Test Blu-ray / La Malédiction d’Arkham, réalisé par Roger Corman

LA MALÉDICTION D’ARKHAM (The Haunted Palace) réalisé par Roger Corman, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 8 novembre 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Vincent Price, Debra Paget, Lon Chaney Jr., Frank Maxwell, Leo Gordon, Elisha Cook Jr..…

Scénario : Charles Beaumont, d’après H.P. Lovecraft et Edgar Allan Poe

Photographie : Floyd Crosby

Musique : Ronald Stein

Durée : 1h27

Date de sortie initiale: 1963

LE FILM

Avant de succomber dans les flammes, le sorcier Joseph Curwen jette un sort sur la localité d’Arkham en Nouvelle-Angleterre. Cent dix ans plus tard, son arrière-arrière-petit-fils, Charles Dexter Ward, arrive sur les lieux pour prendre possession du château dont il a hérité. En dépit de l’hostilité des villageois et de la peur que lui inspirent certains des habitants, des êtres difformes et menaçants, Ward reste, de plus en plus fréquemment possédé par l’esprit d’un ancêtre qui, muni du Nécronomicon, prépare l’ouverture des portes de l’au-delà aux monstrueux dieux anciens qu’il vénère…

Après les énormes succès critiques et publics rencontrés par La Chute de la Maison Usher, La Chambre des tortures, L’Enterré vivant, L’Empire de la terreur et Le Corbeau, Roger Corman souhaite faire quelques infidélités à Edgar Allan Poe et se pencher sur une nouvelle fantastique de l’écrivain H.P. Lovecraft, L’Affaire Charles Dexter Ward. Cependant, frileux à l’idée que ce projet ne rebute le public, Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson de la société de production American International Pictures décide purement et simplement « d’arnaquer » les spectateurs, non pas en faisant changer le scénario à Roger Corman, mais en intitulant le film – sans l’accord du réalisateur – The Haunted Palace, tiré du poème de Poe, cité à deux reprises durant le long-métrage, histoire d’intégrer ce nouvel opus dans le cycle. La Malédiction d’Arkham n’a rien d’une œuvre hybride, il s’agit bel et bien de la première transposition au cinéma d’une nouvelle d’H.P. Lovecraft, dans laquelle est par ailleurs citée le célèbre Necronomicon. Ce sixième « épisode » apparaît donc quasiment comme un hors-série, dans lequel l’aspect psychanalytique de Poe est forcément mis de côté, pour se concentrer sur une horreur « tangible » et réaliste représentée par un monstre tapis dans le noir. Paradoxalement, La Malédiction d’Arkham est sans aucun doute l’un des meilleurs opus de ce qu’on peut appeler une saga, le film étant merveilleusement mis en scène, photographié et surtout extraordinairement interprété par Vincent Price, dans un savoureux double-rôle.

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Test Blu-ray / The Intruder, réalisé par Roger Corman

THE INTRUDER réalisé par Roger Corman, disponible le 10 avril 2019 en DVD et Blu-ray chez Carlotta Films

Acteurs : William Shatner, Frank Maxwell, Beverly Lunsford, Robert Emhardt, Leo Gordon, Charles Barnes, Charles Beaumont…

Scénario : Charles Beaumont d’après son roman « Les Intrus » (« The Intruder« )

Photographie : Taylor Byars

Musique : Herman Stein

Durée : 1h23

Année de sortie : 1962

LE FILM

Caxton, petite ville du sud des États-Unis, dans les années 1950. Un homme en complet blanc descend d’un car, valise à la main, et se rend à l’hôtel le plus proche. Il se nomme Adam Cramer et travaille pour une organisation « à vocation sociale ». Ce n’est pas un hasard s’il se trouve à Caxton, la ville ayant récemment voté une loi en faveur de la déségrégation, autorisant un quota d’élèves noirs à intégrer un lycée fréquenté par des Blancs. Adam Cramer souhaite enquêter auprès des habitants pour savoir ce qu’ils pensent de cette réforme. Cet homme charismatique et beau parleur va rapidement semer le trouble dans la ville…

Découvreur de talents (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Joe Dante, Ron Howard, Jonathan Demme, Jack Nicholson, Monte Hellman, Curtis Hanson), Pape de la série B (et Z bien sûr), le prolifique Roger Corman (né en 1926), aujourd’hui producteur de plus de 400 films, a réalisé près d’une cinquantaine de longs métrages de 1955 à 1990. Après La Chute de la maison Usher, La Petite boutique des horreurs, La Chambre des tortures et la même année que L’Enterré vivant, Roger Corman, alors âgé de 35 ans, entreprend le film le plus personnel de son incroyable carrière. Tourné en 1961, dans le sud des Etats-Unis, sans véritables autorisations, avec très peu de moyens et avec un casting d’acteurs quasi-inconnus mélangés aux gens du cru, The Intruder (également sorti aux Etats-Unis sous les titres I Hate your Guts et Shame) est un choc, une baffe, un uppercut. Avec un réalisme parfois à la limite du documentaire, Roger Corman, très engagé et grand partisan de l’égalité des droits, se focalise sur un « réformateur social » au moment où viennent d’être votées les lois sur l’intégration, permettant à des enfants noirs de fréquenter les mêmes écoles que les enfants blancs. Cet homme ambigu est interprété par William Shatner, dans l’un de ses premiers rôles au cinéma, juste après sa participation au film de Stanley Kramer, Jugement à Nuremberg. Avec son sourire carnassier, suintant, puant et monstrueux, le comédien endosse le costume clair et les idées sombres de son personnage avec un rare culot. Le mythique Capitaine Kirk signe une prestation époustouflante.

