L’HÉRITIÈRE (The Heiress) réalisé par William Wyler, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 18 mai 2021 chez Elephant Films.
Acteurs : Olivia de Havilland, Montgomery Clift, Ralph Richardson, Miriam Hopkins, Vanessa Brown, Betty Linley, Ray Collins, Mona Freeman…
Scénario : Ruth Goetz & Augustus Goetz,, d’après leur pièce de théâtre et le roman Washington Square de Henry James
Photographie : Leo Tover
Musique : Aaron Copland
Durée : 1h55
Année de sortie : 1949
LE FILM
William Wyler (1902-1981), un des plus grands réalisateurs du vingtième siècle, signe une fois de plus un film splendide récompensé par quatre Oscars en 1950 : Meilleure actrice, meilleurs costumes pour Edith Head et Gile Steele, meilleure musique pour Aaron Copland et meilleure direction artistique. Inspiré par la pièce d’Augustus et Ruth Goetz, elle-même adaptée du roman Washington Square, d’Henry James, L’Héritière est un film d’une cruauté verbale saisissante. Avec virtuosité, Olivia de Havilland (enlaidie pour le rôle) incarne Catherine Sloper, qui vit dans une riche demeure de Washington Square, le « beau quartier » de New York, en compagnie de son père, Austin Sloper, veuf, richissime et tyrannique. Celui-ci ne cesse d’humilier sa fille, la comparant sans cesse à sa brillante et séduisante épouse décédée. La jeune fille, effacée, naïve, timide et sans attraits, fait la rencontre du séduisant Morris Townsend au cours d’un bal. Le jeune homme lui fait aussitôt une cour empressée. Devenant un habitué de la maison des Sloper, il demande la main de Catherine à son père. Mais celui-ci ne tarde pas à l’accuser d’être un coureur de dot et refuse de donner suite à sa demande. Catherine persévère cependant dans ses espoirs d’un mariage d’amour. Son père lui explique qu’étant donné son manque de charme et d’intelligence, seul l’argent peut intéresser Morris Townsend. La suite des événements, dramatiques pour Catherine, semble lui donner raison. Elle va perdre son innocence, ses certitudes et ses repères. Une lente mais palpable transformation s’opère jusqu’à la dernière séquence. Doucement, Catherine calque son caractère sur celui qui l’a élevé et devient froide, dure et implacable. Ses proches (sa tante, sa domestique) ont du mal à la reconnaître et ne peuvent imaginer que cette personne impitoyable puisse être la même qu’ils ont alors connue. L’Héritière est un mélodrame sensationnel, pessimiste, élégant et cruel doublé d’un portrait de jeune femme poignant qui foudroie le cinéphile par la richesse de sa réalisation et de son interprétation. Extraordinaire directeur d’acteurs, le cinéaste obtient de ses comédiens (Olivia de Havilland, Montgomery Clift en tête) un jeu transcendant qui bouleverse le spectateur.
Pour L’Héritière, Olivia de Havilland obtient le deuxième Oscar de sa carrière ainsi que le Golden Globe. C’est elle qui avait pris l’initiative de contacter William Wyler pour lui suggérer la transposition d’une pièce de théâtre qui triomphait alors à Broadway. L’actrice, déjà lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice pour A chacun son destin, désirait se tourner vers des personnages plus complexes, quitte à s’éloigner de l’image glamour qui lui collait à la peau. William Wyler, encouragé par son actrice à aller voir la pièce de théâtre, décide aussitôt de s’atteler à son adaptation cinématographique. Le cinéaste prouve sa dextérité à diriger les plus illustres comédiens et sa mise en scène d’une ahurissante minutie souligne chaque réplique, capte le moindre regard des comédiens. Bénéficiant du final cut et d’une totale liberté au sein de l’industrie hollywoodienne suite à ses nombreux succès, William Wyler, décide également de l’ensemble de son équipe technique et du casting. Avec l’aide de son chef opérateur Leo Tover (Étranges compagnons de lit, Uniformes et jupon court, L’Enigme du Lac Noir, En marge de l’enquête), il expérimente sur la forme, via les hauteurs de plafond, la profondeur de champ, les plans-séquences et use des verticales angoissantes des décors en multipliant les métaphores de la prison dorée qui retient Catherine. Au final, William Wyler tourne très peu de séquences en extérieur pour mieux faire ressentir aux spectateurs l’atmosphère pesante dans laquelle vivent les protagonistes.
La fluidité de sa mise en scène n’a d’égale que son élégance et son attachement aux détails, même le plus infime. Constamment à la recherche de nouvelles formes narratives, William Wyler soigne chacun de ses cadres et met le spectateur à contribution en le laissant promener son regard sur un plan fixe, le laissant ainsi construire son propre film. Le décor est comme nous l’avons vu un élément indissociable de la dramaturgie du réalisateur. On ne compte plus les verticales étouffantes isolant un peu plus Catherine dans sa tanière aux pièces étriquées, des motifs du canapé jusqu’aux boiseries, le cinéaste germano-alsacien usant des barreaux comme son compatriote Douglas Sirk usait des miroirs dans ses longs métrages. L’Héritière, c’est aussi l’occasion de revoir Montgomery Clift, impressionnant d’ambiguïté, tout juste sorti de La Rivière rouge d’Howard Hawks et qui trouve ici l’un de ses premiers rôles. Le couple qu’il forme avec Olivia de Havilland est aussi magique qu’improbable et demeure le pivot du film. Ses sentiments envers Catherine sont-ils sincères ou dissimulent-ils un intérêt ambitieux ? Jamais, le spectateur ne saura quelles sont les véritables intentions du personnage même si son arrivisme semble indéniable. Néanmoins, par le jeu du comédien, l’audience se prend d’une empathie non feinte pour l’obscur et pourtant largement condamnable Morris, et ce jusqu’à la toute dernière image du film. A leurs côtés, Ralph Richardson (immense acteur shakespearien) et Miriam Hopkins livrent une prestation tout aussi spectaculaire. Dès ses premières scènes, le docteur Sloper apparaît distant et glacial avec sa fille, la regardant à peine le matin au réveil et ne lui adressant la parole que pour la critiquer ou la comparer avec sa défunte mère. Il est clair dès le départ que le père n’aime pas Catherine et le lui fait bien comprendre. Afin de souligner discrètement le ressenti de chacun, William Wyler s’offre les services d’Aaron Copland, un des compositeurs symphoniques les plus prestigieux. Peu habitué aux bandes-originales, il ne laisse pas passer l’occasion de travailler avec William Wyler qu’il respecte beaucoup. N’envahissant jamais les séquences les plus fortes du film, sa partition accompagne sobrement l’action et s’éloigne des conventions du genre.
A sa sortie, L’Héritière est un semi échec pour William Wyler et rentabilise tout juste son budget (énorme à l’époque) de deux millions de dollars. Grâce à l’international, le film met plus de six mois à rentrer dans ses frais. Aujourd’hui, L’Héritière reste l’un des plus grands films de son auteur.
LE BLU-RAY
Avant d’arriver en DVD et en combo Blu-ray + DVD chez Elephant Films, L’Héritière avait connu d’autres vies en édition Standard chez Carlotta Films en 2009, puis chez Universal Pictures en 2014. Elephant Films ajoute un nouveau titre prestigieux à son catalogue avec ce chef d’oeuvre de William Wyler. Le menu principal est fixe et musical. Cette édition contient également un livret de 16 pages, comprenant un retour sur le film, écrit par Stephen Sarrazin, contenant quelques spoilers et qui semble avoir été réalisé l’année dernière, puisque l’auteur déclare qu’Olivia de Havilland, disparue en juillet 2020, était alors âgée de 104 ans.
Critique devenu incontournable, aussi bien à la télévision que dans les bonus DVD/Blu-ray, l’excellent Frédéric Mercier réalise une fois de plus une passionnante présentation de L’Héritière de William Wyler (29’30). L’invité d’Elephant Films replace le film dans la carrière du réalisateur et d’Olivia de Havilland, qui amorçaient respectivement un tournant dans leur carrière, le premier étant devenu un des rois d’Hollywood, la seconde ayant pris sa carrière personnellement en main après avoir remporté son procès qu’elle avait intenté à la Warner. La genèse de L’Héritière, le casting (Errol Flynn ayant refusé le rôle, Montgomery Clift débarque et apporte au rôle une opacité que Wyler n’avait sans doute pas autant mise en valeur), la psychologie des personnages sont ainsi abordés. Puis, Frédéric Mercier analyse plusieurs séquences centrales du récit, aussi bien le fond (le portrait de la société bourgeoise new-yorkaise du XIXe siècle, un jeu de masques où chacun observe l’autre) que la forme (on y parle d’axes, de gros plans, de profondeur de champ), à l’instar de celle de la danse, celle du dîner où le docteur Sloper ne cesse d’observer Morris, ou bien encore le final.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Elephant Films nous offre un nouveau master restauré HD de L’Héritière en respectant le format 1.33. d’origine. Débarrassé de la majeure partie de ses scories, le master est propre dès le générique d’ouverture et propose de fabuleux contrastes d’où ressortent un large éventail de nuances grises et des noirs denses. Exit les fourmillements sur les arrière-plans, les points blancs, les décrochages sur les fondus enchaînés et les griffures des anciennes éditions Standard et même le grain argentique est enfin bien géré, là où il avait tendance à s’accentuer dans le dernier tiers du film. La copie s’avère lumineuse et restitue à merveille la profondeur de champ voulue par le cinéaste et son chef opérateur Leo Tover, renforçant ainsi le caractère oppressant de la dramaturgie. L’Héritière affiche déjà plus de soixante-dix ans au compteur et se permet, grâce à l’éditeur, d’afficher une belle jeunesse.
Le célèbre thème « Plaisir d’amour » sert de générique d’ouverture et donne d’emblée le ton avec une piste unique originale flanquée fluide et claire, sans aucun souffle parasite. Le mixage est très propre.
excellent mais ou est la version frencaise?signalee dans le descritif
Dans quel descriptif ? 🙂
les annees laser uniquement en vo