Test Blu-ray / Podium, réalisé par Yann Moix

PODIUM réalisé par Yann Moix, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Benoît Poelvoorde, Jean-Paul Rouve, Julie Depardieu, Marie Guillard, Anne Marivin, Odile Vuillemin, Mia Frye…

ScénarioYann Moix, Olivier Dazat, Arthur-Emmanuel Pierre d’après le roman Podium de Yann Moix

Photographie : Benoît Delhomme

Musique : Jean-Claude Petit

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2004

LE FILM

Nom : Bernard Frédéric. Profession : Claude François, chanteur à succès des années 70. Oui son métier, c’est d’être Claude François à la place de lui ; le meilleur de sa génération ; Il est son sosie chantant et dansant avec quatre choristes.
Son ambition, au grand dam de sa femme Véro, est de gagner le concours de la Nuit des sosies, diffusée en prime time sur une grande chaîne. Pris entre son désir de gloire et l’amour réel pour sa femme, tenaillé entre son chanteur idole et Véro, il lui faudra choisir.

Film événement avec près de 3,6 millions d’entrées en 2004 et troisième plus grand succès hexagonal cette année-là derrière Les Choristes et Un long dimanche de fiançailles, Podium est rapidement devenu un film culte. Révélé en 1992 dans C’est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux et André Bonzel, Benoît Poelvoorde passe ensuite par la télévision pour les deux shows Jamais, au grand jamais et Les Carnets de Monsieur Manatane, avant de retourner au cinéma. Après le succès des Randonneurs de Philippe Harel en 1997, il devient très vite convoité par les réalisateurs. Le comédien enchaîne alors Les Convoyeurs attendent de Benoît Mariage, Les Portes de la gloire de Christian Merret-Palmair, Le Vélo de Ghislain Lambert – à nouveau – de Philippe Harel. La donne change avec Le Boulet d’Alain Berberian, blockbuster à la française qui attire plus de 3 millions de spectateurs. Arrive enfin Podium, qui consacre définitivement Benoît Poelvoorde avec sa première nomination pour le César du meilleur acteur et l’obtention du Prix Jean Gabin en 2005.

En misant sur Benoît Poelvoorde pour interpréter le rôle principal de son premier long métrage en tant que réalisateur, Yann Moix, qui adapte ici son roman éponyme (2002, Editions Grasset) sélectionné pour le prix Goncourt, ne s’est pas trompé. D’ailleurs, le roman et le scénario ont été écrits spécialement pour lui. Benoît Poelvoorde est Bernard Frédéric et a pour métier Claude François… et accessoirement, banquier. Devenir le sosie de Claude François est son rêve. Après avoir raccroché pendant plusieurs années, fondé une famille et trouvé un emploi stable, il est contacté par Couscous, alias Michel PolnarG, l’étonnant sosie de Michel Polnareff afin de gagner le concours de la « Nuit des sosies » présentée par Évelyne Thomas au grand dam de sa femme Véro. Pour ce faire, il engage quatre Bernadettes, comme Claude François avait ses Claudettes.

Même si le ton a été quelque peu adouci par rapport au roman, Yann Moix a réussi à préserver l’ironie et le mordant de son livre pour sa transposition à l’écran. Alors que la téléréalité avec sa course à la célébrité battait son plein depuis l’émergence de Loft Story en France, Podium se penche sur les artistes locaux qui tentent d’exister en calquant leur existence sur celle de leurs idoles. Pour Bernard Frédéric, Claude François est bien plus qu’un modèle, c’est un mode de vie à part entière. Il respire, il vit et même il est Claude François. Déjà très investi, Benoît Poelvoorde crève l’écran dans la peau du pourtant enfoiré Bernard Frédéric, au point de chanter lui-même tous les tubes entendus dans le film. En plus de ses références avouées (Claude Zidi, Max Pecas, Bertrand Blier, François Truffaut, les films avec Louis de Funès), Yann Moix joue avec l’esthétique bariolée des années 1970 (y compris dans les décors et les costumes très réussis), s’en amuse plus qu’il s’en moque, à travers un personnage qui trouve finalement refuge dans le corps et la personnalité d’un autre. Odieux, vulgaire, égocentrique, tyrannique, misogyne, Bernard Frédéric a tout pour être repoussant, pourtant Benoît Poelvoorde en fait un monstre avant tout humain, mal dans sa peau et qui dissimule ses failles, ses fêlures et son mal-être. Jusqu’à la séquence finale où le comédien donne des frissons en interprétant Ma préférence de Julien Clerc face caméra dans l’espoir de reconquérir sa femme.

Podium est également un véritable hommage à Claude François. On peut d’ailleurs le préférer au biopic Cloclo de Florent Emilio-Siri qui montrait également un artiste colérique et perfectionniste, mais dont la mise en scène pesante et prétentieuse pouvait facilement ennuyer. Véritable comédie populaire, Podium enchaîne les scènes et les répliques cultes (« Toi, là-bas avec le calamar sur la tête… ») comme des perles sur un collier avec des comédiens déchaînés (Jean-Paul Rouve en sosie de Polnareff, Julie Depardieu pétillante) et un rythme enlevé qui reste toujours aussi efficace. Yann Moix reviendra derrière la caméra pour Cinéman, immense nanar absolu, mais c’est une autre histoire.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Podium, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Sortie technique, le menu principal de cette édition HD est fixe et muet.

Nous nous trouvons en présence de l’arnaque de l’année. Non pas que le master Haute-Définition soit infect, c’est même tout le contraire, mais tout simplement parce que l’éditeur a purement et simplement viré TOUS les suppléments que l’on trouvait sur les différentes éditions DVD du film !

Exit le très beau menu animé et musical, le chapitrage, la version longue (+ 26 minutes), le très bon commentaire audio de Yann Moix présent sur les deux montages, le pré-film annonce, la bande-annonce, le bêtisier, la galerie d’affiches et de photos, le making of de 70 minutes, le duo original Claude François/Petula Clark, bref tout a ici disparu. Zéro pointé !

Heureusement, Studiocanal se rattrape avec ce superbe master HD (1080p) qui restitue habilement les volontés artistiques du chef opérateur Benoît Delhomme (Des hommes sans loi, Mortel transfert). La patine argentique est élégante, les couleurs chaudes et clinquantes, les contrastes léchés et le relief constamment palpable. Ces partis pris esthétiques bigarrés sont savamment pris en charge par une compression sans failles, la définition demeure exemplaire sur tous les plans et tout du long, sur les scènes sombres comme sur les lumineuses séquences diurnes. Les détails sont légion sur le cadre large, le piqué aiguisé et la copie éclatante.

Podium vous donne l’occasion de transformer votre installation sonore en véritable jukebox-Claude François grâce à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 explosif. La balance frontale est riche et exemplaire, les dialogues solidement plantés sur la centrale et les latérales ne cessent d’exsuder leurs effets et ambiances dévastateurs, notamment sur toutes les séquences de représentations. Point de DTS-HD Master Audio 2.0, ni même de piste Audiodescription et encore moins de sous-titres destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Mars Distribution / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Sept morts sur ordonnance, réalisé par Jacques Rouffio

SEPT MORTS SUR ORDONNANCE réalisé par Jacques Rouffio, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez TF1 Vidéo

Acteurs :  Michel Piccoli, Gérard Depardieu, Jane Birkin, Marina Vlady, Charles Vanel, Michel Auclair…

Scénario :  Jacques Rouffio, Georges Conchon, Jean-Louis Chevrier

Photographie : Andréas Winding

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Le docteur Losseray, chirurgien talentueux, est victime d’un infarctus. Il s’en remet doucement. Mais son arrêt de travail réjouit le vieux professeur Brézé, qui dirige avec ses fils une clinique concurrente. Plusieurs fois, Brézé pousse Losseray à prendre sa retraite. Des années auparavant, soumis à une pression similaire de la famille Brézé, le docteur Berg, flambeur et brillant, avait assassiné sa famille avant de se suicider.

C’est un film qui fait froid dans le dos, qui donne la sensation qu’une main se referme progressivement sur votre gorge. Sept morts sur ordonnance est le second long métrage de Jacques Rouffio (1928-2016), réalisé neuf ans après son premier film L’Horizon, échec cinglant. S’il a peu tourné avec huit films mis en scène de 1967 à 1989 (dont Violette et François, Le Sucre et La Passante du Sans-Souci), Jacques Rouffio, ancien assistant de Jean Delannoy, Henri Verneuil et Georges Franju, s’est toujours démarqué par ses sujets atypiques. Comme l’indique une voix-off en guise d’épilogue, l’histoire de Sept morts sur ordonnance est inspirée par des événements réels qui se sont produits dans une même ville de France, un tragique double fait divers survenu à Reims dans les années 1960, à quelques années d’intervalle. Chef d’oeuvre du cinéma français des années 1970, bijou noir, Sept morts sur ordonnance demeure un vrai film coup de poing.

Losseray (Michel Piccoli), un brillant chirurgien, s’installe dans une ville de province. Son talent fait bientôt ombrage au clan des Brézé, réuni autour de son patriarche (Charles Vanel) et rassemblé par la gestion de quelques cliniques privées dont s’éloignent peu à peu les patients. Harcelé par ses concurrents, poussé à bout, Losseray est contraint de prendre un congé après un infarctus. Il s’intéresse à l’affaire Berg (Gérard Depardieu), un excellent médecin qui, quinze ans plus tôt, s’était suicidé après avoir tué sa femme (Jane Birkin) et ses trois enfants. Losseray retourne à sa clientèle mais, de plus en plus obsédé par la fin tragique de son prédécesseur et toujours soumis aux pressions des Brézé, il enquête parallèlement sur l’affaire Berg. Comme sur L’Horizon, Jacques Rouffio écrit le scénario avec Georges Conchon et s’attaquent cette fois aux notables de province et plus particulièrement ceux du monde médical. Tourné à Clermont-Ferrand et à Madrid (pour des raisons de coproduction), Sept morts sur ordonnance instaure d’emblée un malaise avec la composition envoûtante et funèbre de Philippe Sarde (qui rappelle le thème de Police Python 357 de Georges Delerue) et la photo froide, pour ne pas dire « clinique » (sans faire de jeux de mots) du chef opérateur Andréas Winding (Playtime, Le Passager de la pluie, Le Trio infernal).

Le spectateur est ensuite invité à suivre l’itinéraire de deux personnages, deux éminents chirurgiens, dont les destins vont être tragiquement liés. Ainsi, Losseray mène son enquête comme un flic et le spectateur découvre alors via quelques flashbacks la vie et la tragique disparition de Berg, médecin peu orthodoxe, interprété par un immense Gérard Depardieu qui sortait à peine des Valseuses de Bertrand Blier. Ce qui relie les deux est la pression exercée par les Brézé, clan familial de médecins composé du père, de ses trois fils et de son gendre, qui règnent en « maîtres » comme une vraie mafia sur la ville, notamment le père incarné par un vénéneux et monstrueux Charles Vanel qui ne pense qu’à s’enrichir sur le dos de ses patients, et qui voient d’un mauvais œil la renommée de leurs confrères, surtout quand ceux-ci déclinent leur proposition d’intégrer leur établissement. D’où un affrontement générationnel particulièrement violent, représenté par un Depardieu qui se permet de gifler Vanel, son aîné, en le remettant à sa place. Mais la vengeance et le harcèlement psychologique exercés par le second auront finalement raison du premier qui franchira le point de non-retour dans une séquence de carnage insoutenable, puisqu’il assassinera ses trois enfants et sa femme avant de se tuer.

Quinze ans plus tard, quand un nouveau chirurgien appartenant à une clinique concurrente en vient à s’occuper d’un quart des patients, les Brézé voient rouge – « Ça va au-delà de l’argent, il a un problème moral ! » – et l’histoire de se répéter. Drame chabrolien très dérangeant, tendu comme un thriller, ouvertement politique, redoutablement pessimiste, cruel, sombre et malgré tout divertissant, Sept morts sur ordonnance est non seulement l’un des meilleurs films de Jacques Rouffio, mais demeure également une référence du cinéma français quand il savait encore allier le cinéma populaire et le cinéma d’auteur, divertir tout en invitant le spectateur à la réflexion.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Sept morts sur ordonnance, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une des séquences du film.

Le premier supplément est une interview de Jacques Rouffio réalisée par Jérôme Wybon en 2009 (7′). Le cinéaste revient sur sa collaboration et son amitié avec Georges Conchon, la genèse de Sept morts sur ordonnance et le casting. Michel Piccoli et Charles Vanel apparaissent également à travers quelques images d’archives. Les comédiens s’expriment sur le travail avec Jacques Rouffio et sur les thèmes de Sept morts sur ordonnance.

L’éditeur joint également deux reportages télévisés d’époque, le premier centré sur le tournage à Clermont-Ferrand (3’30, JT FR3 Auvergne, 30 juin 1975) alors que le film s’intitulait encore « Chers vieux », le second concentré essentiellement sur les comédiens Charles Vanel, Jane Birkin et Michel Piccoli, enregistrés séparément (4’, JT FR3 Auvergne, 14 août 1975). Dans le premier module, durant une pause cigarette, Jane Birkin, Gérard Depardieu et Michel Piccoli partagent leurs impressions de tournage et le travail avec Jacques Rouffio, tandis que ce dernier se penche sur l’histoire.

Dans le second reportage, Jane Birkin répond entre autres aux questions du journaliste avec son sourire contagieux et évoque ses prochains tournages, La Course à l’échalote de Claude Zidi et Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale constituée de prises alternatives.

L’Image et le son

Fort d’une promotion numérique et d’une restauration 4K réalisée à partir du négatif original par Mikros Image, Sept morts sur ordonnance est enfin proposé dans un master HD de très haut niveau, qui permet d’apprécier enfin la photographie d’Andréas Winding comme il se doit. Bien qu’elles demeurent froides et presque cotonneuses sur les séquences sombres, les scènes extérieures sont les mieux loties avec un relief plus probant, un piqué plus acéré et des détails plus nombreux. Les séquences nocturnes ne sont pas pour autant dédaignées avec une jolie restitution des matières, le grain cinéma est respecté, la copie affiche une stabilité jamais prise en défaut (on oublie quelques minimes fourmillements), la copie demeure impressionnante, la propreté est indéniable (toutes les scories ont disparu) et les contrastes assurés avec des noirs solides. Vous pouvez d’ores et déjà mettre votre DVD (édité en 2009) à la poubelle !

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Plus dure sera la chute, réalisé par Mark Robson

PLUS DURE SERA LA CHUTE (The Harder They Fall) réalisé par Mark Robson, disponible en DVD et Blu-ray le 10 octobre 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Humphrey Bogart, Rod Steiger, Jan Sterling, Mike Lane, Max Baer, Jersey Joe Walcott, Edward Andrews…

Scénario :  Philip Yordan d’après le roman d’après le roman « Plus dure sera la chute » (The Harder They Fall) de Budd Schulberg

Photographie : Burnett Guffey

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h49

Date de sortie initiale : 1956

LE FILM

Eddie Willis, journaliste sportif au chômage, accepte l’offre de Benko, un manager de boxe corrompu, pour monter une combine qui les rendra riches. Ils profitent de la naïveté de Toro Moreno, un boxeur lourd et pataud, pour abuser du public auquel ils le présentent comme une force de la nature. Match après match, Toro écrase ses adversaires et gagne la sympathie du public qui, comme lui, ignore que chaque rencontre est truquée. Après avoir accepté toutes les compromissions, Eddie finira par écrire un article sur le racket dans le milieu de la boxe.

Plus dure sera la chuteThe Harder They Fall est le dernier long métrage tourné par le mythique Humphrey Bogart. Agé de 56 ans, le comédien était alors souffrant depuis plusieurs mois et se savait condamné par un cancer de l’oesophage. La maladie l’emportera en janvier 1957. Depuis 1951, Humphrey Bogart souhaite se diriger vers des rôles qui diffèrent de ceux qui l’ont rendu célèbre. Le tournant arrive en 1951 avec African Queen de John Huston, pour lequel il obtient l’Oscar du meilleur acteur. Après Bas les masques de Richard Brooks, Sabrina de Billy Wilder et La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz, Humphrey Bogart retrouve le réalisateur Edward Dmytryk, qui l’avait dirigé dans Ouragan sur le Caine, pour La Main gauche du Seigneur, The Left Hand of God. Si le film n’est pas un chef-d’oeuvre, il vaut encore largement le coup pour admirer les comédiens, notamment la magnifique Gene Tierney. Bogart tourne ensuite La Maison des otages sous la direction de l’immense William Wyler, avant de s’engager sur Plus dure sera la chute. Une œuvre quasi-testamentaire.

Mis en scène par le canadien Mark Robson (1913-1978), ancien monteur de Jacques Tourneur sur La Féline et Vaudou, mais aussi d’Orson Welles sur La Splendeur des Amberson, Plus dure sera la chute offre à Bogey l’un de ses plus beaux rôles. Eclectique, mais aussi inégal, on doit à Mark Robson Le Champion avec Kirk Douglas (1949), déjà un film sur le milieu de la boxe, Le Procès avec Glenn Ford (1955), ainsi que deux films de guerre très célèbres, L’Express du colonel Von Ryan avec Frank Sinatra (1965) et Les Centurions avec Anthony Quinn et Alain Delon (1966). L’un de ses derniers films, Tremblement de terre (1974) demeure l’un des fleurons du genre catastrophe. Bon technicien, il signe avec Plus dure sera la chute un de ses meilleurs films, peut-être même son chef d’oeuvre.

Humphrey Bogart incarne Eddie Willis, journaliste sportif en quête d’un scoop, contacté par le manager et chef du «syndicat» de la boxe, Nick Benko (Rod Steiger, monumental), qui lui propose de contribuer à la promotion d’un jeune boxeur argentin, Toro Moreno. Espérant découvrir un futur champion, Willis accepte l’offre. Il ne tarde pas à déchanter. En effet, bien qu’impressionnant à première vue, Moreno boxe à peine mieux qu’un débutant. Willis comprend vite que ses combats sont truqués. Pour son dernier baroud d’honneur, Humphrey Bogart ne pouvait espérer plus beau personnage. Critique virulente du milieu sportif, Plus dure sera la chute montre un monde pourri, régi par des salopards véreux qui ne pensent qu’à l’argent et qui traitent les hommes comme des animaux, comme s’ils dirigeaient des combats de coqs, en ayant recours à des combines infâmes, tout en convoitant le pactole. S’il est étrange, pour ne pas dire invraisemblable, que le personnage incarné par Bogey paraisse crédule au début du film et semble ne pas se douter autant des agissements que des desseins de Benko, le comédien lui apporte une impressionnante ambiguïté qui fait passer la pilule. Ou quand le jeu sobre et tout en retenue de Bogart (impérial) contraste merveilleusement avec celui de la méthode de Rod Steiger, déchaîné, qui ne tient pas en place, qui vocifère et jure en se retenant continuellement de taper du poing sur la table.

Face à ce manager corrompu et magouilleur, Eddie Willis devra faire un choix entre préserver son intégrité ou s’enrichir au détriment de toutes déontologies. Se prenant d’affection pour ce grand colosse aux pieds d’argile qu’il est supposé vendre à la presse comme étant le futur champion du monde, Eddie doit bien admettre que Toro (inspiré du boxeur Primo Carnera, 1,97 m pour 122 kg, champion du monde des poids lourds en 1933) ne sait pas se battre et que seule sa taille hors normes impressionne le milieu et les lecteurs de ses articles. Jusqu’à ce que Benko et ses hommes aillent trop loin en envoyant Toro à l’abattoir dans un match final violent et d’une rare brutalité, remarquablement filmé caméra à l’épaule, dans un N&B charbonneux (sublime photo de Burnett Guffey, chef opérateur de Tant qu’il y aura des hommes et Bonnie et Clyde) et qui inspirera plus tard Martin Scorsese pour Raging Bull. Eddie est bien décidé à sauver la peau de Toro, malgré les menaces de Benko à son égard, avant que le supposé boxeur ne finisse dans le caniveau, la cervelle en bouillie, comme le montre cette séquence hallucinante de l’interview de l’ancien « champion » de boxe, devenu clochard, édenté et handicapé.

Divertissement passionnant doublé d’un pamphlet acide écrit par Philip Yordan, du moins ce que crédite le générique puisque Yordan a longtemps servi de prête-nom pour des auteurs victimes du Maccarthysme, d’après le roman éponyme de Budd Schulberg publié en 1947, Plus dure sera la chute rejoint ainsi les grandes réussites du genre sportif aux côtés de Nous avons gagné ce soir (1949) et Marqué par la haine (1956), tous deux réalisés par Robert Wise.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Plus dure sera la chute, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Une fois n’est pas coutume, pas de Patrick Brion sur cette édition ! En revanche, Bertrand Tavernier et François Guérif ont répondu présent. Durant son intervention de 28 minutes, le premier indique d’emblée qu’il s’agit d’un des meilleurs films de Mark Robson et qu’il a eu un très grand plaisir à réévaluer. Après une rapide présentation du réalisateur et de ses films les plus célèbres, Bertrand Tavernier se penche longuement sur le cas du scénariste Philip Yordan.

Fils d’émigrants polonais, ce dernier demeure un mystère pour les spécialistes du cinéma puisque le scénariste en apparence « prolifique » a longtemps fait travailler d’autres écrivains à sa place et certains scénaristes inscrits sur la tristement célèbre liste noire lors du Maccarthysme. Un prête-nom avoué certes, mais Philip Yordan n’hésitait pas non plus à s’attribuer certains succès qu’il n’avait pas écrits. Pour Bertrand Tavernier, qui avait interviewé Philip Yordan (« j’ai rarement entendu autant de bobards de ma vie » dit d’ailleurs le réalisateur) c’est le cas pour Plus dure sera la chute, dont il attribue la paternité au romancier Budd Schulberg, qui avait adapté lui-même son livre en 1947, qui devait ensuite être mis en scène par Edward Dmytryk.

Le projet tombe à l’eau, mais la Columbia rachète le scénario à la RKO, qui atterrit ensuite sur le bureau de Philip Yordan. Bertrand Tavernier suppose que le scénario original a dû n’être que très légèrement retouché, Yordan y couchant ensuite sa signature. Bertrand Tavernier en vient au casting en revenant sur la dernière apparition d’Humphrey Bogart à l’écran, ainsi que sur le jeu de Rod Steiger, qui avait quelque peu décontenancé Bogey. L’historien du cinéma évoque deux points du récit qui le laissent quelque peu perplexe, mais loue la grande réussite de Plus dure sera la chute, encense la photo du chef opérateur Burnett Guffey, la mise en scène et le montage rapide, l’utilisation des décors et l’attention aux petits détails. Voilà une remarquable présentation !

De son côté, François Guérif peine évidemment à nous donner quelques indications supplémentaires, surtout en huit minutes. L’éditeur et passionné de film noir se concentre surtout sur le roman de Budd Schulberg et sa représentation du monde sportif dans Plus dure sera la chute où tous les personnages sont pourris et seulement intéressés par l’appât du gain.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos.

L’Image et le son

Ce master restauré au format respecté de Plus dure sera la chute, jusqu’alors inédit en France et présenté ici pour la première fois au monde en Haute-Définition, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Burnett Guffey (Les Désemparés, Désirs humains) retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, sans lissage excessif, ce qui devrait rassurer les puristes. Le cadre fourmille de détails, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce grand classique.

L’éditeur nous propose les versions anglaise et française de Plus dure sera la chute. Passons rapidement sur cette dernière, moins dynamique, qui a toutefois bénéficié d’un nettoyage aussi complet que son homologue. Evidemment, notre préférence va pour la version originale, plus homogène et naturelle, tout aussi propre, sans souffle parasite. Le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé.

Crédits images : © Columbia / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Puits et le Pendule, réalisé par Stuart Gordon

LE PUITS ET LE PENDULE (The Pit and the Pendulum) réalisé par Stuart Gordon, disponible en DVD et Blu-ray le 26 septembre 2017 chez Movinside

Acteurs :  Lance Henriksen, Jeffrey Combs, Oliver Reed, Stephen Lee, William J. Norris, Mark Margolis, Carolyn Purdy-Gordon…

ScénarioDennis Paoli d’après la nouvelle « Le Puits et le Pendule » d’Edgar Allan Poe

Photographie : Adolfo Bartoli

Musique : Richard Band

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

Machiavélique, cruel, Torquemada règne sur la très catholique Espagne par l’intermédiaire de l’Inquisition, doctrine religieuse dont il fait un instrument de promotion personnelle. Ainsi, lorsque la très belle Maria se refuse à lui, Torquemada fait torturer son mari, un boulanger. A l’objet de sa convoitise, le Grand Inquisiteur inflige ensuite l’accusation de sorcellerie, soupçon qui ne peut que la conduire au bûcher…

Né en 1947, le réalisateur américain Stuart Gordon connaît le succès dès son premier long métrage, Re-Animator (1985), adapté d’une nouvelle de H.P. Lovecraft. Les films – aujourd’hui devenus cultes – s’enchaînent, From BeyondAux portes de l’au-delà (1986) autre adaptation de Lovecraft, Les PoupéesDolls (1987) et plus tard Fortress (1993) avec notre Christophe(r) – Hin Hin Hin – Lambert national. Mis en scène en 1991, Le Puits et le PenduleThe Pit and the Pendulum, directement sorti en VHS en France, est la transposition d’une nouvelle écrite par Edgar Allan Poe, publiée pour la première fois en 1842 dans la revue littéraire annuelle The Gift : A Christmas and New Year’s Present et en France dans le recueil Nouvelles histoires extraordinaires. Avant Stuart Gordon, cinq autres metteurs en scène avaient adapté ce court récit, la première en 1909 par Henri Desfontaines, en passant par le film La Chambre des tortures (1961) de Roger Corman, librement inspiré de la nouvelle de Poe et l’adaptation d’Alexandre Astruc avec Maurice Ronet, moyen métrage de 1964 considéré comme étant la plus respectueuse de l’oeuvre originale. A l’instar du film de Roger Corman, la scène de torture qui donne son titre à la nouvelle et au film de Stuart Gordon, n’apparaît que dans le dernier quart d’heure du film qui nous intéresse. Il fallait donc broder un scénario autour de cet élément central.

Nous voilà donc plongés en Espagne, en 1492. L’Inquisition a instauré un sanglant règne de terreur, tortures et meurtres au nom de la religion. Prise dans la tourmente, Maria, la femme du boulanger Antonio, est accusée de sorcellerie. Elle comparaît nue devant le grand inquisiteur Torquemada. Subjugué par sa beauté, au point d’en être troublé “physiquement”, Maria devient le jouet des tortures sadiques de Torquemada. De son côté, Antonio va tout tenter pour libérer celle qu’il aime. Ce qui intéresse Stuart Gordon ici, ce n’est pas tant de mettre en scène les supplices endurés par les prisonniers hérétiques lors de l’Inquisition espagnole, que raconter une histoire d’amour. Certes, le réalisateur n’y va pas de mainmorte en filmant des coups de fouet, des strangulations en gros plan, des cilices qui trouent la peau, des membres écartelés, des langues coupées, des sorcières qui explosent, mais Stuart Gordon montre aussi et avant tout le lien qui unit un homme et une femme, plus fort que toutes les tortures endurées.

Peu importe si Poe déformait la réalité historique, le scénariste Dennis Paoli (Re-Animator, Le Dentiste) parvient à trouver cet équilibre entre l’émotion et l’horreur. Toutefois, il est vrai que Le Puits et le Pendule vaut essentiellement pour ses séquences qui lorgnent sur le sous-genre du torture porn, qui rappelle le cinéma d’exploitation des années 70. Pure série B horrifique, étrange et anachronique dans le monde cinématographique du début des années 1990, Le Puits et le Pendule est une bizarrerie très plaisante où trône un Lance Henriksen complètement allumé, en transe et donc inquiétant dans son personnage de grand inquisiteur dégénéré. N’oublions pas la participation de Jeffrey Combs et même une apparition d’Oliver Reed. Rien à redire du point de vue technique. Les décors (bien que cheap) comme la photo et les costumes sont aussi soignés que possible en dépit d’un budget limité et parviennent à nous plonger dans un monde étouffant et poisseux, mais aussi outrancier et carnavalesque avec des personnages fardés, qui s’esclaffent à la vue du sang ou devant le corps nu d’une demoiselle aux belles miches (elle est boulangère rappelons-le) et qui s’amusent à fouetter des squelettes pour blasphème.

Le rythme est plutôt bien soutenu et on s’amuse souvent du jeu parfois exagéré de certains comédiens, tout comme devant certains partis pris gore ou au contraire naïfs (“l’évasion” des sorcières près d’une fontaine) qui font le charme indéniable et plus que sympathique de ce Puits et le Pendule.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Puits et le Pendule, disponible chez Movinside dans une collection dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy, repose dans un boîtier classique et élégant de couleur noire. La jaquette saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de fantastique, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est tout aussi classe, animé et musical.

L’éditeur propose la bande-annonce originale et une présentation de ce bon vieux Marc Toullec (9’). Toujours installé dans son canapé, le journaliste a visiblement enchaîné les introductions disponibles sur le DVD de Bates Motel et le Blu-ray/DVD de La Nuit de la grande chaleur puisqu’on le retrouve dans la même position, le visage tourné vers son écran. Même principe que pour les deux autres présentations, Marc Toullec semble découvrir son texte pour la première fois, butte sur certains noms, se reprend et bafouille. La technique est tellement pauvre – avec un nombre conséquent de coupes – qu’elle prend le pas sur ce qui est raconté sur la production du film et le casting. Marc Toullec revient également sur les diverses adaptations de la nouvelle de Poe. On espère sincèrement que l’éditeur veillera à la qualité des suppléments sur ses prochaines sorties.

L’Image et le son

Comme pour La Nuit de la grande chaleur, le Blu-ray du Puits et le Pendule est au format 1080i. Toutefois, le master est plus qu’honorable, très propre, avec des contrastes denses et des couleurs plaisantes. Jusqu’alors inédit en DVD dans nos contrées, le film de Stuart Gordon tire profit de cette élévation Haute-Définition avec une stabilité jamais prise en défaut, un piqué pointu et une restitution élégante des partis pris esthétiques originaux avec son grain respecté. Seuls les arrière-plans sombres s’accompagnent de fourmillements.

Point de remixage à l’horizon, mais pas de Haute-Définition non plus en ce qui concerne le son ! Les pistes anglaise et française sont présentées en LPCM 2.0 et instaurent toutes deux un bon confort acoustique, même si la piste française surpasse son homologue sur la délivrance des dialogues. L’excellente partition de Richard Band bénéficie d’une belle ouverture des canaux, le doublage français est amusant et les effets annexes riches. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © FULL MOON FEATURES. ALL RIGHTS RESERVED / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Nuit de la grande chaleur, réalisé par Terence Fisher

LA NUIT DE LA GRANDE CHALEUR (Night of the Big Heat) réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et Blu-ray le 26 septembre 2017 chez Movinside

Acteurs :  Christopher Lee, Peter Cushing, Patrick Allen, Percy Herbert, Jane Merrow, Sarah Lawson, William Lucas, Kenneth Cope…

Scénario :  Ronald Liles d’après le roman de John Lymington

Photographie : Reginald H. Wyer

Musique : Malcolm Lockyer

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

Une invraisemblable vague de chaleur touche en plein hiver l’île britannique de Fara. À l’auberge du « Cygne Blanc », la tension monte en même temps que la température. Le mystérieux client Hanson finira par dévoiler la cause de cet étrange microclimat : des extraterrestres se préparent à envahir la Terre et la chaleur intense leur est indispensable pour survivre…

La Nuit de la grande chaleur, Night of the Big Heat en version originale et même Island of the Burning Damned pour son exploitation aux Etats-Unis, est l’un des derniers longs métrages du célèbre réalisateur Britannique Terence Fisher (1904-1980), grande figure de la Hammer Film Productions et metteur en scène de Frankenstein s’est échappé (1957), Le Cauchemar de Dracula (1958), La Revanche de Frankenstein (1958) et Le Chien des Baskerville (1959). Après avoir remis au goût du jour (et en couleur) les monstres qui avaient fait les belles heures des Studios Universal dans les années 1930-40, ainsi que Sherlock Holmes dans l’une des plus grandes adaptations de Sir Arthur Conan Doyle, le cinéaste s’engage pour deux films auprès de la Planet Film. Ce sera L’Île de la terreurIsland of Terror en 1966 et La Nuit de la grande chaleur (1967), d’après un roman de John Lymington. Disposant d’un budget restreint (euphémisme), Terence Fisher peut néanmoins compter sur la participation de deux monstres du genre, deux comédiens qu’il a très souvent fait tourner, Christopher Lee et surtout Peter Cushing qui collaborera près d’une quinzaine de fois avec le réalisateur. Malgré ce casting plus qu’attractif, La Nuit de la grande chaleur déçoit, ennuie souvent et le talent du cinéaste ne parvient pas à donner un souffle à son histoire limitée qui s’apparente souvent à du théâtre filmé.

Au mois de novembre, l’île de Fara située au large de l’Ecosse, est habituellement battue par les vents et la température y est hivernale. Cette année-là, il n’en est rien : une vague de chaleur inaccoutumée sévit sur la zone, perturbant animaux, végétaux et les habitants. Jeff Callum, un écrivain, propriétaire d’un hôtel, s’interroge sur les causes de ce bouleversement climatique. Il est également intrigué par le comportement d’un de ses clients, Godfrey Hanson. En forçant sa porte, il découvre dans sa chambre un véritable laboratoire. Hanson lui explique que des extraterrestres sont la cause directe de l’insupportable canicule. Malgré un excellent postulat de départ, une installation prenante et des effets paranormaux inquiétants, La Nuit de la grande chaleur ne tient pas longtemps la route. Si les comédiens sont évidemment excellents et font tout ce dont ils sont capables pour paraître inquiets et angoissés, le dispositif réduit le film à un quasi-huis clos, en réunissant les personnages principaux dans une auberge.

Terence Fisher distille une atmosphère moite très réussie. Le cinéaste y ajoute une touche sexy par la présence de la sensuelle Jane Merrow, dont le corps souvent exposé, caressé avec des glaçons ou tout simplement moulé dans un bikini du plus bel effet, fait tourner à la fois la tête du personnage interprété par Patrick Allen, mais aussi des spectateurs. Cette troisième tentative de science-fiction de Terence Fisher, après The Earth Dies Screaming (1965) et LÎle de la Terreur est plutôt banale et très bavarde. Le film emprunte beaucoup aux séries B de science-fiction qui envahissaient les cinémas américains dans les années 1950 et seules quelques scènes parviennent à vraiment à éveiller l’intérêt après la formidable exposition qui n’est pas sans rappeler l’album de Tintin, L’Étoile mystérieuse publié en 1942.

Terence Fisher parvient à restreindre les effets visuels en privilégiant le hors champ et les effets sonores à base d’acouphènes (très réussis par ailleurs), mais doit se résoudre à dévoiler les envahisseurs dans un final raté, involontairement drôle (quoique) et désuet. Profitant du titre « hot », le distributeur Empire Distribution, peu confiant sur la qualité du film, décide d’intégrer des scènes érotiques et de remanier le montage original, en misant uniquement sur le nom des deux actrices principales. Une arnaque qui a quand même attiré un demi-million de spectateurs dans les salles françaises en 1975 !

Revoir La Nuit de la grande chaleur dans son vrai montage n’apporte pas grand-chose, si ce n’est d’admirer le talent de deux grands comédiens, qui donnaient le meilleur d’eux-mêmes même dans les productions les plus fauchées. Pas désagréable, mais dispensable.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Nuit de la grande chaleur, disponible chez Movinside dans une collection dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy, repose dans un boîtier classique et élégant de couleur noire. La jaquette saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de fantastique, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est tout aussi classe, animé et musical.

Cette nouvelle vague Trésors du fantastique pèche par les présentations de Marc Toullec. S’il répond à l’appel, son introduction (7’) s’avère d’une pauvreté plutôt déconcertante. De biais, lisant un texte (sur un PC ?), bafouillant, se reprenant plusieurs fois, Marc Toullec se contente quasiment de faire une dictée, sans donner la moindre intonation à son texte, en se contentant d’énumérer des anecdotes de tournage, la sortie du film (dont la version agrémentée de scènes érotiques) et le casting de façon robotique. De plus, il semble que pour faire des économies en postproduction, Marc Toullec ait tout simplement mis une musique horripilante en fond pendant qu’il déclame son texte. A ce train-là, l’ancien co-rédacteur en chef de Mad Movies sera de dos lors de ses prochaines apparitions !

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080i. A cette bizarrerie s’ajoute un master défraîchi, aux couleurs complètement fanées à tendance jaunâtre. Le générique effraie quelque peu puisque l’image est constellée de points, de tâches et d’autres scories en tous genres. Si cela s’améliore après, la propreté n’est certainement pas le point fort de cette édition. D’ailleurs, l’ensemble demeure médiocre avec un piqué émoussé, un grain aléatoire et des contrastes du même acabit. La copie est néanmoins stable et diverses séquences tirent néanmoins leur épingle du jeu, même si la promotion HD n’est guère palpable sur ce titre.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage PCM 2.0. Pas de HD ici donc. Cependant, le confort acoustique est malgré tout assuré dans les deux cas. L’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis, même si l’ensemble manque de vivacité sur la piste française. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © EUROLONDON FILMS LTD. ALL RIGHTS RESERVED / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fast & Furious 8, réalisé par F. Gary Gray

FAST & FURIOUS 8 (The Fate of the Furious) réalisé par F. Gary Gray, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra-HD le 16 août 2017 chez Universal Pictures France

Acteurs :  Vin Diesel, Jason Statham, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez, Tyrese Gibson, Chris ‘Ludacris’ Bridges, Charlize Theron, Kurt Russell, Nathalie Emmanuel, Luke Evans, Elsa Pataky, Kristofer Hivju, Scott Eastwood…

Scénario :  Chris Morgan

Photographie : Stephen F. Windon

Musique : Brian Tyler

Durée : 2h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

La « famille » que forment Dom, Letty, Brian et Mia semble s’être avoir trouvé une vie normale. Quand Cipher, une cyberterroriste anarchiste entre en action, ce fragile équilibre est bouleversé. Celle-ci peut prendre le contrôle des voitures et ainsi semer le chaos. Sous sa coupe, Dom doit trahir les siens. Letty n’accepte pas le volte-face de son compagnon et veut le ramener dans le droit chemin. Avec Brian, Hobbs et leur ancien ennemi Deckard Shaw, elle va se mettre à nouveau derrière en volant, faire crisser les pneus, se lancer dans des course-poursuite à Cuba, à New-York, et les plaines gelées de la mer arctique et tenter de ramener Dom au bercail…

Depuis 2001, la franchise Fast & Furious est devenue l’une des plus lucratives de l’histoire du cinéma. Le phénomène est assez rare pour être signalé, depuis le quatrième opus en 2009, chaque opus aura fait plus de recette que le précédent, le cinquième épisode ayant engrangé plus de 600 millions de dollars à travers le monde, le sixième près de 800 millions. Le septième marqué par la mort prématurée de Paul Walker en novembre 2013, a explosé tous les records en rapportant plus d’1,5 milliard de dollars. Même chose concernant les budgets qui se sont littéralement envolés entre le premier, réalisé à l’époque pour seulement 38 millions de dollars, le huitième étant estimé à 250 millions. Bien qu’il était difficilement envisageable que le huitième volet fasse autant que le précédent, l’épisode qui nous intéresse a quand même battu les records une nouvelle fois avec 1,2 milliards de dollars de recette. Depuis l’arrivée de Dwayne Johnson et désormais Jason Statham dans l’équipe originale, la saga a su trouver un nouvel élan, tout en attirant de nouveaux spectateurs.

L’explosif épisode 7 mené de main de maître par James Wan, devait entamer une nouvelle trilogie et être suivi de deux autres films. Ce ne sera finalement pas le cas, puisque Vin Diesel, producteur chanceux de la saga, a fait savoir qu’il y aura trois autres épisodes désormais, les opus VIII, IX et X. Après un au revoir à Paul Walker, réalisé en images de synthèse à la fin du VII, notre Baboulinet préféré et sa clique partent donc sur de nouvelles routes. La franchise est donc à nouveau repensée. Mais comment surpasser ce qui a été fait précédemment ? Est-ce seulement possible ? Maintenant que Dom et Letty sont en lune de miel, que Brian et Mia se sont rangés (au revoir aussi à Jordana Brewster du coup) et que le reste de l’équipe a été disculpé, la bande de globetrotteurs retrouve un semblant de vie normale. Mais quand une mystérieuse femme, Cipher, une cyberterroriste anarchiste entraîne Dom dans le monde de la criminalité, ce dernier ne pourra éviter de trahir ses proches qui vont faire face à des épreuves qu’ils n’avaient jamais rencontrées jusqu’alors. Des rivages de Cuba (une première depuis 1962 pour une production américaine) aux rues de New York en passant par les plaines gelées de la mer arctique de Barrents (en fait le film a été tourné en Islande), notre équipe va sillonner le globe pour tenter d’empêcher Cipher de déchaîner un chaos mondial et de ramener à la maison l’homme qui a fait d’eux une « famille ».

Ce huitième « Rapides et Dangereux » ou plutôt ici « Le Destin des dangereux », titre traduit littéralement de l’anglais « The Fate of the Furious » pour le Québec, est cette fois signé F. Gary Gray. Venu du clip vidéo (pour Jay-Z, R. Kelly, TLC, Ice Cube), il est révélé en 1995 avec sa comédie Friday (avec Ice Cube et Chris Tucker), puis en 1996 avec son excellent polar Le Prix à payer. Deux ans plus tard, Le Négociateur, avec Samuel L. Jackson et Kevin Spacey est un joli succès au box-office et le réalisateur a désormais le vent en poupe. En 2003, on lui doit Un homme à part, l’une des rares incursions de Vin Diesel dans le registre dramatique, puis Braquage à l’italienne (avec Charlize Theron et Jason Statham), Be Cool en 2005 (la suite de Get Shorty adaptée d’Elmore Leonard) et Que justice soit faite en 2009. Il faudra attendre 2015 et le triomphe inattendu de NWA : Straight Outta Compton pour que F. Gary Gray fasse à nouveau parler de lui. Raison de plus pour que son ami Vin Diesel, qui avait un temps envisagé de rappeler Rob Cohen, metteur en scène du tout premier volet, fasse engager celui qui lui avait offert un contre-emploi plus de dix ans auparavant. F. Gary Gray prend donc le relais et signe un formidable divertissement, dans la droite lignée du film de James Wan, la virtuosité en moins sans doute. Mais le résultat est là. Fast & Furious 8 est un très grand spectacle décontracté et ne trahit en rien les attentes et espérances des spectateurs conquis. Fast & Furious 8 est un film d’action phénoménal, marqué par des séquences de poursuites hallucinantes à bord de véhicules en tous genres, des scènes de fusillades et de bastons dantesques et décalées, d’explosions, de cascades stupéfiantes repoussant sans cesse les limites de l’entertainment, avec toujours un ton résolument cartoonesque et proche de l’univers de Tex Avery sous stéroïdes croisé avec Mission Impossible et L’Agence tous risques.

Du point de vue des acteurs, rien ne bouge, ou presque : Vin Diesel parle toujours comme Terminator, roule des mécaniques en faisant la moue boudeuse. Visiblement, il souhaite montrer ici ses capacités d’acteur en se reposant sur la direction de son ami F. Gary Gray, ce qui nous vaut quelques séquences assez jubilatoires où il serre la mâchoire pour montrer son mécontentement ou sa tristesse. C’est pourquoi il reste toujours attachant. Il tente des trucs l’ami Vin, il est certes très limité, mais au moins il continue d’essayer à 50 ans. Michelle Rodriguez fait son retour habillée en débardeur et rivalise avec son partenaire en ce qui concerne les dents serrées. Dwayne Johnson se prend toujours pour G.I. Joe et détourne une torpille à mains nues, Tyrese Gibson et Chris « Ludacris » Bridges rivalisent de vannes potaches, Nathalie Emmanuel fait plutôt ici de la figuration et ne participe pas du tout à l’action, Elsa Pataky fait coucou (et au revoir), tout comme Luke Evans, Helen Mirren et d’autres apparitions surprises, tandis que Kurt Russell vient empocher son salaire et pour se marrer. C’est surtout Jason Statham, dans le rôle d’Owen Shaw, méchant de l’épisode précédent, qui intègre finalement l’équipe (oui bon, c’est aussi crédible qu’un rebondissement de soap-opéra), qui se taille la part du lion à chaque apparition à l’instar de l’évasion de la prison et surtout une baston anthologique à bord d’un avion, flingue en main, l’autre tenant un couffin. Sa confrontation avec Dwayne Johnson est un grand moment et devrait prochainement donner naissance à un spin-off ! Nouveau venu, probablement pour « succéder » à Paul Walker, Scott Eastwood interprète un protégé de Kurt Russell et promène son charisme brouillon lisse de Clint Eastwood avec beaucoup d’humour. Et la grande méchante alors ? Charlize Theron, regard de glace et arborant des dreads, surjoue à chaque réplique et prend visiblement beaucoup de plaisir. Peut-être moins à embrasser Vin Diesel, mais c’est une autre histoire. N’oublions pas la participation du comédien norvégien Kristofer Hivju, le redoutable guerrier Tormund Giantsbane de la série Game of Thrones, ici en homme de main impitoyable.

Comme les trois derniers opus l’avaient démontré, la saga a su évoluer en même temps que les spectateurs qui la suivent depuis le début en se concentrant dorénavant sur l’action pure et simple dans la droite lignée d’une bande dessinée grâce à un montage percutant, mais heureusement toujours fluide, limpide, lisible. Il faut voir comment le metteur en scène s’amuse avec ses personnages, à leur faire défier les lois de la gravité, sauter de plusieurs mètres et se relever sans une égratignure, le sourire toujours aux lèvres, une bonne vanne prête à être dégainée, à l’instar de la séquence sensationnelle à New York où des voitures « zombies » sont lâchées dans les rues de la grosse Pomme. Comme une adaptation live du dessin animé MASK, rien n’est réaliste dans Fast & Furious 8 et c’est pourquoi le spectateur est amené à prendre son pied pendant ces 135 minutes menées tambour battant, même s’il est évident que faire reposer l’histoire (et le suspense) sur la trahison de Dom envers les siens, est aussi vraisemblable qu’envisager Vin Diesel pour le rôle de James Bond.

Les personnages ? On les connaît, on les fait évoluer un peu, suffisamment pour mettre en route le neuvième épisode, mais en attendant, comme des figurines dans des petites voitures, on les place derrière leur volant et on leur fait faire des pirouettes, des tonneaux, on les fait voler, on sort la grosse artillerie et on fait joujou (principalement pour de vrai) avec tous les véhicules possibles et imaginables, dont un sous-marin. C’est ça la franchise Fast & Furious, véritablement à part dans le cinéma et l’on est toujours éberlué de voir comment un petit film « à la mode » et sans prétention est devenu aujourd’hui une immense entreprise de divertissement, LA référence du genre action, généreux, invraisemblable et jusqu’au-boutiste, qui donne aux spectateurs TOUT ce qu’il désire à en avoir la mâchoire pendante, les tympans crevés et les yeux révulsés. Ce n’est même pas un plaisir coupable, car depuis quand prendre du plaisir serait-il honteux ?

On ne sait pas ce que les scénaristes nous réservent pour le neuvième volet. Vu comme c’est parti, on imagine très bien Toretto et sa « famille » rouler sur la Lune. C’est peu dire qu’on a hâte de connaître la suite, prévue désormais en avril 2020.

LE BLU-RAY

Universal sort la grosse artillerie ! Le Blu-ray de Fast & Furious 8 repose dans un boîtier Steelbook rutilant, bleuté et argenté. Le menu principal est animé, musical et plonge directement dans l’univers du film. La version Extended director’s cut (13 minutes supplémentaires) n’est pas disponible sur le Blu-ray, mais sur la copie Digitale, un comble !

Alors que James Wan avait refusé de réaliser le commentaire audio sur l’opus qu’il avait (brillamment) mis en scène, F. Gary Gray prend le micro et se livre avec plaisir à l’exercice. Pas un seul temps mort durant ce commentaire très bien mené, généreux en anecdotes de tournage et sur la collaboration du réalisateur avec ses comédiens. En arrivant sur le huitième épisode d’une saga, il est évident que l’homme aux manettes ait dû faire ses preuves, ce qui est le cas, mais F. Gary Gray explique comment il a pris le train en route et démontrer qu’il en avait sous le capot. Pardon pour tous ces jeux de mots. Le cinéaste détaille ses intentions, les partis pris et rend également hommage à toute son équipe, en indiquant qu’un spectacle-bulldozer de cet acabit ne se fait évidemment pas seul et qu’il serait honteux qu’il récolte tous les lauriers. Quelques propos involontairement drôles nous font beaucoup rire quand F. Gary Gray indique que Scott Eastwood a tout pour devenir une grande star, que Vin Diesel livre ici sa plus grande prestation dramatique (et qu’il le compare à Marlon Brando ou Humphrey Bogart) ou que la scène du baiser Diesel/Theron allait bouleverser l’histoire du cinéma. Rien que ça. Ah oui et l’un de ses films d’action préférés est Nikita de Luc Besson. Un commentaire très sympa on vous dit.

Chaque segment est ensuite présenté par un des comédiens du film face caméra.

Le premier module vidéo est consacré au tournage du film à Cuba (8’). Vin Diesel, le réalisateur F. Gary Gray, les acteurs, les producteurs, le réalisateur de la seconde équipe, les cascadeurs, le scénariste, qui reviennent d’ailleurs dans chaque supplément, interviennent pour partager leurs expériences. De nombreuses images du plateau dévoilent l’envers du décor et la préparation de la séquence d’ouverture.

S’enchaînent alors quatre suppléments consacrés aux personnages (22 minutes au total). Ce sont les bonus les plus promotionnels dans le sens où les comédiens racontent l’histoire, les enjeux, l’évolution des personnages par rapport aux épisodes précédents, ainsi que l’introduction des nouveaux protagonistes. Cette fois encore, les propos sont illustrés par des images de tournage.

Un des intérêts de Fast & Furious 8 est évidemment l’utilisation de bolides hors-du-commun. Nous avons donc 3 documentaires (21 minutes au total) consacrés au tournage avec les Dodge, les Ford et les vieilles Chevrolet, les Ferrari, Lamborghini, Jaguar, Toyota, Subaru ou un concept car, une Bentley GT Groupe, un tank Ripsaw prêté par le département de la défense, un hors-bord Mystic, un Buggy militaire Stryker. Avec quelques gros plans sur la Dodge Ice Charger de Dom, la Dodge Ice Ram Truck de Hobbs ou encore la Rally Fighter de Letty. De quoi faire plaisir aux fans. L’un des segments s’attarde également sur la création de la séquence new-yorkaise avec les voitures zombies et la « pluie de voitures » sur le bitume.

Trois autres suppléments se focalisent sur le tournage des plus grandes cascades du film, à Cuba (6’), en Islande (7’) et à New York (5’). Même principe que dans les segments précédents, on y trouve des interviews de l’équipe et des images de tournage.

L’interactivité se clôt sur les séquences de bastons en prison et en avion, proposées en version longue (5’).

L’Image et le son

Nous n’en attendions pas moins ! Le master HD de Fast & Furious 8 est éblouissant et s’inscrit instantanément dans la liste des disques de démonstration. Le piqué et le relief sont renversants, les contrastes léchés, de jour comme de nuit tout est magnifiquement restitué et les détails abondent aux quatre coins du cadre large avec une profondeur de champ abyssale. Les carrosseries sont divinement lustrées, l’apport HD reste omniprésent, d’autant plus que F. Gary Gray s’est équipé de toute une armada de caméras numériques en tous genres (Arri Alexa XT Plus, Blackmagic Micro, Red Weapon Dragon), la clarté est aveuglante, la colorimétrie est riche et bigarrée avec une prédominance de teintes bleutées et les noirs sont denses. Vive le Blu-ray !

Sans surprise, dès l’apparition du logo Universal, le fracassant et immersif mixage DTS-X (autrement dit 11.2, oui vous avez bien lu), qui s’encode automatiquement en DTS-HD Master Audio 7.1 (et 5.1 donc) si – comme la plupart – vous ne possédez pas le matériel approprié. Ce mixage exploite les latérales dans leurs moindres recoins, et ce jusqu’à la fin du film avec la séquence de poursuite sur la glace entre le sous-marin et les voitures. C’est peu dire que Fast & Furious 8 met à mal toute installation acoustique digne de ce nom. La musique de Brian Tyler bénéficie d’une spatialisation percutante et systématique, les effets, explosions, tôles froissées, déflagrations et ambiances annexes foisonnent sans jamais noyer les dialogues. Les moteurs rugissent de partout. A titre de comparaison, la piste française DTS 5.1 fait pâle figure face à son homologue du point de vue homogénéité car trop rentre-dedans et manque singulièrement de finesse. Les rares séquences calmes jouissent d’un beau traitement de faveur. N’oublions pas le caisson de basses qui ne tient pas en place sur le sol et fait vibrer les murs pendant plus de deux heures. Le chaos ! Top démo si vous désirez épater la galerie ! Epique !

Crédits images : © Universal Pictures International France / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Couple modèle, réalisé par Peter Askin

COUPLE MODÈLE (A Good marriage) réalisé par Peter Askin, disponible en DVD et Blu-ray le 12 septembre 2017 chez Rimini Editions

Acteurs :  Joan Allen, Anthony LaPaglia, Stephen Lang, Cara Buono, Kristen Connolly, Mike O’Malley, Theo Stockman, Will Rogers…

Scénario :  Stephen King, d’après sa nouvelle Bon ménage

Photographie : Frank G. DeMarco

Musique : Danny Bensi, Saunder Jurriaans

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2014

LE FILM

Pour leurs amis, leurs enfants, leurs familles, Darcy et Bob Anderson forment un vrai couple modèle. 25 ans de mariage, pas le moindre accroc, et ils semblent amoureux comme au premier jour. Mais Darcy découvre que Bob pourrait être le violeur et le tueur en série qui sème la terreur dans la région depuis plusieurs années. Soudain l’horreur s’invite dans leur foyer…

S’il est indiscutable que Stephen King est et demeurera l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, on ne peut pas dire que ses participations aux adaptations pour le grand écran (comme le petit) de ses romans et nouvelles soient autant réussies que ses écrits. Après les catastrophes en date, la série Under the Dome et le film Cell phone, et après ses avis dithyrambiques sur les transpositions (navrantes) de La Tour Sombre, The Mist et 22.11.63 (si si), on est finalement surpris de la réussite de Couple modèle, A Good Marriage, tiré de la nouvelle Bon ménage, parue en 2010 dans le recueil Nuit noire, étoiles mortes.

Darcy et Bob Anderson sont mariés depuis presque trente ans et vivent un bonheur simple. Un soir, alors que Bob est en déplacement, Darcy fouille dans le garage à la recherche de piles et trouve une boîte contenant diverses pièces d’identité. Elle identifie l’une d’elles comme celle d’une victime du tueur en série Beadie, qui sévit depuis de nombreuses années. En faisant des recherches, Darcy découvre que Bob était à chaque fois en déplacement dans une zone proche des crimes lorsqu’ils ont eu lieu, ce qui achève de la convaincre qu’il est le tueur. Darcy, incertaine sur la conduite à tenir, va se coucher en remettant sa décision au lendemain. Elle est réveillée par Bob, qui l’a appelée dans la soirée et a senti son trouble. Bob sait qu’elle a découvert son secret et lui explique calmement qu’il a des pulsions homicides depuis l’adolescence et que, malgré tous ses efforts et surtout l’équilibre que Darcy lui a apporté, il n’arrive pas toujours à les contrôler. Bob implore Darcy de ne rien révéler pour le bien de toute leur famille et lui promet de ne plus jamais recommencer. Darcy, secrètement horrifiée, accepte mais doute que son mari tienne son engagement.

S’il œuvre principalement à Broadway en tant que metteur en scène (Hedwig and the Andry Inch), Peter Askin, fondateur du Westside Theatre, a également tâté du cinéma. On lui doit notamment Company Man (2000), coécrit, coréalisé et interprété par Douglas McGrath. S’il est étonnant de le retrouver aux manettes d’une adaptation de Stephen King, le dispositif finalement proche du théâtre de Couple modèle lui convient parfaitement. Outre un scénario très efficace et pour une fois très fidèle à la nouvelle originale (Stephen King ne s’est pas trahi sur ce coup-là), ce qui fait la force du film est l’interprétation des deux comédiens principaux, la grande Joan Allen et Anthony LaPaglia (Jack Malone dans la série FBI – Portés disparus). Excellemment dirigés, les deux acteurs rivalisent de cynisme, d’ambiguïté et tout simplement de talent dans ce thriller-dramatique qui se moque de la belle vitrine affichée par la bonne famille américaine puritaine où tout semble merveilleux et synonyme de bonheur. Derrière les façades des belles maisons fraîchement repeintes, des monstres guettent et attendent la tombée de la nuit pour sortir et se repaître de sang frais. Ou comment un homme, mari et père-modèle, se révèle être un serial-killer, qui après ses crimes rentre tranquillement chez lui où l’attend son épouse avec un verre de vin et prête à lui masser les épaules pour le détendre après un déplacement fatiguant. Jusqu’à ce que la femme en question découvre la véritable identité de celui avec qui elle partage la vie depuis plus d’un quart de siècle.

Joan Allen incarne parfaitement le trauma, le choc, la douleur, puis le combat de Darcy dissimulé sous le masque désormais ébréché du quotidien. Couple modèle prend alors un goût amer et savoureux, quand les deux époux, désormais « honnêtes » l’un envers l’autre, tentent de reprendre le cours de leur vie. Jusqu’à ce que l’un des deux cède. Avec sa réalisation élégante et bien tenue, sa solide interprétation (n’oublions pas la courte, mais intense participation de Stephen Lang), son humour noir et sa peinture de l’American Way of Life faite de sang et de vitriol, Couple modèle ne devrait pas décevoir les fans de Stephen King.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Couple modèle, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette reprend le visuel de l’affiche américaine. Très efficace, elle saura interpeller les fans de Stephen King, dont le nom apparaît en plus gros caractères que celui des acteurs et surtout en rouge-sang. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Seule la bande-annonce en version originale est disponible.

L’Image et le son

Couple modèle débarque chez nous directement en DVD et Blu-ray. L’éditeur soigne son master HD qui se révèle quasi-exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences sombres où l’image paraît plus douce. Le reste du temps, la clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés et la colorimétrie froide. Les détails sont élégants et précis aux quatre coins du cadre large.

Seule la version originale dispose d’une piste DTS-HD Master Audio 5.1. C’est évidemment ce mixage qui instaure un confort acoustique bien plus ample et plaisant que la version française (bon doublage) qui doit elle se contenter d’une petite PCM Stéréo. En anglais, la musique est systématiquement spatialisée grâce au soutien des latérales. Si les dialogues auraient mérité d’être un peu plus relevés sur la centrale, ils sont heureusement toujours nets et précis, la balance frontale est puissante et le caisson de basses utilisé à bon escient, sans esbroufe. La version originale est également disponible en PCM Stéréo, plus riche et naturelle que son équivalente française. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Anrderson, Coins, LLC. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Boule & Bill 2, réalisé par Pascal Bourdiaux

BOULE & BILL 2 réalisé par Pascal Bourdiaux, disponible en DVD et Blu-ray le 30 août 2017 chez Pathé

Acteurs :  Charlie Langendries, Franck Dubosc, Mathilde Seigner, Jean-François Cayrey, Nora Hamzawi, Isabelle Candelier, Manu Payet…

Scénario :  Benjamin Guedj d’après la bande dessinée de Roba

Photographie : Stéphane Le Parc

Musique : Mathieu Lamboley

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

La famille de Boule mène une existence aussi heureuse que paisible. Bill est parfaitement intégré dans cette petite famille, Boule travaille bien à l’école, sa maman donne des cours de piano à domicile tandis que son père est un dessinateur reconnu.
Tout bascule lorsque l’éditrice de ses bandes dessinées, bourrue et acariâtre, rejette le travail du père de Boule. Elle y voit une grosse panne d’inspiration due au fait que sa famille vit dans un bonheur très négatif sur sa créativité. Le père de Boule revient à la maison avec la ferme intention de réveiller sa famille de ce bonheur en générant un grand nombre de « bêtises ».
Boule et Bill mais aussi la maman vont également se mettre à faire dérailler ce « bonheur » familial jusqu’à l’explosion.

L’année 2017 n’a pas été simple pour le réalisateur Pascal Bourdiaux ! Deux échecs commerciaux et critiques très importants avec Mes trésors en janvier et Boule & Bill 2 en avril ! Avant de mettre en scène son premier long métrage en 2010, Le Mac, 1,5 millions d’entrées, Pascal Bourdiaux a d’abord fait ses classes sur la shortcom Un gars, une fille en réalisant près de 500 épisodes ! Il était aussi l’un des premiers à offrir à Kev Adams la tête d’affiche d’un film avec Fiston, dans lequel le jeune comédien donnait la réplique à Franck Dubosc. Porté par une critique positive et un bon bouche à oreille, près de deux millions de spectateurs avaient accueilli favorablement cette très bonne comédie. Pour Mes trésors et Boule & Bill 2 c’est une autre affaire.

Nous ne reviendrons pas sur Mes trésors, mais Boule & Bill 2 souffre des mêmes maux. Les scènes s’enchaînent à la va-comme-je-te-pousse, en cumulant les gags mous et les dialogues au rabais, sans oublier l’action de pacotille et une mise en scène fonctionnelle. Cette suite du film d’Alexandre Charlot et Franck Magnier (scénaristes d’Astérix aux Jeux Olympiques, Bienvenue chez les Ch’tis, Lucky Luke, R.T.T. et Imogène McCathery), qui ne s’imposait pas, mais alors pas du tout, s’offre le luxe d’être encore pire que le premier opus. En voyant ce nouveau volet, adaptation de la bande dessinée Boule & Bill, on se demande ce qui a pu se passer dans la tête de certains producteurs, sans doute trop confiants de penser que les 2 millions de spectateurs qui s’étaient déplacés dans les salles en 2013 pour la première « transposition » reviendraient. Mais c’était sans compter les mauvaises critiques et les avis négatifs. Une fois de plus, cette seconde adaptation live de l’oeuvre de Jean Roba ne retranscrit en rien la bande dessinée créée en 1959, à part peut-être la célèbre salopette bleue de Boule, et se trouve surtout dépourvue d’humour.

Franck Dubosc qui parvenait à s’en sortir dans le premier fait ici pitié. Ceci est d’autant plus regrettable qu’il peut parfois être très bon (Fiston, Les Seigneurs, Incognito), mais ce n’est pas en enchaînant les bouses-navets-nanars (Pension complète, Les Visiteurs : La Révolution, Camping 3, Les Têtes de l’emploi) qu’il parviendra à le prouver une fois de plus. Marina Foïs a eu du flair, puisqu’elle a gentiment refusé de reprendre son rôle de la maman de Boule. Elle laisse sa place à l’inénarrable Mathilde Seigner. Avec son jeu aussi léger qu’un 38 tonnes, l’actrice agace d’emblée par ses tics et ses répliques qui ne tombent jamais juste. Cela ne dure que 80 minutes montre en main et cela en paraît le double. C’est inter-minable, laid, niais. Du point de vue technique, la photo est orange, les décors aussi, les accessoires également, comme les cheveux de Boule et le teint de Mathilde Seigner.

Pourtant, la première séquence annonce d’emblée ce que sera le film à travers la réplique (sans trucage) « C’est de la merde. C’est à chier. C’est de la crotte, c’est du caca, c’est de la bouse, c’est du fumier, c’est de la pétoule de lapin, c’est de la fiente ». Bravo pour un film qui cible avant tout les très jeunes spectateurs ! Avec à peine 500.000 entrées pour un budget de près de 16 millions d’euros, Boule & Bill 2 rejoint le club des catastrophes industrielles aux côtés de Benoît Brisefer : les Taxis Rouges. La « franchise » est bel et bien enterrée. Tant mieux.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Boule & Bill 2, disponible chez Pathé, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Seul un bêtisier (8’) est proposé comme supplément. Sans doute pour faire ce que le film ne parvient jamais, faire sourire.

L’Image et le son

Ce transfert HD s’avère soigné, l’univers de la BD est bien retranscrit avec une prédominance de couleurs vives et pétillantes (les teintes orangées surtout), les contrastes sont au beau fixe et le piqué agréable. La définition est au top et ce master demeure un bel objet avec un relief omniprésent et des séquences diurnes aussi magnifiques qu’étincelantes.

Boule & Bill 2 n’est pas à proprement parler d’un film à effets et le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 ne fait pas d’esbroufe inutile. Seule la musique de Mathieu Lamboley est impeccablement spatialisée. Les effets latéraux et autres ambiances ont bien du mal à percer sur la scène arrière et pour cause puisque le film se déroule étrangement et très souvent dans l’appartement ou dans la maison. Quelques petites basses soulignent bien une ou deux scènes, mais demeurent le plus souvent en mode veille. La voix de Bill – Manu Payet se démarque sur la centrale avec un cran au-dessus de celles des autres comédiens. L’éditeur joint également une piste Stéréo, des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Nicolas Schul / Pathé Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / M15 demande protection – The Deadly Affair, réalisé par Sidney Lumet

M15 DEMANDE PROTECTION (The Deadly Affair) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 10 octobre 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  James Mason, Simone Signoret, Maximilian Schell, Harriet Andersson, Harry Andrews, Kenneth Haigh, Roy Kinnear…

Scénario :  Paul Dehn d’après le roman « L’Appel du mort » (Call for the Dead) de John le Carré

Photographie : Freddie Young

Musique : Quincy Jones

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

L’agent Charles Dodds enquête sur Samuel Fennan, soupçonné de sympathie envers le régime communiste. Après un interrogatoire où Fennan dément toute implication envers le communisme, il est retrouvé mort. L’agent Dodds va devoir prouver qu’il s’agit d’un meurtre…

Le romancier John le Carré (né en 1931) a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi « explosives » qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé et d’un ennui mortel, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Dernière transposition en date, Un traître idéal, adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011, un honnête thriller. Mais l’exemple type du passage à l’écran d’une œuvre de John le Carré demeure M15 demande protection, titre français absurde de The Deadly Affair, réalisé par le géant Sidney Lumet en 1966.

Comme la plupart des autres adaptations de le Carré au cinéma, l’intrigue de The Deadly Affair, adaptée du roman L’Appel du mort, part dans tous les sens et l’action est absente, mais Sidney Lumet et son scénariste Paul Dehn (Goldfinger, L’Espion qui venait du froid) privilégient une approche intimiste originale. Pendant la Guerre froide, en Angleterre, Samuel Fennan, un employé du ministère des Affaires Etrangères accusé d’amitiés communistes, est retrouvé mort. Tout pousse à croire à un suicide mais Charles Dobbs, officier au Secret Intelligence Service, MI5 (pour Military Intelligence, section 5), en charge de l’enquête pour le ministère de l’Intérieur et qui a rencontré Fennan la veille de sa disparition, ne croit pas qu’il se soit ôté la vie. Ses supérieurs veulent rapidement classer l’affaire mais Dobbs insiste et finit par démissionner afin d’avoir les mains libres pour mener son enquête. Il rend alors visite à la veuve de Fennan, qui lui impute la responsabilité de la mort de son mari. Au même moment, un vieil ami et compagnon de guerre réapparaît dans sa vie.

M15 demande protection permet à Sidney Lumet de se livrer à quelques expériences. Comme il s’agit d’un film sur le désenchantement et la désillusion, le cinéaste a demandé à son chef opérateur Freddie Young (Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago) de créer une palette de couleurs « sans couleur », d’atténuer les teintes, de les éteindre, afin d’appuyer l’atmosphère grisâtre de John le Carré, qui reflète un espionnage plus quotidien, neutre, peuplé de personnages qui ne savent pas où ils mettent les pieds, qui naviguent continuellement en eaux troubles, sur des terrains peu sûrs, où la réalité n’est jamais ce qu’elle paraît être. Loin de l’agent 007, les agents sont ici des bureaucrates, très rarement armés, qui déambulent dans des quartiers sales, glauques, sordides, où tout le monde soupçonne tout le monde et où la Realpolitik a eu raison des sentiments positifs. Plus que l’histoire d’espionnage elle-même, Sidney Lumet s’intéresse au drame psychologique vécu par les personnages, mais également aux ambiances et aux sensations.

The Deadly Affair est un film qui sent le feutre, le velours, l’encre, le sexe et la mort. La trahison est omniprésente, étatique et conjugale puisque la femme de Dodds est nymphomane et n’a de cesse de le tromper. Lumet et son scénariste se concentrent sur l’histoire personnelle de leur personnage principal, merveilleusement incarné par James Mason. Si la Paramount était détentrice du copyright du nom George Smiley depuis L’Espion qui venait du froid, le comédien britannique interprète ce même personnage rebaptisé ici Charles Dodds. Le regard tombant, la démarche fatiguée, le corps usé, le héros est ici malin, mais pas invulnérable et même tragique. Sidney Lumet instaure un climat sombre et pluvieux où tous les protagonistes semblent avoir quelque chose à se reprocher. En bénéficiant d’un casting européen, le cinéaste joue avec la musicalité des accents, entre la française Simone Signoret, l’allemand Maximilian Schell, la suédoise Harriet Andersson. Cette confrontation des langues appuie les tensions et surtout les suspicions des agents britanniques, dont le détective privé merveilleux incarné par Harry Andrews.

Afin de lui conférer un cachet intemporel, Quincy Jones compose une bande-originale décalée et bossa nova, qui contraste et qui pourtant s’intègre parfaitement à la complexité du récit et de ses personnages. Ce contrepied mélancolique aux aventures fantaisistes de 007 se cristallise lors du climax sensationnel où tous les protagonistes se retrouvent au théâtre, devant une représentation d’Edouard II, pièce sur la trahison, interprétée par David Warner. Les jeux de regards s’entrecroisent, les traitres se révèlent, les estomacs se retournent. C’est ici l’art du montage, du cadre et de la direction d’acteurs. C’est aussi virtuose qu’anthologique. Considéré comme un Lumet « mineur », M15 demande protectionThe Deadly Affair contient pourtant une des plus grandes séquences de toute l’immense carrière du réalisateur et rien que pour ça (mais pas seulement), le film mérite d’être reconsidéré.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Deadly Affair, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Trois présentations du film de Sidney Lumet pour le prix d’une ! Si elles se recroisent forcément à travers certains arguments identiques, ces trois interviews parviennent heureusement à se compléter suffisamment. Notre préférence se tourne vers celle de Bertrand Tavernier (25’30). Notre interlocuteur se moque gentiment du titre français (M15 et non pas MI5 !), évoque le roman L’Appel du mort de John Le Carré et revient en détails sur tous les éléments qui font pour lui la grande réussite du film : les décors, la photographie du chef opérateur Freddie Young, les thèmes sombres qui contrastent avec l’exotisme des James Bond qui triomphent dans le monde entier. Bertrand Tavernier examine le casting et déclare avoir de grandes réserves sur le jeu de l’actrice suédoise Harriet Andersson, tandis qu’il encense la prestation d’Harry Andrews et celle de Simone Signoret. S’il parle de deux ou trois éléments qu’il juge inappropriés, inutiles ou maladroits (deux plans en ouverture, l’esthétique quelque peu datée), Bertrand Tavernier fait l’éloge de la séquence finale quand les personnages se retrouvent au théâtre.

L’historien du cinéma Patrick Brion prend ensuite le relais (9’). Plus concis, ce dernier aborde tout d’abord la photo de Freddie Young et les volontés artistiques. Le travail sur la pellicule, les partis pris, les décors sont ensuite passés au peigne fin. L’adaptation de John le Carré est ensuite comparée à celle de L’Espion qui venait du froid, film réalisé par Martin Ritt et sorti l’année précédente. Pour Patrick Brion, The Deadly Affair est peut-être la plus belle transposition d’un des romans de l’écrivain au cinéma. Il s’attarde également sur le casting.

Dans le dernier entretien de cette édition, François Guérif (6’) parle tout d’abord du roman de John le Carré, avant d’analyser lui aussi les thèmes et les partis pris de M15 demande protection, titre français qui le fait encore rire comme son camarade Bertrand Tavernier avec qui il partage le même avis négatif sur Harriet Andersson. Il s’agit probablement du module le plus facultatif en raison de ses arguments quelque peu redondants, même si François Guérif demeure le plus critique sur le film de Sidney Lumet.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie d’affiches.

L’Image et le son

Très beau Blu-ray que celui édité par Sidonis Calysta ! Le disque est au format 1080p (AVC). Le master restauré par Sony respecte les magnifiques partis pris esthétiques du mythique chef opérateur Freddie Young avec cette palette de couleurs spécifique, volontairement fanées avec une prédominance de teintes brunes. Le grain est respecté, parfois peut-être un peu lissés ou au contraire trop duvêteux sur certaines scènes sombres, mais les détails ne manquent pas à l’instar de l’éclat des yeux bleus de Simone Signoret ou sur les nombreux gros plans. Hormis quelques séquences plus douces, la définition est impressionnante et l’image affiche une indéniable propreté.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la musique de Quincy Jones. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix, au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Il Gaucho, réalisé par Dino Risi

IL GAUCHO réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 12 septembre 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  Vittorio Gassman, Amedeo Nazzari, Silvana Pampanini, Nino Manfredi, Maria Grazia Buccella, Annie Gorassini, Nando Angelini…

Scénario :  Dino Risi, Ruggero Maccari, Tullio Pinelli, Ettore Scola

Photographie : Alfio Contini

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Marco Ravicchio, un attaché de presse financier « légèrement » à court d’argent, accompagne une compagnie de production italienne pour un voyage d’affaires en Argentine, afin de présenter un film lors d’un festival. Quand ce n’est pas avec les femmes, il passe le plus clair de son temps, à essayer de gagner un maximum d’argent, soit aux paris, soit en soutirant de l’argent auprès d’un italien expatrié, devenu un riche et prospère industriel…

La carrière du maître Dino Risi a été tellement grandiose, que l’on a de cesse de découvrir des pépites oubliées. C’est le cas avec Il Gaucho, réalisé en 1964, sixième collaboration entre le cinéaste et le comédien Vittorio Gassman, sur les 16 films qu’ils tourneront ensemble, de L’homme aux cent visages (Il mattatore) en 1959 à Valse d’amour en 1990. A peine sortis du chef d’oeuvre Le Fanfaron (1962) et des mythiques Monstres (1963), grisés par le succès et animés par la même énergie, les deux hommes remettent immédiatement le couvert avec Il Gaucho et partent tourner en Argentine. Méconnu, dissimulé derrière des œuvres devenues très populaires, Il Gaucho est pourtant l’une des plus grandes réussites de Dino Risi.

Vittorio Gassman est Marco Ravicchio. Marié et père de famille, il conduit une misérable délégation de cinéastes italiens à un festival à Buenos Aires, ainsi que quelques starlettes. Un italien expatrié, qui a fait sa fortune en Argentine, organise une réception somptueuse pour impressionner cette troupe. Entre mesquinerie et provincialisme, les Italiens découvrent en Argentine un monde qu’ils ne connaissent pas. Comme il se trouve à des milliers de kilomètres de chez lui, Marco décide de prendre du bon temps et espère retrouver un de ses anciens amis, parti faire fortune à Buenos Aires. Sous ses airs clinquants et déambulant dans au milieu des vedettes de cinéma, Marco s’est en réalité endetté et se voit vite rattrapé par sa situation.

On l’a souvent répété, mais Vittorio Gassman est une fois de plus immense dans Il Gaucho où il campe un personnage lâche, prétentieux, cupide, cruel, en un mot humain. Véritable typhon, le comédien virevolte constamment, nous gratifie de son immense sourire et emporte les spectateurs dans ses délires. De là à penser que son jeu inspirera le Belmondo des années 1970 il n’y a qu’un pas. Cependant, et c’est là tout le génie de Dino Risi et de ses coscénaristes, dont l’imminent Ettore Scola, l’énergie et la bonne humeur quotidienne du personnage, dissimulent en réalité la peur de se retrouver démuni ou tout du moins d’avoir des difficultés à joindre les deux bouts. Alors que le film est mené à cent à l’heure, Dino Risi effectue un virage inattendu en plein milieu de son récit, pour se concentrer sur les retrouvailles de Marco avec un ami d’enfance, Stefano, interprété par un autre monstre de la comédie italienne, Nino Manfredi, sublime et poignant, récompensé par le Grolla d’Oro du meilleur acteur en 1965.

Pensant que Stefano a réussi dans les affaires en Argentine, conformément à ses rêves, Marco tombe des nues quand il découvre son ami marié à une femme ingrate et vivant dans un appartement fort modeste, rongé par l’humidité. Stefano, vêtu d’un costume, probablement le seul qu’il possède, froissé et trop grand pour lui, a du mal à jouer bonne figure devant son ami, tandis que Marco, le visage affaissé et le regard triste, ne peut jouer son numéro habituel devant Stefano avec qui il a toujours été honnête. Dino Risi s’interroge alors sur le temps qui passe, sur les désillusions, sur les occasions manquées, sur le sort réservé à ceux qui n’ont pas eu la chance de réussir dans la vie. Une grande mélancolie s’installe durant cette incroyable séquence, la plus belle du film, tandis que Marco montre enfin son véritable visage, loin des paillettes et des mirages du monde du cinéma.

Le film reprend alors sur un ton doux-amer et même si l’humour est toujours aussi présent (un homme qui pourrait bien être Hitler est devenu jardinier, les bimbos qui ne comprennent rien à ce qui se dit ou qui croient voir la ligne de l’Equateur par le hublot), la vraie vie s’est immiscée un temps et tout ce qui est désormais montré dans le monde professionnel de Marco, fait de strass, de champagne, d’hôtels de luxe et de paillettes, est encore plus superficiel qu’au début. Il Gaucho est un film à redécouvrir et à réhabiliter d’urgence.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Il Gaucho est disponible chez ESC Editions, dans la collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits sont même proposés en Haute-Définition ! La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur noire (contrairement au visuel), lui-même glissé dans un surétui cartonné, se focalise uniquement sur Vittorio Gassman. Le verso montre tous les titres déjà disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est animé et musical. Aucun chapitrage.

Cette collection, bientôt entièrement chroniquée dans nos colonnes, a été éditée dans les bacs en trois vagues. La première en mars 2017 avec Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). La seconde vague au mois de juin avec Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Le Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). La dernière en septembre avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

Une fois de plus, nous retrouvons l’historien du cinéma Stéphane Roux pour une présentation d’Il Gaucho (13’). Visiblement très inspiré par ce chef d’oeuvre, notre interlocuteur s’attarde avec une passion contagieuse sur la collaboration du tandem Vittorio Gassman/Dino Risi, sur les personnages du film et explique en le citant qu’Il Gaucho était l’un des meilleurs souvenirs de cinéma du comédien. Stéphane Roux évoque également le succès critique et public du film, les thèmes, la méthode de travail de Dino Risi et d’Ettore Scola, le tout avec quelques anecdotes de tournage intéressantes.

L’interactivité se clôt sur une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro.

L’Image et le son

Mauvais point, le Blu-ray proposé est au format 1080i et ne respecte pas la vitesse de défilement originale de la pellicule, ici plus rapide. Malgré tout, le master HD d’Il Gaucho proposé ici est de fort bonne facture avec notamment une superbe restauration, des contrastes denses, une luminosité plaisante et un grain respecté. Hormis divers décrochages sur les fondus enchaînés, des fourmillements à la 72e minute (la séquence dans l’appartement de Stefano) et des petites déchirures ici et là, le Blu-ray d’Il Gaucho installe un confort de visionnage évident et cette copie qui ne manque pas d’éclat participe à la (re)découverte de ce bijou oublié de Dino Risi.

Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien Stéréo 2.0 aux sous-titres français imposés, pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens, enregistrées en postsynchronisation, peuvent parfois saturer ou apparaître en léger décalage avec le mouvement des lèvres.

Crédits images : © R.T.I. S.P.A. / ESC Conseils/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr