Test Blu-ray / Fatale, réalisé par Louis Malle

FATALE (Damage) réalisé par Louis Malle, disponible en Blu-ray le 1er juin 2021 chez Studiocanal.

Acteurs : Jeremy Irons, Juliette Binoche, Leslie Caron, Miranda Richardson, Rupert Graves, Ian Bannen, Peter Stormare, Julian Fellowes, David Thewlis…

Scénario : David Hare, d’après le roman de Josephine Hart

Photographie : Peter Biziou

Musique : Zbigniew Preisner

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

La vie de Stephen Fleming, un parlementaire conservateur récemment promu secrétaire d’Etat, va être bouleversée par sa rencontre avec Anna Barton, amie de son fils, au cours d’une réception à l’ambassade de France…

On a souvent tendance à penser que Fatale Damage, est le dernier long-métrage de Louis Malle (1932-1995), ce qui est faux. Il s’agit de l’avant-dernier film du réalisateur, qui devait terminer sa carrière deux ans plus tard avec Vanya, 42e Rue Vanya on 42nd Street, interprété par Julianne Moore, qui s’avérait en réalité une représentation de la pièce Oncle Vania de Tchekhov, se déroulant dans un théâtre abandonné. Mais pour l’heure, Fatale est sans doute l’ultime grande œuvre du cinéaste, porté par un couple magnifique, Jeremy Irons et Juliette Binoche, investis corps et âme dans cette histoire que beaucoup jugeront immorale, mais qui ne laisse et ne laissera jamais les spectateurs indifférents. Au-delà de l’adultère dévastateur, Louis Malle se penche sur l’évidence entre deux êtres, sur la passion qui les consume, sans chercher à savoir ou même à comprendre ce qui l’anime. Sa caméra semble scruter l’indicible, s’attarde sur les regards, sur le temps qui s’étire (ou qui s’accélère, c’est selon le point de vue) quand deux êtres faits l’un pour l’autre se rencontrent, puis se percutent. Une certitude qu’eux-mêmes sont incapables d’expliquer et de concevoir, pour finalement se laisser porter par leurs sentiments. L’apparence tout d’abord quelque peu austère liée au personnage de Fleming, s’effrite dès le premier regard avec Anna, avant que le couple ne s’enflamme. Drame érotique, pulsionnel, encore plus que passionnel, Fatale est le vrai film-testament de Louis Malle.

Stephen Fleming, secrétaire d’Etat britannique, a réussi un parcours sans faute, tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie affective : époux et père de famille comblé, il est aussi un citoyen fort respecté, dévoué depuis le début de sa carrière au bien commun. Lors d’une réception donnée à l’ambassade de France, Martyn, le fils aîné de Stephen, présente à ses parents sa future épouse : la séduisante Anna Barton. Attirés l’un par l’autre, Anna et Stephen deviennent rapidement amants. Peu à peu, cette situation délicate commence à être remarquée par leur entourage.

Juliette Binoche, ou la chrysalide la plus foudroyante du cinéma français. Depuis son explosion dans Rendez-vous (1985) d’André Téchiné, la comédienne aura intelligemment positionné ses pions sur l’échiquier du septième art international, en combinant à la fois les productions hexagonales avec Mauvais sang (1986) et Les Amants du Pont-Neuf (1991) de Leos Carax, américaines comme L’Insoutenable légèreté de l’être The Unbearable Lightness of Being (1988) de Philip Kaufman,ou bien encore britanniques avec Les Hauts de Hurlevent Wuthering heights de Peter Kosminsky. Son visage, sa grâce et son talent s’imposent et tapent dans l’oeil de Louis Malle qui la choisit immédiatement pour incarner Anna Barton dans l’adaptation du roman Damage de Josephine Hart, publié en 1991, sur un scénario de David Hare (The Hours, The Reader, Le Procès du siècle). Avant sa mise en orbite définitive qui viendra tout de suite après avec Trois couleurs : Bleu de Krzysztof Kieslowski (César de la meilleure actrice), Le Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau (qui restera son plus grand succès en France) et surtout Le Patient anglais The English Patient d’Anthony Minghella, pour lequel elle sera récompensée par l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle et le BAFTA, elle est ici la troublante Anna. Sous certains aspects, le personnage fait penser à celui de Nina, que l’actrice interprétait dans Rendez-vous et qui lui avait valu le Prix Romy-Schneider. Mais dans Fatale, les protagonistes ne sont pas sombres ou aussi tourmentés que chez André Téchiné. Ils ne se connaissent pas, ne savent rien sur l’autre, « qui es-tu ? » demande ainsi Stephen à Anna au cours d’une de leurs premières étreintes torrides, mais s’oublient et se révèlent à l’autre avec autant d’appétit sexuel que de violence bestiale qui se manifeste par leur façon de se prendre, de s’embrasser, de se dévorer, ou presque de s’étrangler. Les séquences érotiques sont multiples, très bien filmées, aussi excitantes qu’étonnantes, puisque certaines ressemblent à de vrais ballets, des chorégraphies où les deux corps en fusion s’imbriquent et ne font qu’un. Ces corps se perdent aveuglément, même si Anna et Stephen savent que l’issue sera inévitablement fatale s’ils devaient être découverts.

Si Stephen Fleming est évidemment complètement perdu et souffre de la relation qu’il entretient avec la compagne de son fils, cela ne l’empêche pas d’être dépassé par ses sentiments et, comme s’il retrouvait une deuxième jeunesse, se met à suivre Anna, à l’observer quand celle-ci rejoint Martyn, interprété par Rupert Graves, révélation de Chambre avec vue (1986) et Maurice (1987) de James Ivory. De son côté, Anna, quasi-mutique, toujours vêtue de noir comme un ange diabolique, dont la tenue contraste constamment avec sa peau diaphane, se révèle par strates, jusqu’au repas où les deux familles se rencontrent. La mère d’Anna, incarnée par la légendaire Leslie Caron (Un Américain à Paris, Gigi, Papa longues jambes) fera éclater quelques vérités et révélera des non-dits sur le passé trouble de sa fille, mettant en avant un trauma, dont les blessures qu’il a engendrées n’ont jamais pu cicatriser. Louis Malle ne juge pas ses personnages, il ne l’a d’ailleurs jamais fait, et finalement Fatale est souvent relié aux Amants (1958) et au Souffle au cœur (1971). Aucun jugement moral de la part du réalisateur, qui s’est toujours évertué à maintenir ce cap de film en film, en laissant le spectateur se faire sa propre idée pendant et après la projection. S’ils vampirisent littéralement le long-métrage, Juliette Binoche et Jeremy Irons n’éclipsent pas la prestation de Miranda Richardson, magnifique dans le rôle d’Anna Barton, l’épouse de Stephen. La comédienne s’est justement vue décerner le British Academy Film Award de la meilleure actrice dans un second rôle.

L’acte final rejoint les dénouements les plus tragiques et intenses de la carrière du metteur en scène. Fatale se clôt sur l’un des plus beaux plans de sa filmographie, qui rend à Stephen une humanité – qui s’accompagne donc de souffrance – qu’il pensait lui-même oubliée, tandis que la partition de Zbigniew Preisner (La Double Vie de Véronique) finit par l’emporter vers les héros les plus déchirants du cinéma de Louis Malle.

LE BLU-RAY

Disponible en DVD chez Studiocanal depuis 2005, Fatale débarque pour la première fois chez l’éditeur en Haute-Définition. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend celui de l’affiche originale. Même chose pour le menu principal fixe et muet…

Aucun supplément.

L’Image et le son

Fatale est remis à l’avant-plan grâce à une édition Blu-ray à l’image du film, soignée et élégante. La propreté de la copie est assurée, les couleurs chatoyantes de la première partie puis plus sèches de la seconde sont ravivées. Cependant, certaines séquences ouatées manquent parfois de naturel, les visages des comédiens tirent sur le rosé, le piqué s’en trouve diminué. Les contrastes retrouvent une certaine concision, les détails et les textures sont fort convaincants et assurés sur ce beau cadre. L’encodage AVC consolide l’ensemble, un léger grain flatte les rétines, les séquences tournées en extérieur rendent hommage à la très belle photographie de Peter Biziou (9 semaines 1/2, The Truman Show, Mississippi Burning, Au nom du père) et se révèlent les plus ciselées et lumineuses de ce Blu-ray. N’oublions pas les scènes sombres, tamisées et nocturnes, qui se révèlent riches, et qui savent tirer profit de cette promotion HD.

Les mixages DTS-HD Master Audio Stéréo anglais et français instaurent un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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