Test Blu-ray / Le Procès du siècle, réalisé par Mick Jackson

LE PROCÈS DU SIÈCLE (Denial) réalisé par Mick Jackson, disponible en DVD et Blu-ray le 6 septembre 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs :  Rachel Weisz, Tom Wilkinson, Timothy Spall, Andrew Scott, Jack Lowden, Caren Pistorius, Alex Jennings, Harriet Walter, Mark Gatiss…

Scénario :  David Hare d’après le livre History on Trial: My Day in Court with a Holocaust Denier de Deborah Lipstadt

Photographie : Haris Zambarloukos

Musique : Howard Shore

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Deborah Lipstadt, historienne et auteure reconnue, défend farouchement  la mémoire de l’Holocauste. Elle se voit confrontée à un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, David Irving, qui la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt, qui se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes ?

« Le film le plus important de l’année » scandait l’affiche française à la sortie du Procès du siècle en avril 2017. Certes, le sujet est capital, mais on pouvait en espérer un bien meilleur traitement au cinéma. Sur un scénario de David Hare, spécialisé dans les récits quelque peu balourds et ampoulés du style The Hours et The Reader, le réalisateur Mick Jackson, 74 ans au compteur, sort de sa retraite 14 ans après son dernier film The First $20 Million Is Always the Hardest, pour « mettre en images » l’histoire ahurissante et pourtant vraie de Deborah Lipstadt. Alors qu’elle mène une conférence sur l’Holocauste, la professeur en études juives met en cause les négationnistes qui douteraient de l’existence des chambres à gaz. Elle s’attaque à la propagande de David Irving, un universitaire extrémiste. Or celui-ci est dans la salle et la met au défi de trouver des preuves de ce qu’elle avance. Il la poursuit même en justice et l’historienne doit étayer ses convictions devant la cour. Elle se rend au camp d’extermination d’Auschwitz, en compagnie de son avocat Richard Rampton, afin de préparer sa défense. Un procès au long cours commence le 11 janvier 2000.

Mick Jackson ne s’est jamais vraiment relevé du carton planétaire de Bodyguard en 1992. Son blockbuster Volcano s’était soldé par un four (à lave) en 1997 et le cinéaste s’est ensuite tourné vers la télévision. On ne sait comment le projet du Procès du siècleDenial a pu lui arriver dans les mains, toujours est-il qu’on attendait une mise en scène plus impliquée plutôt qu’une illustration technique d’un scénario pourtant brillant et passionnant, adapté de l’ouvrage History on Trial: My Day in Court with a Holocaust Denier dans lequel l’historienne américaine Deborah Lipstadt revenait en détails sur le procès en diffamation intenté à son encontre par l’auteur britannique David Irving, qu’elle désignait comme négateur de la Shoah. Après trois mois de procès à Londres, de janvier à avril 2000, le verdict avait été rendu favorable à Deborah Lipstadt, le juge Charles Gray ayant désigné Irving coupable d’avoir délibérément manipulé des faits historiques à des fins idéologiques personnelles.

Du point de vue cinématographique, Le Procès du siècle ne fait certes pas d’esbroufe inutile, mais la mise en scène est bien trop paresseuse et repose entièrement sur le jeu des comédiens. Comme d’habitude, nous n’avons d’yeux que pour Rachel Weisz (Hilary Swank avait été longtemps envisagée), sublime, quasiment de tous les plans, qui s’empare de son rôle avec force. Si Tom Wilkinson et Andrew Scott tirent facilement son épingle du jeu, Timothy Spall dans le rôle de l’adversaire de Deborah Lipstadt, grimace constamment. Son monstrueux personnage, puant et suintant de prétention, n’avait pas besoin que l’acteur en rajoute avec un côté théâtral agaçant, dont il abuse d’ailleurs régulièrement. Heureusement, l’histoire est suffisamment prenante du début à la fin, même si l’ensemble manque finalement de surprises, et on apprécie que David Hare ait respecté à la lettre les archives officielles et les procès-verbaux originaux.

Malgré sa mise en scène fonctionnelle, son manque de rythme et ses quelques écarts – on ne sait combien de fois le personnage de Deborah Lipstadt est filmé en train de faire son jogging – pour combler les trous entre deux plaidoiries, Le Procès du siècle ne laisse évidemment pas indifférent, notamment la visite de l’ancien camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, même si du point de vue formel rien ne le distingue de la multitude des « films de procès ».

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Procès du siècle, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Pour la sortie du film de Mick Jackson dans les bacs, l’éditeur n’a heureusement pas repris le visuel hideux de l’affiche française d’exploitation, mais s’est inspiré de celui de l’affiche du film Amen de Costa-Gavras, en plaçant les visages des trois comédiens principaux. Le menu principal est animé et musical.

M6 Vidéo va au plus simple en livrant quatre entretiens promotionnels avec le réalisateur Mick Jackson accompagné du scénariste David Hare (6’), l’historienne Deborah Lipstadt (7’), Timothy Spall (7’) et Tom Wilkinson (7’). On sent les interviews chronométrées et réalisées à la chaîne avec les mêmes sempiternelles questions sur l’histoire vraie narrée dans le film, les partis pris, sur le jeu et la préparation de Rachel Weisz. Si les trois premiers jouent le jeu en se contentant de faire des phrases toutes faites, les deux comédiens ne cachent pas leur ennui, en particulier Tom Wilkinson qui baille d’ailleurs plusieurs fois devant la journaliste. Quelque peu bougon, il regarde son interlocutrice (hors-champs), d’autant plus qu’elle n’a de cesse de le flatter, tout en faisant les questions et les réponses.

Nous trouvons également une mini-featurette (3’30), composée de rapides propos des comédiens et d’images de tournage. Sans intérêt.

L’Image et le son

La photo du Procès du siècle est signée Haris Zambarloukos, chef opérateur éclectique de Mamma Mia !, The Other Man, Thor et Locke. Les partis pris sont plutôt élégants et trouvent en HD un écrin parfait, les contrastes sont solides et la clarté évidente. Si le rendu est parfois un peu doux et le piqué pas aussi incisif qu’espéré, la définition demeure quasi-optimale, les détails ciselés, la colorimétrie est flatteuse et le codec AVC fait ardemment son boulot.

Les versions anglaise et française sont disponibles en DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0. Les 5.1. imposent une petite spatialisation discrète mais bel et bien palpable avec diverses ambiances et surtout la très présente musique d’Howard Shore qui percent les enceintes latérales, en plongeant directement le spectateur au beau milieu du procès éponyme. Certes, le film repose en grande partie sur les dialogues, mais il serait dommage de se priver de ce petit plus. Saluons également la tonicité des deux pistes 2.0 qui contenteront aisément ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © SquareOne/Universum / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Complexe de Frankenstein, réalisé par Alexandre Poncet et Gilles Penso

LE COMPLEXE DE FRANKENSTEIN réalisé par Alexandre Poncet et Gilles Penso, disponible en DVD et Blu-ray le 27 septembre 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : Rick Baker, Joe Dante, Guillermo Del Toro, Mick Garris, Alec Gillis, Steve Johnson, John Landis, Greg Nicotero, Kevin Smith, Phil Tippett, Chris Walas, Matt Winston, Tom Woodruff Jr.…

Scénario :  Gilles Penso, Alexandre Poncet

Photographie : Gilles Penso, Alexandre Poncet

Musique : Alexandre Poncet

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

Les créatures fantastiques n’ont jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui, comme le prouvent les triomphes d’Avatar, Jurassic World, La Planète des singes ou Star Wars. Depuis les prémices du 7e art jusqu’aux dernières révolutions numériques, Le Complexe de Frankenstein explore plus d’un siècle d’expérimentations dans le domaine des effets spéciaux, mettant ainsi en lumière, aux côtés des monstres les plus célèbres, la personnalité de leurs créateurs, véritables héritiers du Docteur Frankenstein. Le film célèbre un art unique, fragilisé par l’envol des nouvelles technologies numériques.

Passionnés des effets spéciaux, amateurs du cinéma fantastique et d’épouvante, ou tout simplement camarades cinéphiles, le documentaire Le Complexe de Frankenstein est fait pour vous ! Pendant trois ans, de 2013 à 2015, Gilles Penso, monteur, scénariste, journaliste (L’Ecran Fantastique et Sonovision) et Alexandre Poncet, journaliste (Mad Movies, Freneticarts qu’il a co-fondé en 2008), monteur, compositeur, ont produit et réalisé ce film sensationnel sur les créatures au cinéma, mais aussi et surtout sur ceux qui se cachent derrière ces monstres avec lesquels chacun a grandi et développé son propre univers. Six ans après Ray Harryhausen, le titan des effets spéciaux, écrit et réalisé par Gilles Penso, produit par Alexandre Poncet, les deux complices ont décidé d’élargir leur réflexion sur les méthodes utilisées dans le cinéma de genre qui ont donné vie aux personnages emblématiques des années 1970 à nos jours, en allant à la rencontre d’artistes exceptionnels, devenus aussi incontournables que mythiques. Ce sont eux qui ont contribué au succès et même à la postérité des films auxquels ils ont participé, en leur apportant leur immense talent.

Ainsi, à l’écran se succèdent quelques pères fondateurs et fils spirituels : Rick Baker (Le Loup-Garou de Londres, Thriller, Le Grinch, Wolfman), Steve Johnson (Fog, Hurlements, S.O.S. Fantômes, Abyss), Greg Nicotero (Le Jour des morts-vivants, Evil Dead 2, Phantasm 2, Une nuit en enfer), Dennis Muren (Rencontres du troisième type, Terminator 2 – Le Jugement dernier, Jurassic Park, Twister), Phil Tippett (La Guerre des étoiles, la trilogie RoboCop, Starship Troopers, Willow), Alex Gillis et Tom Woodruff Jr. (Aliens – le retour, Leviathan, La Mort vous va si bien, Jumanji), Chris Walas (Piranha, Gremlins, La Mouche, Arachnophobie), Matt Winston (fils de feu Stan Winston), Mike Elizalde (Total Recall, Darkman, Hellboy, Fantômes contre fantômes) et les frères Chiodo (Critters, Team America, police du monde), ainsi que les réalisateurs John Landis, Joe Dante, Guillermo del Toro, Christophe Gans, Kevin Smith. Ces illustres noms s’entrecroisent à travers la présentation de leur spécialité, de leur passion toujours intacte, de leurs œuvres devenues cultes. Mais à travers leurs propos et leur propre définition du monstre au cinéma, une réflexion naît sur l’évolution d’un métier, d’un art, qui n’a eu de cesse d’évoluer au fil des années et où les images de synthèse ont peu à peu pris le pas sur les animatroniques, marionnettes, prothèses, mannequins, costumes, maquettes et animations image par image, depuis Abyss, Terminator 2 – Le Jugement dernier et Jurassic Park. Une avancée technologique inéluctable et même impitoyable pour certains, au point que le célèbre maquilleur Rob Bottin (The Thing, Legend, Fight Club) a purement et simplement quitté l’industrie du cinéma depuis 2003, en raison du manque de respect visàvis de la profession. Si ce dernier est sans cesse évoqué, il n’apparaît que brièvement via quelques images d’archives.

De son côté, Phil Tippett revient sur le fait d’avoir été pris au dépourvu sur Jurassic Park avec l’animation de ses dinosaures en CGI. Un essor technologique qui l’a fait entrer en dépression, dont il est heureusement sorti avec l’envie de prendre finalement le train en marche et pour ainsi prouver qu’il n’était pas d’être mis à la casse. Le Complexe de Frankenstein, titre qui fait évidemment référence à la création d’un monstre par le Dr Frankenstein et donc le fait d’engendrer un être venu de l’imagination, qui est ensuite né des mains de son créateur, ne rend donc pas seulement hommage à ces artistes dont les doigts de fée ont curieusement donné naissance à des monstres souvent cauchemardesques, mais pose la question sur le devenir d’une technique par rapport à l’autre, d’autant plus depuis l’arrivée de la motion-capture et la création du personnage de Gollum pour Le Seigneur des Anneaux, ainsi que le monde et les personnages d’Avatar de James Cameron.

Etant donné que l’animation numérique est capable de tout créer aujourd’hui – ou presque diront certains – comment continuer à stimuler l’imagination et à créer l’émerveillement des spectateurs au cinéma ? Les techniques d’animation peuvent-elles coexister puisqu’elles évoluent sans cesse chacune de leur côté ? Sur un montage intelligent qui ne se contente pas d’aligner les propos et anecdotes de tournage de ses intervenants, Le Complexe de Frankenstein invite donc le spectateur à se poser lui-même ces questions. Les deux réalisateurs ont préféré faire confiance à l’investissement de leur audience, sans leur imposer une voix-off ostentatoire qui aurait eu comme effet de créer une redondance avant ou après les interventions de chaque invité, tout en limitant les extraits de films abordés.

Non seulement Le Complexe de Frankenstein caresse la fibre nostalgique, mais le documentaire flatte aussi et surtout le coeur et l’esprit en convoquant ces hommes de l’ombre, tout en proposant quelques focus sur quelques-unes de leurs plus belles progénitures. Frissons garantis quand la caméra se pose devant diverses sculptures, maquettes 3D, ou bien un Predator, un Alien, quelques dinosaures de Jurassic Park, des créatures de Starship Troopers et même le célèbre ED-209 de RoboCop animé pour l’occasion par Phil Tippett en stop-motion. Ces personnages paraissent bien sages accrochés sur un mur, mais leur aura reste intacte.

Alors merci à ces génies, qui ont su garder leur âme d’enfant pour mieux stimuler la nôtre, et merci à Gilles Penso et Alexandre Poncet pour ce film indispensable – et surtout optimiste quant à « l’entente » entre les méthodes – qui fera date et que les passionnés que nous sommes préserverons précieusement.

LE BLU-RAY

Les éditions double DVD et Blu-ray/+DVD de suppléments du Complexe de Frankenstein, sont disponibles chez Carlotta Films. Les disques reposent dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui liseré orange. Le menu principal est élégant et musical.

Le premier disque, le Blu-ray, contient tout d’abord un formidable commentaire audio des réalisateurs Alexandre Poncet et Gilles Penso, réalisé fin décembre 2016. Enjoués, dynamiques et très heureux de leur nouveau « bébé », les deux amis et collaborateurs reviennent sur tous les aspects du Complexe de Frankenstein, qui leur a demandé trois ans de travail. La genèse du projet, le titre, les étapes de la réalisation, leurs intentions (démontrer qu’il ne s’agissait pas d’un sujet de niche, ni d’un « bonus » de DVD), la création du générique, Les conditions de tournage, l’évolution du montage, les scènes coupées, les partis-pris, la création de la musique par Alexandre Poncet et encore bien d’autres thèmes sont abordés pendant près d’1h45, sans aucun temps mort et avec une passion extrêmement contagieuse ainsi qu’une spontanéité revigorante.

Alors évidemment, certains propos du commentaire précédent sont repris dans l’excellent documentaire rétrospectif du film, intitulé L’Odyssée de Frankenstein (55’). Gilles Penso et Alexandre Poncet sont forcément de retour, face caméra cette fois, et abordent la création, le tournage et le montage du Complexe de Frankenstein. C’est ici l’occasion de découvrir des images « laissées sur le banc de montage », qui complètent parfois certaines séquences du film, tout comme divers propos des deux complices qui prolongent également certains sujets abordés dans leur commentaire, comme leur répartition des tâches. Quelques images des rushes, du tournage proprement dit, ainsi que de la présentation du film au Paris International Fantastic Film Festival, une projection qui a marqué les réalisateurs puisque les attentats du Bataclan venaient juste de secouer la France, viennent également illustrer ce très bon module.

Le segment Artisanat numérique (15’) rend un petit hommage aux « hommes de l’ombre » qui ont participé au documentaire de Poncet/Penso (tiens, ça sonne comme Jeunet/Caro !), à savoir Laurent Brett, superviseur des génériques, Orphée-Timothée Marle Ouvrard, superviseur de la post-production, Jérémy Tosseghini, designer du générique. Ces entretiens reviennent sur les séquences qui ont pu donner du fil à retordre à l’instar de l’interview de Rick Baker, dont le rétro-éclairage de l’artiste créait un balayage qui pouvait rendre les images inutilisables, tout comme le bruit de la tondeuse du voisin de Joe Dante qui prenait le dessus sur les propos du maître. Heureusement, le talent des collaborateurs de Poncet/Penso ont pu sauver tout cela en post-production. La restauration des archives, les effets de transitions, l’habillage et la création du générique sont également abordés.

Merci à l’éditeur de nous proposer la bande originale élégante et inspirée composée par Alexandre Poncet lui-même (64’) !

L’interactivité du Blu-ray se clôt sur une large et précieuse galerie de photos du film, des coulisses et du tournage, qui nous permet de mieux observer les accessoires, maquettes, dessins et autres créations de ces merveilleux artistes. La bande-annonce du film est aussi au programme.

Mais attendez, ce n’est pas terminé, loin de là ! Carlotta Films intègre une deuxième galette, un DVD remplit de bonus !

Pour les besoins du film, Poncet/Penso ont bien évidemment été obligés de raccourcir certains entretiens ou leurs visites dans quelques ateliers de création. Ce DVD propose quatre rencontres en « version longue », celles avec Rick Baker (9’), Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis (13’), Kevin Yagher (14’) et Charlie Chiodo (12’). Les passionnés ne manqueront pas de visionner ces segments constitués de nouveaux propos (tous s’accordent à dire que les différentes techniques peuvent et doivent coexister) et surtout d’images inédites, notamment Rick Baker qui se penche sur quelques-unes de ses créations (Le Loup-Garou de Londres, Thriller, Gremlins 2, Mon ami Joe, Men In Black), tout comme Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis dans l’enceinte d’Amalgamate Dynamics inc. (Alien, la résurrection, AVP: Alien vs. Predator, Tremors).

De son côté, Kevin Yagher nous présente quelques poupées Chucky, mais aussi les corps créés pour la scène de l’échange des visages dans Volte/Face de John Woo (très impressionnant), le visage et le corps de Freddy (et du Freddy-Snake) pour les opus 2 et 3 des Griffes de la nuit, sans oublier le personnage « présentateur » des célèbres Contes de la Crypte et les corps aperçus dans la série Bones. Charlie Chiodo nous présente quant à lui de nombreux dessins et storyboards, tout en réalisant un dessin de monstre pour les deux réalisateurs.

S’ensuit une rencontre avec Sacha Feiner (10’) grand passionné de l’univers des Gremlins, au point d’être devenu probablement l’un des plus grands collectionneurs de tout ce qui concerne l’univers des créatures apparues dans le film de Joe Dante en 1984. Sacha Feiner nous présente les pièces les plus précieuses, mais aussi les plus laides (ce sont ses mots) et insolites qui ornent les vitrines, étagères et même les pièces entières de son domicile. Entre les fausses poupées Gyzmo, les contrefaçons, les jouets ratés, les comic books, les véritables marionnettes ayant servi pour les deux films, ainsi que les objets qu’il a lui-même restaurés, scannés et repeints, ne manquez pas cette petite visite gratuite et laissez votre pourboire en sortant.

Après, précipitez-vous sur une des rencontres indispensables de cette édition, celle avec le réalisateur Christophe Gans (36′). Cette formidable approche sur les monstres au cinéma est proposée dans son intégralité, là où quelques propos seulement apparaissaient dans Le Complexe de Frankenstein. Christophe Gans évoque tour à tour la création de la Bête dans son remake du film de Jean Cocteau (avec quelques anecdotes de tournage), les artistes et films qui l’ont marqué (Rob Bottin, Legend de Ridley Scott, les performances d’Andy Serkis chez Peter Jackson, les voix de Christopher Lee, Boris Karloff et de Béla Lugosi, le visage de Ron Perlman, La Mouche de David Cronenberg, Phil Tippett, James Cameron), l’importance de concilier les différentes techniques d’effets spéciaux afin de préserver la magie du septième art. Respiration. Christophe Gans aborde également la notion du monstre au cinéma, de Méliès à aujourd’hui, son propre rapport aux créatures, de ses débuts dans le film Necronomicon, réalisé avec Brian Yuzna et Shūsuke Kaneko en 1988, jusqu’à l’avènement des effets numériques utilisés dans sa version de La Belle et la Bête, même s’il tient à rappeler que le visage de la Bête a bien été créé de toutes pièces avant d’être scannée. Ecouter Christopher Gans est comme assister à une masterclass à chacune de ses interventions.

Place aux artistes américains Steven Johnson et John Vulich, à qui le segment est d’ailleurs dédié puisque ce dernier est décédé en 2016, deux jours après son 55e anniversaire. Le « designer creatures » de S.O.S. Fantômes, Abyss et Spider-Man 2, s’entretient donc avec celui des séries Buffy contre les vampires, X-Files et Babylon 5 dans une version étendue, sur leurs heures de gloire et l’évolution de la technique des effets spéciaux au cinéma et à la télévision (7’).

Même chose, la rencontre entre Joe Dante et John Landis est ici prolongée (6’ au total), chacun revenant sur les mêmes sujets abordés dans le segment précédent. On notera comment les deux se moquent gentiment des films de leur confrère Roland Emmerich, surtout de 2012. Quand John Landis déclare que la scène où John Cusack tente de s’enfuir devant la faille de San Andreas est « tellement idiote », Joe Dante répond que « cela fait de bonnes bandes-annonces ».

En avril 2016, à l’occasion d’une projection du Complexe de Frankenstein au cinéma de la Guilde des réalisateurs à Los Angeles, dans le cadre du Festival de Colcoa, Gilles Penso et Alexandre Poncet ont été invités à répondre à quelques questions, au cours d’une rencontre animée par Joe Dante lui-même (19’). Alors certes les propos tenus ici font inévitablement écho avec tout ce qui a déjà été entendu au cours du commentaire audio, du making of et des modules du second disque, mais l’expérience est étonnante et le public français peut être fier des deux réalisateurs. On apprend également qu’ils préparent actuellement deux documentaires. Le premier sur le vingtième anniversaire de Starship Troopers, grâce à 16 heures de rushes confiées par l’animateur Phil Tippett, et le second consacré à ce dernier lui-même ainsi qu’à son studio, sans oublier un livre sur leur travail sur Star Wars.

On termine par une masterclass de Guillermo del Toro (22’). En juillet 2016, le réalisateur reçoit le Prix Cheval Noir au Festival Fantasia de Montréal. Invité d’honneur, Guillermo del Toro présente Le Complexe de Frankenstein (« un film de fans pour les fans ») et revient en fin de projection pour une masterclass aussi drôle qu’intelligente et passionnée. Il se souvient de sa première « rencontre » avec les monstres au cinéma et sur ce qui lui a donné cet amour pour les créatures qui se perpétue dans chacun de ses films. Guillermo del Toro ne manque pas d’évoquer les artistes qui le fascinent depuis son enfance, sur les monstres qui peuplent ses œuvres et de la manière avec laquelle ils ont été réalisés. Le cinéaste prône d’ailleurs la fusion entre les différentes techniques d’animation.

Attention, deux bêtisiers très contagieux sont dissimulés sur le Blu-ray.

Pour accéder au premier, allez sur le sous-menu des suppléments. Placez le curseur sur L’Odyssée de Frankenstein puis appuyez sur la flèche de gauche. Un visuel apparaît. Validez. Il s’agit de prises ratées de présentations réalisées par les deux réalisateurs pour divers festivals où ils n’avaient pas pu se rendre. Premier fou rire (4’30).

Le second, toujours dans le même sous-menu des suppléments, se trouve sur la gauche des Credits. Validez le visuel. Il s’agit cette fois d’un délire que Poncet/Penso se sont tapés sur leur banc de montage, en créant une transition kitsch héritée d’une publicité avec Jeff Goldblum. D’où l’intitulé « la Goldblouche ». Deuxième fou rire (4’).

L’Image et le son

Essentiellement tourné en numérique au moyen d’un Canon 5D, Le Complexe de Frankenstein débarque en Blu-ray (1080p, AVC), un format qui sied à merveille aux précieuses images recueillies par Poncet/Penso. Le master HD est étincelant. Les protagonistes apparaissent clairement, les couleurs sont très belles, le relief palpable, le piqué incisif et certains gros plans sur les maquettes et accessoires se révèlent d’une précision d’orfèvre. Les quelques extraits de films et archives de tournage qui illustrent ce documentaire ont vraisemblablement subi un dépoussiérage afin d’offrir aux spectateurs le meilleur confort possible.

Le documentaire est proposé en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans un premier temps, la spatialisation peut sembler limitée et l’essentiel de ce mixage demeure focalisé sur la centrale d’où sont exsudés avec force, les commentaires du film, mais c’était sans compter l’accompagnement musical très présent. L’ensemble est plutôt riche, les latérales parviennent à instaurer une atmosphère plaisante, y compris lorsque les prises de son ont été réalisées dans des conditions restreintes. Le caisson de basses parvient à tirer son épingle du jeu.

Crédits images : © 2015 FRENETIC ARTS. Tous droits réservés. / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Toboggan de la mort, réalisé par James Goldstone

LE TOBOGGAN DE LA MORT (Rollercoaster) réalisé par James Goldstone, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 5 septembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :   George Segal, Richard Widmark, Henry Fonda, Timothy Bottoms, Helen Hunt, Harry Guardino…

Scénario :  Sanford Sheldon, Richard Levinson, William Link

Photographie : David M. Walsh

Musique : Lalo Schifrin

Durée : 1h58

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Un terroriste sabote les montagnes russes du parc d’attractions d’Ocean View et réclame un million de dollars pour arrêter ses actes. Harry Calder, l’inspecteur chargé de la sécurité des fêtes foraines, soupçonne le terroriste de vouloir piéger le Grand huit de Los Angeles le jour de la fête nationale.

Les années 1970 ont vu exploser un genre dans le cinéma américain, celui du film catastrophe. Près d’une trentaine de longs métrages exploiteront le filon initié par Airport de George Seaton en 1970. Tout y passera, catastrophes aériennes (Airport donc, Alerte à la bombe, 747 en péril, L’Odyssée du Hindenburg, Les Naufragés du 747, le nanar Airport 80 Concorde), catastrophes maritimes (L’Aventure du Poséidon, Terreur sur le Britannic, Sauvez le Neptune, Le Dernier secret du Poséidon, S.O.S. Titanic), sans oublier Tremblement de terre, La Tour infernale de John Guillermin et Irwin Allen, mètre étalon du genre, Le Pont de Cassandra et bien d’autres. Le Toboggan de la mortRollercoaster, est également un thriller atypique, puisque le récit se situe essentiellement dans une fête foraine.

Harry Calder est un contrôleur chargé de vérifier le bon fonctionnement des manèges dans des parcs d’attractions. Lorsqu’un accident mortel survient sur des montagnes russes qu’il avait récemment inspectées, il est interrogé par la police. Persuadé que ce n’est pas un accident, Calder se rend à Chicago lorsqu’il apprend que les patrons des cinq plus grandes compagnies de parcs de loisirs ont décidé de se réunir d’urgence à l’hôtel Hyatt Regency. Ensemble, ils écoutent une cassette sur laquelle un homme exige 1 million de dollars, sans quoi d’autres parcs d’attractions seront visés. EN 1977, Le Toboggan de la mort arrive en fin de parcours alors que Star Wars venait déjà de créer un raz-de-marée au box-office et rendait le genre catastrophe désuet et même périmé. Néanmoins, afin d’appâter les spectateurs, le film bénéficie d’une exploitation en Sensurround, procédé acoustique qui consistait à synchroniser à l’action, la diffusion de puissantes vibrations sonores de très basses fréquences. Ces ondes sonores étaient supposées procurer au spectateur certaines sensations en rapport avec le film projeté. Ce système d’effets spéciaux avait été lancé en 1974 à l’occasion de la sortie de Tremblement de terre de Mark Robson. En dehors de La Bataille de Midway (1976) de Jack Smight, Le Toboggan de la mort est finalement l’un des rares films à avoir pu et su utiliser ce « gadget » visant à attirer les spectateurs dans les salles. Mais à côté de cette technique destinée à son exploitation et à renforcer les séquences de caméra embarquée sur le Grand huit, que vaut aujourd’hui le thriller de James Goldstone ?

S’il n’est pas un chef d’oeuvre, il n’en demeure pas moins un très bon thriller qui repose sur un scénario intelligent écrit par Richard Levinson et William Link, complices sur une multitude de séries télévisées comme L’Homme à la Rolls, Le Fugitif, Mannix, mais aussi et surtout Columbo, qui ne serait rien sans l’intelligence de leur plume. Spécialisés dans les intrigues policières, les deux associés s’étaient également déjà essayés au film de genre avec L’Odyssée du Hindenburg de Robert Wise en 1975. Deux ans plus tard, les studios Universal leur confient l’histoire du Toboggan de la mort. Aux manettes, on retrouve l’excellent James Goldstone (1931-1999), réalisateur venu de la télévision (Perry Mason, Rawhide, Voyage au fond des mers, L’Homme de fer, Au-delà du réel), qui est ensuite passé au cinéma et à qui l’on doit entre autres Virages avec Paul Newman.

Qui dit film catastrophe dit casting prestigieux et si Le Toboggan de la mort ne profite pas d’une affiche aussi ahurissante qu’au début de la décennie, retrouver George Segal, Richard Widmark, Henry Fonda (même dans une petite apparition) et Timothy Bottoms tout juste révélé par Johnny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo et La Dernière séance de Peter Bogdanovich, reste on ne peut plus attractif. C’est d’ailleurs le mot qui convient à ce thriller qui se déroule dans un parc d’attractions où l’on suit le parcours dicté à Calder, inspecteur dont la vie personnelle est quelque peu chaotique, par un terroriste (minéral Timothy Bottoms). Etape par étape, à l’instar d’Harry Callahan devant se rendre d’une cabine téléphonique à une autre dans L’Inspecteur Harry ou bien encore à la manière des énigmes de Simon posées à John McClane dans Une journée en enfer, Harry Calder (ironique George Segal, parfait dans la peau d’un mec dépassé par les événements) écoute et suit les instructions du terroriste. Calder passe donc d’un manège à l’autre, achète et arbore un chapeau ridicule, tout en trimballant une valise remplie de billets qu’il devra déposer à un endroit précis. La surveillance s’organise autour de l’agent fédéral Hoyt (Widmark, toujours aussi agité et c’est tant mieux), bien décidé à prendre le terroriste la main dans le sac.

Après une séquence d’ouverture particulièrement violente avec un accident de manège repris en version plus trash dans Destination finale 3, James Goldstone installe ses personnages comme des pions sur un échiquier, pour mieux les manipuler dans un décor qu’il exploite parfaitement du début à la fin. Le suspense est maintenu, le divertissement demeure entier malgré une fin quelque peu expédiée et le charme vintage agit toujours, tout comme la composition inspirée de Lalo Schifrin. Dernière anecdote, la fille du personnage d’Harry Calder est interprétée par la jeune Helen Hunt, alors âgée de 14 ans.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Toboggan de la mort est disponible chez Elephant Films en DVD et combo Blu-ray/DVD. Le menu principal est animé et musical.

Outre un lot de bandes-annonces et une galerie de photos, la présentation du film par Julien Comelli (23’) est nettement plus intéressante et instructive que pour La Kermesse des aigles chroniqué fin août. Le journaliste en culture pop propose tout d’abord un petit récapitulatif des films catastrophes tournés dans les années 1970, tout en donnant de nombreuses indications sur les scénaristes, le casting, le compositeur du Toboggan de la mort. La fin du genre est également abordée avec l’arrivée des films de science-fiction et fantastiques qui attirent désormais les spectateurs Star Wars depuis en 1977. Julien Comelli avance avec justesse que le film de James Goldstone parvient à tirer son épingle du jeu, tout en le comparant avec d’autres thrillers se passant dans un parc d’attractions, à l’instar de Westworld, Les Dents de la mer 3 et Le Flic de Beverly Hills 3. Enfin, le procédé Sensurround est également évoqué, tout comme la sortie du film.

L’Image et le son

Superbe ! Entièrement restauré, Le Toboggan de la mort est enfin proposé dans une édition digne de ce nom, en Blu-ray au format 1080p. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce lifting lui sied à ravir. Tout d’abord, la copie affiche une propreté incontestable, aucune scorie n’a survécu à l’attention des restaurateurs, la clarté HD et la colorimétrie pimpante flattent les rétines sur les séquences en extérieur. Dès la fin du générique d’ouverture, marqué par un grain plus prononcé, les contrastes trouvent une fermeté inédite, le piqué est renforcé et les noirs plus denses, les détails sur les décors abondent, sans oublier la profondeur de champ. Certes, quelques plans peuvent paraître plus doux en matière de définition, à l’instar des images tournées au moyen d’une caméra embarquée sur les attractions, avec de sensibles fourmillements et flous intempestifs, mais jamais le film de James Goldstone n’avait jusqu’alors bénéficié d’un tel traitement de faveur.

Evidémment, le Sensurround ne s’invite pas dans votre salon. Cependant, l’éditeur offre la possibilité de visionner Le Toboggan de la mort en DTS-HD Master Audio 3.1 anglais, mais aussi en version française ! Ces options acoustiques créent un véritable confort, tout en reproduisant quelques secousses bienvenues lors des scènes où le spectateur s’invite dans une des attractions. Le caisson de basses participe à cette expérience. Les versions française (excellent doublage avec les illustres Dominique Paturel, Marc Cassot, Roger Crouzet, Jacques Richard) et anglaise sont également disponibles en DTS-HD Master Audio 2.0 qui conviennent également, mais puisque l’éditeur nous offre la possibilité de renforcer un peu plus le spectacle, pourquoi s’en priver ?

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Don’t Kill It, réalisé par Mike Mendez

DON’T KILL IT réalisé par Mike Mendez, disponible en DVD le 6 septembre 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs :   Dolph Lundgren, Kristina Klebe, Elissa Dowling, Billy Slaughter, Michael Aaron Milligan, Tara Cardinal…

Scénario :  Dan Berk, Robert Olsen

Photographie : Jan-Michael Losada

Musique : Juliette Beavan,  Sean Beavan

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Un démon antique est accidentellement libéré dans une petite ville dépeuplée du Mississippi. Le seul espoir de survie repose entre les mains d’un chasseur de démons et d’un agent du FBI.

Dolph Lundgren peut encore compter sur la fidélité de nombreux fans, y compris pour ses productions qui sortent directement dans les bacs. C’est le cas ici de Don’t Kill It. Si la carrière du comédien reste aujourd’hui marquée par quelques obscures séries B et Z, Les Maîtres de l’univers, Punisher, Universal Soldier, Au-dessus de la loi, Pentathlon ou encore Johnny Mnemonic, les épisodes de la franchise Expendables – Unité spéciale ont démontré qu’il restait une «  icône  » du genre dans le cinéma d’action. Né le 3 novembre 1957, Dolph Lundgren obtient une maîtrise en chimie après avoir suivi les cours du prestigieux Institut royal de technologie de sa ville natale Stockholm. Le nez plongé dans les livres et se consacrant à de hautes études, il souhaite devenir ingénieur comme son père. À 16 ans, il découvre les arts martiaux, le judo et le karaté, et commence la compétition de haut niveau en 1979, deux ans avant de devenir ceinture noire. Son gabarit et sa taille (1m96) impressionnent. Il participe au deuxième championnat du monde, emmagasine les titres nationaux au début des années 80. C’est alors qu’il rencontre Warren Robertson, professeur d’art dramatique, disciple de l’imminent Lee Strasberg. C’est une révélation, il décide de devenir comédien.

Il fait ainsi sa première apparition en 1985 dans le dernier James Bond de Roger Moore, Dangereusement vôtre. S’il n’est qu’une silhouette derrière Grace Jones, sa compagne d’alors, Lundgren enchaîne les auditions. Il passe celle pour Rambo II (la mission), mais Stallone l’imagine d’emblée pour incarner le rival de Rocky dans le quatrième opus. En 1985, Rocky IV sort sur les écrans et c’est un triomphe international. Acteur-phénomène, il est remarqué par les célèbres Menahem Golan et Yoram Globus, qui lui proposent le premier rôle dans l’adaptation live des Maîtres de l’univers. Le film est un échec critique et commercial, mais les années en ont fait un vrai objet de culte. Dolph Lundgren rebondit aussitôt et se voit offrir le scénario du Scorpion rouge que doit mettre en scène Joseph Zito, porté par les succès de Vendredi 13 – Chapitre 4 : Chapitre final, ainsi que Portés disparus et Invasion U.S.A. avec Chuck Norris. Les années 1990 sourient alors au comédien, mais les années 2000 seront difficiles et comme beaucoup de ses confrères spécialisés dans l’action (dont un certain Steven S à la coupe de cheveux en triangle), il enchaîne les films, la plupart du temps à petit budget, destinés au marché du DVD. Malgré cette période, Dolph Lundgren conserve aujourd’hui toute la sympathie des spectateurs nostalgiques de ce genre de divertissements et se voit souvent inviter par quelques réalisateurs qui ont grandi avec ses films. Il parvient d’ailleurs à tirer profit de ce regain de popularité puisqu’il est dernièrement apparu dans la série Arrow, et qu’il est déjà annoncé au casting d’Aquaman de James Wan et de Creed 2 dans lequel il reprendra son rôle mythique d’Ivan Drago ! Mais le film qui nous intéresse, Don’t Kill It, est une petite production au budget de 3,5 millions de dollars, qui intègre le haut du panier dans les DTV de l’ami Dolph, en l’occurrence une pure série B, une comédie fantastique et d’horreur, souvent gore, qui n’a pas peur du ridicule puisque le grotesque est volontaire.

Un mal très ancien sévit dans une petite ville du Mississippi, passant d’un hôte à un autre à la manière du Témoin du mal de Gregory Hoblit (1998), et semant mort et destruction sur son chemin. Seul espoir de survie, un grisonnant chasseur de démons ayant déjà fait face à cette horreur par le passé. Accompagné d’un agent du FBI réticent (Kristina Klebe), Jebediah doit découvrir comment détruire ce démon qui a la capacité de prendre possession de son tueur. Voilà. En partant sur un principe simple et usé jusqu’à la moelle, Don’t Kill It remplit son contrat et s’avère un film d’action bien bourrin et sanglant, qui repose autant sur la décontraction et le charisme buriné de Dolph Lungren, que sur d’efficaces effets de possession et les carnages qui s’ensuivent à coup de tronçonneuse, de machette et de coups de fusil à pompe.

Bien mieux et emballant que Le Dernier chasseur de sorcières avec Vin « Baboulinet » Diesel et animé par un amour contagieux de la série B, Don’t Kill It est l’oeuvre de Mike Mendez, découvert en 2000 avec Le Couvent et le déjà culte Big Ass Spider ! (2013), monteur, acteur, scénariste, le genre de type qui s’est fait tout seul, qui n’a jamais eu la prétention de révolutionner le cinéma, mais qui s’éclate à en faire et qui souhaite faire plaisir aux spectateurs. Et ça fonctionne ! Le scénario est généreux et ne se prend pas au sérieux une seconde. Dolph Lundgren s’éclate du début à la fin. Vêtu d’un long manteau usé jusqu’à la moelle, de boots et d’un chapeau de cowboy, il arbore des grigris autour du cou et vapote sa pipe électronique. Il est prêt à affronter le mal avec ses pétoires, son lance-filet à air comprimé et ses pièges à loups (oui), mais finalement, son personnage ne fait pas grand-chose à part observer le carnage tandis que le mal passe d’un flic à une grand-mère, en passant par un chasseur, une petite fille, un chien, etc. Son personnage de pistolero, il aurait d’ailleurs été un parfait Roland dans La Tour Sombre, reste cool et intervient finalement quand on le laisse en placer une, s’il n’est pas assommé avant.

Tourné en trois semaines, Don’t Kill It est une réussite dans le genre décomplexé et qui va droit à l’essentiel en à peine 80 minutes grâce à une mise en scène bien tenue, une photographie qui a de la gueule et un montage tonique. Très drôle et attachant, on en vient même à vouloir une suite, d’autant plus que la scène finale promet un affrontement plutôt…mordant.

LE DVD

Le test du DVD de Don’t Kill It, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche américaine.

Aucun supplément à part la bande-annonce en version française.

L’Image et le son

Pas d’édition HD pour Don’t Kill It, ce qui est d’autant plus dommage que le DVD proposé s’avère très médiocre. Cela faisait d’ailleurs longtemps que nous n’avions pas vu une copie aussi moche à vrai dire. Le premier plan sur la forêt donne le ton avec des couleurs délavées, des pixels à foison, un piqué émoussé, des contrastes aléatoires, des fourmillements, des moirages, tout y passe. On se demande même si le film n’a pas été tourné avec une Smartphone ou un appareil photo. Ceci dit, voir le film dans ces conditions rajoute presque un côté cradingue qui renforce l’aspect série B de Don’t Kill It. Certaines séquences semblent voilées, d’autres se révèlent plus claires et aiguisées.

Sans réelle surprise, la piste DTS 5.1 anglaise se révèle nettement plus homogène, naturelle et dynamique que les deux pistes Dolby Digital 5.1 française et également anglaise disponibles. Sans aucune commune mesure, le spectacle est beaucoup plus fracassant sur la première option acoustique que sur les deux autres, paresseuses, déséquilibrées et qui peinent à instaurer une spatialisation digne de ce nom. La version originale DTS 5.1 n’est pas avare en effets sur les scènes de carnage avec un grand soutien du caisson de basses et des latérales qui délivrent une musique qui risque d’alarmer vos voisins. Les sous-titres français sont de couleur jaune.

Crédits images : © Koch Films / M  Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Aurore, réalisé par Blandine Lenoir

AURORE réalisé par Blandine Lenoir, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Diaphana

Acteurs :   Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Pascale Arbillot, Sarah Suco, Lou Roy Lecollinet, Philippe Rebbot, Laure Calamy, Marc Citti…

Scénario :  Blandine Lenoir, Jean-Luc Gaget, Benjamin Dupas, Anne-Françoise Brillot, Océane Michel, Agnès Jaoui d’après une histoire originale de Blandine Lenoir

Photographie : Pierre Milon

Musique : Bertrand Belin

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Aurore est séparée, elle vient de perdre son emploi et apprend qu’elle va être grand-mère. La société la pousse doucement vers la sortie, mais quand Aurore retrouve par hasard son amour de jeunesse, elle entre en résistance, refusant la casse à laquelle elle semble être destinée. Et si c’était maintenant qu’une nouvelle vie pouvait commencer ?

Excellente comédienne, notamment vue chez Gaspar Noé (Carne, Seul contre tous), Blandine Lenoir est aussi la réalisatrice de sept courts-métrages, d’Avec Marinette (2000) à L’Amérique de la femme (2015), traitant souvent de l’amitié et de la solidarité entre femmes, du rapport mère-fille et de la sexualité féminine. Ces thèmes sont d’ailleurs au centre de son premier long métrage, Zouzou, sorti en 2014, qui évoquait entre autres la sexualité après 60 ans. Son second film, Aurore, découle de ses œuvres précédentes et s’avère un film-somme de tous les sujets que la réalisatrice avait abordés. Né d’expériences personnelles, notamment l’angoisse d’arriver à la quarantaine et tout simplement la peur universelle de vieillir et du temps qui passe, Aurore est une comédie délicate qui témoigne d’une qualité d’écriture déjà évidente dans les courts-métrages de Blandine Lenoir, notamment Ma Culotte (2005) et L’Amérique de la femme déjà mentionné. Le film offre également un de ses meilleurs rôles à Agnès Jaoui, lumineuse, de tous les plans, attachante, belle, pour ainsi dire caressée par la cinéaste et la photo de Pierre Milon.

Elle incarne Aurore, 50 ans, divorcée, qui apprend cour sur coup qu’elle perd son travail, que sa fille aînée Marina attend un enfant et donc qu’elle va être grand-mère, que sa plus jeune fille Lucie souhaite quitter le domicile familial pour rejoindre son copain, que son ex-mari va se remarier avec une femme plus jeune. Mais le pire pour Aurore, ce sont ces bouffées de chaleur dues à la ménopause. Consciente d’être à un carrefour de sa vie – « Vous êtes en train de passer d’abeille à reine des abeilles » lui dit-on – Aurore va faire le point sur sa propre existence et penser à elle pour la première fois. C’est alors que ressurgit le premier homme de sa vie, Christophe alias Totoche. Sur les conseils de sa meilleure amie Mano, Aurore apprend à accepter et surtout à recevoir les belles choses qui lui arrivent.

Aurore est une comédie en apparence simple, mais qui traite de la vie sentimentale et sexuelle d’une femme de plus de cinquante ans, rarement représentée au cinéma, avec une énergie revigorante et une douceur qui réchauffe le coeur. Le choix d’Agnès Jaoui est aussi malin qu’évident, puisque la comédienne apparue pour la première fois à l’écran dans Le Faucon de Paul Boujenah en 1983 (oui oui, le film où Francis Huster souhaite manger un hamburger), devenue célèbre en 1996 grâce à Cuisine et dépendances de Philippe Muyl qu’elle avait coécrit avec Jean-Pierre Bacri, d’après leur pièce de théâtre, a su traverser les années ou jouant et en profitant de ses nouveaux atouts physiques de femme mûre et plantureuse comme dans Comme un avion de Bruno Podalydès en 2015. Elle est parfaite dans Aurore, drôle et émouvante, féminine et sensuelle, toujours séduisante. La comédienne s’épanouit devant la caméra de Blandine Lenoir dans la peau de ce personnage qui lui va comme un gant. Elle est également solidement épaulée, notamment la toujours pétillante Pascale Arbillot, Thibault de Montalembert, Sarah Suco (la révélation de Discount), Lou Roy-Lecollinet (découverte dans Trous souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin), sans oublier les apparitions des indispensables Samir Guesmi, Marc Citti, Laure Calamy, Florence Muller (la scène de Pôle Emploi est hilarante) et Philippe Rebbot.

Aurore est une comédie lumineuse et optimiste, tendre et spontanée, engagée et pertinente, rythmée par ses répliques soignées et le peps de ses acteurs. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un feel-good movie.

LE DVD

Le test du DVD d’Aurore, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film.

Après Aurore, précipitez-vous sur les courts-métrages de Blandine Lenoir proposés en guise de suppléments et qui évoquent les thèmes et certains motifs repris dans Zouzou et le second long métrage de la réalisatrice. Ne manquez pas la leçon sur le clitoris par la sublime Laure Calamy dans L’Amérique de la femme.

Ma culotte (2005 – 14’), avec Christine Boisson, Anaïs Demoustier : Claire, la cinquantaine, a très envie de faire l’amour avec ce type qu’elle a ramené chez elle. Depuis le temps qu’elle attend ça, un homme. Comment fait-on déjà ?

Pour de vrai (2006 – 12’), avec Nanou Garcia, Anaïs Demoustier : Une femme de quarante-cinq ans, bouleversée à l’idée de perdre son enfant actuellement dans le coma, erre chez elle, paralysée par son désespoir et son impuissance. Elle est totalement accaparée par sa petite voix intérieure qui répète toujours les mêmes mots d’amour fou pour son enfant endormi, et l’obsession de sa culpabilité de n’avoir pu éviter la chute fatale. Il y a quand même un truc qui cloche dans tout ce désespoir.

L’Amérique de la femme (2014 – 18’), avec Jeanne Ferron, Florence Muller, Laure Calamy, Sarah Grappin : Trois sœurs entre trente-cinq et quarante-cinq ans (Agathe, Lucie et Marie) débarquent chez leur mère, Solange, pour un week-end prolongé à la campagne. La fille d’Agathe, Zouzou, est là depuis une semaine, et d’après Solange, le séjour s’est bien passé. Mais quand les quatre femmes découvrent que la jeune fille de quatorze ans est en train de faire l’amour à l’étage, certainement pour la première fois, c’est la panique.
Qu’est-ce qu’on fait ? On monte les voir ? On les interrompt ?
Un dialogue commence alors autour de la question de l’éducation sexuelle : est-ce qu’Agathe a bien préparé sa fille ? Est-ce qu’elle a su mettre les mots ?

Finissez par le très bon entretien de Blandine Lenoir (18’) réalisé en juin 2017. La cinéaste revient sur la genèse d’Aurore, né d’observations sur ses amies et sur elle-même au moment de l’arrivée de la quarantaine et plus particulièrement sur les inégalités entre les hommes et les femmes de 40 voire plus de 50 ans. Son deuxième long métrage est aussi issu de l’envie de parler de la vie amoureuse et sociale d’un personnage féminin de 50 ans, peu représenté au cinéma. Blandine Lenoir évoque ensuite le choix d’Agnès Jaoui (dont elle voulait filmer le corps) pour incarner le rôle principal, mais aussi les autres comédiens qui l’accompagnent depuis de nombreuses années. Les thèmes du film sont longuement analysés et l’ensemble ne manque pas d’anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la photographie de Pierre Milon (Les Neiges du Kilimandjaro, Au fil d’Ariane). La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition.

Outre une piste Audiodescription et des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, la version Dolby Digital 5.1 parvient sans mal à instaurer un indéniable confort phonique. Les enceintes sont toutes mises en valeur et spatialisent excellemment les effets, la musique et les ambiances. Quelques séquences auraient peut-être mérité d’être un peu plus dynamiques ou les dialogues parfois quelque peu relevés quand la partition s’envole. La piste Stéréo est de fort bon acabit et contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © Eddy BrièreKaré Productions / Diaphana Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fences, réalisé par Denzel Washington

FENCES réalisé par Denzel Washingon, disponible en DVD et Blu-ray le 27 juin 2017 chez Paramount Pictures

Acteurs :   Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson, Jovan Adepo, Russell Hornsby, Mykelti Williamson, Saniyya Sidney…

Scénario :  August Wilson d’après sa pièce de théâtre Fences

Photographie : Charlotte Bruus Christensen

Musique : Marcelo Zarvos

Durée : 2h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

L’histoire d’une famille où chacun lutte pour exister et être fidèle à ses rêves, dans une Amérique en pleine évolution. Troy Maxson aspirait à devenir sportif professionnel mais il a dû renoncer et se résigner à devenir employé municipal pour faire vivre sa femme et son fils. Son rêve déchu continue à le ronger de l’intérieur et l’équilibre fragile de sa famille va être mis en péril par un choix lourd de conséquences.

Fences est tout d’abord est une pièce de théâtre écrite en 1983 par Frederick August Kittel dit August Wilson, écrivain et dramaturge américain, célèbre pour avoir obtenu le prix Pulitzer de la meilleure œuvre théâtrale à deux reprises, pour La Leçon de piano et pour Fences. Comme la plupart de ses écrits, Fences traite de la condition des Noirs dans l’Amérique des années 1950, plus particulièrement dans la ville de Pittsburgh. Longtemps envisagé pour la porter à l’écran, le comédien Denzel Washington préfère tout d’abord interpréter la pièce de théâtre à Broadway, même si August Wilson avait déjà rédigé le scénario avant d’être emporté par un cancer du foie en 2005 à l’âge de 60 ans. Cinq ans après son décès, la pièce est un triomphe et remporte trois Tony Awards, pour le meilleur acteur Denzel Washington, la meilleure actrice Viola Davis et pour la meilleure reprise. Longuement mûri, le projet au cinéma prend forme petit à petit. Denzel Washinton était déjà annoncé à la réalisation en 2013, mais le tournage n’a finalement lieu qu’en 2015. A cette occasion, tous les comédiens qui avaient créé la pièce à Broadway, Mykelti Williamson, Russell Hornsby et Stephen Henderson reprennent leurs rôles respectifs pour sa transposition au cinéma.

A l’écran et malgré toute la bonne volonté de Denzel Washington de respecter la pièce originale, Fences se révèle être un drame très académique, très long (2h20), extrêmement bavard. L’histoire est la même qu’à Broadway. Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson travaille depuis dix-huit ans en tant qu’éboueur. Il est amer car il aurait pu devenir joueur de football professionnel, or il était trop âgé quand les Noirs ont finalement été acceptés en Major League. Sa femme Rose l’a toujours soutenue. Son frère Gabriel est revenu de la guerre avec un handicap mental. Un jour, Cory, leur fils qui pratique également le football, annonce à Troy qu’il a quitté son emploi dans une épicerie pour pouvoir jouer devant un recruteur de Caroline du Nord. Troy se met en colère et ordonne à Cory de reprendre son travail. S’il n’évite pas le cabotinage (il est même souvent en roues libres puisque personne n’est là pour le freiner), on ne doute pas de la sincérité du comédien-réalisateur et que ce projet lui tenait à coeur au point d’y avoir consacré de nombreuses années, mais Fences souffre d’une mise en scène, de dialogues et de symboles qui n’ont de cesse de surligner l’émotion et le propos.

Bien que les acteurs soient très bons et impliqués, notamment Viola Davis, dont la puissante prestation a été justement récompensée par un Golden Globe, un British Academy Film Awards et un Oscar, le spectateur a souvent l’impression d’assister à une succession de scènes où les performances sont faites pour épater la galerie et flatter l’académie des Oscars. Quinze ans après Antwone Fisher et dix ans après The Great Debaters, Denzel Washington signe son retour derrière la caméra, tout en s’octroyant le premier rôle. Son troisième long métrage souffre d’une théâtralité jamais dissimulée avec des décors pourtant voulus réalistes dans le véritable quartier de Hill District à Pittsburgh (où August Wilson a grandi et où se déroulent neuf de ses pièces), mais qui s’avèrent limités (un jardin, une cuisine, une chambre), ce qui crée un sentiment de claustrophobie. Si cela renforce parfois l’intensité de certaines séquences, l’authenticité désirée par le réalisateur a du mal à prendre, surtout que le film enchaîne les longs tunnels de dialogues durant lesquels il est inévitable de perdre le fil. Le jeu parfois enflé et les dialogues souvent excessifs tuent l’émotion dans l’oeuf, tandis que la mise en scène ne fait rien ou pas grand-chose pour donner un semblant de vie et surtout un rythme suffisant pour maintenir l’intérêt de l’audience durant 140 minutes qui couvrent six années.

Etrangement, ces défauts n’empêchent pas de se sentir concerné par le destin poignant et finalement universel de ces personnages, qui ont tout pour s’aimer, mais qui ne savent pas comment le faire ou le dire. Fences est une œuvre attachante, y compris dans ses nombreuses maladresses – cette impression quasi-constante et même exténuante de théâtre filmé – et on en retient finalement de belles choses grappillées ici et là.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Fences, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et musical, reprend le visuel de la jaquette et de l’affiche originale.

C’est toujours un peu la même chose chez l’éditeur. L’interactivité est inutilement divisée en plusieurs segments puisque les sujets abordés restent quasiment les mêmes d’un module à l’autre. Les suppléments intitulés Un plus grand public : du théâtre au cinéma (9’), La Troupe de Fences (9’), La Création de Fences : Denzel Washington (7’), Dans son rôle : Rose Maxson (7’) et August Wilson : Le District de Hill (6’) se focalisent essentiellement sur la création de la pièce d’August Wilson à Broadway en 2010 puis de son adaptation cinématographique tournée en 2016 avec la même troupe menée par Denzel Washington.

Les acteurs, les producteurs, la directrice de la photographie, la costumière, le compositeur, le chef décorateur, le monteur, le metteur en scène de la pièce à Broadway prennent la parole à tour de rôle afin de parler de cette aventure qui s’est étendue sur plusieurs années, sur ce que la pièce a changé dans leur vie, sur les œuvres d’August Wilson et de leur importance. Denzel Washington s’exprime également sur les partis pris, ses intentions, le casting et les recherches faites pour l’adaptation cinématographique de la pièce de théâtre, dont nous pouvons apercevoir quelques clichés. Les thèmes du film sont également abordés, diverses images du plateau viennent illustrer les propos dithyrambiques des intervenants.

L’Image et le son

L’élévation HD (1080p) magnifie les beaux partis pris esthétiques de la photographie signée Charlotte Bruus Christensen (La Chasse, La Fille du train) qui fait la part belle aux teintes brunes, légèrement sépia, du plus bel effet. Le piqué dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus incisif sur toutes les séquences tournées en extérieur. La copie est immaculée, les contrastes concis, les noirs souvent denses. En revanche, on aurait souhaité des gros plans plus détaillés, surtout que Denzel Washington reste souvent en plan fixe sur ses comédiens (et sur lui-même), mais la définition montre ses limites. Dans l’ensemble, l’image est élégante et flatteuse, le rendu des matières est palpable, tout comme un grain argentique caractéristique d’un tournage en 35mm.

Seule la version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 7.1, contrairement à la piste française qui doit se contenter d’une pauvre piste Dolby Digital 5.1. Pour la première option acoustique, le mixage créé une spatialisation en adéquation avec le film. Les dialogues sont exsudés avec force, les effets et ambiances annexes sont bien présents sur les scènes en extérieur, ne cherchant jamais à jouer la surenchère. Nul besoin de monter le volume pour profiter pleinement de la musique discrète mais bien présente de Marcelo Zarvos (Raisons d’état, L’Elite de Brooklyn). Le caisson de basses intervient seulement durant la scène de l’orage. La version française reste acceptable, mais ne tient pas la comparaison avec son homologue.

Crédits images : © Paramount Pictures Corporation. All Rights Reserved. / David Lee / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Scandaleuse de Berlin, réalisé par Billy Wilder

LA SCANDALEUSE DE BERLIN (A Foreign Affair) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez Movinside

Acteurs :   Marlene Dietrich, Jean Arthur, John Lund, Millard Mitchell, Peter von Zerneck, Stanley Prager…

Scénario :   Robert Harari, Charles Brackett, Richard L. Breen, Billy Wilder d’après une histoire originale de David Shaw

Photographie : Charles Lang

Musique : Friedrich Hollaender

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

La très austère Phoebe Frost est envoyée à Berlin en 1946 pour enquêter sur la moralité des troupes américaines d’occupation. Elle ne découvre que marché noir et relations amoureuses entre soldats et jeunes Allemandes. Pis, une chanteuse de cabaret, au passé nazi, est protégée par un officier américain, celui-là même qu’elle avait chargé de l’enquête au départ…

Avant de s’exiler à Hollywood suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Samuel Wilder dit Billy Wilder (1906-2002), scénariste austro-hongrois débarque à Paris où il tourne son premier long métrage en 1934, Mauvaise graine, avec Danielle Darrieux. Arrivé sur la terre de l’Oncle Sam et ne parlant quasiment pas anglais, il parvient tout de même à se faire engager à la Paramount Pictures comme scénariste et script-doctor. Il est très vite remarqué par Ernst Lubitsch, pour lequel Billy Wilder écrit La Huitième femme de Barbe-Bleue et Ninotchka. En 1942, il passe derrière la caméra pour Uniformes et jupons courtsThe Major and the Minor, comédie sur fond de guerre qu’il écrit avec son complice Charles Brackett. C’est un succès et la carrière de réalisateur de Billy Wilder est lancée. Mis en scène en 1948, La Scandaleuse de BerlinA Foreign Affair est déjà le huitième film de Billy Wilder (en comptant son documentaire Death Mills, sur la découverte des camps de concentration nazis par les Alliés en 1945) et fait suite au film noir Assurance sur la mortDouble Indemnity (1944) et le drame Le Poison (1945), récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, mais aussi par quatre Oscars, ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Ray Milland et du meilleur scénario adapté. Billy Wilder s’octroie ensuite une récréation avec la comédie musicale La Valse de l’empereur avec Bing Crosby et Joan Fontaine, avant de se consacrer à La Scandaleuse de Berlin.

C’est sans doute une phrase toute faite, mais tout Billy Wilder se trouve déjà dans A Foreign Affair : dialogues cocasses et tordants, comédie tendre, mélancolique et cynique sur l’amour, affrontements des sexes, le politiquement incorrect, la critique du puritanisme hypocrite, le mensonge, les faux-semblants, la complicité du réalisateur avec le spectateur alors en avance sur les personnages, qui renforce ainsi l’émotion et les éléments comiques. La mécanique Wilder fonctionne à plein régime, le ton insolent présent depuis Uniformes et jupons courts est encore plus féroce et même parfois grivois.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une commission parlementaire américaine arrive à Berlin pour enquêter sur les moeurs et les conditions de vie des 12.000 GI en Allemagne. Phoebe Frost, membre de la commission, puritaine et intransigeante, représentante républicaine de l’Iowa, découvre les dessous de la réalité berlinoise, le marché noir et la prostitution. Elle apprend notamment qu’une chanteuse de cabaret et ancienne membre du parti nazi, Erika von Schluetow, bénéficie de la protection d’un officier américain, le capitaine John Pringle. Celui-ci feint de tomber amoureux de la rigide Phoebe afin de l’amadouer. Tout d’abord scandalisée par la dépravation qu’elle découvre sur place, Phoebe est rapidement conquise et abandonne peu à peu sa cuirasse, tout en se laissant séduire.

La Scandaleuse de Berlin demeure encore aujourd’hui l’un des films de Billy Wilder les plus appréciés par les cinéphiles. Certes, les motifs et thèmes récurrents du maître incontesté de la comédie américaine explosent littéralement à l’écran, mais A Foreign Affair est également un modèle du genre du point de vue rythme, montage, cadre, mise en scène et direction d’acteurs. Redoutablement efficace, La Scandaleuse de Berlin possède encore cette Lubitsch’s touch, mais Billy Wilder s’émancipe bel et bien de son modèle, et livre une comédie sophistiquée plongée pourtant dans un décor réaliste et impressionnant, celui de Berlin en ruine (un spectaculaire plan aérien ouvre le film) suite aux 75.000 tonnes de bombes lâchées par les alliés. Seulement trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Billy Wilder plante son récit comique au milieu des bâtiments écroulés, qui contrastent avec la joie de vivre des soldats américains, qui ne pensent qu’à faire la fête en compagnie de jolies demoiselles allemandes qu’ils appâtent avec des barres de chocolat. C’est cet optimisme qui apparaît dès les premières scènes, qui irrigue le film du début à la fin et qui lui donne son rythme endiablé, comme un coeur qui bat à cent à l’heure et que l’horreur nazie n’a su arrêter.

Merveilleusement écrit, ce chef d’oeuvre comporte quelques répliques à se damner « Berlin, on dirait un vieux morceau de roquefort rongé par les rats ! », « Donner du pain à celui qui a faim, c’est de la démocratie. Mais le faire avec ostentation, c’est de l’impérialisme. », « Voici le balcon duquel Hitler a parié que son Reich durerait 1000 ans. Ça a fait mal aux bookmakers. », « Je me demande comment tient cette robe ! » « Avec la volonté allemande ! », « Allons chez moi, c’est à quelques ruines d’ici ! ». Billy Wilder « ose » jouer avec le décor de Berlin réduit alors à un tas de pierres et de cendres. Pourtant, parmi ces gravas (reconstitués en partie à Hollywood), les hommes et les femmes retrouvent le goût de vivre, de s’amuser, de boire et de chanter. Divinement interprété, La Scandaleuse de Berlin reste un des rares films emblématiques de Marlene Dietrich en dehors de sa longue collaboration avec Josef von Sternberg. Si la comédienne avait tout d’abord refusé ce rôle en raison de ses positions anti-nazies, Marlene Dietrich, qui avait été pourchassée par l’état-major allemand pour espionnage et qui avait ensuite soutenu le moral des troupes américaines en allant chanter sur le front, accepte surtout par amitié pour Billy Wilder. Malgré ses réticences, elle est une fois de plus formidable et semble même s’amuser à jouer un personnage alors à l’encontre de ses valeurs, tout en interprétant trois chansons restées célèbres, Black Market, Illusions, et Ruins of Berlin. Elle tournera à nouveau devant la caméra de Billy Wilder en 1957 pour Témoin à charge.

Mais la véritable star du film est bel et bien la méconnue et pourtant pétillante Jean Arthur (1900-1991). Après ses débuts dans le cinéma muet, on peut d’ailleurs l’apercevoir dans Les Fiancées en folieSeven Chances (1925) de Buster Keaton, cette ancienne mannequin devenue actrice a plus tard tourné pour Howard Hawks (L’Extravagant Mr. Deeds, Seuls les anges ont des ailes) et Frank Capra (Vous ne l’emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au Sénat). La Scandaleuse de Berlin est son avant-dernier film. La comédienne fera ses adieux au cinéma cinq ans plus tard dans L’Homme des vallées perdues de Georges Stevens. Elle est tout simplement immense dans La Scandaleuse de Berlin et sa tonique prestation parvient même à éclipser celle de sa partenaire. A ses côtés, outre de fabuleux seconds rôles qui ont toujours fait la marque de Billy Wilder, le méconnu John Lund, dont la Paramount tentait de faire une star, fait pâle figure avec un manque de charisme certain, mais ses relations avec Marlene Dietrich d’un côté et Jean Arthur de l’autre, fonctionnent parfaitement bien, l’acteur étant bien sûr aidé par l’énergie et le charme contagieux des deux actrices.

Rétrospectivement, La Scandaleuse de Berlin reste un des films les plus audacieux et intelligents de Billy Wilder, ainsi que l’un de ses innombrables chefs d’oeuvre.

LE BLU-RAY

L’édition HD de La Scandaleuse de Berlin est disponible chez Movinside. Le disque repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. La jaquette est très belle et reprend l’un des visuels de la sortie du film. Le menu principal est animé et musical.

Cette édition HD ne contient qu’un seul supplément, une présentation du film par le journaliste Marc Toullec (13’). L’ancien co-rédacteur en chef de Mad Movies ne manque pas d’inspiration et d’arguments pour défendre ce bijou qu’il situe dans son contexte. Toullec évoque la carrière, le style, le génie de Billy Wilder et rappelle que ce dernier considérait La Scandaleuse de Berlin comme l’un de ses films les plus réussis. La genèse, l’écriture du scénario, le casting, le tournage, tout y est abordé posément.

L’Image et le son

Le transfert HD (1080p, AVC) répond à toutes les exigences même si tout n’est pas parfait. Le N&B affiche une nouvelle jeunesse, les blancs sont lumineux et les noirs rutilants, le piqué n’a jamais été aussi affiné mais quelques séquences liées à la photo vaporeuse du chef opérateur Charles Lang (Certains l’aiment chaud, Les 7 mercenaires, Charade), apparaissent beaucoup plus douces et lisses. La définition n’est pas optimale, le grain tend à s’accentuer sur les scènes sombres, les gros plans manquent parfois de détails, cependant la profondeur du plein cadre est plaisante. La propreté est aléatoire, avec certaines bobines qui demeurent abîmées et marquées par de nombreuses rayures verticales, des points et tâches. L’image est stable et les contrastes soignés.

Les mixages anglais et français sont proposés en DTS-HD Master Audio Mono. La piste originale, est souvent exemplaire et limpide, contrairement à la version française qui s’accompagne d’un souffle qui tend à s’accentuer sur les trois chansons de Marlene Dietrich. Le niveau des dialogues est hasardeux sur cette piste, certains échanges sont un peu pincés et le mixage manque souvent d’harmonie. La version originale est évidemment à privilégier, notamment pour bénéficier de la « musicalité » des dialogues chers à Wilder, mais également du timbre particulier de Jean Arthur. C’est entre autres l’option acoustique la plus confortable avec un report des voix et des effets annexes plus solides. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Paramount Pictures / Universal Studios / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Alpagueur, réalisé par Philippe Labro

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L’ALPAGUEUR réalisé par Philippe Labro, disponible en Blu-ray le 5 septembre chez Studiocanal

Acteurs :  Jean-Paul Belmondo, Bruno Cremer, Jean Négroni, Patrick Fierry, Jean-Pierre Jorris…

Scénario :  Philippe Labro, Jacques Lanzmann

Photographie : Jean Penzer

Musique : Michel Colombier

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

L’Alpagueur, ex-traqueur de fauves, est devenu un chasseur de primes et oeuvre dans l’ombre au-dessus des lois, pour le compte de la police, qui l’emploie sur des missions dangereuses et délicates. Un jour, après s’être occupé d’un commissaire corrompu, il décide de s’attaquer à l’ennemi public numéro 1…

Café, pousse-café, cigare !

Dans les années 1970, Jean-Paul Belmondo tournera une quinzaine de longs métrages et alternera les polars et les comédies avec le même talent. De Borsalino aux Mariés de l’an II, du Casse à Docteur Popaul, de La Scoumoune au Magnifique, de Peur sur la ville à L’Incorrigible. Un film se démarque quelque peu du lot, L’Héritier de Philippe Labro. Avec 2 millions d’entrées, ce drame policier démontre que Bebel n’a pas besoin de faire le clown ou d’avoir la pétoire à la main pour plaire aux spectateurs. Conforté une fois de plus par son aura auprès du public avec les 2,5 millions d’entrées de L’Incorrigible, Jean-Paul Belmondo retrouve une fois de plus Philippe Labro pour L’Alpagueur, d’après un scénario original de ce dernier, adapté avec Jacques Lanzmann, qui signe également les dialogues. Malgré ses indéniables qualités, L’Alpagueur est encore aujourd’hui plutôt méconnu et même sous-estimé dans l’immense filmographie de Bebel. C’est du moins l’un de ses films auxquels on pense le moins quand on évoque la carrière du comédien. Sans doute parce que sa prestation tout en retenue, sobre, parfois sombre ne repose pas sur un numéro bien rodé (rien de péjoratif à dire cela), d’autant plus que le film ne comporte aucune cascade (à part une impressionnante poursuite à pied de Bebel) et repose autant sur les silences (hérités du cinéma de Jean-Pierre Melville) que sur certaines séquences à la violence sèche et brutale.

Chasseur de primes des temps modernes, Roger Pilar dit l’Alpagueur remplit avec succès et en secret les délicates missions que le gouvernement français lui confie. A peine a-t-il démantelé un vaste réseau de drogue implanté à Rotterdam qu’il fait tomber quelques proxénètes. Il est ensuite chargé de démasquer l’Epervier. Ce tueur impitoyable, sadique et sans états d’âme se fait volontiers aider par de jeunes voyous, quitte à les abattre une fois l’opération terminée. Costa Valdes, l’un de ces malheureux complices, a toutefois survécu. Mais, placé derrière les barreaux, il reste muet lors des multiples interrogatoires qu’on lui fait subir. L’Alpagueur, sous une fausse identité, rejoint le délinquant dans sa cellule, gagne sa confiance et lui tire petit à petit les vers du nez.

Bon voyage Coco…

L’un des grands points forts de ce film aussi efficace qu’un roman de la collection Série noire est la présence au générique de Bruno Cremer. L’Alpagueur est l’un des rares cas où Jean-Paul Belmondo (également producteur) se fait littéralement voler la vedette, même si son partenaire apparaît finalement peu à l’écran. Glacial et glaçant, sensationnel, le comédien campe un assassin qui tue ses jeunes victimes (et ceux qui se mettent en travers de son chemin) à bout portant après s’être servi d’elles le temps d’un hold-up. Ses tirades, souvent ponctuées d’un « Coco » sont aussi tranchantes qu’une guillotine et signent d’ailleurs les dernières secondes de ceux qui l’entendent. De son côté, Jean-Paul Belmondo, visage fermé, incarne un fauve à la recherche d’autres animaux sauvages (Labro voulait d’ailleurs intituler son film « Des animaux dans la jungle »), ce qui lui permet de vivre et d’économiser pour pouvoir plus tard se retirer sur une île déserte qu’il a déjà achetée, jusqu’au jour où il rencontre Costa Valdes au cours de sa mission pour mettre la main sur L’Epervier. L’Alpagueur, habituellement solitaire, va prendre le jeune délinquant sous son aile et se prendre d’affection pour lui, tandis que ce dernier le verra comme un père de substitution et se mettra même à rêver de l’accompagner sur son île. Mais L’Alpagueur est une œuvre sombre et dérangeante où le destin n’a de cesse de s’acharner et de contrecarrer les rêves et les espoirs de chacun.

Très inspiré par Guet-Apens de Sam Peckinpah (1972) au point qu’il en reprendra la scène centrale du règlement de comptes au fusil à pompe, Philippe Labro livre un polar noir et pessimiste à la mise en scène carrée avec une excellente utilisation des décors naturels et urbains. Si le récit met un peu de temps à démarrer et peine à éveiller l’intérêt avec l’enquête sur les proxénètes durant le premier acte, L’Alpagueur s’avère ensuite attachant dans la relation Bebel-Patrick Fierry et chacune des apparitions de Bruno Cremer est marquante. La dernière partie est sans aucun doute la plus réussie avec un suspense bien maintenu et surtout le duel final anthologique visiblement très influencé par le cinéma de Sergio Leone, sur une composition magistrale de Michel Colombier aux accents par ailleurs morriconniens.

Avec 1,5 million d’entrées au cinéma en mars 1976, L’Alpagueur est considéré comme un demi-échec commercial, le public étant quelque peu dérouté par la noirceur du film. Même s’il ne bénéficie pas du même statut que les deux Verneuil tournés au même moment, Peur sur la ville et Le Corps de mon ennemi, qui profitaient entre autres de quelques soupapes d’humour grâce aux répliques de Francis Veber d’un côté et Michel Audiard de l’autre, L’Alpagueur demeure néanmoins un film prisé par de nombreux fans de l’éternel Bebel.

LE BLU-RAY

L’édition HD de L’Alpagueur est disponible chez Studiocanal. Le DVD du film restauré en Haute-Définition était d’ailleurs déjà disponible chez le même éditeur depuis 2001 et avait été réédité avec une jaquette différente en 2007. Le menu principal est fixe et muet, triste…

A l’occasion de cette sortie en Blu-ray, l’éditeur propose une interview de Philippe Labro (22’30) réalisée récemment alors que la première édition DVD comprenait également un entretien avec le réalisateur filmé en décembre 2000, d’une durée à peu près identique et qui comprenait pour ainsi dire les mêmes informations. Le journaliste, écrivain, scénariste et metteur en scène revient sur la genèse de L’Alpagueur et de sa mise en route, notamment la façon dont Jean-Paul Belmondo s’est accaparé le projet en tant qu’unique producteur via sa compagnie Cerito Films, alors que le film devait être produit par Jacques-Éric Strauss à qui Bebel avait racheté les droits. Philippe Labro évoque ce qui a « changé la donne » une fois que son comédien est finalement devenu son « patron ». Une collaboration qui s’est bien passée, si ce n’est une « colère d’acteur » de Belmondo qui a débarqué un jour sur le plateau en passant sa rage (inexpliquée selon Labro) sur les éléments du décor. Le réalisateur donne d’autres informations sur le tournage de son cinquième long métrage, à l’instar de ses références (Sam Peckinpah et de Guet-Apens en particulier), le titre envisagé (Des animaux dans la jungle), les partis pris, le casting (surtout Bruno Cremer en fait), la partition de Michel Colombier (qui lui avait été recommandé par Jean-Pierre Melville), l’accueil réservé à la sortie du film, qui a su depuis traverser les années et devenir un petit film culte.

L’Image et le son

L’élévation HD pour L’Alpagueur est aussi frappante que pour les très beaux Blu-ray de Peur sur la ville et du Corps de mon ennemi sortis chez le même éditeur. Fort d’un master au format respecté et d’une compression AVC qui consolide l’ensemble, ce Blu-ray n’est peut-être pas aussi net et précis que les deux autres titres mentionnés plus haut, mais la restauration est de haut niveau avec des contrastes appréciables, une copie propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Jean Penzer (Le Diable par la queue, Sans mobile apparent, L’Incorrigible) donne parfois du fil à retordre à l’encodage avec son brouillard environnant et ses teintes fanées, mais le résultat est là, l’image affiche une indéniable stabilité et certaines séquences tirent leur épingle du jeu.

Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Michel Colombier dispose d’un très bel écrin. Mauvais point en revanche pour l’absence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, tout comme celle d’une piste Audiodescription qui manque à l’appel.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jack l’Eventreur, réalisé par John Brahm

JACK L’ÉVENTREUR (The Lodger) réalisé par John Brahm, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre chez Rimini Editions

Acteurs :  Merle Oberon, George Sanders, Laird Cregar, Cedric Hardwicke, Sara Allgood, Aubrey Mather…

Scénario :  Barré Lyndon d’après le roman de Marie Belloc Lowndes

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

1888. Londres est secouée par une série de meurtres sanglants, et l’on vient de découvrir la quatrième victime de l’assassin. Au même moment, l’étrange M. Slade loue une chambre dans une maison bourgeoise et tombe amoureux de la nièce de sa logeuse.

Le cinéaste allemand John Brahm (1893-1982) fuit l’Allemagne à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Il arrive à Hollywood et signe son premier long métrage Le Lys brisé en 1936, sous le nom d’Hans Brahm. Eclectique, John Brahm passe facilement du drame à la comédie, d’une Prison centrale à un Pensionnat de jeunes filles, quand la consécration arrive avec son thriller Laissez-nous vivre (1939) avec Henry Fonda et Maureen O’Sullivan. En 1942, The Undying Monster est un tournant dans sa carrière. Pour le compte de la Fox, John Brahm suit le genre fantastique initié par les studios Universal, à travers une histoire de loup-garou mise en scène avec une esthétique expressionniste saluée de la part de la critique. Le cinéaste récidive dans le genre épouvante avec Jack l’EventreurThe Lodger en version originale, troisième adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes. Publié en 1913, cet ouvrage avait déjà été transposé au cinéma en 1927 par Alfred Hitchcock – sous le titre français Les Cheveux d’or – avec Ivor Novello et demeure entre autres célèbre pour sa séquence du plafond transparent où l’on aperçoit le tueur présumé faire les cent pas. Le réalisateur britannique Maurice Elveny signera également une adaptation en 1932, cette fois encore avec Ivor Novello.

D’après un scénario de Barré Lyndon (Crépuscule de Henry Hathaway), le film de John Brahm s’inspire très librement de la véritable histoire de Jack l’Eventreur, même si le récit est bel et bien situé dans le district londonien de Whitechapel en 1888. Il s’agit d’une interprétation parmi tant d’autres, résolument moderne et sexuellement explicite. Même si John Brahm a toujours déclaré n’avoir jamais vu la version d’Alfred Hitchcock, le réalisateur joue sur les attentes des spectateurs qui auraient en tête Les Cheveux d’or, pour mieux les prendre par surprise. Ainsi, la présence de l’imposant Laird Cregar, vu dans Le Cygne noir de Henry King et Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch, peut à la fois être inquiétante (surtout quand il est filmé en contre-plongée), mais aussi créer un sentiment de doute quant à la véritable nature de son personnage, en faisant penser que nous sommes en présence d’un commissaire infiltré qui enquête sur les meurtres commis dans le quartier de Whitechapel. John Brahm brouille ainsi les cartes en jouant sur l’aura de la première transposition, tout en proposant une relecture différente, sans doute plus premier degré, mais tout autant efficace que le film d’Alfred Hitchcock.

La première séquence donne le ton en plongeant directement le spectateur dans un quartier animé où les passants se trouvent perdus dans le fog londonnien. Les décors sont très réussis avec ses murs défraîchis et ses ruelles pavées. Même si la présence de policemen a été renforcée depuis que trois meurtres de femmes se sont succédé, nous assistons (hors-champ) au quatrième à travers la voix de la nouvelle victime. Dans le Londres victorien, la terreur règne. Des chanteuses et danseuses de cabaret sont assassinées par un tueur en série et la police peine à trouver le coupable. Cette série macabre coïncide avec l’arrivée d’un étrange locataire, Mr Slade, dans la pension de famille des Bonting. Cet homme énigmatique dit être pathologiste. Mais très vite, ses étonnantes et multiples sorties nocturnes inquiètent les locataires, surtout quand Mr Slade semble s’intéresser à la nièce de sa logeuse, une certaine Kitty Langley, nouvelle vedette d’une revue dansante qui connaît un grand succès dans la capitale.

Jack l’Eventreur de John Brahm se regarde et s’apprécie en deux temps. La première fois, l’histoire rondement menée par le cinéaste allemand s’avère un formidable divertissement, prenant et qui comprend son lot de surprises. La deuxième fois, une fois au fait des rebondissements ou plutôt des soupçons qui se sont révélés exacts quant à la véritable nature de Mr Slade, le spectateur pourra encore plus apprécier la grande réussite technique de cette œuvre, sa mise en scène souvent virtuose mais également la sublime photographie expressionniste de Lucien Ballard (La Horde sauvage, L’Ultime razzia, Guet-apens) faite d’ombres et de perspectives, sans oublier le fond de l’histoire particulièrement ambigu. Sur ce point, la nature ouvertement bisexuelle de Mr Slade est étonnante pour un film de 1944, y compris son affection quasi-incestueuse qu’il entretenait pour son frère, dont le suicide pour l’amour d’une danseuse est devenu le déclencheur de la haine (mais y compris de l’attirance) de Slade pour les jeunes femmes artistes. Le roman de Marie Belloc Lowndes sert de support et John Brahm s’approprie le mythe du personnage de Jack l’Eventreur (qui tuait alors des prostituées et non des chanteuses), pour en livrer sa propre interprétation en l’inscrivant dans un trauma sexuel et psychologique d’une folle modernité qui n’est pas sans rappeler les motifs de l’assassin du Dressed to Kill de Brian de Palma.

En effet, Slade est à la fois tiraillé entre ce désir de venger son frère en tuant ces chanteuses de cabaret et l’envie sexuelle de ces femmes, notamment de Kitty (la belle Merle Oberon, la Cathy des Hauts de Hurlevent de William Wyler) dont il tombe amoureux malgré-lui. Les dialogues qui peuvent parfois paraître trop écrits et déclamés avec théâtralité par Laird Cregar, sont pourtant violents et encore une fois saisissants pour un film des années 1940. N’oublions pas la présence de George Sanders, qui incarne l’inspecteur de Scotland Yard chargé de l’enquête et qui use de son côté de nouvelles méthodes afin de démasquer le tueur, en ayant notamment recours aux empreintes digitales. Jack l’Eventreur version John Brahm est au final une très grande réussite, dont l’atmosphère poisseuse sur le fond et sur la forme demeure singulière plus de 70 ans après sa sortie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jack l’Eventreur, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 32 pages rédigé par l’incontournable Marc Toullec, ancien rédacteur en chef de Mad Movies, intitulé John Brahm, l’illustre inconnu d’Hollywood.

Pour compléter le visionnage de Jack l’Eventreur, l’éditeur est allé à la rencontre du critique cinéma Justin Kwedi, qui officie pour les sites DVDClassik et Culturopoing (19’). Si l’intervention de Justin Kwedi, visiblement impressionné par l’exercice, manque de construction et s’avère parfois redondante, elle n’en demeure pas moins intéressante et donne entre autres envie de se pencher un peu plus sur l’oeuvre de John Brahm. Le portrait du réalisateur est dressé dans une première partie où Justin Kwedi démontre son éclectisme après son arrivée à Hollywood dans les années 1930. Puis le journaliste se penche sur la trilogie gothique constituée de The Undying Monster (1942), Jack l’Eventreur (1944) et Hangover Square (1945), qui a largement contribué à sa renommée. L’adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes, le casting du film, ses qualités esthétiques (la photo, les décors) et la psychologie des personnages sont les sujets également abordés durant ces vingt minutes.

L’Image et le son

Ce master restauré de Jack l’Eventeur, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Lucien Ballard retrouve une densité inespérée dès le générique en ouverture. Même si elle semble déjà dater, la restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves hormis quelques effets de pompages des noirs. La gestion des contrastes est certes aléatoire, mais le piqué s’avère convaincant la plupart du temps. Si les puristes risquent de rechigner en ce qui concerne le lissage parfois trop excessif (euphémisme) du grain argentique original, le cadre n’est pas avare en détails – sauf sur les scènes embrumées, difficiles à restituer – et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce grand film méconnu.

L’unique version anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable en version originale (avec sous-titres français imposés), avec une bonne restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. Si elle manque parfois de coffre, l’acoustique demeure suffisante.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Entertainment / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Prairies de l’honneur, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES PRAIRIES DE L’HONNEUR (Shenandoah) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  James Stewart, Doug McClure, Glenn Corbett, Patrick Wayne, Rosemary Forsyth, Phillip Alford, Katharine Ross, George Kennedy…

Scénario :  James Lee Barrett

Photographie : William H. Clothier

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Charlie Anderson, fermier de son état à Shenandoah, en Virginie, se retrouve impliqué dans la guerre civile. Il refuse de soutenir les Confédérés, car il s’oppose fermement à l’esclavage, mais ne soutient pas non plus l’Union car il est profondément contre la guerre. Lorsque son fils est fait prisonnier, Charlie part immédiatement à sa recherche. Il va rapidement être confronté aux horreurs de la guerre et va devoir choisir son camp.

« Les croque-morts gagnent la guerre. Les Hommes politiques se gargarisent de la gloire de la guerre, les vieillards disent que c’est nécessaire. Les soldats n’ont qu’un seul désir, rentrer chez eux. »

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles comme Chisum (1970), Les Oies sauvages (1978) et Les Loups de haute mer (1980). Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart puisque les deux hommes travailleront ensemble sur trois autres films, Rancho Bravo (1966), Bandolero ! (1968) et Le Rendez-vous des dupes (1971).

Si Les Prairies de l’honneur a été réalisé en 1965 alors que le western vivait ses dernières heures de gloire aux Etats-Unis et triomphait en Europe, le film d’Andrew V. McLagen s’avère un drame familial attachant, marqué par un sous-texte humaniste et ouvertement antiguerre, qui reflète alors l’enlisement de l’Oncle Sam au Viêt Nam. 1863. En Virginie, alors que la Guerre de Sécession fait rage, le fermier Charlie Anderson (James Stewart) refuse de prendre part au conflit et prétend qu’il ne se sent pas concerné tant que la guerre n’arrive pas sur ses terres. Veuf, père d’une fille sur le point de se marier et de six garçons dont le plus jeune vient d’avoir 16 ans, Anderson interdit à ses enfants de participer à cette guerre. Mais la guerre n’épargne personne, et Charlie ne pourra pas longtemps rester à l’écart, surtout que Boy, son benjamin, s’est fait arrêter par des soldats de l’Union. Les Prairies de l’honneur est un film superbe, qui séduit d’emblée par son apparente simplicité et ses personnages menés par un James Stewart aussi impérial que magnifique en patriarche, galurin vissé sur la tête et cigare au bec, qui aime ses enfants et qui s’en occupe seul depuis que sa femme est morte en couches il y a une quinzaine d’années. Alors qu’il vient de marier son unique fille Jennie (Rosemary Forsyth, nommée pour le Golden Globe du meilleur espoir féminin en 1966) à un soldat sudiste (Doug McClure) appelé sur le champ de bataille juste après la cérémonie, Anderson voit son terrier voler en éclats quand son jeune fils disparaît. Accompagné de ses fils, sauf de James (Patrick Wayne) et de sa femme Ann, interprétée par Katharine Ross (Le Lauréat), qui viennent d’avoir un bébé, Anderson se rend compte des horreurs de la guerre dont il ne voulait pas entendre parler.

A sa sortie, le message pacifiste et antimilitariste a été salué. Mais Shenandoah ne se résume pas qu’à cela. Andrew V. McLaglen signe également l’un de ses plus beaux films. Toujours soucieux du travail bien fait, le cinéaste a confié la photo au célèbre chef opérateur William H. Clothier, à qui l’on doit les images de cinq films de John Ford, dont Le Massacre de Fort Apache (1948) et L’Homme qui tua Liberty Valance (1962). L’immense compositeur Frank Skinner se voit confier la musique. Si le budget est confortable, Les Prairies de l’honneur ne bénéficie pas des moyens alloués aux grandes productions passées, surtout que le western apparaît déjà comme un genre en fin de vie, mais l’immense talent d’Andrew V. McLaglen parvient à donner au film un véritable standing. L’histoire ne manque pas d’humour, de tendresse et d’émotions, les séquences d’affrontements sont impressionnantes, la violence est montrée frontalement (comme le soldat qui reçoit une balle dans la tête) et James Stewart fait preuve d’une immense sensibilité dans la peau de ce père qui voue un amour sans limite pour ses enfants.

Après une première partie qui installe une atmosphère plutôt légère – dont une bagarre endiablée au ton quasi-burlesque – malgré la guerre qui se déroule hors-champ avec des coups de canon qui résonnent jusque dans la vallée, le récit devient plus grave et désenchanté au fur et à mesure qu’Anderson se rend compte non seulement de la mort qui n’a pas épargné les jeunes soldats, mais également que les Etats du Sud ont perdu la guerre. Alors peu importe que Les Prairies de l’honneur ait pu être considéré comme anachronique à sa sortie quand Sergio Leone et Sam Peckinpah renouvelaient le genre, car aujourd’hui le film d’Andrew V. McLaglen demeure un très grand divertissement, la mise en scène apparaît toujours aussi élégante, le scénario intelligent et son final bouleversant.

LE BLU-RAY

L’édition HD des Prairies de l’honneur est disponible chez ESC Editions. Le visuel est élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

L’éditeur joint une présentation et une analyse du film qui nous intéresse par Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (28’). Point par point, le journaliste revient sur tous les aspects des Prairies de l’honneur (« peut-être le meilleur western du réalisateur » dit-il), en indiquant tout d’abord le caractère quasi-désuet et old-school du film, alors que le cinéma américain connaît ses premiers bouleversements qui conduiront au Nouvel Hollywood. Mathieu Macheret évoque ensuite le casting, l’évolution du western dans les années 1960, la carrière du cinéaste Andrew V. McLaglen et la façon avec laquelle ce dernier use du classicisme comme d’une forme de résistance afin de faire passer son message antimilitariste. Une métaphore caractérisée par le personnage interprété par James Stewart, qui représente un héros d’un autre temps, qui croit pouvoir vivre en vase clos avec les siens, avant de se rendre à l’évidence devant la violence qui l’entoure lui et ses fils.

L’interactivité se clôt sur une comparaison de l’image avant/après la restauration avec à gauche l’image source et l’image restaurée à droite de l’écran.

L’Image et le son

Les Prairies de l’honneur avait tout d’abord connu une édition DVD sortie en 2004 chez Universal, avant de ressortir en 2009 chez le même éditeur. Le film d’Andrew V. McLaglen fait désormais peau neuve chez ESC Editions dans un nouveau master restauré HD. Si la propreté est indéniable, la restauration ne semble pas récente et a du mal à rivaliser avec les scans HD plus contemporains. Néanmoins, le Blu-ray des Prairies de l’honneur présenté ici n’a vraiment rien de honteux. La définition est correcte, surtout sur les plans rapprochés où les détails s’avèrent plus pointus et très plaisants. Le bât blesse au niveau des plans larges où on espérait une profondeur de champ plus dense. Les couleurs deviennent plus fanées, les contours manquent de finesse et le grain original a été beaucoup trop lissé. En revanche, l’image affiche une stabilité à toute épreuve, aucun fourmillement ne vient perturber le visionnage et les contrastes s’avèrent plutôt bons.

Les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage récent, qui dénature tout le charme original du film, avec des voix inappropriées. Si l’écoute demeure correcte, elle ne vaut évidemment pas le naturel de la piste originale plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Universal Pictures / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr