Test Blu-ray / Lanky, l’homme à la carabine, réalisé par Tonino Valerii

LANKY, L’HOMME À LA CARABINE (Per il gusto di uccidere) réalisé par Tonino Valerii, disponible en Blu-ray chez Frenezy.

Acteurs : Craig Hill, Jorge Martín, Piero Lulli, Fernando Sancho, Franco Ressel, George Wang, Diana Martín, Eugenio Galadini…

Scénario : Tonino Valerii & Victor Auz

Photographie : Stelvio Massi

Musique : Nico Fidenco

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Après avoir affronté la bande de hors-la-loi menée par Sanchez, le chasseur de primes Lanky Fellow est engagé par un riche propriétaire de mines pour escorter un transport d’or. Gus Kennebeck, l’ennemi juré de Lanky, a bien l’intention de s’en emparer…

Voilà un synopsis aussi sec d’un premier long-métrage qui ne l’est pas moins, celui du célèbre Tonino Valerii (1934-2016), réalisateur passé à la postérité avec un film en particulier, Mon nom est Personne Il mio nome è Nessuno, sorti en 1973, carton mondial qui réunissait Henry Fonda et Terence Hill, chant du cygne, oraison funèbre et chant mortuaire du western dit spaghetti. Mais avant l’enterrement de tout un genre, Tonino Valerii avait déjà une demi-douzaine de films à son actif, dont la moitié de westerns. C’est en 1966 que l’ancien assistant de Sergio Leone sur Pour une poignée de dollars et Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone s’émancipe en livrant son premier opus derrière la caméra avec Lanky, l’homme à la carabinePer il gusto di uccidere, d’après un scénario de Victor Auz, même s’il est indéniable que le metteur en scène lui-même a mis la main à la pâte, la coproduction hispano-italienne ayant préféré mettre en avant un nom ibérique histoire de bien respecter les quotas. Toujours est-il que ce Lanky, l’homme à la carabine est un savoureux tour de force, qui impose Tonino Valerii comme l’un des meilleurs auteurs de westerns venus de l’autre côté des Alpes (et des Pyrénées aussi, comme c’est le cas ici), qui parvient à transcender un récit somme toute standard, via une mise en scène sans cesse inspirée, élégante, stylisée, qui ne se contente pas de reprendre les ingrédients déjà utilisés par son maître, mais parvient à les combiner différemment, pour offrir sa propre version d’un genre alors en pleine explosion. Assurément, Per il gusto di uccidere (littéralement « pour le goût de tuer » ou « pour la saveur d’assassiner ») est l’une des plus belles (re)découvertes cinématographiques que vous ferez cette année.

Lanky Fellow est un tueur de primes qui vit en gardant un œil sur de nombreux transports de valeur voyageant d’un village occidental à un autre. A Omaha, le magnat des mines Collins lui propose d’investir les dix mille dollars qu’il vient de gagner pour sécuriser un dépôt d’or à la banque locale.

Autant éjecter d’emblée le seul élément passable de Lanky, l’homme à la carabine, autrement dit la prestation du dénommé Craig Hill, acteur américain croisé aux quatre coins du mondes du septième art, en apparaissant aussi bien dans le giallo (Terreur sur la lagune d’Antonio Bido) que le film d’épouvante espagnol (Dracula contre Frankenstein de Tulio Demicheli), le film de guerre US (Baïonnette au canon de Samuel Fuller) et bien sûr le western de série B (Les Bannis de la Sierra, Le Siège de la rivière rouge, Adiós hombre, Jusqu’à la dernière goutte de sang, Quinze Potences pour un salopard et bien d’autres). Craig Hill possède les atouts qui plaisaient aux spectateurs d’alors, une belle gueule bronzée, dont la carnation contrastait violemment avec les yeux bleus perçants et les dents blanches étincelantes. Mais le bougre manque malgré tout de charisme et finalement le plus intéressant de ce Lanky se déroule autour du personnage principal, dont on se lasse rapidement.

Il faut dire que Craig Hill est solidement entouré, en premier lieu par l’imposant Fernando Sancho, vraie trogne de cinéma et embonpoint à la Bud Spencer, inoubliable comédien espagnol qui volait la vedette à chaque apparition et ce dans n’importe quel film ou genre (Dans les replis de la chair, Le Jour de la haine, Un pistolet pour Ringo, Le Retour de Ringo, Le Temps des vautours, Colorado), comme c’est encore une fois le cas ici. S’il n’apparaît que dans la première partie (et pour cause…), Fernando Sancho s’impose une fois de plus et ne fait qu’une bouchée de Craig Hill. Même chose pour George Martin (récurrent chez Duccio Tessari), l’excellent Pierio Lulli (Folie meurtrière, Tire encore si tu peux, Opération peur), Franco Ressel (L’Oeil du labyrinthe, Six femmes pour l’assassin, Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera), un casting de tronches, tandis que la gent féminine est ici reléguée au second plan. Ce qui passionne surtout Tonino Valerii, c’est la géométrie de ses cadres, la position dans l’espace de ses protagonistes, la mise en valeur des décors, la création d’une atmosphère, d’une ambiance pesante, la (re)création d’un monde. Pas étonnant que Sergio Leone ait toujours considéré Tonino Valerii comme étant son meilleur « élève », ayant très tôt détecté chez lui un regard personnel, une sensibilité qui lui était propre et un technicien hors-pair.

