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LE TONNERRE DE DIEU réalisé par Denys de La Patellière, disponible en DVD & Blu-ray le 4 février 2025 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Jean Gabin, Michèle Mercier, Robert Hossein, Lilli Palmer, Georges Géret, Emma Danieli, Ellen Schwiers, Daniel Ceccaldi…
Scénario : Pascal Jardin, d’après le roman de Bernard Clavel
Photographie : Walter Wottitz
Musique : Georges Garvarentz
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1965
LE FILM
Léandre Brassac, vétérinaire, est l’heureux propriétaire d’un manoir dont il a hérité. Homme caractériel et misanthrope, il partage sa vie avec une Allemande répondant au nom de Marie. Un jour, il fait la rencontre d’une jeune prostituée sans repères qu’il décide d’installer chez lui, après s’être débarrassé de son souteneur.
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Sorti en 1965, Le Tonnerre de Dieu n’est assurément pas le film le plus connu avec Jean Gabin en vedette. Pourtant, il demeure rétrospectivement le cinquième plus grand hit de toute la carrière du comédien (sans tenir compte de son apparition dans le Napoléon de Sacha Guitry) et le plus gros succès de ses dix collaborations avec le réalisateur Denys de La Patellière avec 4,1 millions d’entrées. Entre L’Âge ingrat de Gilles Grangier et Du rififi à Paname du même Denys de La Patellière, Le Tonnerre de Dieu réunit la star du cinéma français et Michèle Mercier, alors tout juste auréolé du triomphe d’Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie. Souvent qualifié de misogyne depuis sa sortie, cet opus est certes « représentatif » d’une certaine époque, mais ne mérite pas la volée de bois vert qui accompagne quasiment systématiquement Le Tonnerre de Dieu, car ce drame non dénué d’humour, ou comédie de mœurs teinté de tragédie, joue habilement avec les genres, fait perdre ses repères aux spectateurs, déstabilise, à tel point qu’on ne sait plus sur quel pied danser à plusieurs reprises. Toujours est-il que Jean Gabin reste immense, son personnage – « alcoolique, paillard et de plus en plus anarchiste » – retrouve l’ivresse d’Un Singe en hiver et parfois la gouaille d’Archimède le clochard, tout en annonçant le Julien Bouin du Chat. On est sans cesse subjugué par la prestation du « Vieux », qui du haut de ses soixante piges trônait toujours au sommet du box-office, savait donner la réplique à ses jeunes partenaires, tout en conservant une fraîcheur de jeu inégalée.
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Léandre Brassac est un vieux vétérinaire. Il est fortuné et érudit ; mais il est aussi misanthrope, irascible et alcoolique. Il habite avec sa femme Marie un grand manoir près de Nantes ; il y élève quelques chevaux et recueille des chiens abandonnés. Au cours d’un déplacement à Nantes, Brassac se laisse aller à la boisson dans un bar du Quai de la Fosse où il a ses habitudes. Il remarque Simone, une prostituée débutante. Il décide la ramener chez lui afin de la soustraire, au moins pour un temps, à son environnement. À leur arrivée, Marie, blasée des frasques de Léandre, accepte cette présence. Simone se plaît au manoir et son séjour se prolonge ce qui déplaît à Marcel, son souteneur. Quand ce dernier devient menaçant, Léandre n’hésite pas à réagir violemment, la confrontation tourne à son avantage et Marcel renonce à Simone. La cause profonde du mal-être des époux Brassac est qu’ils n’ont pas eu d’enfants. Un soir, Léandre, complètement ivre, en fait de façon odieuse le reproche à Marie qui en est bouleversée. C’est Simone, qui est devenue pour eux une sorte de fille adoptive, qui le tance. Peu après, les gendarmes viennent prévenir Léandre que la présence d’une prostituée à son domicile leur a été signalée et que cela pourrait être assimilé à du proxénétisme. Léandre prend l’avertissement au sérieux car son caractère ombrageux lui a valu des inimitiés dans le voisinage et des antécédents judiciaires. Il se rend à Paris pour solliciter Bricard, un ami d’enfance devenu ministre, qui intervient auprès de la préfecture pour que Simone soit défichée.
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« Tu devrais voir un psy ! »
« Pour qu’il me remette dans le rang de la connerie humaine ? Jamais ! »
S’il n’est évidemment pas interdit de préférer Les Grandes familles, Rue des prairies, Du rififi à Paname et même Le Tatoué, Le Tonnerre de Dieu prouve que la fructueuse collaboration entre Jean Gabin et Denys de La Patellière est sans doute l’une des plus inattendues. Dans le film qui nous intéresse aujourd’hui, le comédien revient à une émotion, une pudeur qui pouvait faire défaut dans la plupart de ses rôles post-Touchez pas au grisbi. L’une des séquences les plus étonnantes reste incontestablement celle où, de retour à Nantes, Léandre invite Marie au restaurant, ce qu’il n’avait pas fait depuis dix ans. Ce repas romantique leur permet de s’expliquer et de se donner à nouveau des marques d’affection. L’allemande Lilli Palmer (Les Amants de Montparnasse, Cape et Poignard, Jeunes filles en uniforme) est impériale face à Jean Gabin et s’impose sans mal malgré un temps réduit à l’écran. Sa présence demeure pourtant marquante. Les cinéphiles ne manqueront pas l’ironie de faire incarner le mac de Simone, Michèle Mercier donc, par Robert Hossein, le même qui interprétait le mythique Joffrey de Peyrac dans la saga Angélique, qui venait alors de démarrer.
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« Y’a eu la grande peste de l’an 1000, mais tu vas voir la grande merde de l’an 2000 ! »
Le Tonnerre de Dieu évoque des sujets difficiles, dissimulés sous l’ivresse, les cris ou au contraire derrière les non-dits. Les personnages se dévoilent par strates, certains dialogues s’avèrent vachards (on ne se remet pas du « Ton ventre c’est un cimetière ! »), le cadre large est superbe, la photographie Walter Wottitz (Le Soleil des voyous, La Cage, La Horse) est un régal pour les yeux, la musique à la fois oppressante et lyrique de Georges Garvarentz reste en tête.
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En dehors d’un dernier acte moins convaincant, cette adaptation du roman Qui m’emporte de Bernard Clavel (qui reniera cette transposition) possède donc de multiples atouts dans sa manche pour attirer la curiosité du cinéphile qui chercherait à approfondir ses connaissances sur Jean Gabin.
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LE BLU-RAY
Ce sont des rendez-vous que nous ne manquons jamais depuis l’apparition de l’éditeur Coin de Mire Cinéma en octobre 2018. La nouvelle vague apparaît dans les bacs le 4 février et propose cette fois en Haute-Définition : Cerf volant du bout du monde (1958) de Roger Pigaut, Le Diable par la queue (1969) de Philippe de Broca, La Loi c’est la loi (1958) de Christian-Jaque, Monsieur (1964) de Jean-Paul Le Chanois et Le Tonnerre de Dieu (1965) de Denys de La Patellière. Comme nous l’avions mentionné, l’éditeur a été obligé de revoir sa copie en raison des coûts de production. Si les splendides Digibooks ont laissé place aux Blu-rays traditionnels, le contenu et la ligne éditoriale restent identiques et la Séance subsiste ! En ce qui concerne Le Tonnerre de Dieu, le film de Denys de La Patellière avait déjà connu plusieurs vies en DVD, dans la collection « Acteurs et actrices de légende – Jean Gabin » en 2004, avant d’être réédité dans la même anthologie sept ans plus tard. Le Tonnerre de Dieu refait son apparition dans toutes les bonnes crémeries, en DVD et Blu-ray. Le disque repose dans un boîtier Blu-ray classique de couleur noire, lui-même glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.
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Place au journal cinématographique Pathé de la 13ème semaine de 1952 (7’50). De courtes actualités, qui se concentrent sur la crise politique en Grèce (avec une assemblée écartelée entre les deux extrêmes), ainsi que sur la conquête de l’espace américaine, où les expériences diverses et les essais se multiplient, ayant pour objectif principal la Lune, « même s’il faudra encore plusieurs années pour concrétiser ce projet ». On termine par un petit détour par la nouvelle galerie d’art contemporain d’Iris Clert.
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Afin de vous détendre avant le film, rien de tel qu’une glace Miko ou des Treets (« qui fondent dans la bouche, pas dans la main ») ! Cela tombe bien, car les réclames publicitaires sont là pour vous rappeler que ces friandises sont en vente dans cette salle ! Vous aurez aussi le choix avec des bonbons La pie qui chante (aaaah les Michokos…), tout en vous demandant si vous ne devez pas acquérir la nouvelle télé Radiola (« déjà en prise directe avec la deuxième chaîne et équipée pour recevoir les futures ! »)…Les montres Longines, Grand Marnier, Danone (avec Philippe Castelli), Total et un communiqué de Bernard Blier sur la journée internationale du handicap sont aussi au programme (10’).
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L’éditeur a pu mettre la main sur une archive de neuf minutes, qui donne la parole à Jean Gabin, sur le plateau du Tonnerre de Dieu. Le comédien, à l’aise, revient sur sa quatrième collaboration avec Denys de La Patellière, sur son personnage, sur sa façon d’aborder ses rôles (« automatiquement, je ramène les personnages à moi, je leur apporte une vérité… ») et de s’approprier certains dialogues (« faut meubler les points de suspension »).
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L’interactivité se clôt sur un lot conséquent de bandes-annonces de films déjà ou prochainement disponibles chez Coin de Mire Cinéma.
L’Image et le son
Force est de constater que nous n’avions jamais vu le film de Denys de La Patellière dans de telles conditions. Les contrastes affichent d’emblée une densité inédite, les noirs sont profonds, la palette de gris riche et les blancs lumineux. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration 4K HD du film effectuée à partir du négatif original. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin. La photo n’a jamais été aussi resplendissante et le cadre au format respecté, brille de mille feux. Ce master très élégant permet de redécouvrir ce film finalement méconnu dans une qualité technique admirable.
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Également restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
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Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr