Dans un futur proche où l’intelligence artificielle prend le pas sur la nature, Rachel et Alvy, couple new-yorkais, décident d’avoir un enfant. Un géant de la technologie, vantant les mérites d’une maternité plus simple et plus paritaire, propose aux futurs parents de porter l’enfant dans un Pod. Alvy a des doutes, mais Rachel, business-woman en pleine ascension, l’incite à accepter cette expérience…
Nous n’avions pas de nouvelles de Sophie Barthes depuis près de dix ans et son intéressante adaptation de Madame Bovary de Gustave Flaubert. Remarquée en 2009 avec son premier long métrage Âmes en stock (2009), la réalisatrice franco-américaine signe un étonnant comeback au cinéma avec son troisième film The Pod Generation, avec lequel elle revient à la science-fiction, genre qu’elle avait déjà exploré avec son coup d’essai Cold Souls. On retrouve cette légèreté présente dans les précédents travaux de la cinéaste, même si le sujet est à la base grave, un mélange des tons plus équilibré que dans Âmes en stock et Madame Bovary, avec lequel Sophie Barthes traite de la maternité et imagine comment cet événement pourrait se dérouler dans un futur proche. Comédie-romantico-fantastique, The Pod Generation réussit son pari, parvenir à divertir les spectateurs, tout en le faisant réfléchir sur des sujets « inimaginables », mais qui pourraient pourtant se passer dans un avenir beaucoup moins loin qu’on le pense. The Pod Generation repose aussi sur l’alchimie du très beau couple formé par Emilia Clarke et Chiwetel Ejiofor. Une belle et bonne surprise.
L’histoire de deux frères que tout oppose. Antoine, marié, deux enfants, conducteur de bateaux, et Christian, célibataire, chômeur et bagarreur incorrigible. Mais quand Antoine le mari idéal se retrouve mêlé à une sale histoire, c’est Christian le mal aimé qui, même si on ne lui a rien demandé, débarque à Cherbourg pour voler à son secours. Les Cadors comme ils aimaient se surnommer dans leur enfance vont se redécouvrir au travers de cette histoire. Christian qui n’a rien à perdre, va alors défendre au péril de sa vie cette famille qu’il a toujours rêvé d’avoir sans jamais avoir eu le courage de la fonder.
Après le surestimé (euphémisme) Roulez jeunesse, on attendait de voir ce que le réalisateur Julien Guetta allait quand même nous proposer en guise de second long-métrage. Débarrassé de son co-scénariste Dominique Baumard, co-metteur en scène et co-scénariste de l’infâme Les Méchants, il semble que Julien Guetta ait trouvé un deuxième souffle plus attrayant pour Les Cadors. Co-écrite cette fois avec Lionel Dutemple (ancien auteur des Guignols de l’info) et Jean-Paul Rouve, cette comédie est une petite bouffée d’air frais et s’avère mieux construite et plus mûre que Roulez jeunesse. Les Cadors n’a pas la prétention de révolutionner le genre, mais contrairement à son premier film qui essayait d’être dans l’air du temps, Julien Guetta s’adresse au plus grand nombre et la sobriété de sa mouture somme toute plus classique sied à ses ambitions. Un beau, complémentaire et émouvant tandem interprété par Jean-Paul Rouve et Grégoire Ludig.
REPRISE EN MAIN réalisé par Gilles Perret, disponible en DVD le 21 février 2023 chez Jour2Fête.
Acteurs : Pierre Deladonchamps, Laetitia Dosch, Grégory Montel, Finnegan Oldfield, Vincent Deniard, Marie Denarnaud, Samuel Churin, Yannick Choirat…
Scénario : Gilles Perret, Raphaëlle Desplechin, Marion Richoux & Claude Le Pape, d’après une histoire originale de Gilles Perret
Photographie : Eva Sehet
Musique : Léon Rousseau
Durée : 1h43
Année de sortie : 2022
LE FILM
En Haute-Savoie, une usine de décolletage vieillissante est sur le point d’être rachetée par un fonds de pension anglo-saxon. Pour éviter ce rachat, Cédric, employé dans l’usine, propose à deux de ses amis de créer leur propre fonds d’investissement et de racheter l’usine, incognito.
