout simplement à payer leurs impôts. Les deux hommes s’associeront sur neuf films, parmi lesquels 99 femmes, qui nous intéresse aujourd’hui. Stéphane du Mesnildot passe donc longuement en revue le premier WIP du cinéaste, « sous-genre qui fait appel aux bas instincts des spectateurs mâles », en croisant à la fois le fond et la forme. Le casting, le mélange des genres et d’autres sujets sont abordés au cours de ce module toujours très intéressant.
En exclu sur le Blu-ray, Artus Films présente aussi le montage français (credits à l’appui, mentionnant entre autres le doublage de la talentueuse Perrette Pradier) dite Les Brûlantes (81’)…malheureusement expurgé de ses inserts pornographiques et qui n’a donc strictement aucun intérêt !
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p et le format original 1.66 respecté, compatible 16/9. Artus Films reprend vraisemblablement la même copie restaurée en 2K et éditée en 2016 par Blue Underground, le générique affichant les credits dans la langue de Shakespeare. Des rayures, diverses baisses de la définition et quelques tremblements demeurent. N’attendez pas un lifting de premier ordre non plus, 99 femmes conservant cette patine grindhouse qu’affectionnent les aficionados de Jess Franco. Les partis-pris esthétiques profitent de cette promotion HD, ce qui n’est pas rien puisque la photographie de Manuel Merino est l’un des gros points forts du film. Les détails sont appréciables sur les décors naturels, ainsi que sur les gros plans des sublimes actrices, en particulier lors du striptease de Rosalba Neri, sous des éclairages baroques. Le piqué est suffisamment acéré, les contrastes aléatoires, mais la texture argentique préservée.
99 femmes est disponible en version anglaise et française. Les amateurs de films Bis privilégieront sûrement la seconde, avec son doublage qui vaut son pesant, même si elle s’avère plus dégradée (et incomplète) que son homologue. La piste anglaise assure, en reportant énergiquement les dialogues, ainsi que les effets annexes et la musique de Bruno Nicolai. Les sous-titres français ne sont pas imposés.