Test 4K UHD / Classe tous risques, réalisé par Claude Sautet

CLASSE TOUS RISQUES réalisé par Claude Sautet, disponible en DVD, Blu-ray & 4K Ultra HD + Blu-ray le 23 mars 2024 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Sandra Milo, Jean Servais, Marcel Dalio, Bernard Dheran, Michel Ardan, Michele Meritz, Claude Cerval, Jacques Dacqmine…

Scénario : Claude Sautet, José Giovanni & Pascal Jardin, d’après le roman de José Giovanni

Photographie : Ghislain Cloquet

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h49

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

Gangster condamné à mort par contumace et recherché activement par la police, Abel Davos s’est réfugié depuis une douzaine d’années en Italie avec sa femme Thérèse et ses deux enfants, où il poursuit ses coupables activités. Mais après un dernier hold-up réussi avec son ami Raymond, sur le point d’être retrouvé, il doit rentrer clandestinement en France par la mer. En débarquant sur une plage déserte, deux douaniers les surprennent, provoquant une fusillade tuant Thérèse et Raymond. Resté seul avec ses enfants, Abel fait appel à ses amis Riton et Fargier, à Paris pour venir les chercher à Nice, qui ne peuvent venir eux-mêmes mais lui envoient un homme sûr, Éric Stark, avec une ambulance. Davos se lie d’amitié avec le jeune homme, qui le cache dans une chambre de bonne de son immeuble…

À la base de Classe tous risques, il y a un roman de José Giovanni, édité en 1958, qui s’inspirait des dernières années de cavale d’Abel Danos (que l’écrivain avait côtoyé à la prison de la Santé), surnommé le Bel Abel ou le « Mammouth » en raison de sa forte corpulence, malfaiteur, membre du Milieu et membre de la Gestapo française dite La Carlingue, où il était alors connu pour ses méthodes aussi expéditives que brutales. C’est Lino Ventura lui-même qui est venu se « vendre » auprès de l’écrivain et ancien gangster, en lui indiquant qu’il était fait pour le rôle et que son ami Claude Sautet désirait faire de son livre un film. À la fin des années 1950, le comédien commence à faire sa place dans le cinéma français, mais sa silhouette trapue et son charisme de dur à cuire est aussi remarquée qu’appréciée de plus en plus par les cinéastes et surtout par les spectateurs, depuis sa découverte dans Touchez pas au grisbi, triomphe de 1954 qui avait replacé Jean Gabin sur son trône. Lino Ventura apparaît dans autant de films que de succès, de Razzia sur la chnouf à 125 rue Montmartre, en passant par Un témoin dans la ville, Marie-Octobre, Ces dames préfèrent le mambo…petit à petit, le nom de l’acteur se hisse en haut de l’affiche. Le Gorille vous salue bien de Bernard Borderie et Le Fauve est lâché de Maurice Labro (sur lequel Ventura rencontre Sautet) prouvent que des productions peuvent enfin se monter sur son charisme, son talent et sa carrure. Avec Classe tous risques, Lino Ventura passe la vitesse supérieure et son personnage anticipe déjà celui qu’il tiendra dans Le Deuxième souffle de Jean-Pierre Melville, autre transposition d’un ouvrage de José Giovanni. Merveilleusement mis en scène par un Claude Sautet enfin en possession de ses moyens après un premier long-métrage Bonjour sourire, qu’il reniera très rapidement et pour lequel il officiait uniquement comme « technicien » (alors assistant, mais remplaçant surtout au pied levé Robert Dhéry, qui devait le réaliser et s’est finalement désisté au dernier moment), ce polar sombre et brutal est aussi une superbe histoire d’amitié, magnifiquement interprétée par le tandem Ventura-Belmondo.

Abel Davos, avant de partir pour la France avec sa femme et ses deux enfants, tente en Italie, en compagnie de son ami Raymond, un dernier hold-up. Le coup réussit. Le petit groupe, après quelques péripéties, gagne la France par mer, clandestinement. Mais ils sont surpris par des douaniers. Abel réussit à s enfuir aves ses deux fils. Sa femme et Raymond sont tués. Signalés, traqués, Abel et les deux garçons se terrent dans un hôtel de Nice. Il fait alors appel à ses amis de Paris. Il n’a, jadis, rendu que des services et il est en droit, aujourd’hui, d’attendre leur reconnaissance. Ce sera cependant un inconnu, Eric Stark, qui viendra le chercher au volant d’une ambulance car ses anciens amis n’ont pas voulu courir de risques. Une solide amitié lie bientôt Abel et Eric. A Paris, Abel se détourne de la pègre. Eric le cache dans une chambre de bonne. Ayant placé ses enfants chez un vieil ami de son père qui veillera à leur éducation, il vit avec le souvenir de sa femme morte. Il se sent de « trop », refuse de reprendre un genre de vie qui ne lui a apporté que remords et conseille à Eric de vivre honnêtement. Mais la pègre, autour de lui, veille. Ses anciens amis échafaudent une machination pour se débarrasser de lui par crainte qu’il se venge de ne pas l’avoir aidé.

Rétrospectivement, il est vrai que l’on imagine plus Claude Sautet diriger Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo qu’Henri Salvador, Annie Cordy, Louis de Funès et Jean Carmet comme précédemment pour Bonjour sourire, qu’il avait bien voulu sauver pour rendre service aux producteurs. Classe tous risques est donc le premier vrai long-métrage du cinéaste, qu’il aura porté de A à Z, apportant au film noir une vraie sensibilité et des thèmes déjà en gestation qui feront par la suite sa marque de fabrique (l’amitié entre hommes, pour n’en citer qu’un). Même Lino Ventura joue une partition à laquelle il n’était pas habitué et qu’il retrouvera très rarement par la suite, incarnant dans Classe tous risques un père attention et aimant, un mari très épris de son épouse. Alors qu’une partie de la production rechignait à l’enrôlement de Jean-Paul Belmondo (on lui préférait alors Laurent Terzieff et Gérard Blain), ce dernier sera pourtant LA star de l’année 1960, puisque ce sera celle de l’explosion nucléaire provoquée dans le monde par À bout de souffle de Jean-Luc Godard, qui sort quelques jours avant et qui éclipsera quelque peu le film de Claude Sautet et des quatre autres opus dont il partage également l’affiche (Moderato Cantabile, La Française et l’amour, Les Distractions, Mademoiselle Ange).

À l’écran, le duo – qui se reformera dans le génial Cent Mille Dollars au soleil d’Henri Verneuil – fait des étincelles, annonce les couples, trios (et même plus dans certains cas) qui formeront la moelle du cinéma de Claude Sautet. Il y a aussi déjà une très belle place accordée aux personnages féminins, dont Liliane, interprétée par Sandra Milo (disparue cette année à l’âge de 90 ans), vue dans La Jument verte de Claude Autant-Lara, Le Miroir à deux faces d’André Cayatte, et que l’on reverra surtout plus tard dans Juliette des esprits et 8 1/2 de Federico Fellini, ou encore l’excellent et méconnu Fantômes à Rome d’Antonio Pietrangeli.

S’il n’a indubitablement pas marqué les spectateurs à sa sortie, le temps a rendu justice à Classe tous risques, qui contente à la fois les passionnés de polars sombres (superbe photographie du chef opérateur Ghislain Cloquet, La Maison des Bories, Peau d’Âne, Au hasard Balthazar, Le Trou), mais aussi un public à la recherche d’un peu plus d’émotions dans le genre, avec notamment de sublimes dialogues, soulignés par une partition toujours aussi envoûtante du maître Georges Delerue. C’est là où intervient le personnage d’Eric Stark, qui sans hésiter ou en espérant une contrepartie, aide Abel, contrairement aux anciens amis truands de ce dernier, montrés comme étant des lâches sans aucune parole. L’amitié, passée ou en gestation, inattendue ou déçue, est le thème central de Classe tous risques, qui s’intègre donc logiquement et contre toute attente dans la filmographie de Claude Sautet.

Pour Maryse, Arnaud et Mina.

LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD

Si vous êtes un fidèle de Homepopcorn.fr, vous savez sans doute que nous suivons l’éditeur Coin de Mire Cinéma depuis ses débuts en octobre 2018 et que nous avons disséqué quasiment l’intégralité de cet extraordinaire catalogue. C’est un événement, Coin de Mire Cinéma passe à l’Ultra HD avec les sorties de Classe tous risques et de L’Homme de Rio, deux films phares du début de la carrière de Jean-Paul Belmondo, sur lesquels nous nous faisons une joie de travailler. Cette mouture UHD du film de Claude Sautet se présente sous la forme d’un Digipack à deux volets, auquel est agrafé une reproduction du livret de presse original sur le côté gauche, le droit étant le réceptacle des deux galettes. Le tout est glissé dans un fourreau cartonné, évidemment aux couleurs emblématiques de l’éditeur.

On démarre la fameuse Séance chère à Coin de Mire Cinéma ?

C’est parti !

On commence par le journal des actualités de la douzième semaine de l’année 1960 (9’). Au programme, on y reparle de la création en 1924 de la Compagnie Française des Pétroles par Raymond Poincaré, chargée de la recherche des hydrocarbures en Moyen-Orient, une exploitation qui poursuit son œuvre, d’autant plus que l’industrie n’a eu de cesse d’évoluer. On inaugure aussi le sanatorium Rhône Azur de Briançon (où se déroulent notamment de nombreuses recherches liées à la tuberculose), tandis que dans la Sierra Nevada, tous les passagers se sortent indemnes du crash de leur avion. Retour en France, où on inaugure encore le nouveau centre de contrôle régional à Orly. Comme on dit les choses ne changent pas, pour preuve le combat mené par le monde paysan pour défendre ses droits, surtout face à la grande distribution. On y parle entre autres de remembrement agricole. Enfin, l’ambiance est plus légère en Allemagne, à Munich plus précisément, où mardi gras dure un mois, comme si « le carnaval de Rio était transposé à l’échelle européenne ! ».

Nous passons aux réclames visibles dans les cinémas en 1960 (9’20). Se succèdent ainsi les spots publicitaires pour les glaces Cornexqui (« le meilleur chocolat glacé ! »), les cacahuètes Ultje-Kerne, le bloc-combiné Lavix, les chaussures Pellet (sur un air de Touchez pas au grisbi), les PTT (faites confiance aux chèques-postaux), les produits de cuisine et de salle de bain Sanys, les montres Kelton, la Caisse d’épargne, sans oublier le pain d’épices Unimel (« de la santé en tranches »).

Julien Comelli, dont nous avons déjà parlé maintes fois, fait son retour chez Coin de Mire Cinéma pour nous présenter Classe tous risques (20’). Comme nous l’avions remarqué, ce dernier est un grand admirateur de José Giovanni (qu’il aait d’ailleurs rencontré à la fin de sa vie), raison sans doute pour laquelle le critique suisse démarre son intervention en évoquant le roman dans la carrière de son auteur, alors au début de sa « réinsertion professionnelle » dirons-nous. Julien Comelli parle des premières adaptations des livres de José Giovanni, qui vont alors toutes sortir dans un mouchoir de poche, Du rififi chez les femmes d’Alex Joffé, Le Trou de Jacques Becker et Classe tous risques de Claude Sautet. Il recentre sa présentation sur le film qui nous intéresse aujourd’hui, en abordant sa genèse (Lino Ventura serait venu lui-même voir José Giovanni pour lui indiquer qu’il avait adoré son roman, qu’il se retrouvait totalement dans le personnage principal et qu’il désirait le transposer à l’écran avec son ami Claude Sautet), le casting, l’évolution du scénario (on était à deux doigts de se retrouver devant une comédie musicale avec Dario Moreno en raison d’un des producteurs plus frileux, qui d’ailleurs ne voulait pas de Belmondo), puis la sortie de Classe tous risques au cinéma.

L’éditeur a pu mettre la main sur des scènes coupées inédites, qui ont été restaurées à cette occasion (11’). Plutôt que des scènes, il s’agit surtout de plans ou répliques qui ont été supprimés, sans doute pour des questions de rythme. Ces extraits sont judicieusement replacés là où ils devaient apparaître à l’origine, tandis qu’un panneau indique discrètement le caractère inédit de tel ou tel passage. Il s’agit entre autres d’ajouts vraisemblablement jugés sans importance sur les motivations des personnages ou sur la relation entre Abel et sa femme Thérèse.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Coin de Mire Cinéma présente une nouvelle version de Classe tous risques, restaurée en 4K HDR Dolby Vision par TF1 Studio, avec le soutien du CNC, de l’éditeur lui-même et d’OCS, réalisée à partir du négatif original et du négatif son français. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés par le laboratoire Éclair Classics, Paris/Bologne. Nous n’avions jamais vu Classe tous risques dans de telles conditions. Les contrastes affichent d’emblée une densité inédite, les noirs sont profonds, la palette de gris riche et les blancs lumineux. La texture argentique est présente, préservée, organique, rutilante, les arrière-plans sont stables, le piqué ahurissant et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration du film. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin, y compris sur les séquences sombres et nocturnes, logées à la même enseigne que les lumineuses séquences diurnes. La photo du chef opérateur Ghislain Cloquet n’a jamais été aussi resplendissante et le cadre brille de mille feux.

Le film de Claude Sautet bénéficie d’un écrin acoustique DTS-HD Master Audio 2.0 qui, sans surprise, met en valeur à la fois les magnifiques dialogues du film, ainsi que le superbe thème musical signé Georges Delerue. Les effets sont précis, aucun souffle n’est à déplorer et les plages de silence sont limpides. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Mondex Films / Les Films Odéon / Filmonor / Zebra Films / TF1 Studio / Paul Apoteker / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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