Test Blu-ray / Prêtres interdits, réalisé par Denys de La Patellière

PRÊTRES INTERDITS réalisé par Denys de La Patellière, disponible en DVD et Blu-ray le 29 septembre 2023 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Robert Hossein, Claude Jade, Claude Pieplu, Louis Seigner, Pierre Mondy, Germaine Delbat, Yves Barsacq, Georges Audoubert…

Scénario : Jean-Claude Barreau & Denys de La Patellière

Photographie : Henri Raichi

Musique : Antonio Vivaldi & Jean-Michel Defaye

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

En cet été 1936, l’abbé Rastaud, curé de campagne, rencontre Françoise, une jeune fille de la bourgeoisie catholique qui le poursuit de ses avances. Attiré, puis amoureux, il s’abandonne à cette histoire d’amour et lui fait un enfant…

Les Aristocrates (1955), Les Grandes familles (1958), Rue des prairies (1959), Un taxi pour Tobrouk (1960), Le Tonnerre de Dieu (1964), Du rififi à Paname (1965), Le Tatoué (1968)…autant d’oeuvres à succès (pour ne pas dire triomphales), mais dont leur réalisateur Denis Dubois de La Patellière aka Denys de La Patellière (1921-2013) demeure finalement obscur ou méconnu du public. Après son passable et lénifiant Le Tueur (1972), sa sixième et dernière collaboration avec Jean Gabin, le cinéaste devait tirer sa révérence avec Prêtres interdits, avec lequel Denys de La Patellière allait connaître l’un de ses pires scores au box-office avec à peine 350.000 entrées. Pourtant, ce drame mérite qu’on s’y attarde, d’une part pour son casting, brillant et magnétique, porté par la puissance du couple formé par Robert Hossein et Claude Jade, mais aussi pour son sujet controversé, puisque le film évoque le célibat des prêtres. Sur un scénario original coécrit avec François Boyer (Le Petit bougnat, Week-End à Zuydcoote, Un singe en hiver, Des gens sans importance) et l’essayiste Jean-Claude Barreau, le metteur en scène livre une réflexion délicate sur cette question épineuse, aussi controversée qu’éternelle, en y ajoutant une belle part de romanesque, ainsi que de nombreux éléments tirés de l’existence de Jean-Claude Barreau, qui avait abandonné la prêtrise car en désaccord avec les déclarations du pape Paul VI sur le mariage des prêtres et la question de la contraception.

Un jour de 1936 – Un petit accident de bicyclette: l’abbé Jean Rastaud soigne une jeune Parisienne, Françoise, fille de bonne famille. Ils se revoient et se lient bientôt d’amitié. Et, malgré les mises en garde, leur amitié se transforme au grand jour en un amour réciproque. C’est le début d’un amour exceptionnel contre toutes les hypocrisies. Malgré l’intervention de son ami, l’abbé Ancely, Rastaud ne résiste pas à l’inclination qu’il éprouve. Son évêque lui intime l’ordre de ne jamais plus revoir la jeune femme, qui est enceinte, sous peine d’être frappé d’interdiction. Le prêtre, qui ne veut pas commettre de lâcheté, passe outre. La jeune fille, de son côté, est décidée à obéir, du moins jusqu’à sa majorité, aux ordres de sa famille, très bourgeoisement catholique. Rastaud monte un commerce de vins. Trois ans s’écoulent. Françoise, majeure, reprend son enfant élevé à l’Assistance…

« Il n’y a pas de raison que les prêtres ne soient pas touchés par l’amour. ».

Il y a une colère omniprésente qui circule dans les veines de Prêtres interdits, dont le récit se déroule durant le climat révolutionnaire qui amène le Front Populaire au pouvoir. Denys de La Patellière met en relief les conflits entre conscience et obéissance aux hiérarchies, tant communistes qu’ecclésiastiques. C’est dans cette atmosphère que l’abbé Jean Rastaud (Robert Hossein, probablement dans un de ses plus beaux rôles), homme encore jeune (qui fait de la moto et joue au basket) et Françoise (la merveilleuse Claude Jade), vont tomber amoureux, jouir, s’épanouir, jusqu’à ce qu’ils soient très vite rattrapés par la condition du premier. Dès son premier long-métrage, Les Aristocrates, ce qui a toujours frappé dans le cinéma de Denys de La Patellière est la qualité et la modernité des dialogues, souvent implacables dans les conflits qui opposent ses personnages. Prêtres interdits ne déroge pas à la règle et certaines répliques demeurent incroyables, très fortes, inattendues même, à mesure que le récit avance et s’assombrit, surtout mis dans la bouche de l’immense Claude Piéplu (il est partout à cette époque, chez Chabrol, Buñuel, Berri, Oury, Grangier, Zidi, Costa-Gavras…), qui comme bien souvent vole la vedette à chaque apparition. Mention spéciale aussi à Pierre Mondy (la même année que Mais où est donc passée la septième compagnie ?), impeccable en teigneux au grand coeur du Front Populaire et à Louis Seigner, imposant et même terrifiant en évêque qui règne sur son petit monde.

Contrairement à ce que certains pourraient penser, Prêtres interdits n’a absolument rien de poussiéreux. Ce dernier opus pour le cinéma de Denys de La Patellière, avant que celui-ci se tourne vers la télévision, reste franchement contemporain grâce au jeu des merveilleux comédiens, et de son sujet. Joliment photographié par le chef opérateur Henri Raichi (Zazie dans le métro), ancien cadreur d’Henri Decoin, Robert Bresson et de Jean Cocteau, qui rend compte du changement des saisons et du temps qui passe, Prêtres interdits est un mélodrame très attachant, émouvant, marqué par la sensualité de ses deux têtes d’affiche et dont le tourment est joliment souligné par un air de Vivaldi.

LE BLU-RAY

L’éditeur Coin de Mire Cinéma, dont nous avons été les premiers à promouvoir les titres depuis ses débuts, a récemment été obligé de revoir sa copie en raison de la situation du marché et de l’inflation (le coût du papier entre autres). La Vierge du Rhin et Le Drapeau noir flotte sur la marmite avaient donc été édités en juin 2023 en DVD et Blu-ray en format dit traditionnel. Même chose pour la dernière vague en date, constituée de Dans l’eau… qui fait des bulles ! (1961) de Maurice Delbez, Prêtres interdits (1973) de Denys de La Patellière et L’Étoile du Nord (1981) de Pierre Granier-Deferre. L’édition HD de Prêtres interdits se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. Les caractéristiques de la jaquette restent les mêmes, ainsi que le menu, fixe et musical.

Si « l’emballage » a changé, le principe de La Séance demeure inchangé ! Pour en savoir plus, nous vous renvoyons à toutes nos chroniques consacrées au catalogue Coin de Mire Cinéma. Nous lançons le programme avec les actualités de la 47è semaine de l’année 1973 (11’). Vous saurez tout sur le prix Goncourt attribué au roman L’Ogre de Jacques Chessex, l’occasion de s’entretenir avec l’écrivain Hervé Bazin (Vipère au poing, La Tête contre les murs, Lève-toi et marche), qui venait d’être nommé président de l’Académie Goncourt et qui le restera d’ailleurs jusqu’à son décès en 1996. La suite des infos se concentre sur le Club 90, supposé approfondir les réflexes des jeunes automobilistes, tandis qu’à Londres on célèbre le mariage de la princesse Anne d’Angleterre avec le lieutenant Mark Philips.

Les réclames publicitaires s’enchaînent et mettent en avant les gourmandises Bahlsen, les glaces Miko, les rasoirs Bic, le savon Déodoril, les cigarettes Royale (attention, superproduction à la Master and Commander), les assiettes Corelle (avec une jeune actrice du nom de Marie-Anne Chazel), tandis qu’un certain Gérard Jugnot achète une Renault d’occasion (9’30).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Prêtres interdits a été restauré en 4K à partir du négatif original par VDM en 2022. Autant dire que nus n’attendions pas un traitement aussi princier pour le film de Denys de La Patellière, qui était encore inédit en DVD et Blu-ray. Difficile de faire mieux. Ce Blu-ray permet aux spectateurs de (re)découvrir totalement Prêtres interdits. La définition est exemplaire avec des contrastes denses, des noirs profonds, des blancs lumineux et un grain original heureusement préservé. La clarté est de mise, le piqué aussi tranchant qu’inédit et les détails étonnent par leur précision. Toutefois, en raison des partis pris esthétiques, quelques flous sporadiques sont à noter, des séquences paraissent plus douces et les arrière-plans peuvent paraître moins précis. Mais cela reste anecdotique.

Si quelques saturations et chuintements demeurent, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont clairs, sans souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

10 réflexions sur « Test Blu-ray / Prêtres interdits, réalisé par Denys de La Patellière »

  1. Enfin un commentaire à la hauteur sur ce film, qui n’a cessé d’être dénigré.
    Oui, l’argumentaire du film est vibrant, les répliques percutantes et le duo Hossein-Jade profondément juste.
    La musique de Vivaldi qui ouvre le générique est un hymne à la vie et c’est elle qui prédomine, dans le cœur des protagonistes, mais non dans l’organisation des terriens : à l’appel des Évangiles et de leur pasteur, Le Christ, il n’est répondu que par la mort de Françoise, celle de Jean et, répète deux fois, le  » n’attendre plus rien de l’espérance « .
    La guerre et la haine  » des communistes, des Juifs et des Francs-maçons « , le mépris du cardinal Salièges par des Autorités ecclésiastiques frappées de cécité, tout montre que les hommes n’ont pas fait de l’amour de la vie, si bien exprimée par « le prêtre roux  » Antonio Vivaldi, le centre de leurs combats.
    Le film -testament de Denys de la Patellière, passé presqu’inaperçu, est un legs sur cet amour de la vie qui aurait dû figurer au cœur de nos préoccupations.

    1. Bonjour et merci infiniment Tibi Alice pour votre commentaire 🙂
      En effet, nous avons été très touché aussi par ce film dit que l’on peut qualifier de testamentaire d’un très grand réalisateur !
      Excellente journée 🙂

  2. 1. Où peut-on relire ses propres commentaires ?
    2. Impossible de savoir DE QUELLE OEUVRE DE VIVALDI la bande-son du film  » Prêtres interdits  » est tirée.
    Jean-Michel Defaye a bien associé son patronyme à celui du ccompositeur vénitien, mais sans citer sa source !
    Pourriez-vous la retrouver ?
    MERCI

    1. (Rebonjour)
      Les commentaires sont envoyés à l’administrateur avant d’être validés, ceci afin d’éviter les débordements, injures, etc…
      En ce qui concerne votre question, nous allons voir ce qu’on peut faire et reviendrons vers vous si nous trouvons l’info !

  3. Bonjour

    Je n’ai pas encore reçu de réponse à mon commentaire.
    J’ai une certaine urgence, cependant, à recevoir une réponse à l’une de mes questions, que je me permets de réitérer :
    quelle est l’oeuvre de Vivaldi employée — a très juste titre– par JM Defaye ?
    Qui sont les interprètes ? Mes recherches n’ont pas abouti,  » le prêtre roux  » ayant composé plusieurs centaines de concertos.
    Merci de votre retour.

    Alice TIBI

  4. Je suis presque sûre, à présent, que la musique de ce film, dans son intégralité, y compris le sublime générique, est de Jean- Michel Defaye.
    Il serait essentiel de voir confirmer l’origine véritable de cette BOF : chacun loue Vivaldi, alors qu’il s’agit plutôt peut-être de ka virtuosité de Defaye, déjà célébré pour cela.
    SVP !
    Le film indique les éditions Hortensia pour la BOF : j’ai eté impuissante à les interroger, ne disposant pas d’ordinateur actuellement.
    Je vous serais donc très reconnaissante de bien vouloir poursuivre vos recherches,

    MERCI D’AVANCE.

    Alice TIBI

  5. PS : jecle permets une ultime remarque.
    La  » colère  » que vous notez très justement au parcours du film porte un nom : l’Anarchie.
    En effet, on saitvque D. de la Patellière adhérait sans le directeur idéaux anarchistes. Les dialogues, auxquels il a participé, le montrent, lais aussi le doigtvd’honneur de Francoise à vélo, au début, ce qui est curieux pour cette jeune bourgeoise ; le drapeau noir aux côtés du drapeau rouge à la fenêtre de la Mairie, fait également curieux ; et enfin l’ami du prêtre Jean Rastaud, issu de la » Fédération Anarchiste Ibérique « .

    Certaines paroles, comme, de la part du prêtre,  » tout dans ce que vous proposez est une trahison de sa parole « , id est la parole du Christ, ceci est une profession de foi anarchiste adressée à un évêque !

    C’est cette Anarchie quelque peu subliminale que je souhaitais mentionner ici.

  6. Mon dernier commentaire.

    Dans Corse-matin du 5 janvier 2021, Jean-Michel Defaye affirme :  » j’ai chose la musique de ‘ Prêtres interdits ‘ « .
    Voilà la preuve que le nom de Vivaldi est abusivement mis en tête de la BOF : JM Defaye en a bien été le virtuose, empruntant le chemin du  » prêtre roux  » avec un brio que personne n’a soupçonné être français.
    Deux thèmes principaux se distinguent, celui du générique, enlevé comme un gloria, et celui qui accompagne les amours du prêtre et de sa compagne, solennel. Vivaldi ici, comme en sourdine, apporte le son baroque qui convient à un récit radieux hors du commun, au moins pendant ́es trente premières minutes, et son âme dde prêtre parmi les hommes.

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