Test Blu-ray / Mort suspecte d’une mineure, réalisé par Sergio Martino

MORT SUSPECTE D’UNE MINEURE (Morte sospetta di una minorenne) réalisé par Sergio Martino, disponible en Blu-ray – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Claudio Cassinelli, Mel Ferrer, Lia Tanzi, Gianfranco Barra, Patrizia Castaldi, Adolfo Caruso, Jenny Tamburi, Massimo Girotti…

Scénario : Sergio Martino & Ernesto Gastaldi

Photographie : Giancarlo Ferrando

Musique : Luciano Michelini

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Milan, années 1970 – Le commissaire Paolo Germi recherche une adolescente qu’il pense mêlée à un trafic de prostitution. Hélas, celle-ci est sauvagement assassinée avant qu’il ne puisse obtenir des informations. Afin de poursuivre son enquête, Germi s’associe avec un voleur à la tire, seul moyen de remonter la filière. Le duo improbable devra alors affronter bien des épreuves, et notamment un tueur implacable, pour mener à bien sa mission.

L’Étrange Vice de madame Wardh, La Queue du scorpion, Toutes les couleurs du vice, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, Rue de la violence, Torso, La Montagne du dieu cannibale, Le Continent des hommes-poissons, Le Grand Alligator, 2019 après la chute de New York, Atomic Cyborg…le dénominateur commun est bien sûr Sergio Martino (né en 1938). L’un des plus grands représentants du cinéma Bis transalpin aura touché à tous les genres alors vogue, du western au film de science-fiction, en passant par le giallo, la comédie érotique, l’épouvante et le poliziottesco. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est Mort suspecte d’une mineureMorte sospetta di une minorenne, connu en France sous le titre À en crever, formidable polar hybride, dans le sens où le réalisateur s’amuse à inclure de l’humour inattendu, voire burlesque et même cartoonesque à plusieurs reprises, sans doute pour faire comprendre aux spectateurs que tout ceci n’est pas à prendre au sérieux. Pourtant, le sujet abordé, la prostitution adolescente, est traité avec suffisamment d’ambition pour que l’on suive cette intrigue avec un réel intérêt, Sergio Martino proposant alors diverses soupapes humoristiques pour détendre l’atmosphère. À ce titre, le personnage principal incarné par Claudio Cassinelli, est une vraie figure de flic qui possède ses propres méthodes, qui n’hésite pas à agir comme il le dit lui-même en « légitime attaque », avec un cynisme revigorant qui lui permet de tenir le coup et d’aller au bout de son enquête, mais aussi rendant ce Paolo Germi extrêmement attachant. Sur un rythme trépident et soutenu du début à la fin, les cascades et les poursuites s’enchaînent, les répliques sont délicieusement vachardes, l’émotion est présente, quelques belles demoiselles flattent les sens, Mort suspecte d’une mineure demeure un très grand spectacle et n’a pas pris une ride.

Paolo Germi est un flic pas comme les autres. Ses manières d’interroger les suspects sont parfois assez brutales, ses manières pas toujours très orthodoxes, mais en général il arrive à obtenir ce qu’il veut. Parce-que la fille qu’il avait dragué dans une guinguette vient de se faire assassiner, l’inspecteur Germi décide de tout mettre en oeuvre pour la venger. C’est ainsi qu’il découvre que non seulement la belle était mineure, mais qu’elle se livrait aussi régulièrement à la prostitution. De fâcheuses découvertes qui vont désormais mettre sa propre vie en danger…

Ce que l’on retient avant tout de Morte sospetta di una minorenne c’est le charisme et l’immense talent du comédien Claudio Cassinelli, né en 1938 et mort tragiquement dans un accident d’hélicoptère pendant le tournage d’Atomic Cyborg de Sergio Martino. Découvert à la fin des années 1960 dans La Chine est proche La Cina è vicina de Marco Bellocchio, il est très vite demandé par les cinéastes de renom comme Liliana Cavani, Damiano Damiani et même par les frères Taviani, avant de bifurquer vers le cinéma d’exploitation. Il deviendra l’un des acteurs fétiches de Sergio Martino, tournant avec lui une demi-douzaine de longs-métrages, Mort suspecte d’une mineure étant leur première collaboration. Avec sa tignasse fouillie, ses lunettes cassées (un gag récurrent très efficace), la silhouette dégingandée et conduisant une Citroën Dyane au moteur boosté et dont les portes peuvent se détacher pour se débarrasser de ses poursuivants, on se prend d’affection pour ce policier expéditif, ironique, qui agit seul habituellement, mais qui va s’associer cette fois à un voleur de petite envergure, Giannino (Adolfo Caruso, très bon), pour se rapprocher du “milieu”.

Si Mort suspecte d’une mineure est incontestablement un néo-polar, Sergio Martino et son coscénariste Ernesto Gastaldi (Le Cynique, l’infâme, le violent, La Mort caresse à minuit, Les Rendez-vous de Satan, Photos interdites d’une bourgeoise, Je suis vivant !) incorporent également quelques touches de giallo à leur récit avec la présence d’un tueur à l’arme blanche, le visage dissimulé derrière des lunettes de soleil aux verres réfléchissants. Le cinéaste prend tous ces ingrédients divers et variés, les mélange et ce qui aurait pu donner naissance à un gloubi-boulga indigeste chez un simple faiseur, devient un savoureux divertissement mené tambour battant, bourré d’imaginations (l’affrontement sur le grand huit, sur les toits et le final sur le train du tunnel duSimplon à la frontière Suisse) et au cadre souvent virtuose. Outre Claudio Cassinelli, on notera l’apparition de la magnifique Barbara Magnolfi (La Soeur d’Ursula, Suspiria), la participation de Mel Ferrer (entre L’Antéchrist d’Alberto De Martino et Le Corsaire noir de Sergio Sollima) et celle du génial Gianfranco Barra (Banana Joe, Pain et Chocolat, Avanti !) dans le rôle du flic désabusé par le manque de moyens destinés à lutter contre la criminalité, mais aussi à force de perdre au totocalcio, en se trompant systématiquement et perdant ses paris sur l’issue des matchs de football du championnat italien. Le salaud du film est quant à lui interprété par un monstre du cinéma transalpin, Massimo Girotti (Les Amants diaboliques de Luchino Visconti, Chronique d’un amour de Michelangelo Antonioni, Théorème de Pier Paolo Pasolini), suintant d’autosatisfaction et de suffisance.

Si le fidèle Giancarlo Ferrando fait toujours du bon boulot à la photographie, on retiendra la partition entêtante de Luciano Michelini, qui signe sans doute sa meilleure musique pour Sergio Martino. On a beau chercher, on ne trouve aucun point faible à signaler dans cette série B parfaite, dont certains pseudo-thrillers contemporains auraient bien besoin de s’inspirer, ne serait-ce qu’au niveau du montage (ici du grand Raimondo Crociani), percutant et surtout lisible, grâce auquel Mort suspecte d’une mineure a pu traverser sans ennui presque cinquante années et rester une référence.

LE BLU-RAY

C’est sans doute notre titre préféré sorti dernièrement chez Le Chat qui fume, Mort suspecte d’une mineure est désormais disponible en Blu-ray. Le disque repose bien sagement dans un Digipack à trois volets, élégamment illustré comme toujours par Frédéric Domont, dont le travail a plus que très largement participé à rendre les éditions du Chat qui fume incontournables. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.

Peu de bonus sur le papier, mais un supplément de taille, une interview indispensable de Sergio Martino (47’). Le réalisateur, âgé aujourd’hui de 84 ans (il en paraît 20 ans de moins) pose un regard franc et forcément nostalgique sur le cinéma transalpin des années 1970, dont 1975, “très fertile pour le septième art italien”. Ainsi, Sergio Martino évoque la genèse, le casting, le tournage et la sortie de Mort suspecte d’une mineure. “Un film qui a bien marché, mais pas autant que les précédents”, selon-lui en raison du changement de titre imposé par la Titanus, Milan Violente devenant ainsi Mort suspecte d’une mineure, jugé plus “sexy” et axé sur le côté thriller, alors que le cinéaste désirait attirer les spectateurs en leur promettant de l’action. Il passe aussi en revue la distribution (avec un gros plan sur son grand ami Claudio Cassinelli, disparu sur le tournage d’un de ses films), évoque sa collaboration avec le chef opérateur Giancarlo Ferrando, les conditions de prises de vue à Milan, des scènes de poursuite, les touches d’humour dans le récit. Vers la fin de cet entretien, Sergio Martino rend hommage à son épouse, disparue des suites du Covid-19, dont il dit être lui-même un rescapé, puis s’exprime sur la redécouverte de ses films, réhabilités grâce à l’engouement de Quentin Tarantino, mais aussi d’autres de ses confrères comme Guillermo Del Toto.

L’Image et le son

Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont beaux, le cadre fourmille de détails, le piqué demeure pointu. Le grain est très bien géré, l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Giancarlo Ferrando sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes, presque pastel Le charme opère, on est bluffé par la fraîcheur de l’ensemble, une vraie résurrection.

Seule la version originale est disponible. Les dialogues sont clairs et nets, jamais étouffés ou accompagnés d’un souffle. C’est nickel et certaines scènes sont même étonnamment vives à l’instar des différentes poursuites. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.

Crédits images : © Le Chat qui fume / RAI Films / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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