Fils d’ouvrier militant à la CGT, Gilles Perret (né en 1968) est tout d’abord ingénieur en électronique. La vie le fait bifurquer vers le cinéma, le documentaire plus précisément. Concerné par les questions socio-économiques, le réalisateur élargit petit à petit son champ de vision, premièrement centré sur la Haute-Savoie, puis à plus large échelle. De Ma mondialisation (2006) à Walter, retour en résistance (2008), en passant par Les Jours heureux (2013), J’veux du soleil (2019), et bien d’autres, Gilles Perret (parfois en collaboration avec François Ruffin) s’intéresse aux entrepreneurs, à la lutte militante, au mouvement des Gilets jaunes, à la précarité d’auxiliaires de vie sociale, d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, de femmes de ménage…avec la même passion, une rage doublée d’une immense sensibilité. En 2012, il signe De mémoire d’ouvriers, son troisième film sorti en salle, dans lequel il s’interroge sur ce que sont devenus « ceux de l’usine » au fil du vingtième siècle. Dix ans plus tard, il revient à ce monde qu’il connaît par coeur, mais pour la première fois par l’intermédiaire de la fiction. Ce long-métrage, c’est Reprise en main, coécrit avec sa compagne Marion Richoux, Raphaëlle Desplechin (le sublime Nos batailles de Guillaume Senez) et le talentueux Claude Le Pape (la série Hippocrate,Petit paysan, Les Combattants), qui s’inspire d’anecdotes personnelles de Gilles Perret et de témoignages recueillis tout au long de sa vie. La comparaison avec le cinéma de Stéphane Brizé, mais aussi et surtout de Ken Loach pourrait être facile, pourtant elle est inévitable, tant Reprise en main suit comme qui dirait le même cahier des charges, sans pour autant tomber dans la copie carbone. Remarquable film, solidement charpenté, passionnant, même quand les dialogues « techniques » pourraient sembler hermétiques, Reprise en main repose sur un casting exceptionnel auquel on donnerait volontiers une récompense collégiale. Du cinéma de haute qualité, un vrai coup de/au coeur.
LE SOLEIL DE TROP PRÈS réalisé par Brieuc Carnaille, disponible en DVD le 7 février 2023 chez Jour2Fête.
Acteurs : Clément Roussier, Marine Vacth, Diane Rouxel, Hakim Faris, Léon Durieux, Fethi Saidi, Corentin Fila, Omar El Aissaoui…
Scénario : Brieuc Carnaille & Clément Roussier
Photographie : Georges Lechaptois
Durée : 1h26
Année de sortie : 2022
LE FILM
À sa sortie d’hôpital psychiatrique, Basile se réfugie chez sa sœur Sarah. Elle est sa seule famille et sa plus grande alliée pour se reconstruire. Aussi flamboyant qu’instable, Basile parvient à trouver du travail et rencontre Élodie, une jeune mère célibataire : il se prend à rêver d’une vie « normale »…
Attention, film choc ! Le soleil de trop près, titre magnifique, provient d’une légende anonyme et ancienne centrée sur le roitelet, considéré comme le plus petit oiseau d’Europe : Un jour les oiseaux décidèrent de se choisir un roi à l’instar des mammifères qui avaient choisi le lion. Celui qui volerait le plus près du soleil serait élu roi. Le roitelet se cacha dans les plumes de l’aigle celui-ci cria son triomphe quand tous les autres oiseaux avaient abandonnés d’épuisement. Mais le petit roitelet sortit de sa cachette et vola un peu plus haut. Il avait ainsi gagné le titre de roi. Les autres oiseaux ayant honte d’avoir un roi aussi insignifiant refusèrent de le proclamer. C’est ainsi que l’aigle est devenu le roi des oiseaux et le roitelet est devenu le petit roi. Le premier long-métrage et coup de maître du réalisateur Brieuc Carnaille se focalise sur Basile, un trentenaire à la personnalité hors normes, qui après avoir été interné retourne vivre chez sa sœur Sarah avec qui il entretient une rare complicité face à sa maladie, la schizophrénie. Fantasque, drôle et charismatique, Basile va se soigner puis retrouver du travail et même rencontrer l’amour. En préférant cacher sa maladie à son nouvel entourage. C’est là qu’il se brûlera les ailes. La schizophrénie (paranoïde ici) a déjà inspiré le cinéma. Shutter Island, Black Swan, Fight Club, Shining, Un homme d’exception, Psychose, Donnie Darko, Fou(s) d’Irène, The Voices, Clean, shaven, Magic, Répulsion, Lost Highway, Mulholland Drive, Take Shelter, Persona, Bug, Schizophrenia bien sûr et on en oublie forcément…Il faudra ajouter à celle liste qui ne saurait être exhaustive et qui s’avère déjà composée de titres prestigieux, Le Soleil de trop près, qui foudroie de façon saisissante le coeur du spectateur du début à la fin et qui révèle un immense comédien, Clément Roussier, également coscénariste du film, dont la prestation laisse pantois d’admiration.
Mariam, 21 ans, se rend à une soirée étudiante à Tunis. A peine arrivée, elle sympathise avec un certain Youssef (Ghanem Zrelli, fantastique), avec lequel elle décide de finir la soirée sur la plage. Mais celle-ci tourne court quand trois policiers s’en prennent au couple. Menottant Youssef, ils violent la jeune Mariam, puis la relâchent. Traumatisée, elle est emmenée par Youssef à l’hôpital afin de pouvoir déposer plainte par la suite. Mais les deux jeunes gens vont se retrouver empêtrés dans un véritable cauchemar bureaucratique dont ils ne sortiront pas indemnes.
Inspiré d’un fait divers réel qui a ébranlé le gouvernement Tunisien en 2012, produit par six pays différents pour seulement 850 000 euros, La Belle et la meute est ce que l’on peut appeler un tour de force. Réalisé par Kaouther Ben Hania, originaire de Tunis, la cinéaste se fait avant tout remarquer via une poignée de courts-métrages dont Le Challat De Tunis , satire sociale sur son pays. Des courts-métrages féministes et réfléchis, non dépourvus d’humour grinçant. Le Challat De Tunis résonne d’ailleurs comme les prémisses du véritable brûlot étouffant que signera Ben Hania avec La Belle et la meute.
Présenté en 2017 au Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard, le film se compose, à la manière du Kidnapped de Miguel Ángel Vivas, sans l’ultra-violence, d’une dizaine de très longs plans séquences, qui comme dans l’électrochoc hispanique, nous plonge sous une chape de plomb picturale, plus proche d’un réalisme âpre et d’une ambiance souvent glauque et brutale. Le chemin de croix d’une femme voulant faire entendre sa voix dans un pays qui nous est décrit (allégoriquement parlant évidemment) comme proche de la rupture. Cette femme blessée sera entraînée, sans possibilité de recul, dans une multitude d’endroits qui feront office de paliers, entamant sa descente aux enfers. On peut y voir un voyage kafkaïen, le découpage sec du film nous faisant ressentir chaque nouvelle scène comme une tourmente supplémentaire que devra surmonter Mariam.
