Test Blu-ray / Divorce à l’italienne, réalisé par Pietro Germi

DIVORCE À L’ITALIENNE (Divorzio all’italiana) réalisé par Pietro Germi, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Marcello Mastroianni, Daniela Rocca, Stefania Sandrelli, Leopoldo Trieste, Odoardo Spadaro, Margherita Girelli, Angela Cardile, Lando Buzzanca…

Scénario : Ennio De Concini, Pietro Germi, Alfredo Giannetti

Photographie : Leonida Barboni, Carlo Di Palma

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Un noble sicilien est amoureux d’une magnifique jeune femme. Mais le divorce est illégal en Italie. Il concocte donc un « divorce à l’italienne » : surprendre sa femme dans les bras d’un amant, l’assassiner et, de bon droit, n’écoper que d’un minimum de prison…

Pietro Germi (1914-1974), comédien, réalisateur, producteur et scénariste plusieurs fois récompensé pour ses oeuvres dans les festivals du monde entier est aujourd’hui bien trop souvent oublié quand on évoque l’âge d’or du cinéma italien. Malgré une timidité maladive, Pietro Germi a toujours défendu un cinéma engagé et usait de son art comme d’un vecteur pour contester certaines moeurs de la société, tout en désirant avant toute chose divertir les spectateurs dans le drame ou dans la comédie. C’est le cas de Divorce à l’italienne, probablement le film le plus connu de son auteur.

Comme il le fera dans Séduite et abandonnée en 1966, Pietro Germi décrit les us et coutumes archaïques, ainsi que les comportements hypocrites qui reflètent une société ancrée, pour ne pas dire engluée, dans une tradition obsolète. Sommet de la comédie de mœurs, chef d’oeuvre absolu, Divorce à l’italienne est l’un des plus grands films italiens de tous les temps et permet à Marcello Mastroianni d’être enfin considéré comme un immense acteur d’un genre dans lequel le public avait encore du mal à l’identifier et même à l’accepter. Chose amusante et troublante, dans ce film son personnage se retrouve au cinéma pour aller voir La Dolce Vita de Federico Fellini, comme si les célèbres masques représentatifs du théâtre, l’un triste, l’autre riant, se faisaient face.

Comment détourner la loi qui interdit le divorce quand on est amoureux d’une attrayante personne ? Le baron Ferdinando Cefalù, noble sicilien, veut se remarier avec la jeune Angela. Mais comme le divorce est illégal en Italie, il fait tout pour que son épouse ait une aventure avec un autre homme, pour pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d’honneur. La recherche de l’amant potentiel est une tâche ardue au regard de la laideur de la baronne.

Après Meurtre à l’italienne, titre français de Un maledetto imbroglio (1959), voici donc Divorce à l’italienne réalisé cette fois encore par de Pietro Germi et qui a permis à Marcello Mastroianni de recevoir le Golden Globe et le BAFTA du meilleur acteur la même année pour sa magnifique interprétation. A l’origine, le cinéaste ne pensait pas réaliser une comédie, registre qu’il n’avait jamais abordé frontalement. Pietro Germi voulait se pencher sur la question du « crime d’honneur ». En Italie, le divorce n’existait pas encore – il ne sera finalement voté au Parlement italien qu’en 1969 – et restait interdit. La vie d’un couple marié ne prenait fin qu’à la mort de l’un des deux conjoints. Sur ce postulat de départ, Pietro Germi et ses collaborateurs s’appuient sur l’article 587 du code pénal, qui prévoit pour un mari ou une femme trompé(e) une peine de trois à sept ans de prison s’il ou elle a tué pour venger son honneur. Selon Pietro Germi « Si son affaire est bien préparée, sa cause bien défendue, s’il se conduit bien en prison et bénéficie automatiquement d’une remise de peine, il se retrouve libre au bout de deux ans ».

Le jeu en vaut la chandelle alors pour ce noble, qui chamboulé par la juvénile Angela, sa cousine de 16 ans (!) décide de se débarrasser de sa femme à moustache (y compris frontale) en la poussant dans les bras d’un autre, après avoir lui-même rêvé de la trucider. Divorce à l’italienne bascule dans l’ironie et la satire sociale, sans jamais rendre le personnage de Marcello Mastroianni repoussant ou antipathique. Malgré tout ce qu’il entreprend, on l’aime ce pauvre baron qui commence à péter les plombs face à cette femme envahissante (géniale Daniela Rocca, enlaidie pour l’occasion), la sienne donc, qui se permet même de couper la parole à la voix-off !

C’est souvent le cas dans le cinéma de Pietro Germi, la foule, les habitants du quartier réunis autour d’un verre, s’amassent sur les trottoirs, en regardant une scène de ménage ici, en attendant là que quelqu’un passe à l’acte et ose enfin faire le premier pas. Car personne n’est dupe, tout le monde est au courant de la situation du baron Fernandino qui est un cas parmi tant d’autres, loin d’être le modèle de vertu que son statut social semble afficher.

Habitué au drame néoréaliste (le sublime Il FerroviereLe Disque rouge, le film préféré et le plus personnel du cinéaste) et aux intrigues policières (Au nom de la loi), Pietro Germi utilise les codes et la forme des genres qu’il a abordés dans le passé, pour les mettre au service d’une comédie, sur les conseils de son ami, le grand Mario Monicelli. Le regard sur son pays et ses concitoyens est le même, acéré. L’Italie archaïque mène à l’hystérie collective. Sur un montage percutant, le réalisateur enchaîne une série de quiproquos corrosifs, de répliques cinglantes, de rebondissements, de gags visuels déchaînés qui demeurent aussi frais qu’au premier jour, le tout joyeusement mis en musique par l’incontournable Carlo Rustichelli.

Avec son sens de l’observation aussi aiguisé que chaleureux et surtout en évitant de tomber dans la morale toute faite, Pietro Germi signe un véritable bijou du cinéma transalpin, élevant la comédie à l’italienne sur un indéboulonnable piédestal, illuminé par la beauté de Stefania Sandrelli et l’immense talent de Marcello Mastroianni. Divorce à l’italienne est récompensé par l’Oscar du meilleur scénario original, le Prix de la meilleure et devient le premier film estampillé « comédie à l’italienne ».

LE BLU-RAY

Plus de huit ans après une très belle édition DVD, Divorce à l’italienne débarque en Blu-ray, toujours chez M6 Vidéo qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend l’exceptionnel documentaire intitulé Marcello Mastroianni, l’attrait d’un homme ordinaire (1h) qui rend hommage à cet immense artiste et homme exceptionnel. Ce module indispensable revient longuement sur la prolifique carrière du comédien à travers des extraits d’entretiens réalisés tout au long de sa vie. Intitulé en version originale « Le charme discret d’un homme comme les autres », ce reportage produit et diffusé sur la RAI dresse le portrait d’un acteur simple, humble et modeste, refusant d’être catalogué latin lover en remettant constamment son image en jeu. De nombreux cinéastes et comédiens de renom font leur apparition, en particulier Federico Fellini, Vittorio Gassman, Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Marco Ferreri, lui rendant un hommage aussi sincère qu’émouvant, notamment lors des Prix d’interprétation ou pour l’ensemble de sa carrière que Marcello Mastroianni reçoit dans les dernières années de sa vie. Ce documentaire permet d’avoir un large panel des transformations physiques du comédien qui a marqué à jamais le cinéma. Ce segment se clôt sur les rares images de Marcello Mastroianni accompagné de sa fille Chiara lors de leur passage au Festival de Cannes.

Le nouveau supplément proposé par M6 Vidéo est un entretien avec Philippe Rouyer (25’). Le critique et historien du cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif et en charge des pages cinéma du magazine Psychologies propose de réhabiliter le cinéaste Pietro Germi. Selon lui, « le réalisateur n’a pas la place qu’il mérite » et devrait apparaître auprès des noms plus prestigieux et souvent cités. Philippe Rouyer revient sur la carrière de Pietro Germi, croise le fond et la forme de Divorce à l’italienne, « un film d’une incroyable modernité […] avec un metteur en scène qui se fait plaisir ».

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de Dommage que tu sois une canaille et de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?.

L’Image et le son

Le chef d’oeuvre de Pietro Germi est présenté en édition restaurée 2K. Un master HD très impressionnant. Contrairement à ce que la jaquette indique (et c’était déjà le cas sur le DVD), Divorce à l’italienne n’est pas proposé dans un format plein cadre 1.33 mais 1.85. Le transfert est irréprochable avec des contrastes fabuleux une stabilité irréprochable (le DVD s’accompagnait de légers défauts de compression et un tremblement d’image), une propreté sidérante, des noirs denses, des blancs lumineux, des détails à foison et un grain cinéma respecté. Les quelques micro-poussières et les décrochages sur les fondus enchaînés sont purement anecdotiques. Il s’agit probablement d’un des plus beaux Blu-ray sortis chez M6 Vidéo. Un véritable plaisir pour les yeux.

Divorce à l’italienne contient son lot de cris en tous genres. De ce fait, quelques saturations sont inévitables mais le mixage demeure d’excellente qualité avec de solides effets et un souffle qui ne se fait entendre qu’à deux reprises. Les voix des comédiens sont dynamiques, la musique bien mise en valeur et ce mixage italien en DTS-HD 2.0 restauré fait de véritables prouesses acoustiques. Pas de version française, mais les sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Les Films du Camélia / SND / M6 Vidéo / Rai Trade/Rai Teche /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Prédateur, réalisé par Dick Maas

PRÉDATEUR (Prooi) réalisé par Dick Maas, disponible en DVD et Blu-ray le 27 octobre 2018 chez Rimini Editions

Acteurs : Sophie van Winden, Mark Frost, Britte Lagcher, Abbey Hoes, Victor Löw, Mike Libanon, Kees Boot, Julian Looman…

Scénario : Dick Maas

Photographie : Lennert Hillege

Musique : Dick Maas

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Vétérinaire au zoo d’Amsterdam, Lizzy est appelée par la police : on vient de découvrir les cadavres atrocement mutilés d’une famille. La jeune femme comprend rapidement que ces morts ont été causées par un fauve d’une taille et d’une férocité exceptionnelles. Alors que d’autres victimes sont découvertes, Lizzie fait appel à l’un de ses vieux amis, un ancien chasseur de lions. Mais le prédateur reste insaisissable et continue de semer la terreur…

Nous sommes en pleine série B. Seulement voilà, ce n’est pas n’importe quel réalisateur aux commandes. PrédateurProoi en version originale, est mis en scène par le célèbre Dick Maas, cinéaste culte pour beaucoup et précurseur du film d’épouvante aux Pays-Bas, l’auteur de L’Ascenseur (1983), Grand Prix au Festival d’Avoriaz en 1984, de sa suite réalisée en 2001 et surtout d’Amsterdamned (1988). Né en 1951, Dick Maas fait son retour derrière la caméra quatre ans après Quiz avec un petit film de genre bourré d’humour. Si l’on accepte le fait qu’un lion de 300 kilos et mesurant plus de deux mètres puisse se cacher dans les fourrés et échapper au système de surveillance le plus perfectionné, alors Prédateur est un vrai et génial divertissement. Le film a vraiment de la gueule et crée une vraie complicité avec son public.

La trentaine, Lizzy est vétérinaire au zoo d’Amsterdam. Un matin, la jeune femme est contactée par un policier, Olaf, qui sollicite son aide pour enquêter sur le massacre d’une famille d’agriculteurs. Selon elle, les victimes ont été attaquées par un lion mangeur d’hommes. Plus tard, un golfeur est retrouvé mutilé à son tour, également tué par l’animal sauvage. Alors que les morts s’accumulent et que la rumeur circule dans la ville, le chef de la police refuse de croire qu’un gigantesque lion est responsable de cette hécatombe et choisit de ne pas communiquer sur l’affaire. Malgré elle, Lizzy se retrouve à la tête d’une gigantesque battue organisée à travers la capitale néerlandaise afin de capturer ou anéantir à tout prix la bête surdimensionnée et sanguinaire. La vétérinaire contacte son ancien compagnon, un Britannique chasseur de fauves, pour mettre fin à ses agissements.

Prédateur est le film d’un vieux briscard qui connaît par coeur les rouages pour faire peur et surtout pour faire plaisir aux spectateurs avides de sensations fortes. Certes, ce qui faisait peur jadis prête souvent à rire aujourd’hui, c’est pour cela que Prooi mélange habilement et judicieusement effets gore et humour noir souvent jubilatoire. Rien de tout ceci n’est sérieux, Dick Maas le prévient d’emblée à l’instar de cette séquence en ouverture où un père de famille, se lève après avoir entendu un bruit étrange et aperçoit sa fille aînée dans la pénombre. Si le spectateur comprend qu’elle est en train de se faire dévorer, le père pense qu’elle est en train de faire une fellation à son petit-ami. Il n’est donc pas interdit de rire, surtout pas, c’est fait exprès et Dick Maas – également compositeur ici – a réalisé son film dans ce sens.

Amsterdam devient un plateau de jeu idéal pour y déplacer ses personnages et surtout son lion entièrement conçu – ou presque – en images de synthèse. Les effets spéciaux sont d’ailleurs fort limités, pour ne pas dire mauvais, mais peu importe puisque les apparitions du fauve se déroulent principalement de nuit avec juste les lampadaires pour l’éclairer fugitivement. Au passage, nul n’est épargné, y compris les enfants. Du point de vue des comédiens, nous retiendrons surtout la belle Sophie van Winden, qui rappelle à la fois Rachel McAdams et Kristin Scott Thomas, sur laquelle repose une très grande partie du film. Une actrice à connaître. Ses partenaires, l’anglais Mark Frost (impeccable en Indiana Jones improbable et pourtant spécialiste des félins) et le néerlandais Julian Looman, très amusant en caméraman chaud comme la braise, assurent également le spectacle.

Dick Maas est un malin. Pour son scénario, il s’inspire en grande partie du premier Jurassic Park et adapte littéralement les plus grands moments de ce film avec le lion qui remplace les dinosaures comme la poursuite de la jeep par le T-Rex, avec ici le félin qui court après un scooter (avec le reflet dans le rétro qui crée l’angoisse), la partie de cache-cache avec les raptors dans la cuisine et même l’appeau des brachiosaures qui fait écho ici dans la scène où le braconnier tente d’appâter le lion dans le parc. Cette relecture à la sauce hollandaise du chef d’oeuvre de Steven Spielberg ne révolutionne rien, mais démontre toute l’étendue du talent du réalisateur du début à la fin et l’ambiance est particulièrement prenante. Une réussite donc et un film fort sympathique.

LE BLU-RAY

Rimini Editions a eu la très bonne idée de sortir Prédateur dans les bacs, en DVD et Blu-ray. L’édition HD est disponible dans un boîtier classique de couleur noire et au visuel très attractif avec un lion qui « n’a pas une gueule de porte-bonheur ». Le menu principal est kitsch, animé et musical.

Seule la bande-annonce est disponible comme supplément, dommage.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080i. Le film de Dick Maas est joliment photographié par Lennert Hillege et cette édition HD délivre son lot de couleurs vives et chatoyantes sur les séquences diurnes. Les détails sont convaincants aux quatre coins du cadre large et le piqué évident (surtout sur les teintes froides), même si les contrastes pèchent parfois par un manque de concision sur les scènes sombres. Certains flous sporadiques tout comme de sensibles fourmillements sont constatables (surtout sur les scènes avec le lion en CGI), notamment au niveau des visages des comédiens, mais demeurent subliminaux et n’entravent en rien le visionnage. La clarté est de mise, le relief notable, la propreté incontestable et la définition élégante. Que demander de plus ?

Pas de pistes 5.1 pour les langues néerlandaise et française. Juste de la Stéréo, mais heureusement, le confort acoustique est assuré avec une belle délivrance de la musique de Dick Maas, des grognements du félin, des dialogues et des effets particulièrement dynamiques. La version originale est évidemment à privilégier. 

Crédits images : © Shooting Star Filmcompany & Parachute Pictures 2016 / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Au poste !, réalisé par Quentin Dupieux

AU POSTE ! réalisé par Quentin Dupieux, disponible en DVD et Blu-ray le 14 novembre 2018 chez Diaphana

Acteurs : Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Orelsan, Philippe Duquesne, Jacky Lambert, Jeanne Rosa…

Scénario : Quentin Dupieux

Photographie : Quentin Dupieux

Musique : David Sztanke

Durée : 1h10

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.

Le postulat de départ est simple. Le traitement également. Pourtant, Au poste ! de Quentin Dupieux est tout aussi inclassable et décalé que ses films précédents. L’exxxxcellent réalisateur de Wrong Cops, Steak, Rubber et Réalité livre sa nouvelle pépite nonsensique et frappadingue. Scénariste, chef opérateur, monteur, metteur en scène, Quentin Dupieux laisse pour une fois la musique, présente uniquement à la fin, à David Sztanke. L’homme-orchestre également connu sous le nom de Mr. Oizo ne déçoit pas pour son retour en France et Au poste ! est absolument jouissif de bout en bout et enchaîne les numéros d’acteurs de Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig et Marc Fraize (révélation du déjà culte Problemos d’Eric Judor) comme des perles sur un collier durant 70 minutes.

Le commissaire Buron est chargé d’enquêter sur le meurtre d’un homme retrouvé gisant dans son sang par Fugain. Celui-ci est logiquement considéré comme le principal suspect, il s’ensuit alors un interrogatoire qui va durer toute la nuit.

S’il n’atteint pas les grandes réussites de Wrong Cops et de Rubber, Quentin Dupieux reste fidèle à son univers. Si la présence du duo Poelvoorde/Ludig en tête d’affiche témoigne peut-être d’une volonté de toucher un plus large public, le réalisateur ne se laisse pas aller à la facilité. Au poste ! lui permet de rendre hommage aux comédies françaises des années 1980, mais aussi et surtout aux films policiers de la même période. Une volonté annoncée dès l’affiche qui détourne celle très célèbre de Peur sur la ville, chef d’oeuvre d’Henri Verneuil sorti en 1975. Quasi huis clos, Au poste ! a été tourné dans les locaux de l’Espace Niemeyer, le siège du Parti communiste français. Les plafonds bas reconnaissables, les couleurs du même acabit, donnent au film un cachet vintage, tout comme les costumes, les partis pris esthétiques et les accessoires. Un film hors du temps, on pourrait même dire hors de l’espace avec Quentin Dupieux aux commandes. Les quelques séquences tournées en extérieur appuient également ces volontés artistiques, puisque le cinéaste privilégie une architecture seventies.

Raconter un film de Quentin Dupieux c’est se plier à un exercice difficile, voire impossible. Au Poste ! fourmille de mots d’auteurs, de situations invraisemblables, quasi-fantastiques. Le quotidien n’est pas banal chez Dupieux. Même les personnages semblent se rendre compte eux-mêmes que quelque chose cloche dans ce qu’ils disent ou dans ce qui se passe autour d’eux, sans pour autant remettre en question les évènements. Si l’on pense évidemment au formidable Garde à vue de Claude Miller lors de cette confrontation entre un flic retors (Benoît Poelvoorde, toujours sublime) et un homme suspecté dans une affaire de meurtre (Grégoire Ludig, très attachant en mode Droopy à moustache), Quentin Dupieux mêle surtout l’humour anglo-saxon des Monty Python à celui dit « franchouillard » de la troupe du Splendid. Le personnage incarné par Anaïs Demoustier a d’ailleurs été pensé dans ce sens puisque le cinéaste avoue s’être inspiré de Zézette dans Le Père Noël est une ordure.

Ce qui pourrait alors donner un gloubi-boulga indigeste dans certaines mains, prend ici la saveur d’un minestrone soigné et concocté par un véritable chef. A l’instar de cet énigmatique chef d’orchestre en slip qui dirige ses musiciens lors de l’introduction du film, Quentin Dupieux reste le maestro de son film et ses comédiens, tous formidables vraiment, font leur numéro « habituel » (rien de péjoratif à dire cela), tout en conservant une spontanéité avec l’air de se demander eux-mêmes ou tout cela va les mener ou si ce qu’ils viennent de dire a du sens. Au poste ! combine à la fois le populaire et l’expérimental, et n’a pas peur de laisser certains spectateurs sur le bas-côté puisque de toute façon la destination (ça passe ou ça casse) ne plaira pas à tout le monde de toute façon. Mais c’est un OFNI c’est pour ça.

LE DVD

Le test du DVD d’Au poste !, disponible chez Diaphana, été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Cette édition se compose tout d’abord d’un commentaire audio du réalisateur. « Bonjour, c’est Quentin ! » dit Dupieux, visiblement surpris qu’on lui ait demandé de se plier à cet exercice. « Voici tout d’abord les mentions ennuyeuses, mais ce sont des gens qu’on respecte tout de même » introduit ce commentaire sympathique, à défaut d’être passionnant. Revoir le film en compagnie de son auteur est assez marrant, surtout que Dupieux est visiblement son premier spectateur et ne cesse de dire tout le bien qu’il pense de ses formidables comédiens. Les répétitions, les conditions de tournage, l’écriture du scénario, ses références, les partis pris, tous ces éléments sont distillés sur 1h10, sans véritable temps mort.

En plus de la bande-annonce, nous trouvons également un module de 11 minutes consacré aux essais et répétitions des comédiens Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig et Marc Fraize.

Bonus caché : Dans le menu des suppléments, positionnez-vous sur « Le film commenté par Quentin Dupieux » puis appuyez sur la flèche du haut. Un point d’interrogation apparaît. Validez. Si l’on se demande tout d’abord où tout cela va nous mener, le personnage de Marc Fraize apparaît sans prévenir (1′).

L’Image et le son

Pour la photo, Quentin Dupieux s’inspire du look vintage des bureaux des années 1970. Les couleurs sont chaudes, dorées, ambrées. Le piqué n’est pas le point fort de cette édition et la définition laisse parfois à désirer. Finalement, ce sont les rares séquences tournées en extérieur qui s’en sortent le mieux, même si cela reste très médiocre dans l’ensemble.

La piste 2.0 instaure un confort acoustique agréable. Les dialogues sont parfaitement clairs et distincts. Si vous avez sélectionné la version Dolby Digital 5.1, les ambiances restent très limitées puisque l’essentiel du film se déroule dans le bureau du commissaire. A part pour l’ouverture avec l’orchestre et le générique de fin, cette option acoustique reste très facultative. Les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Diaphana Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Max mon amour, réalisé par Nagisa Ôshima

MAX MON AMOUR réalisé par Nagisa Ôshima, disponible en combo Blu-ray/DVD le 25 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Charlotte Rampling, Anthony Higgins, Victoria Abril, Anne-Marie Besse, Nicole Calfan, Pierre Étaix, Bernard Haller, Sabine Haudepin, Fabrice Luchini, Bernard-Pierre Donnadieu…

Scénario : Jean-Claude Carrière, Nagisa Ôshima

Photographie : Raoul Coutard

Musique : Michel Portal

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

Peter, diplomate anglais en poste à Paris, s’aperçoit que sa femme a des rendez-vous secrets. Il la fait suivre. Le détective engagé par ses soins lui apprend qu’elle a loué un appartement, mais qu’il n’a jamais vu l’amant supposé qui s’y cache. Peter obtient un double de la clé…

Nagisa Oshima (1932-2013) est mondialement célèbre pour Nuit et brouillard du Japon (1960), Furyo (1983) et bien évidemment L’Empire des sens (1976). Les films du réalisateur japonais, diplômé en droit, politiques et transgressifs, auront toujours été accompagnés d’un parfum de scandale. Pour son unique incursion dans le cinéma français, le cinéaste s’associe à l’immense Jean-Claude Carrière. Dix ans après L’Empire des sens et sa suite L’Empire de la passion réalisée deux ans plus tard, Nagisa Oshima se penche sur le désir féminin avec Max mon amour, qui n’est pas sans rappeler l’univers de Luis Buñuel, Carrière faisant évidemment le lien, ainsi que le producteur Serge Silberman (Le Charme discret de la bourgeoisie, Cet obscur objet du désir).

Peter Jones est un brillant diplomate britannique posté à Paris, marié à une très belle femme, Margaret, et, théoriquement, heureux. Cependant, Peter découvre, avec l’aide d’un détective, que, les après-midi où elle prétend voir son amie Hélène, Margaret se rend en réalité à un appartement qu’elle a loué. Un jour, Peter va donc la surprendre sur place, croyant qu’il va la trouver avec son amant. Quelle n’est pas sa surprise de trouver Margaret au lit avec un… chimpanzé! Margaret affirme avoir des rapports sexuels et romantiques avec l’animal et ne pas vouloir s’en séparer, quitte à mettre en danger sa vie de famille. Voyant que Margaret est profondément attachée à cet être, Peter propose à sa femme de faire emménager Max, c’est le nom qu’elle a donné au singe, chez eux. Mais peu à peu, Peter s’aperçoit que cette solution n’était pas la bonne: il n’a pas du tout reconquis son épouse et voit bien qu’elle aime Max encore plus que lui.

Qui connaît la vérité à part toi ?

Quel film étrange ! Comment aborder Max mon amour ? Et pourquoi en divulguer plus que son postulat de départ ? En à peine dix minutes, Nagisa Oshima dresse le décor, un grand appartement bourgeois parisien, ses personnages, le grain de sable qui va faire gripper la machine trop bien installée de cette vie déconnectée des réalités. Connaissant la réputation qui le précède suite au triomphe international de L’Empire des sens, le cinéaste va jouer avec l’attente des spectateurs, qui comme le personnage de Peter, ne demande qu’à voir et à découvrir ce qui se cache réellement derrière la porte. Nagisa Oshima se penche sur la question du modèle sexuel, les conventions, les fantasmes impénétrables chez l’être humain, sur la sexualité féminine, sur l’incapacité des hommes à comprendre le sexe opposé. Max mon amour est une œuvre expérimentale, quasi-unique en son genre, pour ainsi dire inclassable.

Il n’est pas interdit de rire devant cette histoire invraisemblable et absurde, d’autant plus que Nagisa Oshima et Jean-Claude Carrière reprennent les codes du vaudeville, le tout violemment éclairé par le grand directeur de la photographie Raoul Coutard, qui accentue le côté surréaliste et frontal des évènements. L’appartement devient une scène d’opéra bouffe avec les portes qui claquent, les protagonistes qui déambulent d’un côté à l’autre du décor principal ou qui essayent de regarder par le trou de la serrure pour tenter d’y apercevoir ce qu’on évertue à leur dissimuler, comme le symbolise le générique de l’immense Maurice Binder avec les comédiens présentés à travers cet alvéole en question. Nagisa Oshima interroge le spectateur sur son propre voyeurisme, sur ce qu’il est prêt à faire pour connaître le fin mot de l’histoire, sur l’animal qui sommeille en chacun de nous.

Tu ne m’as jamais aimé ainsi…

La musique jazzy discrète de Michel Portal, souligne délicatement ce malaise ressenti par le mari. A ce titre, l’audience se met alors dans la peau de Peter, excellemment interprété par le méconnu Anthony Higgins (Une messe pour Dracula, Meurtre dans un jardin anglais), qui entre colère, espoir et résignation, va progressivement accepter la présence de cet être atypique, pour éviter que son couple se déchire et que son foyer vole en éclats. Si Max mon amour reste et demeure un film troublant et énigmatique, c’est aussi et surtout grâce à la composition magnétique de Charlotte Rampling, à la fois désirable, choquante, empathique et repoussante. Le reste du casting est au diapason, notamment Victoria Abril, juste avant sa collaboration avec Pedro Almodóvar, mais aussi Fabrice Luchini, Nicole Calfan, Pierre Étaix, Bernard-Pierre Donnadieu et l’inoubliable apparition de Sabine Haudepin, sommet d’érotisme quand elle se retrouve nue devant le chimpanzé. Pour l’anecdote, Max est une combinaison parfaite entre un véritable singe, une marionnette et surtout la participation de la chorégraphe Ailsa Berk glissée dans un costume très réaliste, qui avait déjà travaillé sur Le Retour du Jedi et surtout Greystoke, la légende de Tarzan, dans lequel elle jouait Kala.

Dans Max mon amour, le spectateur ne cesse d’être ballotté d’un sentiment à l’autre. On ne criera pas au chef d’oeuvre, la mise en scène est d’ailleurs très discrète, mais force est d’admettre que plus de trente ans après sa sortie, la fable burlesque et douce-amère d’Oshima n’a rien perdu de son mystère et c’est ce qui en fait la marque des grands films.

LE BLU-RAY

Max mon amour est le numéro 1 de la collection Make my Day supervisée par l’un de nos meilleurs critiques cinéma, Jean-Baptiste Thoret. Comme pour Sans mobile apparent, Six femmes pour l’assassin et Aux frontières de l’aube et La Mort a pondu un œuf, Studiocanal permet enfin de (re)découvrir Max mon amour, film rare, dans d’excellentes conditions. Le film de Nagisa Oshima est présenté ici dans un combo Blu-ray/DVD, disposés dans un Digipack, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est sobre, très légèrement animé et musical.

Jean-Baptiste Thoret présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (7’). Comme il en a l’habitude, le critique replace de manière passionnante Max mon amour dans son contexte, dans la filmographie de Nagisa Oshima et évoque les conditions de tournage. La genèse et les thèmes du film, mais également ce qui en fait son « étrangeté et son pouvoir de fascination », le casting, le rapport au spectateur, sont abordés sans pour autant spoiler le film pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu.

Le même Thoret revient, sa voix du moins, à travers un essai vidéo sur le générique de Maurice Binder et les dix premières minutes de Max mon amour (10’30). L’historien du cinéma et critique se livre à une très brillante et passionnante analyse de l’exposition du film de Nagisa Oshima, judicieusement intitulée Par le petit trou de la serrure.

Jean-Baptiste Thoret est ensuite allé à la rencontre de Jean-Claude Carrière, Charles Tesson et Michel Portal (52’). Le premier, éminent scénariste, partage ses souvenirs sur l’écriture de Max mon amour, mais aussi sur sa rencontre et le travail avec Nagisa Oshima. Le second, critique et historien du cinéma, dresse un parallèle entre Max mon amour et l’oeuvre de Luis Buñuel et propose une analyse du fond et de la forme du film de Nagisa Oshima. Le troisième, compositeur et musicien, saxophoniste et clarinettiste de jazz, intervient cinq minutes avant la fin du module. Il explique comment le thème principal a été trouvé, avant de nous le rejouer en live. Au cours de ces entretiens croisés, sont abordés le mauvais accueil du film au Festival de Cannes, les partis pris du réalisateur, la théâtralité des décors, les thèmes, la psychologie des personnages, etc.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

On craint tout d’abord durant le générique que les couleurs soient trop sombres ou fanées. Puis, tout s’améliore immédiatement après. L’appartement bourgeois regorge de détails, c’est clinquant, lumineux. La propreté de la copie n’est jamais prise en défaut, le master est stable, les noirs denses, le piqué impressionnant. Même chose en ce qui concerne les nombreux gros plans des comédiens, dont on peut distinguer toutes les (im)perfections. Cette édition Haute-Définition rend obsolète le DVD édité par Studiocanal en 2009. Superbe restauration.

Max mon amour combine à la fois les langues anglaise et française. L’écoute Stéréo est très agréable, riche, y compris dans ses silences. Les dialogues ne manquent pas de clarté. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © STUDIOCANAL / France 2 Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Comment tuer sa mère, réalisé par David Diane et Morgan Spillemaecker

COMMENT TUER SA MÈRE réalisé par David Diane et Morgan Spillemaecker, disponible en DVD le 17 octobre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Vincent Desagnat, Chantal Ladesou, Julien Arruti, Joséphine Drai…

Scénario : Morgan Spillemaecker d’après sa pièce coécrite avec Amanda Sthers

Photographie : Antoine Marteau

Durée : 1h16

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Dans la famille Mauret, les trois enfants n’avaient certainement pas demandé une mère aussi odieuse, déjantée… et dépensière ! Pour Nico, l’ainé, qui les entretient tous, c’en est trop ! Il propose à Ben, son jeune frère fainéant, et à Fanny, sa sœur complètement dépassée, une solution radicale : assassiner leur mère pendant le traditionnel déjeuner du samedi…

Comment tuer sa mère aurait pu s’intituler « Réalise ton film mon pote ». En effet derrière la caméra, on retrouve un dénommé David Diane, assistant réalisateur d’un certain Philippe Lacheau sur les deux Babysitting, Alibi.com et en ce moment sur Nicky Larson, mais également sur l’infect Épouse-moi mon pote de Tarek Boudali. Comment tuer sa mère est donc le film de l’ami de machin qui s’est dit « moi aussi je peux le faire ». Si les comédies de Philippe Lacheau représentent ce qui peut se faire de pire dans le cinéma français des années 2010, attendez de voir Comment tuer sa mère qui se permet de repousser les limites. Autant le dire d’emblée, il s’agit d’un des pires films de ces dernières années.

Même s’il n’est pas signé de La Bande à Fifi, cette dernière continue de déverser ses trucs sans forme dans les salles. Mais cette fois, le film a connu un sacré bide commercial et a été retiré des cinémas avant même que la colle des affiches soit sèche. En parlant de La Bande à Fifi, promis nous n’en parlerons plus après, nous retrouvons également trois comédiens complices de Philippe Lacheau. Vincent Desagnat, Julien Arruti et Joséphine Draï s’étaient déjà donné la réplique dans les « films » de leur complice. Nous sommes donc bel et bien dans le Lacheau Cinematic Universe.

Comment tuer sa mère est l’adaptation de la pièce de théâtre à succès Conseil de famille d’Amanda Sthers et Morgan Spillemaecker. Ce dernier co-réalise cette transposition, tandis qu’Eva Darlan, qui interprétait le rôle de la mère sur scène, se voit remplacer par Chantal Ladesou. Cette dernière s’en donne à coeur joie dans la vulgarité et l’outrance, à tel point qu’elle parvient à surpasser le jeu déjà éhonté de ses jeunes camarades avec leurs yeux qui roulent et leurs (mauvaises) répliques qui tombent toutes à plat. Qui plus est, on se demande où ont bien pu passer les trois millions de budget puisque le film semble avoir été tourné au Franprix de proximité et dans la maison de ta grand-mère à Saint-Maur.

Absolument repoussants, les partis pris sont finalement dans le ton du jeu des comédiens et dans l’écriture exécrable des dialogues et des situations. Les scènes ont été raccordées par un monteur qui possède sûrement des moignons à la place des mains, un gamin de cinq ans a vraisemblablement joué avec les manettes de l’étalonnage, la musique pouêt-pouêt surligne chaque gag gras comme le chien de la famille qui se lèche constamment les parties génitales. Certaines séquences sont particulièrement gênantes, à l’instar de la mère qui, afin d’aider son fils Ben à faire son coming-out, ne trouve rien de mieux que de mimer une sodomie en le poussant contre le canapé.

76 minutes infernales, interminables, durant lesquelles on se demande constamment comment une telle entreprise, un aussi mauvais théâtre de boulevard filmé avec les pieds a pu voir le jour et surtout comment les « scénaristes » ont pu faire valider pareilles ignominies et un humour aussi rance. Finalement, Comment tuer sa mère est une expérience de cinéma à part entière, qui compile tout ce qui se fait de pire en matière de comédie « à la française ».

LE DVD

Comment tuer sa mère est disponible chez M6 Vidéo, uniquement en DVD. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur quelques scènes du film.

La galette contient la bande-annonce du film, qui résume toute l’histoire, ainsi qu’un entretien avec les quatre acteurs principaux d’un côté et le coréalisateur Morgan Spillemaecker de l’autre (9’). Chacun essaye de parler des personnages et de leurs motivations, mais ce qu’il en ressort c’est que toute l’équipe s’entend bien et qu’ils buvaient pas mal de champagne sur le plateau. Autant dire que ce module n’a strictement aucun intérêt, surtout que les propos se trouvent constamment entrecoupés par de longs extraits du film.

L’Image et le son

L’éditeur ne s’est pas foulé, mais en même temps comment arranger des partis pris esthétiques déjà très moches à la base ? L’image manque singulièrement de piqué, les couleurs sont chaudes mais dénaturent tous les détails, la définition est très moyenne. Rien de plus à ajouter.

La piste Dolby Digital 5.1 est essentiellement frontale, d’autant plus que l’action (ou l’absence d’action plutôt) se déroule exclusivement dans la maison familiale. Les latérales se réveillent pour spatialiser la musique qui appuie les « gags ». L’éditeur joint également une piste Audiodescription et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND / M6 Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Archimède le clochard, réalisé par Gilles Grangier

ARCHIMÈDE LE CLOCHARD réalisé par Gilles Grangier, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 octobre 2018 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Jean Gabin, Darry Cowl, Bernard Blier, Noël Roquevert, Julien Carette, Dora Doll, Jacqueline Maillant, Paul Frankeur, Jacques Marin…

Scénario : Albert Valentin, Gilles Grangier, Michel Audiard d’après une idée originale de Jean Gabin

Photographie : Louis Page

Musique : Jean Prodromidès

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Archimède, un clochard atypique se refusant à dormir sous les ponts, décide pour passer l’hiver de se faire enfermer en prison. À cette fin et après plusieurs essais infructueux, il décide de mettre à sac son bistrot favori. Mais malgré tous ses efforts, son temps de prison est bien trop court à son goût. Relâché, il va bien falloir trouver une solution pour passer l’hiver au chaud. Entretemps, son bistrot a changé de propriétaire et le nouveau patron n’est pas aussi docile que l’ancien mais Archimède, bien né et très cultivé, a plus d’un tour dans son sac.

Cette seconde bouteille, tu la sors de la glace ? C’est pas le Nautilus !

Archimède le clochard est un film qui me tient particulièrement à coeur puisqu’il s’agit du préféré de mon père. Le dialogue n’était pas le fort de la famille. Mon père né en Eure-et-Loir, fils de métayer, taiseux, était passionné par le cinéma français des années 1950-60. A la maison, nous ne parlions pas vraiment et à table durant le repas, la télé diffusait toujours un film sélectionné par mon père. Archimède le clochard de Gilles Grangier (1911-1996) revenait très souvent. J’ai appris à communiquer avec mon père à travers les films qu’il aimait, apprenait ce qui le faisait rire ainsi, ce qui l’interpellait, lui qui n’exprimait jamais ou très peu ses sentiments. Quelque part, Archimède le clochard a donc forgé ma cinéphilie, ainsi que tous les films avec Jean Gabin ou de Gilles Grangier, tout le cinéma français de 1950 à 1980. Rétrospectivement, cette sixième collaboration (sur douze au total) entre le comédien et le réalisateur est leur plus grand succès en commun avec plus de quatre millions d’entrées en France et le septième de toute la carrière de Jean Gabin.

De la posologie au veuvage, ce n’est qu’une question de gouttes !

Depuis La Vierge du Rhin en 1953, Jean Gabin et Gilles Grangier ont enchaîné les films et les succès avec Gas-oil (1955), Le Sang à la tête (1956), Le rouge est mis (1957), Le Désordre et la nuit (1958). Ce dernier, méconnu, est pourtant un des meilleurs films du binôme. Cette adaptation du roman de Jacques Robert coécrite entre autres par Michel Audiard, qui signe également les excellents dialogues du film, est à redécouvrir et à réhabiliter absolument. Désireux de s’amuser un peu et de se débarrasser d’un de ses rôles les plus singuliers et sombres, celui d’un flic porté sur la boisson, qui s’éprend d’une très jeune toxicomane, Jean Gabin a lui-même l’idée d’Archimède le clochard. Le générique indique d’ailleurs « d’après une idée originale de Jean Moncorgé », le vrai nom du comédien.

