Test DVD / Le Théorème de Marguerite, réalisé par Anna Novion

LE THÉORÈME DE MARGUERITE réalisé par Anna Novion, disponible en DVD & Blu-ray le 5 mars 2024 chez Pyramide Vidéo.

Acteurs : Ella Rumpf, Jean-Pierre Darroussin, Clotilde Courau, Julien Frison, Sonia Bonny, Xiaoxing Cheng, Idir Azougli, Camille de Sablet…

Scénario : Agnès Feuvre, Marie-Stéphane Imbert, Anna Novion & Mathieu Robin

Photographie : Jacques Girault

Musique : Pascal Bideau

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

L’avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l’ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

Il y a une dizaine d’années, la réalisatrice Anna Novion nous enchantait avec Rendez-vous à Kiruna (la ville la plus connue de la Laponie suédoise), un petit road-movie bourré de charme et d’émotion. Elle revient au cinéma après avoir signé quelques épisodes de la série Le Bureau des légendes, avec Le Théorème de Marguerite, dans lequel la cinéaste explore à nouveau un cheminement intérieur, ici celui d’une jeune femme de 25 ans, superbement interprétée Ella Rumpf, comédienne franco-suisse révélée dans Grave de Julia Ducournau, où elle volait d’ailleurs la vedette à Garance Marillier à chaque apparition. Actrice magnétique vue récemment dans les séries Succession et Tokyo Vice, elle explose littéralement dans Le Théorème de Marguerite, pour lequel elle vient d’être récompensée par le César de la meilleure révélation féminine, damnant ainsi le pion à l’excellente Rebecca Marder, alors favorite pour son rôle dans De grandes espérances de Sylvain Desclous. Là où les protagonistes évoluaient dans de magnifiques paysages suédois, le comportement de Marguerite et ses décisions vont muter hors des murs de l’École Nationale Supérieure où elle s’est enfermée depuis plusieurs années, à la suite d’un événement qui va remettre en question tout le travail effectué dans le cadre de sa thèse. À l’instar du personnage de Jean-Pierre Darroussin dans Rendez-vous à Kiruna, architecte parisien ronchon qui avait vécu toute sa vie en apnée et qui retrouvait alors un second souffle inattendu lors d’une « mission » troublante à l’étranger et à laquelle il ne pouvait échapper, Marguerite replonge dans la jungle urbaine et va devoir apprendre à penser à elle pour la première fois de son existence. Décidément, 2023 a été une des plus belles années pour le cinéma français depuis longtemps et Le Théorème de Marguerite est sans doute l’un des plus beaux de ses derniers fleurons.

Marguerite est la seule élève parmi les garçons à l’École normale supérieure, où elle se montre talentueuse en mathématiques. Elle est en train de terminer sa thèse sur la conjecture de Goldbach et doit présenter ses travaux devant des chercheurs à un séminaire. Son directeur de thèse Laurent Werner l’informe alors qu’il vient d’accepter de superviser un autre doctorant, Lucas Savelli, un brillant étudiant venant de l’université d’Oxford. Lorsque Marguerite présente ses travaux en public, Lucas intervient car il a trouvé une erreur dans ses travaux qui invalide tout son travail. Décontenancée, Marguerite quitte brusquement la salle. Laurent Werner lui conseille de changer de sujet de thèse et de travailler désormais avec un autre professeur. Mais Marguerite décide de démissionner de l’ENS et d’arrêter les mathématiques qui étaient toute sa vie. Elle sort alors de la bulle dans laquelle elle vivait jusque là et rencontre des personnes très différentes d’elle, à commencer par Noa, une jeune femme aimant la danse et la fête, qui devient sa colocataire. Elle travaille comme vendeuse dans un magasin de chaussures. Les deux jeunes femmes peinant à payer leur loyer, Marguerite se met à jouer au Mah-jong, jeu dans lequel elle devient presque imbattable. Elle participe à des tournois clandestins, et en fait sa principale source de revenus lorsqu’elle perd son emploi dans le magasin de chaussures pour avoir refusé d’obéir à « un ordre illogique ». Sa mère Suzanne et Laurent Werner se font du souci pour elle et essaient de la faire rentrer dans le droit chemin de la recherche. Laurent Werner aimerait également qu’elle co-signe un article scientifique avec lui et Lucas Savelli, car il est en partie basé sur ses travaux à elle, mais Marguerite préfère suivre sa voie et ne veut plus rien avoir à faire avec l’ENS. Elle se remet toutefois à étudier la conjecture de Goldbach, seule dans un premier temps, en repeignant le mur de sa chambre en noir pour pouvoir y écrire ses recherches. Elle recontacte alors Lucas Savelli, dont elle apprécie les compétences malgré leur rivalité.

Le cinéma d’Anna Novion, réalisatrice des Grandes personnes (2008), repose sur la quête de personnages, qui en cherchant le Graal vont en fait revenir en ayant appris qui ils sont. Au générique de ses trois longs-métrages, il y a un dénominateur commun en la personne de Jean-Pierre Darroussin, son compagnon, une fois de plus formidable dans Le Théorème de Marguerite, mais qui laisse ici le rôle principal à Ella Rumpf, nouvel astre du septième art hexagonal, de toutes les scènes, de tous les plans, qui crève l’écran et campe une surdouée des mathématiques, sans lesquelles elle ne pourrait pas vivre selon elle. Aux côtés de l’actrice, la cinéaste laisse aussi une belle place au génial Julien Frison (pensionnaire de la Comédie-Française), dernièrement Gaston de France dans le diptyque Les Trois Mousquetaires de Martin Bourboulon, ainsi qu’à la précieuse Clotilde Courau (Nouveau départ, L’Été dernier, Benedetta) et à la belle Sonia Bonny, le premier incarnant le rival inspirant qui a su garder la tête hors de l’eau, la seconde interprétant la mère, forcément inquiète pour sa fille, vers laquelle Marguerite va revenir pour se confier sur ses sentiments bouleversés, la dernière campant la colocataire sexy (pour ne pas dire charnelle) qui va aider la jeune femme à raccorder sa tête avec son corps.

Le Théorème de Marguerite est une œuvre qui ne cesse de flatter les sens, d’une part en raison de sa sensibilité à fleur de peau quand Anna Novion, qui dresse alors un parallèle avec la création artistique qui peut parfois menacer la santé mentale, met en valeur la vulnérabilité et la solitude des êtres, leurs espoirs et leurs désillusions. Nul besoin d’être une tête et un cador des maths pour se laisser envahir par la sensualité, l’élégance, l’intensité, l’intelligence du Théorème de Marguerite, qui dialogue magistralement avec Will Hunting de Gus Van Sant et Un homme d’exception de Ron Howard. C’est magnifique.

LE DVD

Comme Rendez-vous à Kiruna en 2013, Le Théorème de Marguerite débarque en DVD chez Pyramide Vidéo, mais également en Blu-ray. Nous nous contenterons de l’édition Standard pour cette chronique. Le disque repose dans un boîtier classique Amaray transparent, le visuel de la jaquette (et celui du surétui cartonné) reprenant celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Formidable interview que celle d’Anna Novion (24’), qui annonce d’emblée qu’«étrangement, les maths sont arrivées pendant l’écriture », indiquant ensuite qu’elle voulait avant tout parler d’une période traversée quand elle avait une vingtaine d’années. Tombée malade et étant restée cloîtrée plusieurs mois, Anna Novion explique avoir ressenti un « décalage » lors de sa guérison avec ceux de son âge, n’ayant plus leur insouciance. Un décalage « au monde et aux autres » qu’elle a donc cherché à raconter avec Le Théorème de Marguerite. C’est là qu’elle pense aux grandes écoles,où les élèves sont parfois en dehors du monde, focalisés sur leurs études, « et très vite le milieu des mathématiques m’est apparu comme une évidence ».Anna Novion parle ensuite de la rencontre déterminante avec Ariane Mézard, mathématicienne et conseillère sur Le Théorème de Marguerite, de l’évolution du scénario, de la psychologie du personnage principal (« une féministe qui n’a pas conscience de l’être, qui fait des choses avec son instinct totalement en décalage, subversive sans s’en rendre compte, qui n’a pas les codes et avance sans avoir peur »). Puis, la cinéaste aborde le casting et la rencontre avec Ella Rumpf, tout en évoquant la préparation de la comédienne (« il fallait trouver la posture de Marguerite, sa démarche »), avant d’aborder le traitement du sujet, le choix du cadre large et de la caméra à l’épaule, le travail sur les couleurs, la musique et le choix du happy-end.

Nous retrouvons à nouveau Anna Novion dans l’interview suivante, en compagnie cette fois d’Ariane Mézard (15’). La mathématicienne et professeure à l’ENS, conseillère sur le film, donne de nombreuses indications, qui resteront nébuleuses à beaucoup de spectateurs sans doute, sur la conjecture de Goldbach, « un problème du XXIè siècle pas encore prouvé », nous dit-on. Les deux intervenantes s’expriment sur leur collaboration, sur la « traduction » des mathématiques pour le cinéma. On apprend aussi que Jean-Pierre Darroussin, poussant le bouchon pour se mettre dans la peau de son personnage, a tenu à écrire lui-même les différents théorèmes sur le tableau.

Nous trouvons ensuite deux scènes coupées (5’), qui ont pour particularité d’être centrées sur Éric, le petit-ami de Noa, interprété par Arturo Giusi Périer (vu dans Seize printemps, Avec amour et acharnement et Une jeune fille qui va bien). La monteuse Anne Souriau explique que ces scènes éloignaient le spectateur de Marguerite, que la réalisatrice ne voulait pas lâcher, même momentanément. Elles n’en demeurent pas moins réussies et méritent le coup d’oeil.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et les essais vidéos d’Ella Kumpf (4’35).

L’Image et le son

Quelques petites pertes de la définition et un piqué manquant parfois de mordant. Néanmoins, ce master SD demeure fort plaisant et n’a de cesse de flatter les yeux avec une superbe restitution de la colorimétrie et des gros plans des comédiens. Les contrastes sont denses, la gestion solide, et les partis pris esthétiques raffinés du chef opérateur Jacques Girault (Cet été-là, Petite nature) trouvent un bel écrin en DVD.

Le mixage Dolby Digital 5.1 offre un bon confort acoustique en mettant à l’avant la musique du film. Rien à redire sur la spatialisation, les ambiances naturelles sont bien présentes, même si de nombreuses scènes se focalisent sur les enceintes frontales. Les dialogues sont solidement plantés sur la centrale. Une piste Audiodescription, ainsi qu’une Stéréo et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Pyramide Distribution / TS productions / Michael Crotto / Beauvoir Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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