LA FEMME AU GARDÉNIA (The Blue Gardenia), disponible depuis le 12 décembre 2006 en DVD chez Films sans Frontières.
Acteurs : Anne Baxter, Richard Conte, Ann Sothern, Raymond Burr, Nat « King » Cole, Jeff Donnell, Richard Erdman, George Reeves…
Scénario : Charles Hoffman, d’après une histoire originale de Vera Caspary
Photographie : Nicholas Musuraca
Musique : Raoul Kraushaar
Durée : 1h26
Année de sortie : 1953
LE FILM
Après un rendez-vous galant au cabaret le Gardénia Bleu, Norah Larkin suit son séducteur qui tente d’abuser d’elle. La jeune femme, pour se défendre, le frappe avec un tisonnier. Le lendemain, elle apprend dans la presse que son amant est mort. Casey Mayo, un célèbre chroniqueur, lui propose par voie de presse de l’aider à se défendre.
« C’est une vision particulièrement perfide de la vie américaine. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ce fut mon premier film de l’après Mc Carthy et que j’ai dû le tourner en vingt jours. C’est sans doute ce qui m’a rendu si venimeux » Fritz Lang à propos de La Femme au gardénia. Pourtant, The Blue Gardenia démarre comme presque comme une comédie légère avec l’exposition des trois protagonistes principaux, Norah Larkin (Anne Baxter), Casey Mayo (Richard Conte) et Harry Prebble (Raymond Burr). Puis Fritz Lang se focalise plus précisément sur la jeune femme, que l’on découvre chez elle en compagnie de deux amies colocataires. Norah se prépare à dîner aux chandelles avec le portrait de son amoureux posé sur la table, qui ne peut être présent physiquement, car mobilisé en Corée. Résolue à l’attendre, elle vit ainsi au jour le jour, en espérant que l’homme qu’elle aime revienne au bercail le plus tôt possible. Mais une lettre lui informe qu’il ne reviendra pas vers elle, car il vient de rencontrer une infirmière, qu’il souhaite épouser. Folle de chagrin, elle décide de passer la soirée avec Prebble, un homme à femmes, avec lequel elle décide de se lâcher. La soirée est très alcoolisée et au moment où Norah se refuse finalement à lui, Prebble devient violent…Le cinéaste fait monter la tension, tout en dressant le portrait de cette standardiste anonyme, qui se retrouve dans une situation extraordinaire, où elle devient la première suspecte dans une affaire de meurtre. Si La Femme au gardénia est et restera un film mineur de Fritz Lang, ce long-métrage réalisé entre Le Démon s’éveille la nuit – Clash by Night et Règlement de comptes – The Big Heat, n’en demeure pas moins excellent, aussi bien sur la forme que sur le fond. Inspirée par une histoire de Vera Caspary (l’autrice de Laura, adapté en 1944 par Otto Preminger), voici une bonne et néanmoins méconnue leçon de mise en scène et de montage, doublée d’une très solide direction d’acteurs, par l’un des plus grands maîtres de l’histoire du cinéma.
A Santa Monica en Californie, Norah Larkin est une jolie opératrice de téléphone qui attend avec impatience le retour de John, un soldat engagé en Corée avec lequel elle doit se marier. Le soir de son anniversaire, elle reçoit une lettre de John lui apprenant qu’il rompt avec elle, s’étant épris entre-temps d’une infirmière. En larmes, elle répond à un appel téléphonique de Harry Prebble, un dessinateur séducteur, qui la confond avec sa colocataire Crystal et l’invite à dîner. Déprimée, Norah accepte le rendez-vous au Blue Gardenia. Harry, qui aime les jolies femmes, ne se laisse pas démonter par son erreur et dîne avec Norah. Il saoule la jeune femme avant de l’emmener à son appartement où il tente d’abuser d’elle. Norah résiste et le frappe avec un tisonnier avant de s’enfuir, laissant derrière elle ses chaussures et un gardénia bleu que Harry lui avait offert au restaurant. Le lendemain matin, Norah est incapable de se souvenir de ce qui s’est passé. Elle apprend que Harry a été assassiné et est persuadée qu’elle est l’auteur du crime. Casey Mayo, journaliste, décide d’enquêter en parallèle de la police. Il publie une lettre dans son journal invitant « Blue Gardenia », surnom de la meurtrière, à le contacter. Norah, rongée par la peur et le remords, lui téléphone puis le rencontre, mais en se présentant comme une amie de la meurtrière qui se serait confiée à elle.
Mélange de mélodrame, de film à suspense et de film noir, La Femme au gardénia prouve une fois de plus qu’il y a toujours beaucoup d’éléments à tirer d’un film moins considéré chez un cinéaste à la réputation internationale, même si la photo de Raoul Kraushaar ne peut rivaliser avec celle d’un Charles Lang ou d’un Burnett Guffey. Le réalisateur brouille les pistes dans la première partie en plongeant tout d’abord les spectateurs dans l’ambiance du standard téléphonique d’un journal local. Les petites employées se regroupent souvent autour de Harry Prebble, caricaturiste et dessinateur de cover-girls, qui croque les demoiselles avec son feutre, dans l’espoir de les croquer autrement par la suite. Avec ses épaules larges comme une armoire, Raymond Burr (juste avant Fenêtre sur cour – Rear Window d’Alfred Hitchcock), s’impose d’emblée dans le rôle suintant de Prebble, prêt à sauter sur tout ce qui bouge et qui se délecte de cette réputation. Il parvient à prendre Norah dans ses filets, sans savoir que cette dernière n’était pas celle qu’il escomptait inviter à dîner (il pensait avoir sa colocataire au téléphone), mais puisqu’elle vient de son plein gré et qu’en plus elle est très jolie, Prebble s’en amuse et les cocktails s’enchaînent. Pendant que Norah oublie son chagrin en se noyant dans l’alcool, Prebble commence à penser à la suite et le crooneur Nat King Cole, dans son propre rôle, berce le restaurant en entamant une chanson d’amour. Prebble emmène Norah chez lui, véritable garçonnière. Fatiguée, cette dernière s’endort quasiment instantanément, mais Prebble profite de la situation pour l’embrasser. Si elle se donne à lui, Norah se reprend, se lève et désire partir. Elle est arrêtée par le colosse, qui use de sa force pour l’embrasser et abuser d’elle. Mais Norah s’empare d’un tisonnier et frappe son agresseur avant de prendre la fuite.
Le lendemain, après une nuit difficile suivie d’une gueule de bois carabinée, elle apprend que Prebble est décédé. L’enquête policière est lancée, Norah ne se souvient de rien, mais la culpabilité s’empare d’elle. Doit-elle se rendre à la police ? C’est là qu’intervient Casey Mayo, la « star » du journal, qui par certains côtés n’a rien à envier à Prebble, puisqu’il détient aussi un carnet rempli des coordonnées de prétendantes. A la recherche d’un scoop, il profite de sa chronique pour envoyer une lettre à « une meurtrière inconnue », ce qui passionne très vite les foules. Il promet à la « coupable » de l’aider et de lui trouver un bon avocat, si elle lui donne l’exclusivité et lui raconte toute son histoire.
La Femme au gardénia est peut-être une œuvre de commande pour Fritz Lang, mais ce dernier s’en empare comme la plupart du temps à bras le corps, fait fi d’un budget sans doute modeste, pour au final livrer un film noir nerveux, épuré (85 minutes menées sans aucun temps mort et qui reflètent la précipitation du tournage emballé en trois semaines), formidablement interprété par la sublime Anne Baxter (l’éternelle Néfertari des Dix Commandements de Cecil B. DeMille et Eve dans le film éponyme de Joseph L. Mankiewicz), qui sortait de La Loi du silence – I Confess d’Alfred Hitchcock. Sa prestation est l’une des grandes réussites de ce thriller teinté de psychologie, très souvent passionnant.
LE DVD
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas présenté un film dans notre rubrique du DVD/Blu-ray du grenier. Nous avons eu envie de remettre en avant ce film sous-estimé de la prolifique et extraordinaire carrière de Fritz Lang, disponible en DVD chez Films sans frontières depuis le 12 décembre 2006. La jaquette, glissée dans un boîtier Amaray classique, reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est fixe et musical.
Des bandes-annonces de titres disponibles chez l’éditeur, garnissent la section des bonus.
L’Image et le son
Bon…Le master est instable (surtout durant le générique et la dernière bobine), les raccords de montage sont présents, les poussières sont multiples, les griffures et les rayures sont visibles tout du long, les plans flous ne sont pas rares. A part ça la copie est lumineuse, un peu trop sans doute avec des blancs souvent brûlés. On pourra aussi dire que les défauts tendent à s’amenuiser au fil du visionnage, avant de reprendre vers la fin du long-métrage. Attention au mal de mer durant l’ouverture. Bref, vous voilà prévenus !
La version originale aux sous-titres français (non imposés) fait ce qu’elle peut, même si un souffle parasite est très présent du début à la fin et que les dialogues s’avèrent souvent chuintants ou au contraire à la limite de la saturation.