Il y interprète un clochard bien élevé et très cultivé, contraint de quitter l’immeuble en construction où il avait élu domicile, en raison du grondement des machines. L’hiver s’annonce particulièrement rude. Ennemi farouche du travail et du bruit, il imagine un plan pour se faire emprisonner et passer ainsi la mauvaise saison au chaud. Il s’emploie tout d’abord à saccager un café, mais la maréchaussée ne juge pas utile de l’incarcérer. Il s’attaque alors à un défilé militaire, avant de provoquer un scandale dans le métro. Rien à faire, les autorités refusent de réagir. Le monde douillet de la prison se refuse à Archimède, qui n’a plus que ses citations d’auteurs et son gros rouge pour se protéger des premiers frimas de l’hiver.

Archimède : Il est tiède !
Pichon : Vous voulez de la glace ?
Archimède : Tout corps plongé dans un liquide subit une poussée de bas en haut égale au poids du volume de liquide déplacé. Pas de glace !

Archimède le clochard est un sommet dans l’association Gabin/Grangier. Sur de magnifiques dialogues signés Michel Audiard, le comédien livre une de ses plus grandes prestations et enchaîne les punchlines, chante pour le plaisir sans faire l’aumône, enchaîne les danses endiablées, parvient à dérider les bourgeois coincés au cours d’une surprise-partie. S’il se fait un petit pécule, il n’hésite pas à payer une bouteille (ou deux) de Bollinger à ses amis ouvriers des Halles. Avec son répondant, son éducation qu’on imagine noble (son véritable nom Joseph Hugues Guillaume Boutier de Blainville est d’ailleurs évoqué), capable de moucher un petit mec hautain avec quelques vers d’Apollinaire (« Mon beau navire ô ma mémoire, Avons-nous assez navigué, Dans une onde mauvaise à boire, Avons-nous assez divagué, De la belle aube au triste soir »), Archimède a décidé de se mettre volontairement en retrait de la société, en rejetant les institutions, luttant quotidiennement contre l’asservissement, tout en profitant de ce que la vie a de mieux à offrir.

Gabin se métamorphose, tout en restant lui-même et la fraîcheur de son jeu reste encore hallucinante soixante ans après la sortie du film. Il est également savamment épaulé par les trognes et le talent de Darry Cowl, Julien Carette, Bernard Blier et Paul Frankeur, sans oublier la débutante Jacqueline Maillan et le charme de Dora Doll. Assisté à la mise en scène par un jeune Jacques Deray, Gilles Grangier se met certes au service de son acteur, mais livre en même temps le témoignage du Paris d’époque avec ses rues de plus en plus agitées, ses habitants qui commençaient à courir dans tous les sens, ses métros bondés. A sa sortie, Archimède le clochard est un triomphe et Jean Gabin remporte l’Ours d’argent du meilleur acteur au Festival international du film de Berlin de 1959.

(A mon père)

LE DIGIBOOK

C’est la révélation de l’année. Fondateur de la structure indépendante Coin de mire Cinéma, Thierry Blondeau est un autodidacte, un cinéphile passionné et grand collectionneur (plus de 10.000 titres dans sa DVDthèque) qui a décidé de se lancer dans le marché de la vidéo dans le but d’éditer des films qu’il désirait voir débarquer dans les bacs depuis longtemps. Prenant son courage à deux mains, essuyant le refus de la plupart des éditeurs qui riaient devant son projet, Thierry Blondeau ne s’est jamais découragé. Son envie et son amour infini pour le cinéma et le support DVD/Blu-ray ont porté leurs fruits. Voilà donc la collection « La Séance » qui s’ouvre le 22 octobre 2018 avec six titres : Les Amants du Tage et Des gens sans importance d’Henri Verneuil, Si tous les gars du monde… de Christian-Jaque, Porte des Lilas de René Clair, Les Grandes familles de Denys De La Patellière et Archimède le clochard de Gilles Grangier. Inédits en Blu-ray, ces titres seront édités à 3000 exemplaires.

Coin de mire Cinéma a d’ores et déjà annoncé les sorties de Paris est toujours Paris de Luciano Emmer, Le Cas du Docteur Laurent de Jean-Paul le Chanois, Des Pissenlits par la racine de Georges Lautner, Le Train de John Frankenheimer (en co-édition avec L’Atelier d’images), La Grosse caisse d’Alex Joffé et L’Affaire Dominici de Claude Bernard Aubert. Chaque restauration sera assurée par TF1 en collaboration avec le CNC. Ont également participé à la réalisation de ce projet L’Atelier d’images (entre autres Hugues Peysson et Jérôme Wybon), Celluloïd Angels, Intemporel et Slumberland. Signalons que chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par l’ami Bruno Terrier, rue Dante à Paris.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Gilles Grangier avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction du dossier de presse original et d’articles divers. Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

L’édition d’Archimède le clochard contient donc les actualités de la 15e semaine 1959 comme l’inauguration d’une nouvelle ligne de métro à Tokyo, une inondation à Madagascar, une italienne qui a ouvert une pension de famille pour chats perdus (500 pensionnaires) ou un cygne moscovite qui voue un amour fou à l’homme qui l’a recueilli (9’).

Ne manquez pas les formidables réclames de l’année 1959 avec une publicité inventive pour les bonbons de La Pie qui chante, une autre pour un bâtonnet glacé au Grand Marnier (« en vente dans cette salle »), une pub pour le café avec Henri Salvador ou une autre pour une cuisinière Arthur Martin dernier cri (8’).

La bande-annonce d’Archimède le clochard et celles des cinq autres titres de la collection édités le 22 octobre sont également disponibles.

L’Image et le son

Archimède le clochard était jusqu’alors disponible en DVD chez René Chateau, dans une édition sortie en septembre 2000 quasiment épuisée. Pour son arrivée dans l’escarcelle de Coin de mire Cinéma, le film de Gilles Grangier a été restauré en Haute-Définition. Si la stabilité de l’image ne fait aucun doute, la restauration n’a pas été poussée comme nous pouvions l’espérer puisqu’il reste pas mal de dépôts résiduels, de scories, de griffures, de points et des rayures verticales. Les contrastes retrouvent de leur superbe, ainsi que la luminosité de la copie qui fait franchement plaisir. Notons tout de même quelques champs-contrechamps à la définition aléatoire, qui s’accompagnent parfois de flous sporadiques. Le grain argentique est heureusement conservé et bien géré.Le Blu-ray est au format 1080p.

Aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Le confort phonique de cette piste unique est indéniable, les dialogues sont clairs et nets. Si quelques saturations demeurent inévitables, la musique est joliment délivrée et aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Coin de mire Cinéma / TF1 Droits Audiovisuels /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Trilogie optimiste de Dino Risi : Pauvres mais beaux + Belles mais pauvres + Pauvres millionnaires

PAUVRES MAIS BEAUX / BELLES MAIS PAUVRES / PAUVRES MILLIONNAIRES (Poveri ma belli / Belle ma povere / Poveri milionari) réalisés par Dino Risi, disponibles en combo Blu-ray/DVD le 3 octobre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Renato Salvatori, Marisa Allasio, Maurizio Arena, Lorella De Luca, Alessandra Panaro, Memmo Carotenuto, Sylva Koscina…

Scénario : Dino Risi, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa

Photographie : Tonino Delli Colli

Musique : Giorgio Fabor, Piero Morgan, Armando Trovaioli

Durée : 1h41 / 1h39 / 1h32

Date de sortie initiale : 1957 / 1957 / 1959

LES FILMS

Deux séducteurs des faubourgs, Romolo et Salvatore, tombent sous le charme de leur voisine Giovanna, la fille du tailleur. Leur amitié est mise à rude épreuve car Giovanna laisse croire à chacun qu’il est l’élu de son coeur…

À Rome, Romolo et Salvatore mènent une vie insouciante partageant les fêtes et les conquêtes. Chacun s’engage finalement avec la soeur de l’autre. La perspective du mariage ne change rien aux priorités de Salvatore qui continue de s’amuser sans penser au lendemain, alors que Romolo reprend sérieusement ses études pour avoir un métier.

Romolo, Salvatore, Anna Maria et Marisa, en voyage de noces, doivent rejoindre Florence. Mais une série d’incidents les bloquent à Rome, dans un appartement sans fenêtres.

Pauvres mais beaux n’est que le cinquième long métrage de l’immense et prolifique Dino Risi (1916-2008), et c’est déjà magnifique. Doctorant en psychologie, médecin, psychiatre, journaliste, puis devenu metteur en scène presque par hasard, le réalisateur mythique du Fanfaron, Parfum de femme, Il Vedovo, signe une de ses premières grandes réussites en matière de comédie, lui qui deviendra un maître du genre.

Merveilleux film « dans l’air du temps », Pauvres mais beaux n’a finalement pas vieilli et demeure jubilatoire, toujours très attachant et même parfois mélancolique. Cette oeuvre chaleureuse est aussi l’occasion d’admirer le talent et les courbes affriolantes de Marisa Allasio, véritable bombe sexuelle du cinéma italien des années 1950, dont la carrière d’actrice fut interrompue suite à son mariage avec le comte Pier Franco Calvi di Bergolo, fils de la princesse Yolande Marguerite de Savoie (fille aînée du roi Victor-Emmanuel III). Ça c’était pour l’anecdote. Elle est Giovanna, l’objet de toutes les convoitises (et on comprend pourquoi), en particulier de Romolo et Salvatore, interprétés par Maurizio Arena (Le Signe de Vénus) et Renato Salvatori (Un dimanche romain), amis depuis l’enfance, voisins de palier, deux jeunes dragueurs invétérés qui partagent tout (même les conquêtes, habituellement) et surtout leur temps à profiter du soleil et à reluquer les croupes rebondies des jolies demoiselles qui déambulent en bikini devant leurs yeux alanguis.

Pauvres mais beaux est le témoignage d’une époque révolue, mais aussi une comédie vive, dynamique, très sexy, formidablement interprétée, un régal pour les mirettes. Les sentiments amoureux sont abordés avec l’élégance habituelle de Dino Risi, d’autant plus que la femme – et comme toujours chez le cinéaste – y tient tête à l’homme, ce dernier étant alors prêt à tout pour concrétiser ses ambitions et réaliser ses fantasmes. Les deux amis seront décontenancés par la liberté et l’émancipation de Giovanna, qui agit comme eux, avec une tendresse supplémentaire, sans envie de faire de mal, mais en voulant profiter du moment et de l’opportunité. Giovanna ne refuse pas un baiser, ce qui n’est pas pour déplaire à Romolo et Salvatore. Mais les deux ne tardent pas à tomber amoureux de la même jeune femme et leur amitié est alors mise en danger par la jalousie. Pendant ce temps, l’ex-fiancé de Giovanna refait surface.

