BLACKBIRD réalisé par Roger Michell, disponible en DVD le 12 février 2021 chez Metropolitan Films.
Acteurs : Sam Neill, Susan Sarandon, Anson Boon, Kate Winslet, Rainn Wilson, Lindsay Duncan, Bex Taylor-Klaus & Mia Wasikowska.
Scénario : Christian Torpe
Photographie : Mike Eley
Musique : Peter Gregson
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Lily et son mari Paul, décident de réunir enfants et petits-enfants pour un week-end dans leur maison de campagne. Trois générations d’une même famille se retrouvent, avec Jennifer, l’aînée, son mari Michael et leur fils de 15 ans, Jonathan, mais aussi Anna, la cadette, venue avec Chris, sa compagne. En fait, cette réunion de famille a un but bien particulier : atteinte d’une maladie dégénérative incurable, Lily refuse de subir une fin de vie avilissante et décide de prendre son destin en main. Mais tout le monde n’accepte pas cette décision. Non-dits et secrets remontent à la surface, mettant à l’épreuve et redessinant tous les liens qui unissent les membres de cette famille, alors que le temps des adieux approche…
Honnête technicien honnête, le réalisateur sud-africain Roger Michell (né en 1956), est surtout connu des spectateurs pour le carton mondial de l’année 1999 au cinéma (placé entre La Momie et Toy Story 2, et même devant Le Monde ne suffit pas), Coup de foudre à Notting Hill – Notting Hill. Éclectique, passant allègrement du thriller (Dérapages incontrôlés – Changing Lanes) au drame (The Mother, avec Daniel Craig qui faisait déjà la duckface), de la comédie (Morning Glory, avec la sublime Rachel McAdams) à l’évocation historique (Week-end royal – Hyde Park On Hudson), ou alors le tout combiné (The Duke, qui n’est pas encore sorti et qui relate le vol du tableau Portrait du duc de Wellington de Francisco de Goya à la National Gallery en 1961), Roger Michell ne s’est jamais caché d’être pour ainsi dire un « yes man », s’acquittant de sa tâche du mieux possible et en dirigeant solidement un casting toujours attractif. C’est encore une fois le cas pour son dernier film distribué dans les salles, Blackbird, remake du film danois de Bille August Stille hjerte, récompensé à quatre reprises à la Cérémonie des Bodil, l’équivalent de nos Césars en Danemark. Il n’en fallait pas plus à certains producteurs pour en acquérir les droits et de mettre un remake en route. Avec son sujet qui a tout pour faire pleurer dans les chaumières, et qui rappelle d’ailleurs le Frankie d’Ira Sachs sorti en 2019, Blackbird est donc la version américaine de Stille hjerte mise en scène par Roger Michell, drame familial qui repose en très grande partie sur ses interprètes, huit en tout et pour tout, qui réunit Susan Sarandon, Kate Winslet, Mia Wasikowska, Sam Neill, Rainn Wilson, Bex Taylor-Klaus, Lindsay Duncan et Anson Boon. Si l’on comprend d’emblée qu’on ne va pas se taper sur les cuisses devant ce mélodrame, Blackbird vaut pour le jeu maîtrisé et sans faute de cette distribution haut de gamme, ainsi que pour son approche d’un sujet qui avait tout pour faire peur, mais qui évite de tomber dans le pathos ou les effets souvent repoussants du récit basique sur la maladie.
Impériale du début à la fin, Susan Sarandon trône et règne sur un casting exceptionnel dans Blackbird. Cinq fois nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice (Atlantic City, Thelma et Louise, Lorenzo, Le Client, La Dernière marche), mais une fois récompensée (pour ce dernier, réalisé par ex-compagnon Tim Robbins), la comédienne n’a jamais cessé d’apparaître de près (Ma Meilleure ennemie, Ma mère, moi et ma mère) comme de loin (Rencontres à Elizabethtown, Lovely Bones, Cloud Atlas), en étant aussi à l’aise dans le registre dramatique (About Ray) que dans la comédie parfois même outrancière (Crazy Dad, Bad Moms), avec souvent en filigrane le passage de flambeau avec la nouvelle génération qui lui donnait la réplique, ainsi qu’un message social souvent cher à son coeur. S’il s’agit donc d’un énième film de commande pour Roger Michell, on peut cependant y voir également un bel hommage à son actrice, un hymne à sa beauté éternelle, à son élégance et bien sûr à son immense talent.
Kate Winslet qui a souvent déclaré au cours de sa carrière que Susan Sarandon était l’un de ses modèles, interprète ici sa fille aînée, Jennifer, mariée depuis toujours à Michael (Rainn Wilson, Dwight Schrute de la série The Office) et mère d’un jeune de vingt ans (Anson Boon, vu dans 1917 de Sam Mendes et Crawl d’Alexandre Aja). Dissimulée sous une grosse paire de lunettes et des vêtements « de tous les jours », l’actrice britannique a sans doute le rôle le plus difficile du film, puisqu’elle doit à la fois camper le personnage qui essaye à la fois de se fondre dans le paysage, en ayant coché toutes les cases de la « petite vie parfaite », mais aussi celui par qui le doute et l’opposition s’installent quant à la décision irrévocable prise par sa mère de s’en aller dignement. Le feu sous la glace en quelque sorte.
On retrouve Mia Wasikowska, égérie du cinéma indépendant (Gus Van Sant, Park Chan-wook, Jim Jarmusch, David Cronenberg se sont disputé ses talents), dans le rôle un peu plus conventionnel de la sœur cadette mal dans sa peau, bipolaire, à la sexualité trouble – elle est accompagnée de sa petite amie, ou de son mari on ne sait plus, Chris (Bex Taylor-Klaus) – et ayant fait une tentative de suicide, qui se rend compte qu’il lui reste très peu de temps pour dire à sa mère qu’elle l’aime. Également au générique, Sam Neill, la classe incarnée à 73 ans, est absolument parfait et l’on regrette toujours de ne pas le voir assez au cinéma, tout comme la grande comédienne de théâtre Lindsay Duncan, qui se sort admirablement du rôle plus anecdotique, sur le papier du moins, de la meilleure amie de Lily, avec laquelle cette dernière a fait les 400 coups durant leur jeunesse.
Blackbird évite les séquences dérangeantes dans lesquelles les réalisateurs aiment habituellement se vautrer quand ils traitent ce genre de sujet lourd, à l’instar des scènes de vomi, de malaises avec la bave aux lèvres, quand ce n’est pas le personnage qui « s’oublie ». Roger Michell privilégie les scènes du quotidien, comme s’il s’agissait d’un weekend normal en famille, en installant sa caméra, souvent fixe dans la première partie, se contentant de filmer, ou de capturer plutôt, les discussions, les repas (y compris celui où un joint s’échange autour de la table), les promenades en bord de mer. La maladie – ici de Charcot – est évidemment au coeur du film, l’euthanasie surtout puisque Lily, voyant son état se dégrader, refuse d’être nourrie par tubes ou de respirer par l’intermédiaire de machines, a pris la décision de mourir, avec l’appui de son époux médecin qui a pu obtenir ce qu’il fallait pour cela, tout simplement en cherchant sur internet nous dit-on. Cependant, Blackbird se concentre avant tout sur les relations familiales, sur les reproches, sur les non-dits qui éclatent soudainement, sur les déclarations d’amour, sur les rires, sur la façon avec laquelle chacun se prépare à affronter cette disparition programmée pour la fin du weekend.
S’il n’évite pas certains poncifs ou des longueurs, Blackbird reste un joli film, qui ne brille pas par sa mise en scène quelque peu fonctionnelle, même si aidée par la belle photographie de Mike Eley et de magnifiques décors naturels, mais qui s’élève grâce à l’implication sincère de ses interprètes.
LE DVD
Sorti dans les salles hexagonales en septembre 2020, Blackbird n’aura pas réussi à franchir la barre des 100.000 entrées, le sujet ayant probablement repoussé les français, qui après quelques mois de confinement, privilégiaient les comédies ou les grosses productions. Metropolitan donne une nouvelle chance au film de Roger Michell, même s’il devra se passer d’une sortie en Haute-Définition. Le visuel de la jaquette reprend celui pas folichon (euphémisme) de l’affiche d’exploitation, un montage raté où les trois comédiennes principales sont alignées. Le menu principal est animé et musical.
Le seul supplément proposé sur cette édition est un making of (15’) traditionnel qui se contente de compiler les interventions de l’équipe du film (les producteurs, le réalisateur, les comédiens, le directeur de la photographie) et les images capturées sur le plateau, durant ou entre les prises de vues. Comment ce remake du film danois de Bille August a vu le jour, comment se sont déroulées les répétitions et le tournage (réalisé quasiment dans l’ordre chronologique de l’histoire), les partis-pris et les intentions, sans oublier les propos du style « On est devenus une vraie famille » ou « La vie est une bénédiction et précieuse », voilà ce qui vous attend au fil de ce documentaire.
L’Image et le son
Nous voici devant un très beau master SD, très propre et clair, avec un cadre fourmillant de détails. La photo du chef opérateur Mike Eley, qui a souvent oeuvré comme homme de l’ombre sur les solides Shadow Dancer et Vol 93, allie à la fois les teintes chaudes et ambrées (dans les intérieurs) et un peu plus froides pour les scènes se déroulant en bord de mer, avec de fabuleux dégradés, des contrastes denses et un piqué joliment acéré. L’encodage est également savamment pris en charge par l’éditeur, les scènes sombres sont logées à la même enseigne que les séquences diurnes (lumineuses) et la profondeur de champ est très appréciable.
En anglais, comme en français, les mixages Dolby Digital 5.1 s’avèrent suffisamment immersifs avec des ambiances intelligemment dispersées par les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique spatialisée de bout en bout. L’éditeur joint également une piste Stéréo dynamique et suffisante, une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.