
QUAND LE CLAIRON SONNERA (The Last Command) réalisé par Frank Lloyd, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 13 février 2025 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Sterling Hayden, Anna Maria Alberghetti, Richard Carlson, Arthur Hunnicutt, Ernest Borgnine, J. Carrol Naish, Ben Cooper, John Russell…
Scénario : Warren Duff, d’après une histoire originale de Sy Bartlett
Photographie : Jack A. Marta
Musique : Max Steiner
Durée : 1h45
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
1836. Guerre d’indépendance du Texas. Le pionnier Jim Bowie, citoyen mexicain, plaide en faveur des rebelles auprès des autorités mexicaines. Devant l’arrogance du Général Santa Anna, qui dirige le Mexique, Bowie se range du côté des rebelles texans. Ceux-ci lui demandent de les mener jusqu’à Alamo, face aux forces supérieures en nombre de Santa Anna.

Moui…pour une fois, nous aurons peu de choses à dire sur Quand le clairon sonnera – The Last Command, western réalisé par Frank Lloyd (1886-1960) et sorti sur les écrans américains en 1955. Cinéaste aujourd’hui complètement oublié des amateurs de septième art, Frank Lloyd était avant tout comédien à l’époque du muet, avant de devenir scénariste, producteur, puis metteur en scène. Particulièrement prolifique avec près de 150 films, courts et longs-métrages confondus, Frank Lloyd devait terminer sa longue carrière en 1955 avec Quand le clairon sonnera. L’auteur de Howard le révolté – The Howards of Virginia (1940) avec Cary Grant et surtout des Révoltés du Bounty – Mutiny on the Bounty (1935), porté par Charles Laughton et Clark Gable, signe une honnête vision du légendaire siège de Fort Alamo, en se focalisant sur la figure historique de James Bowie, pionnier et soldat américain, un des grands acteurs de la révolution texane. Déjà incarné au cinéma par Alan Ladd dans La Maîtresse de fer – The Iron Mistress (1952), emballé par le même Gordon Douglas, et par Stuart Randall dans Le Déserteur de Fort Alamo – The Man from the Alamo (1953) de Budd Boetticher, Jim Bowie est ici interprété par Sterling Hayden, alors au top de sa popularité, tournant parfois jusqu’à six films par an. S’il ressemble à James Bowie de façon troublante, on ne peut pas dire que le comédien soit convaincant. Rigide, froid, comme s’il était ailleurs, sans doute ralenti par l’alcool, Sterling Hayden traverse l’histoire avec la même expression figée, en prenant la pose. Heureusement, il est très bien entouré et la mise en scène est suffisamment dynamique pour emmener le spectateur jusqu’à l’assaut final, qui vaut sacrément le détour.


En 1836, Jim Bowie découvre des différends entre le gouvernement mexicain et les immigrants américains qui se sont installés au Texas. Des dizaines d’Américains, dont Stephen F. Austin, ont été arrêtés pour avoir soi-disant déclenché des rébellions contre le gouverneur mexicain Juan Almonte et les garnisons mexicaines à travers le Texas. Bowie assiste à une réunion des mécontents texans, écoute leurs arguments mais les exhorte au calme et à la patience. Plusieurs Texans critiquent Bowie en lui disant qu’il n’est pas seulement un grand propriétaire terrien, mais qu’il est marié à la fille d’un lieutenant-gouverneur mexicain. Lorsqu’il est accusé d’être déloyal envers les colons américains, Bowie, qui n’a utilisé son influence que récemment pour faire libérer William Travis, s’en va. Après son départ, Mike « the Bull » Radin, un Texan à la tête brûlée, défie Bowie dans un combat au couteau. Bowie gagne le combat et le respect de Mike. De retour chez lui, Bowie est arrêté par des soldats mexicains et amené au général Santa Anna, les deux hommes se connaissant très bien et étant même amis. Bowie relate les préoccupations des Texans. Il conseille à Santa Anna de libérer les prisonniers politiques arrêtés et de ramener le Mexique aux termes de la Constitution mexicaine de 1824. Les deux hommes constatent leur désaccord, mais Santa Anna informe Bowie de la véritable raison pour laquelle ses soldats le lui ont amené : la femme et les enfants de Bowie sont morts d’une épidémie de choléra.


Bowie devient un gros buveur (cela n’a pas dû être difficile à jouer pour Hayden) et un vagabond. Il finit par se ranger du côté des Texans lorsqu’il rencontre Stephen Austin qui lui dit que le pacifisme n’est plus une option. Après avoir mené une bande de combattants à cheval lors de la victoire contre les dragons mexicains lors de la bataille de Grass Fight, lui et ses hommes arrivent de Bexar à San Antonio où il reste avec ses hommes. Les esprits s’échauffent entre Travis et Bowie, tous deux colonels de l’armée du Texas. Mike suggère à la garnison d’Alamo de voter pour leur commandant, Bowie gagnant et Travis devenant son commandant en second. Le commandement s’attend à des renforts qui n’arrivent jamais. Lorsque le colonel Davy Crockett arrive, au lieu de ses 1000 hommes annoncés, Crockett n’a que 29 combattants. Santa Anna assiège alors Alamo avec son armée.


Et c’est enfin là, au bout d’une heure donc, que cela devient réellement intéressant. Car soyons honnêtes, avant Quand le clairon sonnera croule sous les dialogues peu inspirés et déclamés mollement. Sterling Hayden, un an après Johnny Guitare de Nicholas Ray (qu’il détestait d’ailleurs et auquel – de son propre aveu – il ne comprenait rien), surfe son succès précédent, avec le minimum syndical. Il faut croire que c’est ce visage de cire que recherchait Stanley Kubrick, qui allait l’engager pour tenir le haut de l’affiche de L’Ultime Razzia – The Killing de Stanley Kubrick. On notera la participation d’Ernest Borgnine, qui trouve un rôle très similaire à celui qu’il jouera en 1967 dans Chuka le redoutable. Une scène sera reprise quasiment à l’identique dans ce dernier. Dans Quand le clairon sonnera Mike – Ernest Borgnine donc – Radin, souhaite se mesurer à la légende Jim Bowie, dans un duel au couteau, affrontement qui conduira les deux hommes à se respecter et à devenir amis. La même chose se produira dans Chuka de Gordon Douglas, au cours d’une mémorable séquence de baston à mains nues. Bel atout également que la présence d’Arthur Hunnicutt (Les Aventures du Capitaine Wyatt, La Captive aux yeux clairs, L’Homme de l’Arizona, El Dorado) dans le rôle de Davy Crockett, qui apporte une truculence, une légèreté bienvenue et qui relance même l’intérêt du film à son arrivée, bien que tardive.


Du point de vue formel, on dira que c’est bien fait, soigné, la production étant plus conséquente que d’habitude pour la Republic Pictures, Herbert J. Yates ayant mis le paquet pour couper l’herbe sous le pied d’un certain John Wayne, qui envisageait alors une adaptation de la bataille de Fort Alamo. Un désaccord allait conduire le Duke à mettre la clé sous la porte de la société et réalisera sa propre version de l’événement six ans plus tard. Mais pour l’heure, Quand le clairon sonnera saura sensibiliser le public sur ce face-à-face avec Santa Anna, qui a une belle place dans le film de Frank Lloyd, le militaire et homme politique mexicain étant montré comme un homme à l’égal de Bowie, qui permet même aux femmes et aux enfants de quitter le fort en paix.


Rien de vraiment marquant donc dans The Last Command, à part une distribution secondaire intéressante, une mise en scène parfois inspirée (on dit que l’excellent William Witney aurait donné un coup de main derrière la caméra), une jolie photo en Trucolor signée Jack A. Marta (Cat Ballou, Duel, Les Conquérants de l’Or Noir, Les Tigres volants) et un dernier acte qui vaut quand même le détour.


LE BLU-RAY
Une première en France en DVD et en Blu-ray, pour Quand le clairon sonnera, disponible chez Sidonis Calysta. Les deux disques reposent dans un boîtier Amaray classique transparent, glissé dans un fourreau cartonné, illustré avec élégance par un visuel d’époque. Le menu principal est animé et musical. À noter la présence d’un livret rédigé par Jean-François Giré, qui revient sur le film de Frank Lloyd, ainsi que sur d’autres films se déroulant durant la bataille de Fort Alamo. Les conditions de production, le casting, la véritable histoire de cet affrontement et ses figures historiques, le casting, sont aussi les sujets abordés.

Jean-François Giré reprend peu ou prou les mêmes arguments lors de son intervention en vidéo (16’). L’expert du western indique d’emblée que « le film a été une vraie redécouverte, une vraie surprise », d’autant plus que Quand le clairon sonnera « avait un peu disparu de la circulation et qu’il avait été très rarement diffusé à la télévision ». L’histoire de la bataille de Fort Alamo est cette fois encore disséquée, abordée avec passion. Jean-François Giré parle ensuite des autres films inspirés de cette histoire et ce dès l’époque du muet. Le personnage de Jim Bowie, les partis-pris, la carrière de Frank Lloyd sont également analysés.


Patrick Brion est également de la partie (13’30). Si nous avons cette fois encore un peu de mal à comprendre l’historien du cinéma du fait de son bel âge qui entraîne des problèmes d’élocution, nous apprenons plus de choses ici sur Quand le clairon sonnera que dans la précédente intervention. La carrière de Frank Lloyd, les autres films consacrés à Fort Alamo, le projet momentanément avorté de John Wayne sur ce sujet, les conditions de tournage, le casting sont ensuite les points abordés. Puis, l’historien du cinéma met en avant les qualités de Quand le clairon sonnera, « où l’on est très ému à la fin, on est frappé par la beauté du film, qui mérite d’être réévalué ».

Le dernier supplément, uniquement placé sur le Blu-ray, est une rencontre étonnante avec Sterling Hayden (37’). Filmée en août 1981 sur la péniche du comédien stationnée à…Besançon, cette interview rend compte de l’esprit embrumé par l’alcool du comédien. Il est souvent difficile de capter ce que Sterling Hayden souhaite dire. On comprend tout de même qu’il déteste Johnny Guitar, évoque la dépression et la bibine (qui vont souvent de pair selon lui), lit quelques extraits des livres dont il est l’auteur, évoque une occasion manquée de travailler avec Alan J. Pakula (toujours à cause de ses démons) et d’autres sujets abscons, comme un ersatz de Charles Bukowski.





L’Image et le son
Des rayures verticales, des poussières et même des raccords de montage subsistent. Néanmoins, ce master HD possède certaines qualités, à savoir une belle gestion des contrastes, une élégante patine argentique, une stabilité jamais prise en défaut et une palette chromatique soignée. La profondeur de champ déçoit légèrement, mais l’action se déroulant principalement en intérieur, cela reste relatif.

L’éditeur nous propose ici les versions originale et française. Les mixages s’avèrent propres, dynamiques, et restituent solidement les voix, fluides, sans souffle. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas avec d’impressionnantes envolées musicales sur la piste anglaise.


Crédits images : © Sidonis Calysta / Republic Pictures / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr