Test Blu-ray / Le Roi de coeur, réalisé par Philippe de Broca

LE ROI DE COEUR réalisé par Philippe de Broca, disponible en DVD et Blu-ray le 24 janvier 2017 chez L’Atelier d’images

Acteurs : Alan Bates, Pierre Brasseur, Jean-Claude Brialy, Geneviève Bujold, Michel Serrault, Adolfo Celi, Françoise Christophe, Julien Guiomar, Micheline Presle, Jacques Balutin, Marc Dudicourt…

Scénario : Daniel Boulanger et Philippe de Broca, d’après une idée de Maurice Bessy

Photographie : Pierre Lhomme

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Octobre 1918, le soldat britannique Charles Plumpick est envoyé comme éclaireur dans une petite ville française récemment évacuée. Il découvre que les habitants de l’hôpital psychiatrique sont restés, et qu’ils ont investi la ville selon leur fantaisie. Loin de la guerre, un général Géranium, un Duc de Trèfle ou une délicieuse Coquelicot l’accueillent chaleureusement comme « Roi de Coeur » dans leur univers…

« Vous voyez bien qu’il y a une barrière entre ce monde et nous ! »

En 1960, Philippe de Broca signe son premier film, Le Farceur. Il collabore à nouveau avec Jean-Pierre Cassel pour Les Jeux de l’amour (1960) et L’Amant de cinq jours (1961), avant de connaître son premier très grand succès avec Cartouche (1962). Suivront deux sketches réalisés pour les films collectifs Les Sept péchés capitaux (1962) et Les Veinards (1963), le triomphe international de L’Homme de Rio (1964), puis une nouvelle comédie avec Jean-Pierre Cassel, Un monsieur de compagnie (1964) et un autre grand succès avec Jean-Paul Belmondo, Les Tribulations d’un Chinois en Chine (1965), d’après Jules Verne. Le cinéaste a donc le vent en poupe quand il s’attaque à son projet le plus personnel, Le Roi de coeur, qu’il coécrit avec Daniel Boulanger, d’après une idée de Maurice Bessy.

Les soldats allemands et écossais s’affrontent près de Marville, un petit village du nord de la France dans les derniers mois de la Première Guerre mondiale. Menacé de destruction par les allemands, qui ont prévu de tout faire exploser quand sonnera minuit, le village est abandonné par l’occupant et ses habitants. Seuls les fous internés dans l’asile restent dans les lieux, qu’ils vont investir le temps d’une véritable récréation, sous les yeux éberlués des militaires. Avertis, les alliés chargent le soldat britannique Plumpick (Alan Bates) de trouver les explosifs et de les désamorcer. Les aliénés l’accueillent à bras ouverts, notamment Xénophon alias le duc de Trèfle (Jean-Claude Brialy), le Général Géranium (Pierre Brasseur), l’évêque Marguerite (Julien Guiomar), monsieur Marcel le coiffeur (Michel Serrault), la tenancière de la maison close madame Eglantine (Micheline Presle) et l’une de ses pensionnaires, la jeune et ravissante Coquelicot (Geneviève Bujold). Ils reconnaissent en lui leur roi bien-aimé. Il est désormais le Roi de Coeur. Le sacre se prépare à la cathédrale, mais bien qu’il s’attache rapidement à ces habitants insolites, Plumpick n’oublie pas sa mission, surtout que le compte à rebours a commencé.

« Vous ne voyez pas comment ils sont méchants de ce côté-là ? »

La critique française a été glaciale à la sortie du film en décembre 1966, qui résumait Le Roi de coeur à une « histoire avec des fous ». Totalement incomprise dans nos contrées où l’échec commercial atteint profondément le réalisateur (au point qu’il envisage d’arrêter le cinéma), qui avait produit son film pour la première fois de sa carrière, l’oeuvre de Philippe de Broca est cependant un immense succès aux Etats-Unis – il reste près de dix ans en exclusivité à Boston – et demeure aujourd’hui un vrai film culte. Il faudra attendre 2016-2017 pour que Le Roi de coeur soit enfin considéré à sa juste valeur en France, à savoir un des chefs d’oeuvre oubliés du maître de Broca. Car il faut bien avouer que ce long métrage anticonformiste et antimilitariste est un véritable bijou à réhabiliter de toute urgence. Le cinéaste fait de ses fous de véritables héros, qui ont su affronter le conflit armé en préférant se réfugier dans leur univers. Les aliénés forment une véritable communauté faite d’entraide et d’amitié, où chacun vit heureux et libre.

« Le merlan aime la friture…« 

Le casting est exceptionnel puisque les personnages sont interprétés par de véritables monstres du cinéma. Alan Bates (bondissant, malgré une cheville cassée sur le tournage !), Micheline Presle (sublime), Michel Serrault (dont le personnage annonce celui de La Cage aux folles), Pierre Brasseur (truculent), Julien Guiomar (hilarant), Jean-Claude Brialy (raffiné), Françoise Christophe (élégante), Geneviève Bujold (lumineuse et sensuelle), sans oublier Adolfo Celi dans le rôle inattendu d’un colonel écossais.

A mi-chemin entre le cinéma d’Ernst Lubitsch et de Blake Edwards, Le Roi de coeur, comédie décalée et sophistiquée est trop en avance pour les spectateurs de 1966. C’est dire l’importance de (re)découvrir aujourd’hui cette fantaisie poétique, intelligente et mélancolique, qui va à cent à l’heure, illuminée par la photographie de Pierre Lhomme et portée par la sublime partition de Georges Delerue, dont le thème du « Retour à l’asile » risque de s’inscrire pour longtemps dans la mémoire des cinéphiles.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray « Edition Royale » du Roi de coeur, disponible chez L’Atelier d’images, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné très élégant, reprenant le visuel de l’affiche réalisée pour la ressortie du film au cinéma dans sa version restaurée en janvier 2017. Le menu principal est animé et musical.

Dans un premier segment, le grand directeur de la photographie Pierre Lhomme (La Vie de château, Mortelle randonnée, Cyrano de Bergerac) revient sur son amitié et sa collaboration avec Philippe de Broca. Au fil de cet entretien (10’), illustré par d’exceptionnelles images du tournage (avec le réalisateur à l’oeuvre) du Roi de coeur dénichées par Jérôme Wybon, le chef opérateur évoque leurs débuts respectifs dans le monde du cinéma, les conditions de tournage du film qui nous intéresse, le tout ponctué par quelques anecdotes liées aux conditions des prises de vue et sur la sortie du film en France (un échec cuisant) et aux Etats-Unis (un film culte).

Le bonus suivant est composé de séquences du film montées sur un témoignage audio de Michelle de Broca (9’). Epouse du cinéaste de 1958 à 1961, productrice du Roi de coeur, Michelle de Broca se penche sur le tournage du film, l’accident d’Alan Bates survenu pendant les prises de vue (l’acteur s’est cassé la cheville), la mauvaise promo du film en France à sa sortie et l’excellent accueil critique et public du Roi de coeur aux Etats-Unis, porté par les étudiants américains qui voyaient dans cette histoire un parallèle avec la Guerre du Viêt Nam.

Document réalisé le 13 août 1966, un module d’archives compile les propos de certains comédiens du Roi de coeur sur le plateau. Jean-Claude Brialy, Julien Guiomar, Pierre Brasseur, Alan Bates, Michel Serrault, Geneviève Bujold, Micheline Presle et Marc Dudicourt. A tour de rôle, les acteurs évoquent le style de Broca, le rythme et l’univers du cinéaste et dressent au final un formidable portrait du réalisateur.

Un segment d’archives propose également un extrait d’interview de Philippe de Broca, réalisée le 6 février 1967 (1’30). Le cinéaste y parle de sa condition de metteur en scène et de son art qui lui permet de voyager dans l’univers du rêve, de l’irréel et de l’irrationnel, afin d’échapper au quotidien.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Roi de coeur a été restauré en 2015 par Technicolor pour Alex Productions. Les travaux de restauration et d’étalonnage ont été réalisés en 4K à partir du négatif original monté en 35mm Techniscope, sous la supervision du chef opérateur Pierre Lhomme. Et c’est superbe ! Dès le premier plan, l’image affiche une stabilité jamais démentie, un sublime grain original heureusement conservé et surtout excellemment géré. La propreté du master est tout simplement hallucinante, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique. Ce Blu-ray au format 1080p, redonne aux couleurs une nouvelle harmonie ainsi qu’un éclat inédit, le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes sont denses. On en prend plein les yeux et ce master HD permet de redécouvrir ce film maudit de Philippe de Broca dans les meilleures conditions techniques. Nous ne pouvions pas rêver mieux !

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Georges Delerue trouve un nouvel et remarquable écrin phonique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © L’Atelier d’images / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / USS Indianapolis, réalisé par Mario Van Peebles

USS Indianapolis (USS Indianapolis: Men of Courage) réalisé par Mario Van Peebles, disponible en DVD et Blu-ray le 4 janvier 2017 chez Marco Polo Production

Acteurs : Nicolas Cage, Tom Sizemore, Thomas Jane, James Remar, Matt Lanter, Brian Presley

Scénario : Cam Cannon, Richard Rionda Del Castro

Photographie : Andrzej Sekula

Musique : Laurent Eyquem

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Juillet 1945. Le navire USS INDIANAPOLIS, commandé par le Capitaine McVay, avec à son bord 1196 marins, doit livrer des composants de la bombe atomique. Sur le retour, le navire est torpillé par un sous-marin japonais et sombre dans l’Océan Pacifique en moins de 12 minutes. 300 marins périssent sur le coup. Le reste de l’équipage affronte, pendant plus de 5 jours, les attaques de requins, la déshydratation, la faim, les hallucinations et le désespoir. Seuls 317 survivants sont alors secourus. Le lendemain, Hiroshima est bombardée. 10 jours plus tard, la Seconde Guerre mondiale prend fin. En novembre, le capitaine McVay est envoyé devant la cour martiale.

Mesdames, messieurs, Nicolas Cage est de retour aux affaires. Après le très bon Le Casse des frères Brewer et le très recommandable The Runner d’Austin Stark, Nicolas Cage semble avoir repris les choses en main. Certes, cela ne veut pas dire que l’un des meilleurs comédiens du monde ne se vautrera pas à nouveau dans le navet improbable ou dans le nanar fauché, mais notre bien-aimé Nicolas Kim Coppola, né le 7 janvier 1964 à Long Beach en Californie, signe dans Uss Indianapolis une excellente performance. Si les Direct-To-Video mettant en scène Nicolas Cage sont la plupart du temps risibles de nullité, à l’instar de Tokarev, The Wicker Man, Croisades et Le Chaos, USS Indianapolis est encore une fois très encourageant et aurait même mérité une sortie dans les salles.

Réalisé par Mario Van Peebles en 2015, le film raconte l’histoire du croiseur lourd USS Indianapolis pendant la Seconde Guerre mondiale, le fameux navire coulé par un sous-marin de la Marine impériale japonaise en 1945 dont Quint / Robert Shaw narre le récit dans Les Dents de la mer. Si le budget d’USS Indianapolis est estimé à 40 millions de dollars, la qualité des effets spéciaux laisse franchement à désirer, mais heureusement l’intérêt du film n’est pas là. Le film est avant tout une histoire humaine bien racontée, qui se focalise sur une poignée de personnages très attachants. Si Nicolas Cage a effectivement le premier rôle et s’en acquitte admirablement, il est excellemment entouré de Tom Sizemore, Thomas Jane, Matt Lanter, James Remar et bien d’autres jeunes comédiens très convaincants. Bien sûr, certains tiqueront devant le copier-coller de la scène du naufrage qui plagie ouvertement celle de Titanic, pas avec les mêmes moyens certes, mais quasiment plan par plan au moment où le navire se brise en deux, puis se redresse avant de sombrer.

Puis, le film prend des allures de survival puisque les 900 survivants (sur un équipage de 1200 hommes) se retrouvent au beau milieu de l’Océan Pacifique, livrés à eux-mêmes, entourés de requins. Le jour suivant, il ne reste plus que 692 hommes et les effets de la déshydratation se font ressentir. Les requins sont toujours plus nombreux. Le troisième jour, près de 200 soldats périssent à leur tour. Les secours arriveront par hasard au bout du cinquième jour. 317 âmes seront sauvées. Dans la première partie du film, Mario Van Peebles prend le temps de présenter les personnages sur lesquels l’action se focalisera, à l’instar du jeune Bama (Matt Lanter), qui pense épouser la femme qu’il aime à son retour de mission. La reconstitution est simple, mais efficace. La mise en scène est soignée et malgré un rythme inégal et quelques redondances, l’intérêt demeure soutenu grâce à l’interprétation tendue et le suspens entretenu.

Nicolas Cage n’est pas là pour tirer la couverture et laisse donc largement de la place à ses partenaires. Mais il faut bien dire que nous n’avons d’yeux que pour lui, surtout dans la dernière partie quand son personnage est traduit en justice. En effet, le Captain McVay a été accusé d’avoir mis le navire en péril en négligeant d’adopter la manœuvre adéquate et en donnant trop tard l’ordre d’abandonner le navire. La séquence qui s’ensuit est difficile et Nicolas Cage, magnifique, émeut aux larmes. Drame historique, USS Indianapolis est un très beau film qui mérite vraiment l’attention des spectateurs et qui saura autant combler les fans de Nicolas Cage que les passionnés d’Histoire.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’USS Indianapolis, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette se concentre sur Nicolas Cage et saura attirer l’oeil de ses admirateurs les plus fervents. Aucun supplément.

L’Image et le son

USS Indianapolis bénéficie d’un master HD 1080p qui remplit son cahier des charges sans se forcer, mais avec efficacité. Le piqué est probant et acéré, les effets numériques paraissent bien artificiels et ressemblent à des animatiques figés. Les séquences en extérieur sont mieux définies avec une profondeur de champ palpable, des contrastes assurés, une luminosité aveuglante et une colorimétrie riche, froide et métallique. Certains plans sont étrangement floutés, l’image est plus douce sur les scènes agitées qui entraînent une légère perte de la définition, mais ce serait vraiment chipoter car la compression AVC consolide l’ensemble avec brio et les détails sont légion sur le cadre large.

L’ensemble des enceintes sur les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent lors des attaques, la musique de Laurent Eyquem bénéficie d’un traitement de faveur avec une belle ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’ambiance. Les dialogues ne manquent pas d’ardeur sur la centrale qui délivre les voix avec plus de peps. Les effets sont souvent balancés de gauche à droite, et des enceintes avant vers les arrières. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce petit spectacle acoustique sur les séquences opportunes avec un beau fracas. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée. La version française n’est pas québécoise et Dominique Collignon-Maurin double une fois de plus Nicolas Cage.

Crédits images : © Marco Polo Production / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Terreur sur la lagune, réalisé par Antonio Bido

TERREUR SUR LA LAGUNE (Solamente Nero) réalisé par Antonio Bido, disponible en édition Blu-ray + DVD + CD audio le 2 novembre 2016 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Lino Capolicchio, Stefania Casini, Craig Hill, Massimo Serato, Juliette Mayniel, Laura Nucci, Attilio Duse, Gianfranco Bullo, Luigi Casellato, Alfredo Zammi

Scénario : Marisa Andalò, Antonio Bido, Domenico Malan

Photographie : Mario Vulpiani

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h49

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Jeune professeur à l’université de Rome, Stefano D’Archangelo profite des vacances pour aller voir son frère, Don Paolo, prêtre dans une paroisse proche de Venise. En chemin, il rencontre la belle Sandra, artiste peintre qui vit avec sa mère paralysée. Le soir même de son arrivée, une médium est étranglée en face du presbytère, sous les yeux de Don Paolo. La vision du cadavre provoque chez Stefano une série de flash-back lui renvoyant l’image d’un petit garçon effrayé caché derrière un buisson. Dès lors, un tueur élimine un par un les participants aux séances de spiritisme dirigées par la médium. Tous ces crimes auraient-ils un lien avec le meurtre d’une jeune fille, vingt ans auparavant ?

Sorti sur les écrans en 1978, Terreur sur la laguneSolamente Nero, arrive au moment où le giallo connaît ses derniers soubresauts. Réalisé par Antonio Bido, qui signait ici son deuxième long métrage (sur sept à ce jour) après le succès de Il gatto dagli occhi di giada, ce thriller se déroule dans l’ambiance poisseuse, spectrale et inquiétante de Venise et de ses environs, dont l’île de Murano. Les spectateurs aujourd’hui au fait des ficelles et des codes du genre (dont le trauma originel), ne seront pas dépaysés et auront même toujours un peu d’avance sur les supposés rebondissements, mais la mise en scène, l’interprétation et le soin tout particulier apporté à l’esthétique en font toujours une indéniable réussite.

Film noir et sombre, Terreur sur la lagune doit finalement plus au cinéma d’Alfred Hitchcock (avec même un caméo de Bido), grande référence avouée du cinéaste, qu’à celui de Dario Argento ou de Mario Bava. Sans en révéler l’aboutissement, la séquence finale n’est pas sans rappeler celle de Sueurs froidesVertigo, et les séquences de meurtres, même si elles s’avèrent spécifiquement mises en scène chaque fois, marquent plus les esprits par l’installation du suspens que par l’acte proprement dit. Si le giallo s’essouffle, cela n’empêche pas Antonio Bido d’user de ses ressorts, pour finalement se les approprier et emmener le spectateur vers un thriller, non pas plus « classique », mais plus contemporain.

Terreur sur la lagune est un film ambitieux puisque conscient que le giallo est un genre qui s’éteint, le réalisateur souhaite décortiquer la mécanique de ce qui crée la peur dans ce cinéma, tout en cherchant à faire muter le fond et la forme vers quelque chose de plus moderne. Antonio Bido fait également appel à de solides comédiens, dont Lino Capolicchio (Le Jardin des Finzi-Contini), Craig Hill (Au nom du père, du fils, et du colt…, Dracula contre Frankenstein) et Stefania Casini (Suspiria). Avec leur charisme « hors du temps », ils traversent le film comme s’ils étaient plongés sous hypnose et campent des personnages ambigus, même si l’on découvre très vite qui s’évertue à laisser des cadavres derrière lui/elle. Ce qui intéresse Antonio Bido, qui bénéficiait alors d’une grande liberté et d’un budget très confortable, est surtout de marquer son film par de solides moments d’angoisse, les crimes sadiques et atroces apparaissant finalement comme la cerise sur la gâteau, mais pas aussi gores que pouvaient l’espérer certains spectateurs. Mention spéciale à la séquence d’ouverture, ou encore à celle où un homme plonge dans le canal glacé pour échapper au tueur, s’agrippe au bastingage d’un bateau, avant d’être rattrapé par le tueur qui l’écrase littéralement entre les deux coques. Même chose pour la vieille dame en fauteuil roulant, poussée dans le feu vif d’une cheminée.

Terreur sur la lagune ne révolutionne pas le thriller et joue avec les braises déjà consumées du giallo à travers une intrigue faussement alambiquée et même une scène de sexe, qui semble avoir été imposée au réalisateur. Il s’en acquitte fort admirablement notamment grâce à son décor brumeux, fantomatique, pour ne pas dire théâtral, remarquablement exploité et photographié par le chef opérateur Mario Vulpiani (La Grande bouffe, Un bourgeois tout petit, petit) et souligné par la composition aérienne de Stelvio Cipriani. A sa sortie, Terreur sur la lagune est bien accueilli par la critique, mais le film rapporte deux fois moins que Il gatto dagli occhi di giada au box-office, malgré son exploitation dans le monde entier. Mais le film demeure chéri par de nombreux cinéphiles quarante ans après.

LE BLU-RAY

Voilà assurément un des plus beaux coffrets que nous trouverons sur le marché cette année ! Disponible chez l’éditeur Le chat qui fume dans sa collection Exploitation italienne, le Blu-ray de Terreur sur la lagune repose dans un sublime Digipack à quatre volets, également composé du DVD du film, d’un autre consacré aux suppléments (que nous retrouvons sur l’édition HD), sans oublier le CD de la bande originale composée par Stelvio Cipriani. Sur le verso des volets, nous trouvons trois affiches originales du film, ainsi que la playlist du CD. L’ensemble se glisse dans un étui cartonné du plus bel effet, au visuel superbe et attractif. Cette édition limitée à 1000 exemplaires s’avère un véritable objet de collection. Le menu principal est animé et musical. Le grand luxe !

Plus rien n’arrêtera Le Chat qui fume ! En plus de nous proposer un formidable master HD et un merveilleux coffret, l’éditeur nous a concocté pas moins de 2 heures de suppléments particulièrement denses, passionnants et réjouissants, sans compter la possibilité de visionner le film en mode VHS (sur le Blu-ray uniquement), encodé ici en AVC et disponible en 1080i et version française (dans son montage charcuté donc), malgré un générique en anglais.