Si l’on se demande où ce mystérieux, Adam Cramer, veut en venir en flattant tous ceux qu’il croise sur son chemin, on devine très vite que son but est de semer le trouble. S’il y parvient facilement en brossant les habitants dans le sens du poil et en leur faisant entendre ce qu’ils pensent savoir sur la véritable situation politique (en gros que leur parole de citoyen n’est pas écoutée, puisque leur opinion négative sur les afro-américains n’est pas prise en compte par la nouvelle loi), mais perd rapidement le contrôle de la situation. Dans un N&B aussi charbonneux que lumineux, moite, où les visages se voilent d’un filet de sueur, la tension monte, distillée comme du poison par ce rapace fourbe et manipulateur. Sur un montage percutant, Roger Corman soigne sa mise en scène (le cadre et les travellings sont d’ailleurs assez dingues), enchaîne les affrontements psychologiques avec une redoutable efficacité, sans aucun temps mort, les dialogues faisant office de munitions crachées par des personnages au bord de l’implosion.

Film rare et indispensable, The Intruder, écrit par Charles Beaumont (La Quatrième dimension, Le Masque de la mort rouge) d’après son propre roman L’Intrus paru aux USA en 1959, est à la fois un film noir, un thriller social, un drame historique qui fait froid dans le dos. Il faut voir comment William Shatner est littéralement habité par son personnage. Star de la télévision, on en vient à regretter que le cinéma ne lui ait pas suffisamment offert de rôles de cette envergure. Il est d’ailleurs très bien entouré par de grands comédiens dont on ne connaît pas forcément les noms, mais dont les visages sont largement reconnaissables comme ceux de Frank Maxwell (Monsieur Majestyk), Robert Emhardt (3h10 pour Yuma) et la trogne burinée de Leo Gordon apparue dans une quantité phénoménale de westerns et même chez Claude Sautet dans L’Arme à gauche en 1965.

Complètement méconnu et considéré comme le seul échec commercial de Roger Corman (même si le film est depuis rentré dans ses frais), qui connaît néanmoins une reconnaissance en Europe grâce à son exploitation récente dans les salles, The Intruder est un brûlot politique d’une folle modernité, dont le propos – la haine, la peur de l’autre et l’intolérance dans une Amérique engluée dans ses anciennes mœurs et valeurs – est malheureusement toujours aussi contemporain et qui mérite de ce fait d’être reconnu à sa juste valeur. The Intruder est un précieux chef d’oeuvre.

LE BLU-RAY

The Intruder fait grand retour dans les bacs, près de quinze ans après son édition en DVD chez Bach Films. Désormais sous la bannière de Carlotta Films, le film de Roger Corman est à la fois disponible en DVD et en Haute-Définition. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette est très élégante, tout comme le surétui cartonné liseré jaune. Le menu principal est fixe et musical.

Un seul petit supplément au programme. L’éditeur joint un retour sur le film par Roger Corman et William Shatner (10’), enregistré en 2001 à l’occasion de la sortie de The Intruder en DVD aux Etats-Unis. Dans ces entretiens croisés, les deux hommes partagent leurs souvenirs liés au tournage (chaotique) de The Intruder. Les thèmes, les intentions, les conditions de prises de vues (qui ont rejoint la fiction), la psychologie du personnage principal, la séquence d’ouverture, l’accueil du film (échec à sa sortie, redécouvert en Angleterre grâce au BFI) sont abordés au cours de ce segment malheureusement trop court.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de la ressortie 2018.

L’Image et le son

C’est une résurrection et aussi une exclusivité mondiale en HD. The Intruder renaît littéralement de ses cendres. Nous avons devant les yeux un master entièrement restauré, même si (nous chipotons certes) quelques rayures verticales et diverses poussières ont échappé au lifting numérique. Le Blu-ray est au format 1080p et le film présenté dans son format original 1.85 (compatible 4/3) avec des contrastes plutôt bien équilibrés. La copie N&B restitue les partis pris (dont le « flou artistique ») et le grain original (magnifique patine argentique), parfois plus appuyé sur certaines séquences aux blancs brûlés. Disposant de moyens techniques « rudimentaires » et d’un coût de production peu élevé, The Intruder trouve néanmoins un nouvel et adéquat écrin. D’une propreté jamais démentie, ce master HD est lumineux, stable, impressionnant (comme le piqué d’ailleurs), élégant et participe largement à la redécouverte de ce bijou noir. Quelques couacs, comme au début du discours de Cramer, mais rien de rédhibitoire.

Le film est proposé avec une piste anglaise DTS-HD Master Audio 1.0. Le mixage est bien nettoyé, l’écoute demeure plutôt agréable et fluide, sans souffle parasite et avec des dialogues souvent percutants. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Los Altos Productions / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr