Test Blu-ray / Les Amants de Brasmort, réalisé par Marcello Pagliero

LES AMANTS DE BRASMORT réalisé par Marcello Pagliero, disponible en DVD & Blu-ray le 17 mai 2024 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Nicole Courcel, Frank Villard, Henri Génès, Line Noro, Robert Dalban, Philippe Nicaud, Mona Goya, Jacky Flynt…

Scénario : Jacques Dopagne & Robert Scipion

Photographie : Roger Hubert

Musique : Georges Auric

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

Jean Michaut est un marinier sans le sou qui vit près d’un cimetière de péniches appelé le « Bras-mort ». Il tombe amoureux de Monique la fille de son oncle qui est un riche armateur fluvial. Elle finit par l’aimer mais leurs différences sociales rendent difficile leur relation. Monique décide malgré tout de vivre avec Jean et de l’épouser.

Le bras-mort du titre du film de Marcello Pagliero, c’est le « Bras Favé » de l’île-du-Devant à Conflans-Sainte-Honorine, bras mort de la Seine donc, qui accueillait d’anciennes embarcations en bois, demeures habitées par des personnes sans véritables ressources, en particulier des familles d’anciens mariniers. C’est là que le réalisateur français d’origine italienne a entièrement tourné Les Amants de Bras-Mort, dans cette commune des Yvelines qui servait de carrefour aux voies fluviales. Si ce long-métrage mérite d’être redécouvert aujourd’hui, c’est pour sa dimension documentaire, celle d’une France qui a totalement disparu au profit d’une modernisation inévitable des travaux d’hier. L’histoire est sans doute simple, mais les personnages attachants, notamment le couple formé par la belle Nicole Courcel – alors au début de sa carrière et qui avait déjà tourné pour Jacques Becker, Henri Decoin, Jean Dalannoy et Marcel Carné – et Franck Villard, dont la présence est forte et marquante. Si la mise en scène est plus ou moins fonctionnelle et illustrative, Les Amants de Bras-Mort possède un charme inaltérable, rend compte admirablement des métiers d’antan et repose sur une distribution solide.

Jean est marinier. Il vit sur son piètre bateau, près d’un cimetière de péniches sur un affluent de la Seine appelé « bras-mort ». Il est amoureux de la fille d’un richissime armateur. La jeune femme lui retourne son affection mais se heurte violemment aux préjugés de classe de sa famille. En effet, ses parents tentent tout leur possible pour séparer les deux amants.

Après ses premières apparitions dans les merveilleux Antoine et Antoinette et Les Amoureux sont seuls au monde, avant l’hilarant Papa, maman, la Bonne et moi de Jean-Paul Le Chanois, Nicole Courcel illumine le film de Marcello Pagliero (1907-1980). Ce dernier, méconnu des cinéphiles, a pourtant participé au scénario du mythique Païsa (1946) de Roberto Rossellini, a fait l’acteur dans de nombreux longs-métrages (Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini, Symphonie pour un massacre de Jacques Deray) et a mis en scène une douzaine de films dont Rome ville libre Roma città libera, récompensé par le Ruban d’argent de la critique italienne. Autant dire que l’on retrouve certains codes issus du néoréalisme dans Les Amants de Bras-Mort, qui parcourt chaque recoin des décors naturels dans lesquels se déroule l’action. Les écluses, les ports, les chemins de halage (on se croirait parfois chez Simenon), le réalisateur, épaulé par le talentueux directeur de la photographie de Roger Hubert (J’accuse, La Vache et le prisonnier, La Femme et le pantin, Le Grand Chef, Les Amants du Tage, La Loi du Nord), évoque la France du moment, prend le temps d’instaurer une ambiance, une atmosphère.

Au milieu de tout cela, les personnages sont finement exposés, simplement, mais efficacement, suffisamment pour les rendre sympathiques, y compris dans leurs contradictions. Les Amants de Bras-Mort s’accompagne d’un message social, où des parents n’hésitent pas à sacrifier leur enfant dans le seul but de s’élever en société. C’est le cas de Robert Dalban, peut-être dans un de ses rôles les plus imposants à l’écran, impeccable en père autoritaire, qui souhaite étendre son entreprise en mariant sa fille unique au fils d’une riche famille d’amateurs. Mais c’était sans compter sur le désir d’émancipation de sa progéniture, Monique étant follement amoureuse de son cousin Jean, lui-même dans la panade en raison de son bateau en mauvais état, condition qui menace son travail de marinier. Le décor une fois planté et les héros présentés, sans oublier les protagonistes secondaires (Henri Genès se taille la part du lion, comme dans Paris est toujours Paris Parigi è sempre Parigi de Luciano Emmer sorti la même année), Les Amants de Bras-Mort mute en course-poursuite sur l’eau, soulignée par la musique entraînante du grand Georges Auric (L’Arbre de Noël, La Grande vadrouille, Les Innocents, Les Espions, Le Salaire de la peur).

Rebondissements, bons et beaux sentiments, histoire d’amour contrariée, il y a tout cela dans Les Amants de Bras-Mort, succès d’estime à sa sortie avec un million d’entrées, drame (teinté d’humour) à redécouvrir.

LE BLU-RAY

On termine cette dernière salve en date de Blu-ray Coin de Mire Cinéma, constituée de Retour de manivelle, Sois belle et tais-toi !, Une robe noire pour un tueur et Les Amants de Bras-Mort. Ce dernier n’avait jamais connu les honneurs d’une sortie en DVD, y compris chez René Chateau. C’est désormais chose faite grâce à Coin de Mire Cinéma, qui propose le film de Marcello Pagliero en édition Standard, mais aussi en Blu-ray, dans la collection La Séance. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné aux couleurs de l’éditeur. Le menu principal est fixe et musical.

Pas mal de bonus sont présentés sur cette galette !

Comme il se doit, on commence cette interactivité par les Actualités de la 20ème semaine de l’année 1951 (10’30). Un programme chargé avec une page sportive (un grand concours hippique à Rome, un meeting automobile à Silverstone), la situation en Corée (l’offensive de printemps de l’armée chinoise, l’exode des habitants de Séoul), la rénovation de la gare maritime de Cherbourg, la remise des cendres de Charles Marie Bonaparte à la ville d’Ajaccio, la visite du couple royal danois à Londres, la découverte d’un puissant antibiotique par le docteur Risler qui pourrait vaincre la tuberculose, le procès à Melun de Bernard Petit et Claude Panconi (inculpés d’assassinat et de complicité, pour le meurtre le 9 décembre 1948 de leur camarade de classe Alain Guyader), le mariage du roi Farouk, avant-dernier roi d’Égypte et du Soudan avec la reine Narriman Sadek, et bien d’autres sujets sont énumérés au cours de ce flash-infos !

Les réclames publicitaires sont plus courtes que d’habitude (4’30). Cela n’empêche pas de se délecter des spots promotionnels pour les bonbons Kréma, la dernière Fiat, la margarine Astra (attention, concours du meilleur cordon bleu!) et l’eau Vittel.

Coin de Mire Cinéma nous propose ensuite six formidables documentaires d’archives, prolongeant le sujet des mariniers des Amants de Bras-Mort. « Les Mariniers » (1956, 2’), « Bras-Favé » (1962, 16’35), « Entre le Havre et Paris coule la Seine » (1964, 5’), « Le Sirius » (1969, 5’), « Le Marinier » (1974, 8’30) et « Capitaines sans uniformes » (1975, 10’). Dans chacun de ces modules, on y découvre des hommes, des femmes, des enfants, qui passent leur journée sur l’eau, qui vivent sur cet élément. Un marinier travaille depuis 57 ans, panse son cheval et sa mule tous les matins à 5h, avant d’arpenter les chemins de halage sur 35 voire 50 kilomètres chaque jour. Le métier change, mute, disparaît petit à petit, car l’entretien coûte cher, ces nomades du quotidien doivent apprendre à devenir sédentaires et dire adieu à leur liberté. Les mères de famille s’occupent de l’éducation des enfants, avant d’aller étendre le linge sur le pont. D’autres, obligés de vivre dans de vieilles péniches, sans eau, ni gaz, ni électricité, mais avec des rats comme compagnons, expliquent pourquoi ils aiment malgré tout leurs conditions de vie et refusent d’aller habiter dans de nouveaux logements HLM. On en apprend aussi sur les voies d’eau (« avantageuses pour le transport des marchandises lourdes et encombrantes ») qui sillonnent à travers l’Europe et lient les pays, avec un gros plan sur Conflans-Sainte-Honorine (où vient d’être inauguré un dispensaire pour les mariniers et leurs enfants). Ces documentaires donnent un réel aperçu de l’évolution du métier de marinier sur près de vingt ans, jusqu’au milieu des années 1970 où l’on s’immisce dans une bourse d’affrètement et où la modernisation des canaux est désormais généralisée.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Les Amants de Bras-Mort a été restauré en 2K par Les Films du Jeudi, avec la participation du CNC et de Coin de Mire Cinéma, à partir d’une copie prêtée par la Cinémathèque Française. Jusqu’alors inédit en DVD en France, le film de Marcello Paglieri débarque donc non seulement en édition standard, mais également en Blu-ray. Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’une compression AVC, ce Blu-ray au format 1080p s’avère plus qu’acceptable, même si tout n’est pas parfait. Le lifting 2K est convaincant, malgré des plans flous (voir à la 36è minute) et des poils en bord de cadre qui demeurent visibles. Les contrastes sont suffisamment denses, la copie est stable, les gris riches. La gestion du grain est équilibrée, les séquences sombres soignées et détaillées.

Si quelques saturations et chuintements demeurent, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont clairs, sans souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Alcina / Les Films du Jeudi / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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