UNE ROBE NOIRE POUR UN TUEUR réalisé par José Giovanni, disponible en DVD & Blu-ray le 17 mai 2024 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Annie Girardot, Claude Brasseur, Bruno Cremer, Jacques Perrin, Catherine Allégret, Albina du Boisrouvray, Jacques Maury, François-Eric Gendron, Arielle Dombasle…
Scénario : José Giovanni & Monique Lange
Photographie : Jean-Paul Schwartz
Musique : Olivier Dassault
Durée : 1h47
Date de sortie initiale : 1981
LE FILM
À l’issue de son procès, Simon Risler est condamné à mort pour le meurtre d’un policier. Le témoignage de l’inspecteur Reynolds a fait pencher la balance en faveur d’un verdict d’autant plus sévère qu’il est parfaitement injustifié. L’inspecteur a, en effet, commis un parjure à travers son faux témoignage. Pour échapper à la peine capitale, Simon Risler prend le procureur en otage. Blessé au cours de son évasion, il parvient toutefois à se rendre au domicile de son avocate, Florence Nat. Un ami de celle-ci, Alain Rivière, accepte de « planquer » le fugitif. Pendant ce temps, Florence essaie de faire la lumière sur l’affaire qui a failli coûter la vie à son client. Comme par hasard, les témoins les plus précieux disparaissent les uns après les autres…
C’est la fin du règne d’Annie Girardot sur le cinéma français. Nous sommes en 1981 et Une robe noire pour un tueur sera l’un de ses derniers « succès » personnels au box-office après vingt ans où la comédienne ne cessait d’enchaîner les triomphes depuis Rocco et ses frères de Luchino Visconti. D’ailleurs, Cause toujours, tu m’intéresses d’Édouard Molinaro n’avait guère brillé deux ans auparavant avec 685.000 entrées. Une robe noire pour un tueur fera encore moins en cette année où cartonnent Les Aventuriers de l’arche perdue, Le Professionnel, Pour la peau d’un flic, Diva…les comédies ont la cote aussi avec La Chèvre (qui se placera sur la première place du podium), Le Maître d’école, La Soupe aux choux, Viens chez moi, j’habite chez une copine, Tais-toi quand tu parles, Les Hommes préfèrent les grosses…les goûts changent, comme les époques….C’est un revers pour José Giovanni dont Les Égouts du paradis avait encore attiré plus de 850.000 spectateurs en 1979, même si Comme un boomerang avait déçu, surtout pour un gros film porté par Alain Delon. S’il se refera avec Le Ruffian deux ans plus tard, le réalisateur, auteur, scénariste (et ancien repris de justice, par ailleurs condamné à mort, avant d’être finalement gracié) signe avec Une robe noire pour un tueur l’un des derniers opus et représentants d’un genre, avant que le polar hexagonal mute et laisse place aux thrillers d’action inspirés de ceux provenant d’outre-Atlantique, ce qui causera aussi la perte de Bebel et Delon peu de temps après également. Ce drame judiciaire patine beaucoup et le scénario peine à maintenir un intérêt du début à la fin, l’ensemble reposant essentiellement sur un casting quatre étoiles et qui à lui seul vaut largement le déplacement.
Avocate farouchement opposée à la peine de mort Florence Nat n’a pu obtenir la grâce d’un de ses clients, Simon Risler. Celui, au moment de l’exécution, prend le procureur en otage et s’évade. Blessé, il se réfugie chez l’avocate, qui le fait soigner par Alain Rivière, ex-chirurgien déchu par suite d’alcoolisme. Celui-ci, qui fut autrefois l’amant de Florence Nat et qui entretient toujours avec elle des relations de tendre amitié, accepte même de cacher Risler dans la grande ferme, au sud de la région parisienne, où il se consacre désormais à la réinsertion de jeunes drogués. Risler lui raconte qu’il fut condamné, en compagnie de son frère François (celui-ci par contumace) pour avoir tué un policier, Maréchal, et blessé un autre, Reynolds. Mais il clame avoir agi en état de légitime défense dans la mesure où les deux victimes étaient des » ripoux » qui, après s’être associés aux deux frères dans un trafic fructueux, ont ensuite voulu les supprimer. Cette vérité, bien entendu niée par Reynolds, un certain Pradès semble en détenir les preuves. Mais au moment où il s’apprête à en faire part à Florence Nat il est abattu devant elle, en pleine rue. Cette vérité. Lucien Lebesque. de l’IGS (la police des polices), cherche lui aussi à l’établir, puis à en préserver le secret, car sont impliquées des personnalités haut placées. François Risler, arrêté entre-temps à Barcelone, est extradé. Florence Nat ayant renoncé à lui faire passer l’arme confiée par Simon, celui-ci le fait s’évader.
Chez José Giovanni, tout le monde est pourri, d’ailleurs c’est le monde lui-même qui l’est. Reste à savoir comment composer avec ça, quel(s) moyen(s) s’offre(nt) à nous pour s’en sortir, pour survivre. Dans Une robe noire pour un tueur, un scandale impliquant des politiques et des industriels pourrait éclater, cela se sait et donc forcément certains doivent porter le chapeau. C’est le cas de Simon, qui fera tout pour prouver son innocence et révéler qui sont les coupables. Entre temps, le cinéaste dresse le portrait d’une femme forte, engagée, passionnée, forcément un rôle sur mesure pour Annie Girardot, qui sortait du génial d’On a volé la cuisse de Jupiter de Philippe de Broca et dont la carrière allait alors connaître un sévère ralentissement, pour ne jamais redécoller jusqu’au César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Les Misérables en 1996. Elle est impeccable, même si l’on sent l’actrice un peu en roues libres par moments, comme si elle était arrivée au bout d’un numéro, qu’elle avait du mal à se débarrasser de certains tics. Elle est entourée d’une ribambelle de magnifiques confrères, Claude Brasseur (la même année que l’étonnant Une affaire d’hommes de Nicolas Ribowski), l’imposant Bruno Cremer, l’excellent Jacques Perrin, sans compter les éternels et fameux seconds rôles, Catherine Allégret, François Perrot, Jean Luisi, ainsi que les jeunes Richard Anconina (révélé dans Le Bar du téléphone de Claude Barrois) et Arielle Dombasle (plus convaincante que dans Perceval le Gallois d’Éric Rohmer). Les plus physionomistes reconnaîtront aussi deux « Sous-doués » avec la participation de Mathieu Schiffman et Patrick Laurent.
Du point de vue mise en scène, José Giovanni assure le minimum syndical et cet aspect quelque peu téléfilm, pour ne pas dire pantouflard est compensé par les beaux numéros, le talent et le charisme de sa distribution. Robe noire pour un tueur n’a pas et n’aura jamais le prestige, ainsi que la reconnaissance de Dernier domicile connu, La Scoumoune et Deux hommes dans la ville, mais reste une curiosité pour les fans de l’univers de José Giovanni, d’autant plus que le film était devenu rare, pour ne pas dire quasiment invisible.
LE BLU-RAY
À peine avons-nous disséqué les éditions 4K UHD de Classe tous risques et L’Homme de Rio, que Coin de Mire Cinéma nous confiait les quatre titres provenant de sa dernière vague, Une robe noire pour un tueur (1981) de José Giovanni, Les Amants de Brasmort (1951) de Marcello Pagliero, Retour de manivelle (1957) de Denys de La Patellière et Sois belle et tais-toi (1958) de Marc Allégret. Quatre nouveaux opus qui viennent rejoindre cette merveilleuse anthologie, qui a dû muter en raison des conditions du marché contemporain. Exit donc les sublimes Mediabooks, l’éditeur fournit désormais essentiellement des éditions dites classiques, en DVD et Blu-ray. Le disque HD d’Une robe noire pour un tueur repose dans un boîtier de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné aux couleurs habituelles de la collection. Menu principal fixe et musical.
Certes, l’emballage n’est plus le même…mais le contenu demeure en revanche identique, en ce qui concerne « La Séance ». Nous sommes en 1981 et les cinémas ne diffusent plus les actualités avant le film. Mais bien sûr, les réclames demeurent (comme aujourd’hui) et mettent cette fois en valeur les glaces Miko, les caramels Dupont d’Isigny, les gâteaux Bahlsen, les chaussures Eram et promettent également à la gent féminine de se débarrasser de la cellulite au moyen d’un laser (rendez-vous pour cela au 48 rue des Carmes à Orléans). Prenez ensuite le « train Nescafé » et fredonnez tout le reste de la journée le thème de La Colegiala par Rodolfo y su tipica. Après, Robert Castel nous vend la Fiat Ritmo Diesel (à seulement 37.950 francs), Serge Gainsbourg ne dit rien mais apparaît dans un ensemble Bayard (« Ça vous change une homme ») et Annie Girardot essaye de nous convaincre que son linge a changé depuis qu’elle utilise Woolite. N’oubliez pas aussi qu’avec la RATP, t’as le ticket chic, t’as le ticket choc ! (7’).
Nous trouvons aussi une présentation d’Une robe noire pour un tueur par Julien Comelli (11’30). Comme nous l’indiquions sur la chronique du 4K de Classe tous risques et sur d’autres titres de la collection, le journaliste est visiblement passionné par le travail et la figure de José Giovanni. L’intervenant replace le film qui nous intéresse aujourd’hui dans la carrière de son auteur, « à un moment charnière du cinéma français, ainsi que pour Annie Girardot ». On apprend que José Giovanni a signé un épisode de la série Le Renard – Der Alte en 1977 et qu’il cherchait alors à faire un long-métrage « plus léger dans sa structure, par rapport à son précédent, Les Égouts du paradis ». Les thèmes d’Une robe noire pour un tueur sont passés en revue (l’injustice, la rédemption), ainsi que la participation de véritables jeunes délinquants pour les scènes avec Bruno Cremer, tout en indiquant que « le polar français arrivait à la fin d’une ère, qu’il allait ensuite décliner et que le film de José Giovanni apparaît finalement comme étant le dernier maillon d’une chaîne », qui allait également coïncider avec la fin de l’âge d’or de la carrière d’Annie Girardot, alors l’actrice préférée des français.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Ce master HD permet enfin de (re)découvrir Une robe noire pour un tueur (inédit dans les bacs depuis sa sortie en VHS !) dans de bonnes conditions techniques. L’image est propre (restauration 4K tout de même, même si des rayures restent visibles), mais point de miracle concernant la photo de Jean-Paul Schwartz (Le Cavaleur, On a volé la cuisse de Jupiter, Une affaire d’hommes) qui demeure parfois peu avenante en Blu-ray (1080p). Il n’y a pas à dire, certains papiers peints des années 1970-80 restent affreux en Haute Définition et les couleurs hétérogènes passent mal le cap du petit écran. La stabilité est de mise grâce à un codec AVC de bon aloi, la clarté est très agréable, les contrastes ont visiblement été revus à la hausse. Il en est de même pour le piqué, inédit et ciselé aux moments opportuns, le grain est relativement bien géré et la texture plutôt agréable. Notons tout de même que les séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette élévation HD.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition d’Olivier Dassault perce légèrement les tympans, mais rien de bien méchant, son nouvel écrin phonique est finalement agréable. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.