Lanky, l’homme à la carabine est un western divertissant, mais il l’est sûrement plus encore pour les fans de technique cinématographique, trop heureux de se retrouver face à un opus captivant à disséquer sur la forme. Magistralement photographié par le maestro Stelvio Massi, chef opérateur prolifique et éclectique (Les Rendez-vous de Satan), ainsi que réalisateur aussi lui-même (Un flic explosif, Magnum 44 spécial), auquel se joint Nico Fidenco (Destination Planète Hydra, Emanuelle et les derniers cannibales, Sesso Nero) et sa belle composition, et des décors très convaincants de Carlo Simi (California, La Poursuite implacable, Il était une fois dans l’Ouest, Le Dernier jour de la colère), Lanky, l’homme à la carabine est un film qui a de la gueule, qui mérite l’attention du cinéphile, qui s’avère encore et toujours un spectacle haut de gamme et intemporel.

LE BLU-RAY

Frenezy Éditions est de retour ! SI vous désirez en savoir plus sur les cinq premiers films sortis chez l’éditeur, nous vous invitons à (re)découvrir nos chroniques consacrées aux disques HD de Dans les replis de la chair, Femina ridens, Qui l’a vue mourir ?, Texas Adios et La Victime désignée. Nous avons aujourd’hui entre les mains un petit trésor à part entière, le Blu-ray de Lanky, l’homme à la carabine, titre inédit en DVD et HD dans nos contrées. La jaquette réversible (les deux visuels, une fois n’est pas coutume, sont superbes) est glissée dans un boîtier classique transparent, lui-même placé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est quant à lui animé et musical. Ajoutons enfin qu’il s’agit d’une première mondiale pour le film Tonino Valerii, qui par ailleurs n’avait jamais été édité en VHS en France.

En plus d’une galerie de photos et d’affiches d’exploitation, sans oublier la bande-annonce restaurée, Frenezy nous offre une rencontre avec l’expert ès westerns, Jean-François Giré, que l’on retrouve habituellement sur les titres Sidonis Calysta, mais qui était précédemment intervenu sur Texas Adios sorti chez Frenezy. Cette présentation de douze minutes éclaire sur le parcours et la carrière de Tonino Valerii, puis sur la mise en route, la production et le statut de ce « film rare, disparu du paysage du western italien et qui a bénéficié de peu de commentaires à sa sortie, malgré une exploitation en France » qu’est Lanky, l’homme à la carabine. Jean-François Giré salue la sortie en édition physique de ce premier long-métrage, sur lequel il ne tarit pas d’éloges. Ce dernier met en relief les qualités indéniables de la mise en scène, réhabilite Tonino Valerii (« un des meilleurs réalisateurs et artisans du cinéma italien »), évoque les réminiscences de Lanky, l’homme à la carabine avec Et pour quelques dollars de plus (dont on retrouve d’ailleurs le même décor de la ville, en particulier celui de la banque), détaille rapidement le casting, évoque la musique de Nico Fidenco et clôt cette interview en qualifiant Per il gusto di uccidere de « joyau au moment où le genre se cherchait encore ».

L’Image et le son

Le master proposé par Frenezy est issu d’une restauration 2K, réalisée à partir du négatif original. Quelques poils en bord de cadre subsistent, ainsi que des plans flous, qui sont peut-être d’origine. Mise à part cela, l’image est souvent de toute beauté, les couleurs sont superbes, les contrastes fermes, les gros plans détaillés, le piqué acéré et la profondeur de champ on ne peut plus éloquente. La texture argentique est présente, équilibrée, bien gérée, organique, aucun fourmillement n’est constaté, la matière des costumes est palpable, la luminosité de tous les instants. C’est beau, élégant, impressionnant même, d’autant plus que Lanky, l’homme à la carabine était pour certains considéré comme perdu. Merci à Frenezy pour cette résurrection.

À travers un panneau introductif, l’éditeur annonce que malgré leurs recherches, la VF n’a pu être retrouvée et Lanky, l’homme à la carabine est donc uniquement présenté en version originale sous-titrée en français. Le confort acoustique est évident avec une piste italienne DTS-HD Master Audio 2.0 qui délivre ses dialogues avec suffisamment d’ardeur et des ambiances annexes dynamiques. Les échanges sont fluides et les bruitages naturels et homogènes. Aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du compositeur Nico Fidenco est restituée avec fracas.

Crédits images : © Frenezy / Hercules Cinematografica – Video Mercury Films & Surf Film/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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