Mort à Venise, par Jean-François Rauger (19’) : Dans un premier temps, le critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française s’intéresse au parcours du réalisateur Antonio Bido, auteur de sept longs métrages et donne quelques indications sur le contexte de ses mises en scène. Ou comment un metteur en scène émerge en Italie au moment où son cinéma connaît ses dernières heures de gloire, y compris le giallo. Jean-François Rauger loue le caractère ambitieux et libre de l’oeuvre d’Antonio Bido à cette époque où la télévision commence à avoir la mainmise sur le cinéma. Ensuite, notre interlocuteur se penche plus précisément sur l’oeuvre qui nous intéresse, Terreur sur la lagune, en croisant judicieusement le fond avec la forme. Pour lui, Terreur sur la lagune s’inscrit dans la continuité de la tradition du giallo, œuvre dans laquelle Antonio Bido exprime son admiration pour Dario Argento et Mario Bava, mais également pour Alfred Hitchcock. Les conditions des prises de vues à Venise et ses environs sont passées en revue, tout comme les partis pris esthétiques, la musique, la mise en scène des meurtres. Enfin, Jean-François Rauger s’intéresse à la réflexion du film sur la mythologie et l’influence du giallo, ainsi que sur l’impact sur les spectateurs.

Le Monstre de Venise, avec le réalisateur Antonio Bido (36’) : Né en 1949, Antonio Bido est visiblement très heureux de partager ses nombreux souvenirs liés à Terreur sur la lagune. Le cinéaste replace ce long métrage, son second, dans sa carrière, en évoquant sa genèse, après son premier film et grand succès Il gatto dagli occhi di giada en 1977. Un hit qui lui a permis d’avoir carte blanche pour Terreur sur la lagune, Solamente Nero, titre choisi par les distributeurs – pour surfer sur l’aura de Dario Argento – et dont celui au moment du tournage était alors E dietro l’angolo il terrore (« Et à l’angle, la terreur »). Antonio Bido explique avoir voulu réaliser un film plus personnel que son premier long métrage. Jouer avec le genre du giallo, tout en réalisant un vrai film d’auteur. Les anecdotes liées au tournage s’enchaînent, comme les conditions des prises de vues à Venise et Murano, le travail avec les comédiens, sa petite apparition dans le film. Certains fans seront surpris d’apprendre que le réalisateur n’a pas vraiment d’affection pour le slasher, la violence et le sang au cinéma, mais préfère largement instaurer la peur aux spectateurs en jouant sur les effets suggérés et la montée de tension grâce à des effets de mise en scène, hérités notamment d’Alfred Hitchcock, sa grande inspiration. Sans langue de bois, il affirme ne pas aimer la séquence tournée en zodiac, en précisant que cette scène « joyeuse et solaire » rompt avec l’ambiance du film, tout comme il déclare également ne pas apprécier la scène d’amour. Antonio Bido passe également en revue sa collaboration avec le chef opérateur Mario Vulpiani et le compositeur Stelvio Cipriani. Enfin, le cinéaste parle de la sortie du film, qui a rapporté deux fois moins que son précédent long métrage, en raison d’une mauvaise distribution, même si le film s’était alors très bien vendu dans le monde entier.

Profondo noir, avec l’acteur Lino Capolicchio (24’) : Le comédien découvert en 1970 dans Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica, puis vu dans La Maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati (1976), commence cet entretien en racontant un souvenir personnel lié aux Frissons de l’angoisseProfondo rosso de Dario Argento (1975) dans lequel il aurait pu jouer le rôle principal s’il n’avait pas eu un accident de voiture. Lino Capolicchio se penche ensuite sur la situation du cinéma italien à la fin des années 1970. Il y reviendra d’ailleurs en fin d’interview en disant qu’il regrette cette liberté au cinéma aujourd’hui, une industrie qui dépend de la télévision et qui n’a plus du tout l’enthousiasme qui animait son art il y a plus de 40 ans. Nous retiendrons également toutes les anecdotes de tournage de cette présentation, durant laquelle l’acteur évoque également son travail avec Antonio Bido, Stefania Casini et Craig Hill, les conditions de tournage, le perfectionnisme du chef opérateur Mario Vulpiani, la mauvaise distribution du film malgré le bon accueil par la critique.

Les photos du crime, avec Antonio Bido (11’) : Le réalisateur est de retour, cette fois confortablement installé dans son canapé, pour commenter avec nous diverses photos prises sur le plateau. Une nouvelle occasion pour lui de parler de son travail avec les acteurs et ses techniciens.

Danza Macabra, d’Antonio Bido (23’) : Dernière intervention du réalisateur, qui présente ici une de ses dernières mises en scène, Danza Macabra. Bien qu’il n’ait pas réalisé de long métrage depuis 2000, Antonio Bido continue de tourner pour son plaisir personnel comme c’est le cas ici. Il s’agit d’un court-métrage d’un quart d’heure, sorte de long vidéo-clip, consacré au jeune pianiste Axel Trolese. Antonio Bido explique avoir toujours voulu réaliser un film musical. Le réalisateur s’est entouré de comédiens non professionnels, à l’exception de Manuela Morabito (vue dans Caos Calmo et plusieurs films de Pupi Avati), ayant tous acceptés de tourner gratuitement pendant cinq jours chez le cinéaste, qui s’est également occupé de l’éclairage et de la photographie, puis du montage. Un hommage au cinéma de Roger Corman et Mario Bava. Etrange et kitsch.

3 Gialli, avec Olivier Père (9’) : Le directeur du cinéma d’Arte France intervient ici, non pas pour parler de Terreur sur la lagune, mais du giallo. Quand on lui demande quels sont ses trois gialli préférés, Olivier Père répond Frissons d’horreurMacchie solari (Armando Crispino, 1975), puis deux ex-aequo avec 6 femmes pour l’assassinSei donne per l’assassino (Mario Bava, 1964) et Les frissons de l’angoisseProfondo Rosso (Dario Argento, 1977), puis Je suis vivantLa corta notte delle bambole di vetro et Qui l’a vue mourir ?Chi l’ha vista morire ?, deux films réalisés par Aldo Lado en 1971 et 1972. C’est ici l’occasion pour notre interlocuteur de faire une petite présentation du genre.

L’interactivité se clôt sur les génériques de début et de fin en langue anglaise (The Bloodstained Shadow), ainsi que sur les bandes-annonces de Terreur sur la lagune, La Soeur d’Ursula (test Blu-ray à venir), Tropique du cancer et La Longue nuit de l’exorcisme qui sortent très prochainement chez l’éditeur.

L’Image et le son

Jusqu’ici disponible en import uniquement, Terreur sur la lagune arrive dans l’escarcelle du Chat qui fume, en version intégrale, en DVD et en Blu-ray (1080p) ! La classe internationale ! Solamente nero bénéficie d’un superbe transfert, qui respecte le grain original, très bien géré, y compris sur les nombreuses séquences sombres. La définition est solide comme un roc et les flous constatés sont d’origine. Le master 1.85 (16/9 compatible 4/3) trouve d’emblée un équilibre fort convenable et restitue les très beaux partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Mario Vulpiani (La Grande bouffe, Dillinger est mort, Liza). Sombre et poisseuse, l’atmosphère du film trouve un nouvel écrin en Haute-Définition, les contrastes sont élégants et même si les noirs manquent parfois de concision, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité jamais prises en défaut. Les séquences diurnes sont lumineuses à souhait avec un piqué plus acéré et des détails plus flagrants, à l’instar du visage rosé et des yeux bleus de Craig Hill.

Terreur sur la lagune est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Stelvio Cipriani (La Baie sanglante). En dépit de quelques craquements, surtout en début de film, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage réussi, apparaît plus feutrée, légèrement chuintante, avec des effets plus confinés et un souffle très présent. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale. Le verso de l’étui n’indique pas les langues disponibles.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Charge des Tuniques Bleues, réalisé par Anthony Mann

LA CHARGE DES TUNIQUES BLEUES (The Last Frontier) réalisé par Anthony Mann, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2016 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Victor Mature, Guy Madison, Robert Preston, James Whitmore, Anne Bancroft, Russell Collins

Scénario : Philip Yordan, Russell S. Hughes

Photographie : William C. Mellor

Musique : Leigh Harline

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Jed Cooper est un trappeur brutal et isolé de la civilisation. Il s’engage dans l’armée avec ses deux partenaires mais, décidé à s’installer, cherche à séduire la très belle femme du colonel Marston. Entretemps, les soldats, jeunes et peu expérimentés, sont chargés de lancer une attaque contre les Indiens pour venir en aide à un fort voisin…

D’origine autrichienne et allemande, de son vrai nom Emil Anton Bundsmann, Anthony Mann (1906-1967) demeure l’un des plus grands réalisateurs américains de l’histoire du cinéma, spécialisé notamment dans le western, à l’instar de ses confrères Howard Hawks, Henry Hathaway et John Ford. Ancien comédien, régisseur de théâtre, il fonde une troupe de théâtre dans les années 1930 où officie également un certain James Stewart. Il commence dans le cinéma en supervisant les essais des acteurs et actrices pour le compte de la Selznick International Pictures. Puis, c’est aux côtés de Preston Sturges qu’il fait ses premiers pas en tant qu’assistant à la Paramount, avant de passer lui-même derrière la caméra en 1942 avec Dr. Broadway. Il se fait la main sur quelques séries B, en passant d’un genre à l’autre. Mais c’est en 1950 qu’il connaît son premier grand succès avec La Porte du diable.

Anthony Mann, parvient à mettre en scène un film progressiste en jouant avec la censure, même si l’industrie hollywoodienne est alors menacée par la fameuse chasse aux sorcières. Oeuvre engagée, le metteur en scène y prend ouvertement la défense des indiens. Sans cesse oublié et évincé au profit de La Flèche brisée, film également pro-indien de Delmer Daves, La Porte du diable demeure un chef d’oeuvre du genre, noir (certains cadrages sont dignes d’un thriller), âpre, pessimiste sur la condition humaine, magnifiquement réalisé et photographié. Suivront Winchester ‘73 (1950), Les Affameurs (1952), L’Appât (1953), Je suis un aventurier (1954), L’Homme de la plaine (1955), dernier des cinq westerns qu’Anthony Mann tourna avec James Stewart. Au milieu des années 1950, le western est un genre en mutation. Le cinéaste enchaîne immédiatement avec La Charge des Tuniques Bleues (1955), The Last Frontier.

S’il n’a pas la force de ses œuvres précédentes, La Charge des Tuniques Bleues n’en est pas moins très réussi. Ce qui frappe d’emblée c’est d’abord la magnificence du CinemaScope, même si Anthony Mann ne fait pas ici la part belle aux grands espaces en confinant principalement son action au sein d’une enceinte militaire. Nous sommes en 1860, en plein Oregon. La Guerre de Sécession est à ses balbutiements et les soldats américains ont été réquisitionnés. Arrivent trois trappeurs, Jed Cooper (Victor Mature), oui le même nom que Clint Eastwood dans Pendez-les haut et court de Ted Post, Gus (James Whitmore) et l’indien Mongo (Pat Hogan). Ils viennent de passer un an dans la montagne à braconner et ont réussi à faire le plein de fourrures qu’ils espèrent bientôt revendre. Subitement, ils se retrouvent encerclés par les Sioux menés par Nuage Rouge, qui proteste contre l’installation militaire sur leur territoire. S’ils font mine de ne pas les apercevoir, les trappeurs sont ensuite obligés de leur laisser leurs armes, leurs chevaux ainsi que le fruit de leur travail. Détroussés, ils parviennent à Fort Shallan, où ils sont accueillis par le Capitaine Riordan (Guy Madison), qui parvient à les faire s’engager en tant qu’éclaireurs civils. Les troupes de soldats sont dirigées par le colonel Marston (Robert Preston). Obsédé par le déshonneur qu’il a subi durant la guerre civile, cet officier autoritaire et vaniteux pense pouvoir redorer son blason grâce à une victoire contre les indiens et leur chef Nuage Rouge. Seul Cooper ose s’opposer au colonel pour l’empêcher de commettre cette folie.

La Charge des Tuniques Bleues repose en grande partie sur le charisme animal de Victor Mature, qui fait penser à Sylvester Stallone et Dean Martin. Le comédien est souvent très émouvant dans le rôle de Jed, trappeur buriné, attiré malgré lui par l’uniforme de la Cavalerie et pensant à fonder une famille en se rangeant de sa vie d’aventurier. Il tombe amoureux de Corrina (Anne Bancroft), la femme délaissée du colonel Marston. Bien qu’une idylle naisse entre les deux, Corrina ne peut quitter son mari et refuse sa demande en mariage. Jed sombre dans l’alcool, tandis que Marston, ivre de revanche, souhaite mobiliser toutes ses troupes pour éradiquer Nuage Rouge et ses hommes.

Point de « sensationnalisme » ni véritablement d’action, à part dans la toute dernière partie à travers un affrontement noyé dans la poussière, La Charge des Tuniques Bleues est avant tout un drame humaniste porté par des acteurs exceptionnels qui campent des personnages complexes, torturés et très attachants, comme souvent chez Anthony Mann en quête de rachat et de reconnaissance d’eux-mêmes. La Charge des Tuniques Bleues n’est sans doute pas l’oeuvre la plus réputée du cinéaste et malgré ses quelques défauts, dont un happy end imposé par la Columbia, reste un grand, dense et passionnant western à connaître absolument.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Charge des Tuniques Bleues, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Une fois de plus, Patrick Brion a répondu à l’appel de l’éditeur pour nous présenter ce film d’Anthony Mann (13’). Après avoir fait un tour d’horizon du western en 1955, l’historien du cinéma se penche sur ce film singulier et ses personnages particuliers, notamment celui du trappeur interprété ici par Victore Mature. Cela donne l’occasion à Patrick Brion d’aborder le casting, puis de croiser habilement le fond et la forme, avec une passion toujours aussi contagieuse.

L’un des gros plus de cette édition est l’entretien avec Anthony Mann (17’), réalisé par la BBC au moment du tournage à Londres de Maldonne pour un espion (images à l’appui du cinéaste à l’oeuvre), film qu’il n’aura pas le temps de terminer et qui sera repris par Laurence Harvey après son décès. Anthony Mann évoque son rapport avec les spectateurs, la mise en scène des séquences d’action, ses débuts en tant qu’acteur, ses influences (Murnau notamment), la dimension shakespearienne de ses westerns, la nouvelle figure du héros dans ses films, l’authenticité des tournages en extérieur, la représentation de la violence à l’écran. Une interview riche et rare !

L’interactivité se clôt sur une galerie d’affiches et de photos d’exploitation.

L’Image et le son

Le sublime cadre large est évidemment respecté et demeure le point fort de cette édition HD. Sinon le master est propre, en dépit de quelques poussières et points blancs demeurent encore notables et certains contrastes manquent de densité. La gestion du grain est aléatoire avec des séquences plus ou moins marquées selon la luminosité. Même chose pour les scènes sombres avec des noirs pas aussi concis que nous pouvions l’espérer, tout comme le piqué peu aiguisé. Des effets de pompage sont également constatés et la colorimétrie s’avère parfois terne, pour ne pas dire fanée, avec les visages des comédiens un peu trop rosés à notre goût. La copie est cependant très stable.

Que votre choix se porte sur la version originale (avec sous-titres français imposés) ou la version française, la restauration est satisfaisante. Aucun souffle constaté sur les deux pistes, l’écoute est frontale et riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont plus conséquents sur la version originale que sur la piste française, moins précise, plus étouffée, mais le confort acoustique est assuré sur les deux options. Le changement de langue est verrouillé à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Insaisissables 2, réalisé par Jon M. Chu

INSAISISSABLES 2 (Now You See Me 2) réalisé par John M. Chu, disponible en DVD et Blu-ray le 30 novembre 2016 chez M6 Vidéo

Acteurs : Jesse Eisenberg, Mark Ruffalo, Woody Harrelson, Daniel Radcliffe, Dave Franco, Morgan Freeman, Michael Caine, Lizzy Caplan, Jay Chou

Scénario : Ed Solomon, Pete Chiarelli

Photographie : Peter Deming

Musique : Brian Tyler

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Un an après avoir surpassé le FBI et acquis l’admiration du grand public grâce à leurs tours de magie exceptionnels, les 4 cavaliers reviennent. Pour leur retour sur le devant de la scène, ils vont dénoncer les méthodes peu orthodoxes d’un magnat de la technologie à la tête d’une vaste organisation criminelle. Ils ignorent que cet homme d’affaires, Walter Marbry, a une longueur d’avance sur eux, et les conduit dans un piège : il veut que les magiciens braquent l’un des systèmes informatiques les plus sécurisés du monde. Pour sortir de ce chantage et déjouer les plans de ce syndicat du crime, ils vont devoir élaborer le braquage le plus spectaculaire jamais conçu.

Réalisé par Louis Leterrier, Insaisissables avait créé la surprise en 2013 en devenant le plus grand, le plus fun et ludique des divertissements de l’été , qui s’est d’ailleurs soldé par un succès fracassant dans nos salles avec plus de 3 millions de spectateurs et en empochant plus de 350 millions de dollars au box-office mondial. Porté par un casting de choc avec Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Mark Ruffalo, Isla Fisher, Mélanie Laurent, Dave Franco, Michael Caine, Morgan Freeman et une petite apparition amusante de José Garcia, Insaisissables reposait sur un scénario malin, rempli de rebondissements en tous genres, aussi constants qu’inattendus. Ce qui faisait également la force du film, c’était également la mise en scène de Louis Leterrier qui emballait élégamment son attraction en 35 mm (très belle photographie) tant sur les scènes d’action que sur les grandes illusions, usant le plus possible de véritables trucages et tours de magie sur scène. Sa caméra virevoltait sans faire mal à la tête, le montage restait alerte sans pour autant rendre incompréhensible ce qui se déroulait à l’écran. L’alchimie entre les comédiens demeurait l’un des principaux attraits de ce divertissement qui se doublait d’une originale et entière réflexion sur le cinéma et la notion du divertissement.

Film d’action, de casse, comédie, d’aventures – l’histoire se déroulait entre Las Vegas, La Nouvelle-Orléans, New York et Paris – le tout teinté de fantastique, Insaisissables était, n’ayons pas peur des mots, un vrai joyau réalisé par un mec qui aime le cinoche pour ce qu’il est avant tout, pour les spectateurs désireux de passer un super moment de détente.

Les producteurs auraient dû savoir qu’il ne faut jamais demander à un magicien de refaire deux fois le même tour sous peine de découvrir le truc. Peu importe, car alléchés par l’odeur de l’argent, la suite d’Insaisissables a rapidement été mise en chantier. Si Louis Leterrier a poliment refusé la mise en scène pour aller filmer l’excellent Grimsby – Agent trop spécial, les studios LionsGate ont fait appel au dénommé John M. Chu, auteur (ou responsable c’est selon) de Sexy Dance 2, Sexy Dance 3D, Justin Bieber : Never Say Never (oui bon…) et le plaisir (même pas coupable) G.I. Joe : Conspiration qui avait rapporté près de 400 millions de dollars à la Paramount. Avant d’aller filmer les nouveaux tours de magie de notre bande, le réalisateur a réussi à mettre en boite une adaptation live de Jem et les Hologrammes, énorme four. Ce qui nous intéresse c’est donc le comeback des magiciens d’Insaisissables, qui ont tous répondu à l’appel, ou presque. Exit Mélanie Laurent (qui n’a pas été rappelée pour le coup) et Isla Fisher, alors en congé maternité, bienvenue à la délicieuse Lizzy Caplan, vue dans Cloverfield de Matt Reeves et surtout la série Masters of Sex, qui interprète le nouveau personnage de Lula, magicienne spécialisée dans le gore. Les autres reprennent leurs rôles respectifs, auxquels se joint Daniel Radcliffe, qui incarne ici le grand méchant (d’1m65) – Harry Potter passé du côté obscur – qui s’en prend aux Horsemen, avec une délectation plutôt contagieuse.

Insaisissables 2 est typique de la suite mise en route uniquement pour surfer sur le triomphe du premier film et de l’attachement des spectateurs pour les héros. Si on les retrouve effectivement avec plaisir, tout comme les ingrédients qui ont fait la réussite de la recette originale, cette séquelle n’a absolument plus rien à dire et tout est fait ici pour faire vendre du popcorn. John M. Chu fait de son mieux pour insuffler un rythme trépident à cette entreprise, mais le gros problème d’Insaisissables 2 c’est que la magie n’opère plus. Là où le premier privilégiait les illusions « réalistes, crédibles et authentiques » le second a trop souvent recours aux images de synthèse (l’arrêt de la pluie, sérieusement ?), ce qui rompt complètement le charme original. Le ton est ici un peu plus sombre, le film se déroule d’ailleurs quasiment entièrement de nuit, mais les rebondissements ne fonctionnent pas. Pourquoi ? L’audience s’est déjà faite entourloupée. Alors quand les Horsemen sont montrés en fâcheuse posture, les spectateurs savent d’emblée qu’ils ont plus d’un tour dans leur sac et/ou que tout avait déjà été prévu grâce à un « plan qui se déroule sans accroc ».

Malgré une baguette magique agitée dans tous les sens, peu de scènes marquantes viennent relever l’attention – à part celle du casse, bien qu’interminable – et ce n’est pas le dernier acte, complètement raté car sans cesse prévisible, qui sauvera l’entreprise. Les acteurs font le boulot sans y croire vraiment cette fois, à part Woody Harrelson qui s’amuse (et nous aussi) dans un double-rôle de frères jumeaux qui se détestent cordialement. A cette occasion, le comédien porte postiche, fausses dents et bronzage artificiel, et fait furieusement penser à son pote Matthew McConaughey ! Vous y penserez la prochaine fois. Lizzy Caplan s’agite un peu trop, Jesse Eisenberg semble se demander ce qu’il fait là, Dave Franco sourit, Mark Ruffalo garde la tête penchée en mode en Grumpy Cat, Morgan Freeman et Michael Caine gardent les mains dans les poches en attendant que ça se passe en se promenant entre Macao et Londres. Bon, aller, on va dire qu’on a déjà vu bien pire, mais après la grande réussite du premier opus, la déception est immense.

Si le film a connu un échec commercial aux Etats-Unis en récoltant un peu plus de 60 millions de dollars, soit deux fois moins que le premier, Insaisissables 2 a bien fonctionné dans le reste du monde avec notamment 2 millions d’entrées chez nous. Avant même la sortie du second, un troisième volet était déjà annoncé. Mais devant les chiffres décevant au box-office US, sa mise en route reste suspendue.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Insaisissables 2, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, musical et ponctué par quelques scènes du film en version française.

Le premier supplément, Un casting de choix (21’) revient sur la mise en chantier de ce second volet, marqué par le retour des comédiens au grand complet, ou presque, avec la présentation des nouveaux personnages. Les comédiens s’expriment sur les conditions de tournage, le producteur se frotte les mains, le scénariste présente les enjeux de cette suite et le réalisateur et les consultants en magie parlent du travail avec les acteurs. En grande partie, nous assistons à un concours de louanges avec les superlatifs attendus, le tout saupoudré des coulisses du tournage et notamment de la création du double-rôle campé par Woody Harrelson.

Le segment suivant, Ne les quittez pas des yeux (17’), accueille les mêmes participants, qui se focalisent cette fois sur les lieux de tournage, en particulier Macao et Londres. Le directeur de la photo, la chef déco et les créateurs des effets spéciaux se mêlent à la partie et analysent quelques séquences clés du film.

Enfin, le module Donner vie à la magie (16’) donne la parole aux magiciens qui ont officié comme consultants sur Insaisissables 2, y compris David Copperfield, également co-producteur. Des images montrent la préparation et l’entraînement des comédiens à la manipulation puisque le producteur désirait garder au maximum l’authenticité du premier volet en laissant faire aux acteurs le maximum de tours de magie en live.

Si vous désirez en savoir un peu plus sur Insaisissables 2, pourquoi pas revoir le film en compagnie du réalisateur John M. Chu, qui commente son film (en vostf) avec beaucoup d’entrain et suffisamment d’anecdotes pour qu’on ne s’ennuie pas une seconde. S’il brasse un peu tout ce qui est abordé au fil des suppléments en vidéo, ce commentaire s’avère distrayant, rythmé et intéressant. En revanche, bien qu’il indique avoir beaucoup laissé de scènes sur le banc de montage, nous aurions aimé les trouver dans les bonus ! Nous apprenons également que Louis Leterrier a donné un coup de main à la mise en scène, en particulier pour la séquence où la bande s’évade à moto.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Un très bel objet que ce master HD d’Insaisissables 2. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes léchés, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre. Certains plans nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute Définition. Les gros plans peuvent être analysés sans problème puisque la caméra numérique (Arri Alexa XT Plus, Red Epic Dragon) de John M. Chu colle parfois au plus près des personnages, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement avec des scènes ambrées en extérieur et plus froids dans les extérieurs, notamment à Macao avec les buildings éclairés aux néons. En dépit de quelques légers fléchissements, ce Blu-ray est évidemment une franche réussite technique et restitue les partis pris esthétiques du talentueux chef opérateur Peter Deming (Evil Dead 2, Mulholland Drive, La Cabane dans les bois) avec parfois un très beau grain.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre pas moins de quatre mixages, deux français et deux anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et 7.1 ! Ces options s’avèrent particulièrement bluffantes, surtout dans les scènes de représentations, mais également dans les séquences plus calmes. Les quelques pics d’action peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets en tous genres qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont présents et dynamiques. Seuls les dialogues auraient mérité d’être un peu plus relevés sur la centrale, comme bien souvent chez l’éditeur. De son côté, le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun, notamment durant le dernier acte se déroulant à Londres. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. L’éditeur joint également une piste française en Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Massacres dans le train fantôme (version longue non censurée), réalisé par Tobe Hooper

MASSACRES DANS LE TRAIN FANTOME (The Funhouse) réalisé par Tobe Hooper, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 23 novembre 2016 chez Elephant Films

Acteurs : Elizabeth Berridge, Shawn Carson, Jeanne Austin, Jack McDermott, William Finley, Sylvia Miles, Cooper Huckabee, Largo Woodruff

Scénario : Lawrence Block

Photographie : Andrew Laszlo

Musique : John Beal

Durée : 1h35 (version longue non censurée), 1h32 (version française)

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

C’est la fête ! Un parc d’attractions vient de s’installer en ville. Quatre adolescents délurés décident de passer la nuit à l’intérieur du manège le plus imposant de la fête : un mystérieux train fantôme. Alors que le parc ferme, les ennuis commencent pour nos quatre héros.

Massacres dans le train fantômeThe Funhouse, demeure un film injustement mal aimé. Après le phénomène Massacre à la tronçonneuse (1974), son second long métrage, Tobe Hooper enchaîne avec Le Crocodile de la mort, un nouveau film d’horreur gore avec Marilyn Burns, Mel Ferrer et William Finley, récompensé dans de nombreux festivals. Le cinéaste a alors le vent en poupe. Pour la télévision, il adapte Salem, le chef d’oeuvre et best-seller de Stephen King, dans un téléfilm de trois heures. En 1981, il fait son retour au cinéma avec Massacres dans le train fantôme, qui sera un échec à sa sortie. Le public attendait forcément une débauche d’hémoglobine du début à la fin et a dû être décontenancé par la très longue et pourtant passionnante installation. En effet, il faut attendre près d’une heure pour que le premier meurtre se déroule à l’écran et les spectateurs avides de sang ont dû trouver le temps long. Pourtant, Massacres dans le train fantôme est un film formidable qui repose entièrement sur la mise en scène de Tobe Hooper et un scénario qui rend hommage au grand classique de Tod Browning, Freaks, la monstrueuse parade (1932), mais aussi aux Universal Monsters des années 1930-40.

Dès la première séquence, hommage à Psychose d’Alfred Hitchcock et à Halloween, la nuit des masques de John Carpenter, Tobe Hooper happe le spectateur par l’intermédiaire d’une caméra subjective. Un individu rôde dans une chambre décorée de figurines, de masques et de posters d’épouvante (dont Frankenstein de James Whale), ainsi que de fausses armes de torture et d’araignées en silicone. Plan suivant, la charmante actrice Elizabeth Berridge nous gratifie d’un superbe topless (rien en silicone de son côté) puisqu’elle se prépare à prendre une douche. De son côté, l’individu louche revêt un des masques d’horreur et se dirige vers la salle de bain. Chanceux que nous sommes, nous partageons l’eau tiède avec la jeune femme, Amy Harper, quand nous apercevons la porte s’ouvrir doucement à travers le rideau de douche. A l’instar de Psychose, celui-ci est écarté brutalement tandis qu’une main brandit une arme blanche qui s’abat directement sur la (belle) poitrine et les hanches de la jeune femme. Quelques cris, mais pas de sang. L’arme est factice et l’individu louche s’avère en réalité le jeune frère d’Amy qui voulait lui donner la peur de sa vie. S’il a réussi à l’effrayer, Amy empoigne sévèrement son frère Joey et jure de lui rendre la monnaie de sa pièce et de façon encore pire qu’il puisse l’imaginer. Peu de temps après, Amy part avec son boyfriend et un couple d’amis pour la fête foraine qui vient de s’installer dans les environs. Malgré l’interdiction du père d’Amy de s’y rendre en raison de l’assassinat inexpliqué de deux fillettes dans cette fête foraine peu de temps auparavant, les quatre adolescents sont bien décidés à prendre du bon temps, à flirter, à assister à quelques spectacles de magie, bref à profiter de leur jeunesse. De son côté, Joey fait le mur, pour aller faire des tours de manège.

Tobe Hooper prend le temps d’installer son très beau décor principal, les personnages, une ambiance de plus en plus inquiétante, angoissante et anxiogène. La photo du chef opérateur Andrew Laszlo (Les Guerriers de la nuit, Rambo, Les Rues de feu) est superbe et sublime même chaque plan composé par le cinéaste, qui invite son audience à venir visiter un nouveau musée des horreurs peuplé de vaches difformes, avec deux museaux, un fœtus placé dans une cuve de formol. Le malaise et la peur sont donc inattendus et présents là où on ne le soupçonnait pas. C’est alors qu’en guise de défi, les personnages décident de passer la nuit à l’intérieur du train fantôme gardé par un homme portant un masque de la créature de Frankenstein. Un peu plus tard dans la nuit, tapis dans l’ombre de l’attraction, ils assistent au brutal assassinat d’une vieille diseuse de bonne aventure par l’homme au masque, qui se révèle être le fils du gérant du train fantôme. Après un coup de malchance, les adolescents se font remarquer. Conscient qu’ils ont dû assister à toute la scène, le boss lance son fils à leur poursuite. Ce dernier retire son masque de monstre, qui dissimule en réalité un autre mais vrai être difforme, tout droit sorti de l’enfer (maquillage signé Rick Baker), avec des dents aiguisées et des yeux rouges. Les quatre adolescents se retrouvent coincés dans le manège. Eux qui voulaient faire le plein d’émotions fortes vont être servis !

A la fois slasher et survival, The Funhouse parvient à sortir des sentiers battus grâce à sa forme (inspirée) mais aussi par le drame social qui se joue en filigrane, notamment les rapports familiaux dans la société américaine à la fin des années 1970. Un fossé générationnel n’a de cesse de se creuser et de faire de chaque membre des freaks à part entière. C’est là toute la force du cinéma de Tobe Hooper, ici en pleine possession de ses moyens (plutôt confortables d’ailleurs), à la fois divertissement généreux et fable ironique sur ses contemporains. Bien que le film soit rentable, Massacres dans le train fantôme est considéré comme un échec. Le producteur Steven Spielberg, qui souhaitait déjà le voir réaliser E.T. l’extra-terrestre, engage Tobe Hooper pour un film fantastique. Son titre ? Poltergeist. Bien que plus moins connu que ce dernier, Massacres dans le train fantôme est absolument à réhabiliter et mérite surtout d’être réévalué !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Massacres dans le train fantôme, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. A noter que le DVD propose uniquement la version cinéma, tant en version originale qu’en français, alors que la version longue non censurée est uniquement disponible en anglais et en Blu-ray !

En guise de barbe à papa, l’éditeur nous gratifie d’une présentation du film par le critique Stéphane Du Mesnildot (18’) officiant aux Cahiers du Cinéma. Cet exposé revient sur le troisième film pensé comme étant le dernier volet d’une trilogie consacrée à l’Amérique et à ses mythes. Stéphane Du Mesnildot passe en revue le thème des freaks, les références aux films de monstres Universal, analyse quelques séquences et les thèmes abordés de manière sous-jacente par Tobe Hooper.

Elephant Films joint également 5 minutes de scènes coupées, en réalité des séquences ajoutées pour la première diffusion de Massacres dans le train fantôme à la télévision, afin de compenser les coupes réalisées sur les séquences violentes ou à caractère sexuel. Nous voyons donc le père d’Amy s’entretenir plus longuement avec Buzz, avant qu’ils partent s’amuser, tandis que Joey lit l’histoire d’Hansel et Gretel dans sa chambre avant de se faire la malle.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et des bandes-annonces. Cette édition contient également un livret de 23 pages (non reçu), intitulé Faux slasher, vrai film de monstre, écrit par Lionel Grenier.

L’Image et le son

Massacres dans le train fantôme arrive dans les bacs français dans une très belle édition HD (1080p) entièrement restaurée. Le travail est impressionnant et l’image est très propre, débarrassée de la majeure partie des poussières, griffures et autres résidus qui ont dû être minutieusement enlevés image par image. Les images endommagées ont été réparées et les problèmes de densité et de stabilité ont été considérablement améliorés. Tout au long du processus de restauration, un soin particulier a été apporté afin que la texture originale du film, les détails, la structure du grain ne soient pas affectés par le traitement numérique. Ce nouveau transfert Haute Définition permet de redécouvrir Massacres dans le train fantôme sous toutes ses coutures avec une magnifique patine argentique. Cette élévation HD offre à la colorimétrie un nouveau lifting et retrouve pour l’occasion une nouvelle vivacité. Si la gestion du grain et des contrastes demeure aléatoire et plus altérée sur les séquences sombres, au moins pas de réduction de bruit à l’horizon, les détails et le piqué sont plus qu’honorables. N’oublions pas la stabilité de la copie soutenue par un codec AVC exigeant.

En anglais (version longue) comme en français (version cinéma), les deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 contenteront les puristes. Ces deux options acoustiques s’avèrent dynamiques et limpides, avec une belle restitution des dialogues et de la musique. Les effets sont solides bien que certains paraissent plus étouffés, mais le confort est assuré. Pas de souffle constaté.

Crédits images : © Elephant Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Equals, réalisé par Drake Doremus

EQUALS (Akai Satsui) réalisé par Drake Doremus, disponible en Blu-ray et DVD le 20 décembre 2016 chez Orange Studio

Acteurs : Kristen Stewart, Nicholas Hoult, Guy Pearce, Jacki Weaver, Kate Lyn Sheil, Aurora Perrineau, Toby Huss, Scott Lawrence

Scénario : Nathan Parker

Photographie : John Guleserian

Musique : Dustin O’Halloran, Sascha Ring

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Durant « La Grande Guerre », la Terre a connu 28 jours de bombardements. 99,6 % de la surface habitable de la planète a été anéantie. Une zone a survécu, la Péninsule, peuplée d’êtres jugés primitifs appelés les Déficients. Le reste de la population est confinée dans des cités où les sentiments sont considérés comme une maladie à éradiquer car symboles et vestiges du passé tumultueux de la race humaine. C’est dans une de ces villes blanches et aseptisées que Nia et Silas tombent éperdument amoureux. Pour survivre, ils devront cacher leur amour et résister ensemble.

Prendre Kristen Stewart et Nicholas Hoult, qui sont loin d’être les comédiens les plus expressifs, pour interpréter deux jeunes qui tombent amoureux dans une société dystopique où les sentiments (peur, angoisse, amour, colère), les contacts physiques et les désirs sont prohibés dès la naissance, n’était pas une mauvaise idée sur le papier. Le problème avec Equals, réalisé par l’américain Drake Doremus, dont les quatre premiers longs métrages indépendants ne sont jamais sortis dans les salles françaises, c’est qu’il croule sous les références, tant sur le fond que sur la forme, et qu’il ne se distingue jamais d’autres films du genre. S’il n’était pas interprété par ces deux jeunes acteurs, qui font partie des plus convoités aujourd’hui, Equals, présenté en compétition au Festival de Venise 2015, n’aurait sans doute pas bénéficié d’une sortie en e-cinéma en France.

Equals est un petit film de science-fiction qui lorgne sur le 1984 de George Orwell, sur THX 1138 de George Lucas et Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol. En dehors de ces excellentes références, Equals ne parvient jamais à instaurer une ambiance, un climat, un contexte, un ton et demeure aussi figé que le jeu apathique de son couple principal. Heureusement, les apparitions furtives des excellents Guy Pearce et Jacki Weaver viennent un peu secouer tout ça. Mais on s’ennuie rapidement devant ce petit film qui veut probablement inciter à la réflexion sur monde d’aujourd’hui, qui a sûrement des choses à dire sur l’incommunicabilité entre les êtres et sur la force des sentiments face à l’adversité et la répression, mais qui les dit mal en se reposant trop sur ses modèles pour faire passer son discours. Dernièrement, The Lobster de Yorgos Lanthimos et même The Island de Michael Bay il y a plus de dix ans en disaient bien plus sur le conditionnement de l’être humain.

Dommage quand on sait que le scénario est signé Nathan Parker, auteur du fantastique Moon de Duncan Jones et que le film est également coproduit par Ridley Scott. Ici, le décor est pauvre et glacé, comme si les comédiens déambulaient dans la Bibliothèque François Mitterrand, on prend un thème musical de trente secondes que l’on passe en boucle non-stop pendant près de deux heures durant lesquelles Kristen Stewart et Nicholas Hoult font la tronche, ce en quoi ils excellent, et sont filmés comme pour une pub de parfum de luxe. La mise en scène compile des gros plans sans consistance tandis que les dialogues s’inspirent visiblement d’une chanson de Patrick Bruel avec « l’amour, c’est mieux que la guerre ».

Equals est un film sur lequel on misait, mais qui finit par irriter au bout d’un quart d’heure et qui n’a rien à proposer si ce n’est du vide, sur un rythme lent. Avec son « intrigue » redondante et trop classique, parvenir jusqu’à la fin de ce film d’anticipation, qui s’avère constamment prévisible et peu convaincant, s’avère un véritable challenge.

LE BLU-RAY

Après une courte carrière en VOD, Equals arrive dans les bacs en DVD et Blu-ray chez Orange Studio. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est animé sur la musique du film.

L’éditeur réalise ici une sortie technique puisque nous ne trouvons en tout et pour tout que 6 minutes de suppléments. Deux featurettes qui donnent la parole aux comédiens, au producteur et au réalisateur. Quelques rapides images de tournage dévoilent l’envers du décor et les propos des intervenants se penchent principalement sur les personnages et les thèmes explorés.

L’Image et le son

L’éditeur soigne son master HD (1080p), même si le piqué manque souvent de mordant. Cependant, les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences sombres où l’image paraît plus douce et moins affûtée. La clarté demeure frappante, les gros plans détaillés (ce qui permet de voir que Kristen Stewart n’entretient pas sa peau) et la colorimétrie marquée par les décors métalliques et bleus dans une première partie, puis plus rouge-orangée dans la seconde, est à l’avenant. Les détails sont plaisants et la copie restitue les partis pris esthétiques caractéristiques de ce monde futuriste, aseptisé, immaculé, des décors aux costumes.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 délivrent délicatement les rares dialogues, la musique, les légères ambiances qui environnent les personnages durant leur journée de travail. La balance frontale est joliment équilibrée, les latérales interviennent à bon escient. La spatialisation musicale est systématique et le confort acoustique solide. Il en est de même pour les pistes Stéréo, de fort bon acabit, qui conviendront aisément à ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Orange Studio / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Tire encore si tu peux (version intégrale non censurée), réalisé par Giulio Questi

TIRE ENCORE SI TU PEUX (Se sei vivo, spara) réalisé par Giulio Questi, disponible en DVD et Blu-ray le 23 novembre 2016 chez Rimini Editions

Acteurs : Tomás Milián, Ray Lovelock, Piero Lulli, Milo Quesada, Roberto Camardiel, Miguel Serrano, Angel Silva, Sancho Gracia, Marilù Tolo

Scénario : Franco Arcalli, María del Carmen Martínez Román, Giulio Questi, Benedetto Benedetti

Musique : Ivan Vandor

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

Un métis, parfois surnommé L’Etranger, fait partie d’une bande de voleurs qui s’empare d’une importante cargaison d’or après l’attaque d’un convoi de la Wells Fargo. Au moment du partage, les mexicains du gang sont abattus un à un par leurs collègues américains. Laissé pour mort, L’Etranger est sauvé par deux Indiens. Il se lance alors à la poursuite de ses anciens complices, et découvre qu’ils ont été tués par les habitants d’un petit village. Qu’est devenu l’or ?

La réputation de Tire encore si tu peuxSe sei vivo, spara n’est pas usurpée. Il s’agit bel et bien d’un des plus grands westerns italiens jamais réalisés. Mis en scène par Giulio Questi (1924-2014) en 1967, ce chef d’oeuvre joue avec les genres et même parfois avec les codes du giallo, ce qui lui a valu de nombreux déboires avec la censure à sa sortie, au point d’être interdit trois jours seulement après son arrivée sur les écrans. Egalement connu sous le titre anglais Django, Kill … If You Live, Shoot! – « Django » n’apparaissant pas dans ce film – ou également Oro hondo, Tire encore si tu peux est ensuite ressorti en 1975 dans une version tronquée avec notamment l’absence de séquences très gore dans lesquelles des individus s’acharnent sur le corps criblé de balles en or d’un mourant, désireux de s’emparer de ce butin inattendu. Même chose pour la scène où un indien se fait scalper en gros plan. Au total, plus de quinze minutes du film ont été coupées. C’est donc un événement et un vrai choc de découvrir le montage du réalisateur.

D’emblée, le spectateur est happé par cette main qui surgit de la terre comme dans un film de zombies. Un homme (Tomás Milián) recouvert de poussière, avait visiblement été enterré vivant. En réalité, il venait de participer à un braquage, mais ses complices (américains) ont décidé de le doubler lui et les autres mexicains ayant participé à ce vol, pour s’enfuir avec l’or. Ces derniers se font abattre dans le désert après avoir creusé leur propre tombe. Seul survivant de ce massacre, l’homme est sauvé in extremis par deux mystérieux indiens. Déterminé à se venger, il parcourt l’Ouest et apprend que des villageois ont tué et lynché les hors-la-loi, sans savoir ce qui est advenu du butin. Des bandits apprennent pour l’argent et kidnappent le fils d’un homme qui saurait où l’argent se trouve. L’Etranger sauve l’adolescent, mais malheureusement peu après qu’il se soit fait violer par les pistoleros homosexuels vêtus de chemises noires. Qui a dit fascisme ?

C’est là l’immense réussite de Tire encore si tu peux, western qui s’avère également un vrai film d’horreur surréaliste teinté de fantastique. L’Etranger survit malgré les balles et grâce à la magie des deux indiens. Giulio Questi filme une ville hostile et cauchemardesque, comme une cité perdue peuplée de monstres violents et sanguinaires, paumés dans un univers post-apocalyptique. Les salauds de l’histoire ne sont pas ceux que l’on croyait dans les premières séquences, puisque les traitres vont rapidement se faire trucider par les habitants de la ville où ils croyaient pouvoir se réfugier avant de pouvoir profiter de l’or. L’Etranger, campé par un formidable Tomás Milián, sera plongé au milieu des balles, qui visiblement ne l’atteignent pas ou plus, et tentera de reprendre sa part du butin. Seulement l’or est convoité de toutes parts et la partie est loin d’être gagnée. A la fin, L’Etranger partira au galop, dégoûté par ce qu’il aura vu, notamment ce qui restait du butin fondre littéralement sur le visage d’un adversaire. Une des séquences les plus marquantes du film.

Chef d’oeuvre baroque et redoutablement pessimiste sur la nature humaine, Tire encore si tu peux agit comme une séance d’hypnose angoissante et glaçante. Alors qu’il désirait à la base mettre en scène un thriller violent, Giulio Questi réalise l’oeuvre de sa vie, dans laquelle il désirait combattre ses démons après avoir été traumatisé pendant la Seconde Guerre mondiale. Virtuose, maîtrisé du début à la fin, audacieux, sans cesse inventif, déjanté, limite expérimental (y compris sur la bande-son), Se sei vivo, spara n’est pas un film à mettre devant tous les yeux, mais n’aura de cesse de faire de nouveaux adeptes auprès des cinéphiles et passionnés de cinéma déviant. Tire encore si tu peux reste et restera une véritable et fascinante curiosité.

LE BLU-RAY

Jusqu’alors inédit en Haute-Définition en France, Tire encore si tu peux est enfin disponible en Blu-ray dans nos contrées et ressort également en DVD, plus de dix ans après la copie Seven7 Editions. C’est à l’éditeur Rimini Editions que l’on doit cette sortie attendue par les amateurs de westerns italiens. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire. Le menu principal est animé sur la musique du film.

L’éditeur a mis la main sur un entretien inédit du cinéaste Giulio Questi (45’), réalisé à son domicile en mars 2009. Si la réalisation de cette interview laisse franchement à désirer et si le journaliste rebondit peu aux propos du metteur en scène, Giulio Questi se livre sur son art et revient sur les grandes étapes de sa carrière. Ses films sont passés au crible, notamment Tire encore si tu peux, tout comme La Mort a pondu un œuf (La morte ha fatto l’uovo) réalisé en 1968. Le réalisateur évoque sa passion pour le cinéma français des années 1920, son travail dans le monde du documentaire, l’évolution du cinéma, le travail avec Tomás Milián, le genre du western, ses rencontres déterminantes, sa passion pour le cinéma de Woody Allen et de Pedro Almodóvar dont il ne ratait aucun film dans les salles.

Fidèle à Rimini Editions, l’historien du cinéma Christophe Champclaux nous propose ensuite un portrait du comédien Tomás Milián (8’). Si cette présentation est sans doute trop rapide, l’ensemble ne manque pas d’informations, d’anecdotes et surtout de titres qui donnent furieusement envie de voir ou revoir les westerns, mais aussi les drames de Mauro Bolognini, Alberto Lattuada, Valerio Zurlini, Liliana Cavani, Bernardo Bertolucci, Michelangelo Antonioni et bien d’autres, dans lesquels le comédien, né à Cuba en 1933, a su briller et devenir un acteur culte auprès des spectateurs.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce américaine de « Django, Kill … If You Live, Shoot! » et la bande-annonce allemande.

L’Image et le son

Rimini livre un master HD au format 1080p (très important à signaler) qui permet aux spectateurs de redécouvrir Tire encore si tu peux dans de très belles conditions techniques, malgré quelques tâches et fils en bord de cadre qui n’ont pas pu être éradiqués. Les volontés artistiques sont respectées, tout comme le grain cinéma, le confort de visionnage est omniprésent avec ses couleurs ravivées. Le piqué est flagrant, l’apport HD non négligeable sur plans larges, les séquences sombres sont aussi bien définies que le reste, les noirs sont concis, les détails fort appréciables, notamment sur les nombreux gros plans. N’oublions pas le relief des textures, la profondeur de champ inédite, la stabilité et la restauration très impressionnante.

Les pistes italienne et française (au doublage réussi) DTS-HD Master Audio 2.0 sont de même acabit. Les deux versions délivrent leurs dialogues avec suffisamment d’ardeur et les ambiances annexes sont dynamiques. S’il fallait vraiment les différencier, la piste italienne s’avère plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du compositeur Ivan Vandor est très bien restituée. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement impossible à la volée. Comme il s’agit de la version intégrale non censurée, certaines séquences jamais doublées passent automatiquement en italien sous-titré en français.

Crédits images : © Rimini Editions / Captures Bonus : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Trois vies et une seule mort, réalisé par Raoul Ruiz

TROIS VIES ET UNE SEULE MORT réalisé par Raoul Ruiz, disponible en Combo Blu-ray+DVD le 15 novembre 2016 chez Blaq Out.

Acteurs : Marcello Mastroianni, Anna Galiena, Melvil Poupaud, Chiara Mastroianni, Arielle Dombasle, Marisa Paredes, Féodor Atkine, Pierre Bellemare, Smaïn, Lou Castel

Scénario : Pascal Bonitzer, Raoul Ruiz

Photographie : Laurent Machuel

Musique : Jorge Arriagada

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1996

LE FILM

Quatre personnages étonnamment semblables mènent des vies pourtant fort différentes. Mateo Strano, un commis-voyageur, rentre chez lui après une très longue absence et retrouve sa tendre et charmante épouse. Le professeur d’«anthropologie négative» Georges Vickers tombe dans la mendicité et s’éprend d’une promeneuse de petite vertu des rues de Pigalle, qui porte le nom de Tania. Quant à Luc Allamand, un homme d’affaires, il s’invente une famille pour justifier certaines opérations financières, puis s’étonne lorsqu’il apprend que «les siens», qu’il croyait fictifs, s’apprêtent à lui rendre visite. Enfin, un vieux majordome accueille dans une riche et somptueuse demeure le couple d’amants misérables qui vient très curieusement d’en hériter…

Chef d’oeuvre de Raoul Ruiz, Trois vies et une seule mort est un vibrant hommage au métier d’acteur doublé d’un portrait de son acteur principal, l’immense Marcello Mastroianni, dans son avant-dernier rôle au cinéma. Par ailleurs, « rôle » devrait s’écrire au pluriel puisque l’acteur italien, âgé de 72 ans, campe pas moins de quatre personnages, qui habitent en réalité le même corps. Tantôt riche personnage qui aide un jeune couple, professeur en Sorbonne qui devient clochard ou maître d’hôtel, Marcello Mastroianni campe un personnage affecté par le syndrome de la multiplication de la personnalité. Pris dans le tourbillon de ce conte fantastique, cet homme vit plusieurs vies et assume trois destins qui ne cesseront de s’entrecouper. Ce sont les histoires d’abord successives, puis tragiquement entremêlées, du commis-voyageur Mateo Strano, de retour auprès de sa femme Maria, après une longue absence… du célèbre professeur d’anthropologie Georges Vickers, tombé dans la mendicité et amoureux d’une « maîtresse » de Pigalle, Tania… du puissant homme d’affaires Luc Allamand, pris au piège d’un énorme mensonge devenu réalité… Ces histoires entre cauchemar et comédie n’en forment qu’une, parce que ces trois hommes n’en sont donc en réalité qu’un seul, affligé du syndrome connu de la « personnalité multiple ». Et s’il dispose ainsi plusieurs vies, il n’a comme tout le monde qu’une seule mort. Une mort en l’occurrence tragique…car on ne vit pas impunément plusieurs vies.

Non seulement Raoul Ruiz dresse un portrait du caractère protéiforme de son mythique comédien, mais il dresse également celui du cinéma italien en adoptant la forme d’un film à sketches…qui n’en est pas vraiment un ! On suit l’itinéraire de ce vieil homme, qui mécontent de la vie qui s’offrait à lui a décidé « malgré-lui » de se démultiplier afin de connaître plusieurs existences en parallèle. Personnalités qui doivent bientôt s’affronter pour n’en former qu’une seule, quand ce vieil homme mystérieux arrive à la fin de sa véritable vie. Ces histoires sont marquées par les interventions de Pierre Bellemare, dont la célèbre voix – qui a su raconter moult histoires criminelles – sert de transition entre les diverses existences de notre protagoniste. A 70 ans passés, Marcello Mastroianni n’a rien perdu de sa verve et s’amuse comme un gamin dans ce(s) rôle(s) aux mille facettes. Tendre, inquiétant, drôle, émouvant, sensible, le comédien réalise un de ses derniers tours de piste avec une virtuosité de tous les instants.

Le scénario coécrit par Raoul Ruiz et Pascal Bonitzer est à ce titre jubilatoire et agit comme une spirale étourdissante dans laquelle sont aspirés à la fois les personnages et les spectateurs. Pensé comme une « œuvre à la manière cubiste » par son réalisateur, Trois vies et une seule mort est une œuvre dense et riche, labyrinthique, passionnante, singulière, surréaliste, poétique et baroque, à la fois intellectuelle et populaire, qui joue avec les actions simultanées dans un même temps que le réalisateur aime distordre pour mieux affronter sa nature inéluctable. Aux côtés de Marcello Mastroianni, citons également les prestations de sa fille Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud, Anna Galiena, Marisa Paredes, Arielle Dombasle et Féodor Atkine, plongés malgré eux dans les vies dissociées de Mateo Strano, ou Georges Vickers, ou Luc Allamand, ou bref.

Malgré l’excellence de ses partenaires, nous n’avons d’yeux que pour Marcello Mastroianni, silhouette fatiguée mais l’oeil toujours aussi vif et pétillant, qui allait alors enchaîner avec son dernier film, Voyage au début du monde de Manoel de Oliveira. Emballés par cette grande expérience cinématographique, Pascal Bonitzer et Raoul Ruiz collaboreront à nouveau pour le non moins excellent Généalogies d’un crime.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Généalogies d’un crime, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, fixe et musical.

Cette édition ne comporte qu’un seul supplément et non des moindres puisqu’il s’agit d’un documentaire intitulé Raoul Ruiz, contre l’ignorance fiction !, réalisé en 2016 par Alexandra Rojo. Pendant plus d’une heure, ce module donne la parole à quelques amis et/ou collaborateurs du réalisateur franco-chilien, comme son fidèle producteur Paulo Branco, le compositeur Jorge Arriagada, les comédiens Ricardo Pereira et Melvil Poupaud, le philosophe Andrés Claro, le poète Waldo Rojas, et propose une fabuleuse plongée dans le cinéma de Raoul Ruiz. Quelques extraits de ses films et d’images de tournage de Ce jour-là (2003) viennent illustrer certains propos. A l’instar de ses longs-métrages, ce documentaire propose quelques pistes pour mieux appréhender le cinéma complexe et atypique de Raoul Ruiz, ainsi que ses influences (poétiques, scientifiques, politiques), sans pour autant en dévoiler les clés, qui n’appartenaient d’ailleurs qu’à son auteur, dont la voix survole parfois les images et qui n’apparaît vraiment à l’écran qu’à la fin.

L’Image et le son

Trois vies et une seule mort est disponible en Haute-Définition, dans un master restauré à 2K par l’incontournable Immagine Ritrovata de la Cinémathèque de Bologne. La propreté de l’image de ce Blu-ray (1080p, AVC) flatte les mirettes, d’autant plus que les couleurs retrouvent une belle vivacité. En dehors de divers plans plus ternes sur les séquences sombres, le relief est palpable, y compris sur les plans en intérieur, tout comme le piqué, vif et acéré. Les noirs retrouvent une certaine densité, les contrastes sont plutôt solides. Le grain original est heureusement respecté, mais certains fourmillements demeurent à plusieurs reprises. Cela n’empêche pas d’apprécier ce nouveau et très beau master HD qui instaure un excellent confort de visionnage.

Que ce soit en DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, le confort acoustique est indéniable. La musique est doucement spatialisée, les dialogues bien installés sur la centrale et les effets riches sur les frontales. Si la Stéréo est évidemment plus « plate », elle s’avère tout aussi dynamique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Ça – « Il » est revenu, réalisé par Tommy Lee Wallace

Ça – « Il » est revenu (It) réalisé par Tommy Lee Wallace, disponible en Blu-ray le 12 octobre 2016 chez Warner Bros.

Acteurs : Tim Curry, Harry Anderson, Dennis Christopher, Richard Masur, Annette O’Toole, John Ritter, Seth Green…

Scénario : Lawrence D. Cohen, Tommy Lee Wallace d’après le roman Ça (It) de Stephen King

Photographie : Richard Leiterman

Musique : Richard Bellis

Durée : 3h07

Date de sortie initiale : 1990

LE FILM

Octobre 1957. ÇA se réveille et la petite ville tranquille de Derry dans le Maine ne sera plus jamais la même. Stephen King révèle au grand jour toutes les peurs et les phobies de l’enfance, alors que sept enfants font face à une horreur inimaginable qui apparaît sous plusieurs formes, et notamment « Grippe-sou », un clown qui vit, chasse et tue dans les égouts de la ville. Des années plus tard, ces adultes qui ont survécu, sont assez courageux pour retourner à Derry et arrêter cette tuerie, et cette fois pour de bon…

C’est une madeleine pour beaucoup de (télé)spectateurs. Une mini-série culte qui compte des millions de fans à travers le monde et qui en gagne sans cesse de nouveaux, notamment en France où elle est très régulièrement diffusée sur la TNT après avoir été programmée pendant des années sur M6, sa première diffusion à la télé française remontant à octobre 1993 : Ça, plus connu en France sous le titre « Il » est revenu. Périodiquement, la ville de Derry dans le Maine est hantée par une terrible créature, un clown pervers capable de changer à loisir d’apparence afin de personnifier les peurs les plus intimes de ses victimes. Dans les années 1950, des événements tragiques se produisent à nouveau. S’attaquant uniquement aux enfants, qui disparaissent ou qui sont retrouvés morts dépecés, «Ça» est un jour vaincu par un groupe de sept jeunes amis de onze ans, six garçons et une fille, ayant fait la promesse de toujours poursuivre l’odieuse entité, qui a disparu dans les égouts abandonnés. Trente ans plus tard, alors que chacun mène une vie paisible aux quatre coins du pays, «Ça» réapparaît à nouveau à Derry. Conformément à leur promesse, le groupe des sept devra se reformer à l’âge de 40 ans pour affronter ses peurs d’enfants.

En 1990, cette adaptation est un événement. Certes, les plus passionnés du chef d’oeuvre absolu de Stephen King publié en 1986 trouveront toujours à redire sur sa transposition, le ton édulcoré pour toucher une plus large audience, les changements inévitables apportés pour le passage du livre à l’écran, mais Ça demeure une véritable référence et finalement le livre et la mini-série en deux parties se complètent parfaitement. D’ailleurs, ceux qui auront vu la mini-série avant de lire le roman, projeteront inévitablement le visage des comédiens au fil de mots du maître de l’horreur.

Le casting est remarquable, que ce soit les enfants ou les adultes, tous extrêmement attachants et solidement dirigés par Tommy Lee Wallace (Halloween 3 : Le Sang du sorcier, Vampire, vous avez dit vampire ? 2), qui par ailleurs soigne sa mise en scène et regorge d’inventions pour faire peur et divertir. L’alchimie entre les deux groupes est indéniable et participe à l’immersion du spectateur dans cette histoire fantastique, qui en a traumatisé plus d’un, au point d’en devenir coulrophobiques, autrement dit phobique des clowns. Il faut dire que Tim Curry est particulièrement angoissant dans le rôle-titre et signe une de ses plus grandes performances après The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman et Legend de Ridley Scott. Si ses apparitions sont finalement limitées sur plus de trois heures, chacune demeure marquante et donne de nombreuses sueurs froides, tant aux personnages qu’aux spectateurs.

Si la télévision ne bénéficiait pas des mêmes budgets et de la même liberté créatrice qu’aujourd’hui, Ça« Il » est revenu fait partie de ces rares productions devenues des classiques dès leur première diffusion. Avec son aspect film-noir, notamment avec le personnage de Mike Hanlon qui mène son enquête et dont les mémoires sont dites en voix-off, combiné à une histoire fantastique, d’horreur, d’épouvante, dramatique, d’amour et d’amitié (les retrouvailles du Club des paumés 30 ans après sont très émouvantes), Ça traverse les décennies sans prendre de rides – à part au niveau des effets spéciaux, mais est-ce bien là le plus important ? – et reste précieux dans le coeur des spectateurs.

Il sera difficile pour la nouvelle adaptation cinématographique prévue dans les salles en 2017, envisagée un temps par le cinéaste Cary Fukunaga mais finalement réalisée par Andrés Muschietti (Mama) avec Bill Skarsgård dans le rôle de Pennywise, de toucher autant l’audience que la mini-série de Tommy Lee Wallace, même si les producteurs promettent une transposition beaucoup plus fidèle au roman original, autrement dit plus sombre, plus sanglante et sexuelle.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Ça, disponible chez Warner Bros., repose dans un boîtier Steelbook du plus bel effet ! Le visuel est reconnaissable entre mille. Le menu principal est fixe et muet. Contrairement à l’édition DVD 2003, le téléfilm est bel et bien présenté dans son intégralité sur une seule face.

Le seul supplément présent sur ce disque est le commentaire audio (non sous-titré) du réalisateur Tommy Lee Wallace, accompagné des comédiens Dennis Christopher (Eddie Kaspbrak adulte), Tim Reid (Mike Hanlon adulte), Richard Thomas (Bill Denbrough adulte) et John Ritter (Ben Hanscom adulte) décédé en 2003. Ce commentaire se suit sans déplaisir, malgré une ambiance un peu triste et de nombreux blancs, sur une durée qui excède quand même plus de trois heures. Tommy Lee Wallace est enregistré de son côté et livre quelques informations intéressantes sur la production de Ça. Les acteurs se livrent à quelques anecdotes liées au tournage et partagent leurs bons souvenirs.

L’Image et le son

Pour son quart de siècle (et même un peu plus), Ça bénéficie d’un lifting de premier ordre et d’une édition Haute-Définition 1080p (AVC). Le résultat est probant, même si le master 1.33 (4/3) n’est pas parfait, compte tenu des conditions de production originales. Ce qui frappe d’emblée, c’est avant tout la luminosité inédite sur les séquences diurnes, notamment l’été durant lequel les gamins font connaissance. Il en est de même pour la colorimétrie ravivée avec des teintes rutilantes sur les scènes des années 1950 et sur le costume bleu, rouge et jaune du personnage éponyme. Toutefois, la gestion du grain demeure aléatoire, y compris au cours d’une même séquence où la patine argentique est sensiblement différente dans un champ-contrechamp. Dans l’ensemble, les noirs sont profonds. L’image est d’une propreté absolue, les contrastes solides et en toute honnêteté, en dépit de quelques fléchissements et un piqué duveteux, sur le long terme, nous n’avions jamais vu Ça dans de telles conditions techniques. Ce grand classique méritait bien pareil traitement et rend caduque l’édition DVD éditée en 2003 !

Parlons des choses qui fâchent : le doublage français disponible ici n’est pas celui réalisé pour la télévision française dans les années 1990, mais bel et bien celui refait pour la sortie en DVD en 2003. Non seulement le doublage a été refait, mais en plus nous ne retrouvons pas les trois quarts des voix originales. Heureusement, Jacques Ciron prête toujours son timbre inimitable à Grippe-Sou le clown, mais toutes les voix des enfants ont évidemment changé, en dehors de Ritchie. Seuls les personnages de Bill adulte et d’Audra bénéficient également du même doublage. Les puristes risquent d’être vraiment déçus. Passée cette déconvenue, le mixage Stéréo se focalise sur les dialogues au détriment de quelques ambiances annexes et la musique. Bien qu’indiquée en DTS-HD Master Audio 5.1 sur le visuel, la piste anglaise n’est proposée qu’en DTS-HD Master Audio 2.0. Moins connue, et pour cause, que la version française, il est amusant de constater que Ça paraît beaucoup plus sombre dans l’interprétation originale de Tim Curry. Du point de vue technique, ce mixage l’emporte aisément du point de vue homogénéité entre les voix, la composition de Richard Bellis et les effets sonores, très riches et précis. D’ailleurs, certains semblent avoir été rajoutés pour le nouveau mixage du téléfilm au début des années 2000 pour élargir le spectre.

Crédits images : © Warner Bros. / Captures Blu-ray : Franck Brissard