Au cours de cette nuit, elle devra se battre, mais elle sera aussi soutenue. Divers personnages (dont Youssef) la forceront à enfoncer les portes qui se dresseront devant elle, afin qu’elle puisse s’affirmer et se battre pour ses droits. Victime d’avoir été victime. Le film parvient à faire vivre chaque situation avec beaucoup de réalisme, le choix d’ajouter au casting des acteurs venant du théâtre d’improvisation amène le spectateur à rester scotcher quant au déroulement de certaines situations et échanges. Mariam Al Ferjani est sidérante. Dans un rôle que l’on imagine aussi épuisant psychologiquement que physiquement, elle donne toute sa force à son personnage pour remporter cet affrontement, sans jamais vouloir abandonner. Elle passe d’une épreuve à une autre, se relevant constamment malgré les humiliations dont elle est victime. Le film brille par la virtuosité de sa mise en scène. Ben Hania utilise à bon escient le plan séquence, via de très jolis ballets chorégraphiques d’une fluidité assez incroyable, et parvient à nous faire vivre chaque minute de ce fait divers sordide en maintenant une tension constante.
Véritable thriller et drame social, La Belle et La Meute touche également par sa sincérité cinématographique et par son message politique fort que la réalisatrice assume jusque dans sa dernière séquence. Le personnage de Youssef en viendra même à comparer son pays à un film de zombies, en décrivant le système comme carnassier, avide de scandales et d’images chocs. Jusque dans une scène où la caméra s’envole au-dessus d’un corps inconscient, noyant dans l’image ce que le spectateur se résigne à voir depuis le début. Ajoutons également une mention spéciale au plan séquence « Numéro 6 » qui fait monter la tension de manière très brutale, se terminant sur une scène de course poursuite à la lisière du film d’horreur dont la conclusion assourdissante en remuera plus d’un.
Toutefois, le film n’est peut-être pas exempt de défauts. Il peut se montrer parfois maladroit dans sa manière de souligner certains passages de manière un peu trop démonstrative (l’introduction ou encore la scène du voile) ou un peu trop verbeux dans sa conclusion qui aurait gagné à être aussi directe que le reste du métrage.
Mais, La Belle et La Meute est une très bonne surprise. Direct, froid, le premier film de Kaouther Ben Hania devrait marquer les mémoires. Une œuvre difficile, mais intelligente et consciente de sa portée sociale et politique. On en ressort lessivés, mais l’expérience est nécessaire puisqu’elle permet d’aborder un sujet qui resterait dans l’ombre si le cinéma n’osait pas s’en emparer.
LE DVD
Le test du DVD de La Belle et la meute, disponible chez Jour2Fête, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Présenté dans une copie très convenable on ne pourra donc regretter qu’un duo de suppléments assez légers et un chapitrage DVD absent. Nous n’aurons malheureusement pas la chance de mettre la main sur un quelconque Blu-ray, le film n’ayant pas la possibilité d’accéder au format.
Côté supplément, on retrouve une scène coupée (8’) qui semblait se trouver entre la séquence «Numéro 7» et la séquence «Numéros 8». Une scène plutôt intéressante qui nous fait rapidement nous demander pourquoi celle-ci fut non retenue au montage final.
Une interview de Kaouther Ben Hania (22’) chapeautée par le philosophe Michel Onfray vient boucler ce rapide tour des bonus. Un entretien plutôt intéressant si on oublie la qualité assez médiocre du cadrage, ainsi que la présentation un peu confuse de l’interview.
L’Image et le son
Pas d’édition HD donc pour La Belle et la meute, mais un DVD de fort bonne facture, qui restitue habilement l’omniprésence des gammes bleues avec les costumes et les éléments du décor, qui s’opposent avec les ambiances plus chaudes des bureaux. Les contrastes sont légers mais très beaux. Si quelques baisses de la définition demeurent constatables, le piqué reste appréciable, les détails sont agréables sur le cadre large, la clarté est de mise. Un transfert très élégant.
Seule la version originale est disponible. La piste Dolby Digital 5.1 délivre habilement les dialogues et les ambiances frontales, mais peine à instaurer une spatialisation autre que musicale. Les latérales ont peu à faire, mais il est vrai que le film ne s’y prête pas. N’hésitez pas à sélectionner la Stéréo, dynamique et percutante. Les sous-titres français et anglais sont disponibles.