Suite de quiproquos, de jeux de séduction, mais également portrait d’une jeunesse insouciante en prise avec les «  problèmes d’adultes  » face à des parents complètement dépassés par les événements (voir la scène du rock endiablé), Pauvres mais beaux est une réussite exemplaire, reposant sur des dialogues savoureux et un scénario millimétré écrits par Dino Risi, mais également par Massimo Franciosa et Pasquale Festa Campanile, complices qui plus tard signeront Rocco et ses frères et Le Guépard. Autre atout, le film bénéficie du talent du chef opérateur Tonino Delli Colli (Le Nom de la Rose, Il était une fois en Amérique) à la photo, qui capte les instantanés de vie dans les rues de Rome où le film a été intégralement tourné.

Le triomphe de Pauvres mais beaux entraînera une suite directe avec les mêmes comédiens et Dino Risi toujours derrière la caméra, tout simplement intitulée Beaux mais pauvres. A peine un an après la sortie du précédent volet, nous retrouvons donc Romolo et Salvatore, cette fois fiancés à Anna Maria et Marisa. Mais l’amour ne suffit pas pour se marier, ils doivent également pouvoir subvenir aux besoins de la famille. Mais ni l’un ni l’autre ne travaille, ils se sont alors inscrits à une école, mais seul Romolo réussit.

Cette fois, le film ne se focalise pas sur le duo vedette, mais sur un quatuor formidable. Les divines Lorella De Luca (Marisa) et Alessandra Panaro (Anna Maria) reprennent également leurs rôles respectifs. Si ce second opus ne possède pas la même spontanéité que le précédent, il n’en demeure pas moins bondissant, frais et très drôle. Les deux volets prennent donc la forme de véritables chroniques sur la jeunesse italienne de la fin des années 1950, désireuse de profiter à fond de la vie. Romolo et Salvatore doivent se montrer plus adultes en cherchant un travail, afin de pouvoir subvenir aux besoins de leurs fiancées avant le mariage. Mais ils se retrouvent très vite rattrapés par la réalité et entrer dans le monde adulte n’est pas si facile. D’autant plus que Giovanna (Marisa Allasio) croise à nouveau leur route et que les deux amis se retrouvent une fois de plus hypnotisés par la jeune femme.

Dino Risi et ses scénaristes exploitent habilement l’immaturité de leurs personnages mise en place dans le film précédent, en évitant la facilité. Quelques soucis de rythme peut-être, néanmoins Belles mais pauvres reste un grand moment de la comédie italienne et du néoréalisme rose. Le charme est inaltérable et certains gags seront d’ailleurs repris par d’autres grands maîtres de la comédie, comme Claude Zidi qui s’inspirera du gag du maillot de bain décousu dans Les Sous-Doués en vacances.

Ce qui deviendra alors une trilogie prendra fin en 1959 avec Pauvres millionnaires, le réalisateur retrouvant pour l’occasion Maurizio Arena et Renato Salvatori, mais sans Marisa Allasio qui venait d’arrêter le cinéma.

Pour leur voyage de noces, Salvatore et Romolo, deux jeunes amis inséparables issus des milieux populaires de Rome, décident d’emmener leurs épouses à Florence par le train. Mais une série d’incidents les bloquent à Rome, où les deux couples sont alors contraints de cohabiter dans un appartement en travaux et sans la moindre fenêtre. Renversé un soir par la voiture d’une femme très riche, Salvatore se retrouve soudain amnésique. Un concours de circonstances le rend directeur du grand magasin dans lequel travaille comme vendeur son ami Romolo. Salvatore a tout oublié, dont sa femme Marisa, qui va entreprendre sa reconquête…

Pauvres millionnaires, resté inédit en France jusqu’en 2016, est certes le chapitre le moins « réaliste » de la trilogie optimiste, mais n’en demeure pas moins plein d’entrain, sans cesse inventif, très élégant. La première partie consacrée au voyage de noces de nos héros, est un très grand moment de comédie menée à cent à l’heure, où les personnages se croisent et ratent leur train pour Florence, s’agitent dans tous les sens, mais tout en conservant leur calme et en profitant des chemins de traverse. Si Marisa Allasio n’est plus là, Sylva Koscina fait ici une apparition remarquée et sa beauté n’est pas sans agir sur un Renato Salvatori, ici clairement la star de ce troisième et dernier volet.

Dino Risi et ses scénaristes sortent de Rome et du quartier de la Piazza Novana, mais démontrent finalement rapidement que leurs personnages apparaissent en décalage et inadaptés une fois hors de la capitale italienne. Notre quatuor revient donc très rapidement et le retour à la vie normale reprend son cours. Mais la relation homme-femme peut-elle être identique après le mariage ? Dino Risi ne répond pas vraiment à la question puisque Salvatore est alors embringué dans une aventure surréaliste où, perdant la mémoire, il devient un grand chef d’entreprise doucement manipulé par une jeune femme (Sylva Koscina donc) riche et en manque d’amour. Son épouse, sa sœur et son meilleur ami (et beau-frère) vont essayer de le faire revenir à la raison.

Pauvres millionnaires est représentatif de la mutation du néoréalisme, un chaînon manquant, un essai qui sera définitivement transformé la même année par Mario Monicelli avec Le Pigeon. Sans renier le contexte social (ville de plus en plus surchargée et en pleine transformation), Pauvres millionnaires fait place au burlesque et au comique de situation. C’est le fait de croire aux personnages qui fait passer la pilule des situations extraordinaires qui s’éloignent de toute crédibilité. Au final, les protagonistes n’apprennent pas grand-chose de leurs aventures, Salvatore ne se souvient d’ailleurs de rien, mais tout le monde est finalement heureux de retrouver un quotidien sans esbroufe.

Le final, quelque peu attendu, pouvait annoncer un quatrième chapitre de l’existence de ces romains, mais Dino Risi, ainsi que ses confrères réalisateurs, allaient alors passer à la vitesse supérieure en commençant à gratter le vernis de la société transalpine. Libre aux spectateurs d’imaginer la suite des aventures de Romolo et Salvatore (au chômage), Marisa et Anna Maria (enceintes) et les autres…

LE COFFRET DVD/BLU-RAY

Deux ans après l’édition en DVD de Pauvres mais beaux dans la collection Les Maîtres italiens SNC, le film de Dino Risi est non seulement de retour dans les bacs en Haute-Définition, mais il est également accompagné de Belles mais pauvres et de Pauvres millionnaires, jusqu’alors inédits ! M6 Vidéo édite ce combo 3 Blu-ray/4 DVD pour le plus grand plaisir des cinéphiles et admirateurs du cinéma de Dino Risi et de la comédie italienne. Sur les Blu-ray, les menus principaux sont animés et musicaux. Le quatrième DVD est dédié à un supplément inédit que nous détaillons plus bas. Signalons que cette édition contient également un livret inédit de 24 pages écrit par Lorenzo Codelli, directeur de la Cinémathèque du Frioul.

Le Blu-ray de Pauvres mais beaux reprend le bonus déjà disponible sur le DVD sorti en 2016, à savoir la présentation du film par Jean A. Gili (22’). L’historien du cinéma indique tout d’abord la bonne santé du cinéma italien au milieu des années 1950, avant de dresser le portrait du réalisateur Dino Risi et d’évoquer ses débuts au cinéma. Les thèmes du film sont ensuite analysés, les conditions de tournage abordées avec une grande pertinence et le casting est évidemment passé au peigne fin.

Pas de supplément sur les deux autres films, mais le principal se trouve sur le quatrième DVD. Le documentaire Pauvres mais beaux, les débuts de la comédie à l’italienne (2018 – 1h01) compile les interventions des cinéastes Marco Risi et Enrico Vanzina (également scénariste et producteur, fils du cinéaste Steno), ainsi que de l’auteur Massolino d’Amico (fils de la scénariste Suso Cecchi D’Amico). Si de nombreux extraits de la trilogie viennent ralentir quelque peu le rythme, les propos des trois intervenants sont toujours très intéressants et replacent les trois films, surtout le premier volet, dans le contexte historique, social et cinématographique de l’Italie de la fin des années 1950. Le style de Dino Risi, les thèmes explorés dans les trois volets, le casting, l’évolution de la comédie italienne, les conditions de tournage, le succès retentissant de la trilogie, tout y est intelligemment abordé.

L’Image et le son

Chaque film a été restauré en Haute définition, image par image et bénéficie d’un transfert de haute volée. Le résultat est bluffant et superbe. Le Noir & Blanc offre des contrastes impeccables. Les détails sont précis, tant sur les visages, les décors et les arrière-plans. Les copies, 1.33 (4/3), sont on ne peut plus propres, dépoussiérées de la moindre impureté, stables (sauf sur les fondus enchaînés qui décrochent sensiblement), tandis que le grain demeure parfaitement équilibré et géré. A titre de comparaison, Pauvres millionnaires est peut-être moins défini que les deux autres films, avec un générique qui fourmille légèrement, des visages parfois blafards et des blancs plus cassés, mais l’ensemble est on ne peut plus plaisant. Ces éditions Haute-Définition permettront à cette trilogie de connaître une nouvelle jeunesse.

Proposées en langue italienne, il faut rappeler que les pistes sont entièrement doublées comme l’étaient les films italiens de l’époque. Le mono d’origine restauré offre un parfait rendu des dialogues, très dynamiques, et de la musique qui ne saturent jamais. Le niveau de détails est évident et les sons annexes, tels que les ambiances de rue et bruits de fond sont extrêmement limpides. Les sous-titres français pour les spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles.

Crédits images : © SND / M6 Vidéo /  Captures Blu-ray et DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Demi-soeurs, réalisé par Saphia Azzeddine & François-Régis Jeanne

DEMI-SOEURS réalisé par Saphia Azzeddine et François-Régis Jeanne, disponible en DVD le 3 octobre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Sabrina Ouazani, Alice David, Charlotte Gabris, Barbara Probst, Patrick Chesnais, Meriem Serbah, Ouidad Elma, Antoine Gouy…

Scénario : Saphia Azzeddine, François-Régis Jeanne, Joris Morio

Photographie : Christophe Graillot

Musique : Damien Bonnel, Hugo Gonzalez Pioli

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Lauren, ravissante it-girl de 29 ans, tente de percer dans le milieu de la mode en écumant les soirées parisiennes. Olivia, 28 ans et un rien psychorigide, a deux obsessions : sauver la confiserie de ses parents, et se trouver le mari idéal. A 26 ans, Salma, jeune professeur d’histoire fougueuse, vit encore chez sa mère en banlieue. Leurs routes n’ont aucune raison de se croiser… Jusqu’au jour où, à la mort de leur père biologique qu’elles n’ont jamais connu, elles héritent ensemble d’un splendide appartement parisien. Pour ces trois sœurs qui n’ont rien en commun, la cohabitation va s’avérer pour le moins explosive…

A mi-chemin entre Les Trois frères, Trois Hommes et un couffin (sans le bébé) et Tout ce qui brille, Demi-sœurs ne révolutionne certes rien dans la comédie française, mais s’avère plutôt une bonne surprise. Co-réalisé par Saphia Azzeddine et François-Régis Jeanne, ce petit film repose essentiellement sur la véritable alchimie entre les trois actrices principales, excellentes et pétillantes, Sabrina Ouazani, Charlotte Gabris et Alice David. Le charme et le bagou de la première l’emportent haut la main, même si ses deux partenaires vues dans les deux Babysitting ne sont pas en reste. S’il y a de gros problèmes de rythme à signaler, Demi-sœurs remplit son contrat doucement, mais sûrement et s’il n’y a rien de nouveau sur les relations inter-communautaires, sujet particulièrement chéri en France, le film divertit et parvient finalement à trouver son rythme de croisière durant 1h40.

Avant tout romancière, la franco-marocaine Saphia Azzeddine, née en 1979, avait signé son premier long métrage en 2011, Mon père est femme de ménage, d’après son roman. Le résultat n’était guère probant, mais avait au moins révélé la comédienne Alison Wheeler. Il aura donc fallu attendre sept ans pour que la réalisatrice revienne derrière la caméra, avec cette fois l’aide technique de François-Régis Jeanne, auréolé du succès dans les salles de Connasse, princesse des coeurs avec 1,2 million d’entrées. On pardonne volontiers à Demi-sœurs son postulat de départ qui fait franchement penser au film des Inconnus, car le récit part dans une autre direction et prend surtout la forme de vignettes juxtaposées, en passant d’un personnage féminin à l’autre, ou lors de leurs confrontations. On comprend très vite que les trois nanas ne vont pas se détester très longtemps. Du coup, les deux cinéastes profitent de la parfaite osmose et de la complémentarité de leur trio vedette.

Tout n’est pas hilarant, forcément et l’on sourit d’ailleurs plus qu’on ne rit, mais l’énergie des actrices est très contagieuse, les apparitions des géniaux Patrick Chesnais et Sam Karmann sont très plaisantes et on s’attache à ces trois jeunes femmes de culture, de classe sociale et de religion différentes. Les dialogues sont souvent amusants – Sabrina Ouazani enchaîne d’ailleurs les punchlines avec un naturel déconcertant – même si on pourra regretter que le phrasé de certains personnages, c’est le cas par exemple pour tous les élèves de Salma, parlent tellement vite en avalant leurs mots qu’on ne comprend absolument rien à ce qu’ils peuvent raconter.

C’est mignon, c’est tendre, c’est rigolo, c’est léger et ça passe le temps avec une touche de glamour. Malgré une réalisation au point mort, une photo au look sitcom, de nombreux clichés à l’instar de la jeune femme de confession juive qui souhaite respecter la tradition ou bien l’autre qui voudrait intégrer le milieu branché de la mode, sans oublier des effets larmoyants qui ne fonctionnent pas (Lauren avec sa mère), on passe un bon moment, sans se forcer. Mission accomplie donc.

LE DVD

Le test du DVD de Demi-sœurs, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Seule la bande-annonce est disponible comme supplément.

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour ce titre. Néanmoins, l’éditeur soigne le transfert de Demi-soeurs. Soutenu par une solide définition, le master est parfaitement propre. La copie est exemplaire et lumineuse tout du long, les couleurs excellemment gérées, avec une prédominance de teintes chaudes, tout comme les contrastes très élégants.

Ne vous attendez pas à un déluge d’effets surround sur l’unique Dolby Digital 5.1 qui se contente seulement de faire entendre de très bonnes ambiances naturelles ou tout simplement d’offrir une forte spatialisation de la musique du film. Demi-soeurs ne se prêtant évidemment pas aux exubérances sonores, le principal de l’action se trouve canalisé sur les frontales. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SND /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Embrasse-moi, idiot, réalisé par Billy Wilder

EMBRASSE-MOI IDIOT (Kiss me, Stupid) réalisé par Billy Wider, disponible en DVD et Blu-ray le 18 septembre 2018 chez Rimini Editions

Acteurs : Dean Martin, Kim Novak, Ray Walston, Felicia Farr, Cliff Osmond, Barbara Pepper, Skip Ward, Doro Merande…

Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond d’après la pièce L’Ora della Fantasia d’Anna Bonacci

Photographie : Joseph LaShelle

Musique : André Previn

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

D’une jalousie maladive, Orville doit héberger, durant une nuit, Dino, célèbre crooner à la réputation de séducteur. Redoutant que sa femme soit sensible au charme du chanteur, il la renvoie chez sa mère et engage Polly, une entraîneuse de bar, pour jouer son rôle. La nuit va être longue…

Rétrospectivement, Embrasse-moi, idiotKiss Me, Stupid, réalisé en 1964, est le dernier grand film emblématique de l’immense carrière de Billy Wilder. Malgré quelques sursauts avec La Vie privée de Sherlock Holmes (1970), grand film « malade » comme dirait François Truffaut, et surtout Fedora (1978), Embrasse-moi, idiot, charge corrosive, contient toute la sève du cinéma de l’auteur de Sabrina (1954), Certains l’aiment chaud (1959) et La Garçonnière (1960). Dilapidé par la critique américaine, échec commercial, le cinéaste n’arrivera jamais à se remettre totalement de ce procès d’intention. Pourtant, plus d’un demi-siècle après sa sortie, Kiss Me, Stupid demeure un savoureux tour de force qui fustige à la fois l’hypocrisie et la frustration sexuelle américaine, mais aussi la valeur symbolique du mariage à travers une radiographie de la femme épouse et de la femme putain, que la morale bien pensante préfère opposer. Parallèlement, Embrasse-moi, idiot est un modèle de comédie, qui ravit à la fois le coeur et l’âme, qui met en avant les seconds couteaux plutôt que ses stars confirmées, même si le film aurait pu s’intituler Dean Martin chez les ploucs. Souvent dissimulé derrière les deux monuments Some Like It Hot et The Apartment, Kiss Me, Stupid est pourtant largement à reconsidérer.

Orville Spooner et Barney Milsap habitent à Climax, Nevada. L’un donne des leçons de piano, l’autre est garagiste. Tous deux composent des chansons. Un jour Dino, un chanteur de charme sur le retour, s’arrête à Climax. Barney sabote sa voiture de façon à lui faire passer la nuit chez Orville, où il pourra écouter leurs compositions. Mais Orville est extrêmement jaloux concernant sa femme Zelda, et Dino est malheureusement pour lui un grand séducteur. Barney a alors l’idée de faire jouer le rôle de Zelda à Polly, ancienne manucure, devenue serveuse dans un rade et qui se prostitue occasionnellement. Ne reste plus qu’à Orville d’éloigner sa femme.

Si l’on pense souvent à Sept ans de réflexion qui abordait le même thème de la jalousie maladive, Embrasse-moi, idiot est pourtant bien plus frontal. Pour leur cinquième collaboration, Billy Wilder et I. A. L. Diamond, ont décidé de pousser les curseurs à fond, en jouant constamment avec la censure et le fameux code Hays (qui arrivait à sa fin), en abordant la sexualité omniprésente et le faux puritanisme de l’Oncle Sam. Dean Martin interprète quasiment son propre rôle, un crooner proche de la cinquantaine, porté sur la bibine, tombeur de femmes qui se pâment et qui feraient tout pour passer une nuit avec lui. Mais comme dans Irma la Douce sorti l’année précédente, le personnage (à l’origine écrit pour Marilyn Monroe, disparue en 1962) qui représente à la fois le désir refoulé et l’imposture de la supposée bigoterie du citoyen américain moyen est celui de la prostituée, merveilleusement interprétée par Kim Novak. Sulfureuse avec ses costumes qui ne dissimulent rien de ses formes très avantageuses, notamment de sa superbe poitrine débordant largement de son bustier échancré qui a dû donner quelques sueurs froides (et pour cause) aux censeurs, l’immortelle comédienne de Vertigo incarne finalement ce qu’il y a de plus pur. Rejetée par l’American Dream, Polly, partage son temps entre sa caravane plantée dans une cour non loin des ordures, et le bar Le Nombril (le Belly Button) où elle officie comme serveuse qui présente aux clients à la fois la carte et ses propres charmes. Alors, quand un professeur de piano et un garagiste, dont le rêve est de percer avec leurs chansons écrites sur un coin de table, décident de la « louer » afin de la jeter dans les bras d’une star du music-hall pour que ce dernier achète leurs compositions, Polly accepte gentiment, comme une simple passe.

A travers ce portrait de la douce et désirable prostituée, Billy Wilder et I. A. L. Diamond dresse celui des petites gens arrivistes qui ne reculent devant rien pour essayer d’avoir leur part du fameux rêve américain, quitte à sacrifier celui ou celle qui partage leur vie. Cette petite bourgade du nom de Climax (ou Jouy en version française, ce qui signifie « orgasme »), devient le théâtre de la petite vie américaine et fait penser à un village utilisé pour les essais atomiques américains. Si Dean Martin tient le haut de l’affiche et si Kim Novak devient l’atome de cette histoire, ce sont surtout les électrons qui gravitent autour du noyau central qui intéresse Billy Wilder. Jack Lemmon étant indisponible, le cinéaste jette son dévolu sur Peter Sellers pour le rôle d’Orville Spponer. Au bout de quatre semaines de tournage, le comédien est victime d’une crise cardiaque et rapatrié en Angleterre où il est mis au repos forcé. Billy Wilder doit alors lui trouver un remplaçant. Il décide d’engager Ray Walston, star de la série Mon martien favori, qu’il avait dirigé dans La Garçonnière. Si le rapport était très frileux avec le réalisateur et ses partenaires, le comédien s’acquitte très bien de la tâche et campe un personnage malgré tout attachant, en dépit de son aspect quelque peu rigide. Il est également très bien épaulé par le colosse Cliff Osmond, dont le charisme rappelle celui de John Candy. Quant à la femme, « bien sous tous rapports », qui de mieux que la divine Felicia Farr (3 h 10 pour Yuma), épouse de Jack Lemmon, pouvait incarner à la fois l’épouse dévouée et bien apprêtée, qui dissimule en réalité un tempérament de feu. L’actrice aura d’ailleurs le dernier mot du récit et bénéficiera de la réplique qui donne son titre au film.

Les rôles sont interchangeables chez Billy Wilder, ancien disciple d’Ernst Lubisch. Le mari est à la fois le bigot et le libidineux, la femme à la fois la maman et la putain. Tout ce petit monde se mélange, l’un ou l’une prend la place de l’autre dans le but de se laisser aller à ses pulsions personnelles. A la fin, chacun reprend sa « place ». Embrasse-moi, idiot est une comédie sensationnelle, au rythme fou, merveilleusement interprétée, écrite et photographiée (quel beau CinémaScope), une satire brillante, ironique et cynique, qui n’épargne rien ni personne et qui surtout n’a rien perdu de sa force ni de sa virtuosité aujourd’hui.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Embrasse-moi, idiot, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est légèrement animé. N’oublions pas le livret de 28 pages concocté par Marc Toullec intitulé Celui par qui le scandale arrive.

On commence par une passionnante conversation (36’) sur Embrasse-moi, idiot, entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film (à partir d’une pièce de théâtre italienne), l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la psychologie des personnages, le tournage avec Peter Sellers avant son remplacement par Ray Walston en raison de la crise cardiaque du comédien britannique, et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

L’éditeur propose un documentaire intitulé Billy Wilder, la perfection hollywoodienne, réalisé en 2016 par Julia et Clara Kuperberg (54’). Les deux intervenants principaux sont les historiens du cinéma Tony Maietta et Joseph McBride, qui retracent la carrière hollywoodienne de Billy Wilder, d’Uniformes et jupons courts (1942) à Fedora (1978), même si Victor la gaffe (1981) son dernier film n’est pas évoqué. L’ensemble est illustré par des extraits de films, des bandes-annonces, mais surtout par des propos (en allemand) de Billy Wilder, qui raconte quelques anecdotes de tournage ou sur les acteurs qu’il a côtoyés. Nous apprenons entre autres que le plus grand regret du cinéaste est de ne pas avoir pu tourner La Liste de Schindler, projet qui lui tenait particulièrement à coeur, mais dont les droits étaient détenus par Steven Spielberg. Notons que le fils du scénariste I. A. L. Diamond apparaît brièvement.

Nous retrouvons d’ailleurs ce dernier dans le dernier module de cette interactivité (21’30). Durant cet entretien, le fils du fidèle coscénariste de Billy Wilder, qui aura collaboré avec le cinéaste de Certains l’aiment chaud jusqu’à Victor la gaffe, revient en détails sur le processus créatif des deux amis.

Cette section se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La restauration numérique d’Embrasse-moi, idiot est très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC, 1080p) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Billy Wilder. La photo signée Joseph LaShelle (Laura, Hangover Square, Irma la Douce) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, malgré un grain d’origine souvent trop lissé.

Les mixages anglais et français DTS-HD Dual Mono distillent parfaitement la musique d’Andre Previn. La piste anglaise manque peut-être un brin de dynamisme, mais se révèle nettement suffisante. Au jeu des différences, la version française se focalise parfois trop sur les dialogues au détriment des ambiances et effets annexes, mais le rendu musical est élevé. La piste originale, souvent exemplaire et limpide, s’accompagne d’un très léger souffle. Cette version est évidemment à privilégier, le confort acoustique étant plus probant.

Crédits images : © Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Gringo, réalisé par Nash Edgerton

GRINGO réalisé par Nash Edgerton, disponible en DVD et Blu-ray le 10 septembre 2018 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs :  David Oyelowo, Charlize Theron, Joel Edgerton, Amanda Seyfried, Thandie Newton, Sharlto Copley, Bashir Salahuddin, Glenn Kubota, Melonie Diaz, Harry Treadaway, Theo Taplitz, Paris Jackson…

Scénario : Anthony Tambakis, Matthew Stone

Photographie : Eduard Grau

Musique : Christophe Beck

Durée : 1h51

Année de sortie : 2018

LE FILM

Harold Soyinka travaille pour un groupe pharmaceutique dirigé par Elaine Markinson et Richard Rusk. Lorsque ces derniers décident de se lancer dans le commerce lucratif du cannabis médical, ils envoient Harold au Mexique pour le lancement de leur nouvelle usine de production. Ignorant que la société qu’il représente a trahi un dangereux cartel local, l’employé modèle échappe de justesse à un enlèvement. Perdu au fin fond du Mexique, réalisant que ses patrons ont tout intérêt à le voir disparaître, pourchassé par les tueurs du cartel et un mercenaire implacable, Harold ne peut compter que sur lui-même s’il veut rester en vie.

Belle découverte que ce Gringo, réalisé par Nash Edgerton, dix ans après son premier coup d’essai intitulé The Square, à ne pas confondre avec l’immonde film de Ruben Östlund. A la base, l’australien né en 1973 est un cascadeur réputé, qui a officié sur une quantité phénoménale de films en tout genre comme Street Fighter – L’ultime combat, La Ligne rouge, la trilogie Matrix, Star Wars: Épisode II – L’attaque des clones, Zero Dark Thirty. S’il assure très souvent la doublure d’Ewan McGregor, il exécute surtout les scènes à risques pour le compte de son propre frère, le comédien Joel Edgerton. Depuis 1996, Nash Edgerton n’a eu de cesse de tourner des courts-métrages, souvent primés, qui démontraient son aisance à emballer des scènes d’action et à diriger solidement ses comédiens. Portée par un casting quatre étoiles, la comédie noire Gringo emballe du début à la fin et impose le réalisateur comme un metteur en scène à suivre de près.

David Oyelowo, Charlize Theron, Joel Edgerton, Amanda Seyfried, Thandie Newton, Sharlto Copley réunis dans un même film ! Si le premier est excellent, aussi drôle qu’attachant et émouvant, nous n’avons d’yeux que pour Charlize Theron. La comédienne, également productrice ici, crève l’écran à chaque apparition avec ses tailleurs cintrés et ses cheveux blonds platine, mais aussi et surtout pour son langage fleuri, son regard glacial et son immense sens de l’humour, que peu de réalisateurs ont su jusqu’à présent mettre en valeur. Devant cette femme fatale castratrice, pète-sec, nymphomane, arriviste et manipulatrice, le mâle Joel Edgerton fait profil bas. Mais il n’est pas en reste et incarne un homme d’affaires puant et lâche, qui n’hésite pas à sacrifier l’un de ses meilleurs, ou plutôt l’un de ses plus vieux amis, dans le seul but de s’enrichir et de sauver son entreprise. Plus discrètes, mais néanmoins lumineuses à l’écran, Amanda Seyfried et Thandie Newton composent des personnages satellites qui conduiront Harold à prendre ses responsabilités, d’une part pour survivre en milieu hostile, le Mexique donc, mais aussi pour retrouver sa dignité, lui que l’on a trop souvent considéré comme étant l’employé sans intérêt et à la petite vie trop tranquille.

La bonne surprise vient également de l’acteur Sharlto Copley. Habituellement insupportable – ses prestations dans les navets Elysium, Open Grave, Europa Report et Hardcore Henry étaient on ne peut plus irritantes – la révélation de District 9 de Neill Blomkamp est ici beaucoup plus sobre qu’à son habitude. Son rôle de mercenaire qui tente de se racheter une conscience en participant à des œuvres humanitaires est contre toute attente l’un des plus ambigus du film. Signalons également la première apparition à l’écran de Paris Jackson, la fille du King of Pop.

Au-delà ses comédiens en très grande forme, Nash Edgerton fait preuve d’un réel talent derrière la caméra. La mise en scène est très élégante, tout comme la photographie du talentueux chef opérateur Eduard Grau (Buried, A Single Man), le rythme est peut-être lent, mais toujours maîtrisé. Le cinéaste distille ses séquences d’action avec parcimonie et privilégie la psychologie des personnages, à travers un scénario à tiroirs à l’écriture très maîtrisée, signé Matthew Stone (Intolérable Cruauté). Gringo est une indéniable réussite.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Gringo, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical.

Quatre featurettes (14 minutes au total) présentent rapidement les personnages, les enjeux, les partis pris, les cascades et les intentions de Gringo. Le réalisateur, les comédiens, la chef décoratrice et les producteurs interviennent brièvement en mode promo et quelques images de plateau dévoilent l’envers du décor.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et des liens internet.

L’Image et le son

La photographie léchée du chef opérateur Eduard Grau trouve avec cette édition HD un magnifique écrin qui restitue brillamment ses partis-pris esthétiques d’origine avec des teintes froides pour les scènes tournées à Chicago, et évidemment plus chatoyantes pour la partie mexicaine. La définition est exemplaire comme bien souvent chez Metropolitan. Les noirs sont denses, le piqué affûté comme une lame de rasoir, les contrastes tranchants, les séquences diurnes lumineuses.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais, efficaces autant dans les scènes d’affrontements secs que dans les séquences plus calmes. Les quelques scènes plus agitées peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les balles qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. Metropolitan livre également une piste française Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr