Test DVD / Passages, réalisé par Ira Sachs

PASSAGES réalisé par Ira Sachs, disponible en DVD le 21 novembre 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Franz Rogowski, Ben Whishaw, Adèle Exarchopoulos, Erwan Kepoa Falé, Arcadi Radeff, Léa Boublil, Théo Cholbi, William Nadylam…

Scénario : Mauricio Zacharias & Ira Sachs

Photographie : Josée Deshaies

Durée : 1h28

Année de sortie : 2023

LE FILM

L’histoire de deux hommes qui sont ensemble depuis quinze ans et ce qui se passe quand l’un d’eux a une liaison avec une femme. Tomas, qui vit avec Martin, rencontre une jeune femme, Agathe, avec qui il entame une liaison. Un triangle amoureux s’ébauche sans que cela pose un problème à Tomas alors que les rapports avec Martin et Agathe deviennent de plus en plus difficiles. Tomas devra faire un choix…

Si son premier long-métrage, The Delta, date de 1996, il faudra attendre 2005 et la sortie de Forty Shades of Blue pour que le réalisateur Ira Sachs se fasse un nom. Dans ce film, ce dernier, né à Memphis en 1965 et passionné de blues, rendait hommage à sa ville natale et à la musique américaine. Depuis, le cinéma d’Ira Sachs a élargi son cercle de spectateurs, conquis par une sensibilité, un ton qui lui est propre et le portrait dressé de personnages complexes, partagés entre regret et désirs, renoncement et espoir. Ira Sachs, souvent inspiré par les drames américains des années 70, pose sa caméra à Paris et s’inspire de la Nouvelle Vague avec Passages. Seulement voilà, quatre ans après Frankie, qui réunissait Isabelle Huppert, Brendan Gleeson, Marisa Tomei et Jérémie Renier, qui accusait déjà une certaine baisse de régime, Passages est encore moins enthousiasmant. La faute, non pas à sa distribution hétéroclite et multilingue, comme dans le film précédent, mais à son histoire ultra-balisée qui ne réserve aucune surprise et qui n’intéresse réellement que durant son dernier tiers, alors qu’il ne reste déjà que 25 minutes. Heureusement, le trio formé par Franz Rogowski, Ben Whishaw et Adèle Exarchopoulos fonctionne très bien et fait qu’on ne s’ennuie pas trop pendant cette première heure classique, avant de se laisser enfin porter par l’émotion jusqu’alors contenue. Pas désagréable au final, mais on espère qu’Ira Sachs se reprendra sur son prochain opus.

Thomas, réalisateur allemand, vit en couple depuis 15 ans à Paris avec Martin, un spécialiste en lithographies travaillant dans une imprimerie. Lors de la fête de fin de tournage, il fait la connaissance d’Agathe, avec laquelle il couche dès la nuit même. De retour au petit matin dans leur appartement, Thomas voudrait parler à Martin de cette découverte, d’avoir couché avec une femme. Mais celui-ci évite la conversation, en tentant cependant d’être compréhensif…

En dépit de ses mauvais points, Passages reste dans un coin de la tête après son visionnage. Si Adèle Exarchopoulos (décidément en état de grâce et sans doute l’actrice de l’année avec Je verrai toujours vos visages, Un métier sérieux, Le Règne animal et Voleuses) et Ben Wishaw (enfin débarrassé du rôle de Q dans l’ère 007 de Daniel Craig) son impeccables, Franz Rogowski crève l’écran une fois de plus dans un rôle écrit spécialement pour lui par Ira Sachs et son complice Mauricio Zacharias (Keep the Lights on, Brooklyn Village et auteur du très beau Ciel de SuelyO Céu de Suely de Karim Aïnouz). Le comédien a déjà fait un bon bout de chemin depuis sa révélation dans le sublime Victoria de Sebastian Schipper en 2015 ! Tour à tour chez Michael Haneke (Happy End), Christian Petzold (Transit, Ondine), Terrence Malick (Une vie cachée), Gabriele Mainetti (Freaks Out) et bientôt chez Andrea Arnold et David Michôd, l’allemand né en 1986 est très convoité par les cinéastes et auteurs du monde entier. Il est encore à fleur de peau dans Passages et parvient à aller au-delà de certains clichés et surtout à rendre attachant un personnage pourtant peu aimable, qui à force de tout vouloir, risque en fait de tout perdre. Perdu dans ses sentiments qu’il éprouve pour son compagnon Martin, avec lequel il est depuis une bonne quinzaine d’années, et Agathe, dont il tombe amoureux quasiment instantanément, Thomas, en tant que metteur en scène et habitué à diriger ceux qui l’entourent, devra admettre qu’il ne peut agir ainsi dans la « vraie vie », même s’il essaye de jouer sur les deux tableaux en même temps. Ce pouvoir exercé sur les autres dans son métier ne s’applique pas dans sa vie personnelle, ce qui frustre de plus en plus ce control freak, narcissique, égoïste, toxique, surtout quand il voit que, contrairement à ceux qui l’entourent, il est le seul à ne pas aller de l’avant.

Comme bien souvent dans les films d’Ira Sachs, il y a quelque chose de très touchant (on sent le cinéaste heureux de tourner à Paris, où il a vécu), d’émouvant, de troublant (les scènes de sexe sont assez crues), et les dernières scènes sont vraiment superbes. On peut dont regretter d’autant plus une (trop) longue première partie et être perplexe après le film, mais on se prend à y repenser et l’on se rend compte après coup que ces personnages nous ont finalement bien plus marqué que ce qu’on pensait.

LE DVD

Les films d’Ira Sachs se promènent d’un éditeur à l’autre, chez ARTE (Frankie), Condor (Brooklyn Village), Outplay (Keep the Lights on), Sony Pictures (Married Life) et MK2 (Forty Shades of Blue). Il faudra désormais ajouter Blaq Out dans le lot, qui accueille donc Passages et arrive uniquement en DVD. La jaquette, glissée dans u boîtier classique Amaray, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation, tout comme le menu principal, fixe et musical.

Le seul bonus proposé par Blaq Out sur cette édition est une interview d’Ira Sachs, donnée lors de la sortie de Passages en France (13’). Le réalisateur, toujours très sympathique, revient sur l’écriture du scénario, ses intentions, le tournage à Paris (où il a vécu quand il était étudiant), le casting (il indique avoir découvert Adèle Exarchopoulos dans Sibyl de Justine Triet), la musicalité des langues, la création des costumes et le thème du pouvoir dans ses films.

L’Image et le son

Malgré son passage éclair dans les salles (18.000 entrées), Blaq Out prend soin du film d’Ira Sachs et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques de la directrice de la photographie Josée Deshaies sont respectés et la colorimétrie habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme la fermeté des contrastes, un joli piqué et des détails sont appréciables sur l’ensemble des séquences en extérieur, y compris sur les très présents gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.

Immersion totale pour cette piste Dolby Digital 5.1 qui offre un confort sonore dynamique et un bel écrin acoustique. Les dialogues sont exsudés avec force par la centrale, la balance frontale est ardente et les ambiances en extérieur ne sont jamais oubliées. La piste stéréo est également impressionnante et propose un confort suffisant pour qui n’est pas équipé en 5.1. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Blaq Out / SBS productions / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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