LA MAISON DE LA TERREUR (La Casa con la scala nel buio) réalisé par Lamberto Bava, disponible en Blu-ray + CD-audio le 15 février 2022 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Andrea Occhipinti, Anny Papa, Fabiola Toledo, Michele Soavi, Valeria Cavalli, Stanko Molnar, Lara Lamberti…
Scénario : Dardano Sacchetti & Elisa Briganti
Photographie : Gianlorenzo Battaglia
Musique : Guido De Angelis & Maurizio De Angelis
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 1983
LE FILM
Un compositeur de musiques de films se rend dans une villa de Rome pour trouver la concentration dont il a besoin pour composer. C’est là que les homicides et les disparitions impensables commencent l’un après l’autre. Ils mèneront à une vieille histoire ambiguë et dérangeante, mise à jour par un film.
Fils du légendaire Mario Bava (1914-1980), Lamberto Bava (né en 1944) a su se faire un prénom dans le milieu du cinéma, et Dieu sait que cela n’a pas dû être facile…Tout d’abord assistant sur les films de son père (Opération peur, Danger : Diabolik !, Une hache pour la lune de miel, Roy Colt et Winchester Jack, La Maison de l’exorcisme, La Baie sanglante, Baron vampire) ainsi que de Ruggero Deodato (Le Dernier monde Cannibale, Le Dernier souffle et Cannibal Holocaust) et de Dario Argento sur Inferno et Ténèbres, Lamberto Bava commence sa carrière en tant que scénariste. Il fait ses armes sur Une ondata di piacere (1975) de Ruggero Deodato, puis enchaîne avec Les Démons de la nuit (1977) de Mario Bava, sur lequel il officie également comme metteur en scène, même s’il n’est pas crédité. Il signe son premier long-métrage (officiel) en tant que réalisateur en 1980 avec Baiser macabre – Macabro, coécrit avec Pupi Avati. La Maison de la terreur – La Casa con la scala nel buio est son deuxième long-métrage, coécrit cette fois par le grand Dardano Sacchetti (L’Éventreur de New York, L’Enfer des zombies et L’Au-delà de Lucio Fulci, Pulsions cannibales d’Antonio Margheriti, Le Cynique, l’infâme, le violent d’Umberto Lenzi, Le Chat à neuf queues de Dario Argento) et Elisa Briganti (L’Exécuteur vous salue bien… de Stelvio Massi, La Maison près du cimetière de Lucio Fulci). Autant dire que le film part sur de très bonnes bases et le résultat final tient justement toutes ses promesses. En dépit d’un budget qu’on imagine dérisoire, Lamberto Bava fait preuve d’une imagination constante pour maintenir l’intérêt des spectateurs, en exploitant à merveille le décor principal mis à sa disposition. Comme moult films d’épouvante, l’ombre d’Alfred Hitchcock, et plus particulièrement de Psychose plane sur La Maison de la terreur (ou A Blade in the Dark en anglais), ainsi que celle de Blow Up de Michelangelo Antonioni, et donc celle de Blow Out de Brian De Palma. Un vrai coup de coeur !
Engagé afin de composer la musique d’un film d’horreur, Bruno emménage dans une vaste villa, dans la banlieue de Rome, dont le propriétaire est Tony Rendina, un ami d’enfance. Très vite, Bruno réalise que la maison est le cadre de faits étranges et inexplicables. Il fait bientôt la connaissance de Katia, une voisine, laquelle est sauvagement assassinée à l’arme blanche dans le jardin bordant la propriété. Un tueur rôde dans les parages, et le cauchemar ne fait que commencer.
Étrangement, à la base, La Maison de la terreur avait été pensé comme une mini-série télévisée composée de six épisodes de 20 minutes, destinée à la Rai. Mais les dirigeants de la chaîne, ayant jugé le contenu trop violent, Lamberto Bava a dû revoir ses ambitions et sa copie donc, en combinant par la suite ses épisodes, pour au final livrer un long-métrage de près d’1h45. Chose amusante, le film est entièrement tourné dans la villa du producteur Luciano Martino, située à Rome, mise à disposition du réalisateur pour une durée de trois semaines afin de lui faciliter le tournage, tout en faisant bien sûr des économies si La Maison de la terreur avait dû être filmée en studio. Si l’on devait comparer La Casa con la scala nel buio aux productions contemporaines, on rapprocherait volontiers l’oeuvre de Lamberto Bava des productions Jason Blum, qui se résume souvent à une unité de lieu, de temps et d’action. L’ensemble est mené sans aucun temps mort, avec une formidable maîtrise de l’espace et porté par un très bon comédien, Andrea Occhipinti, vu dans L’Éventreur de New York et surtout dans La Chartreuse de Parme de Mauro Bolognini, où il interprétait Fabrice Del Dongo, face à Marthe Keller et Gian Maria Volonté. Avant Démons et sa suite, et bien avant d’assurer encore plus son fonds de retraite avec la colossale série La Caverne de la rose d’or, Lamberto Bava montrait qu’il en avait sous le capot, sans singer ce que son père ou Dario Argento (on pense à Ténèbres) avaient fait auparavant, mais en prouvant qu’il avait bien digéré ses références.
Le cinéaste dirige solidement sa poignée d’acteurs (une dizaine à tout casser), et sait mettre en valeur son casting féminin, les superbes Anny Papa (Sandra), Fabiola Toledo (Angela), Valeria Cavalli (Katia) et Lara Naszinsky (Julia, nièce de Klaus Kisnki et donc cousine de Nastassja). Outre une mise en scène inspirée, La Maison de la terreur bénéficie de deux atouts de taille, une partition devenue culte des frères De Angelis (impossible de se l’ôter de la tête après la projection) et une belle photographie que l’on doit au chef opérateur Gianlorenzo Battaglia, qui faisait ici ses débuts au cinéma et allait connaître une carrière florissante, surtout grâce aux sempiternels « Natale in ». Seul bémol au programme, la participation de Michele Soavi, assistant de Lamberto Bava et futur réalisateur de Dellamorte Delamore, Sanctuaire, La Secte et Arrivederci amore, ciao, à qui ce dernier a confié le rôle de Tony. Une mission dont il s’acquitte « honorablement », même si ce dernier en fait des caisses. Nous ne rentrerons évidemment pas dans les détails.
Le scénario de La Maison de la terreur flirte avec la dimension méta qui irriguera le cinéma d’épouvante américain dans les années 1990. Il est intéressant de revoir et de redécouvrir La Casa con la scala nel buio, qui demeure une valeur sûre, sur lequel les années qui ont passé ont été généreuses et dont la modernité, la concision, le sens de l’épure, de l’efficacité (les meurtres demeurent bien brutaux) et celui du cadre de Lamberto Bava étonnent encore aujourd’hui.
LE BLU-RAY
Il y a plus de quinze ans, La Maison de la terreur avait connu une première édition dans les bacs français, en édition Standard, chez Neo Publishing. Le film de Lamberto Bava renaît littéralement grâce aux bons soins du Chat qui fume, d’autant plus que cette édition HD s’accompagne d’un CD comprenant 16 titres (55’) composés par les frères De Angelis (On continue à l’appeler Trinita, Rome violente, Le Témoin à abattre, Maintenant, on l’appelle Plata…). Les deux disques sont solidement harnachés dans un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné qui reprend le magnifique visuel de l’affiche originale. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.
Le réalisateur Lamberto Bava prend la parole durant un peu plus d’un quart d’heure, pour répondre à toutes les questions que le spectateur est en droit de se poser sur La Maison de la terreur. Ainsi, le metteur en scène aborde la genèse du film (pensé à l’origine sous la forme d’une série télévisée), sa collaboration avec le producteur Luciano Martino, les conditions de tournage (budget très faible, des prises de vue dans la villa du producteur), l’élaboration des scènes de meurtres, le casting, la musique d’Alessandro Alessandroni, le montage, l’accueil du film, la création de l’affiche et d’autres éléments.
Place au scénariste Dardano Sacchetti (21’), qui partage à son tour ses souvenirs liés à la genèse et à l’écriture de La Maison de la terreur. Lui aussi parle de la mise à disposition de la villa de 1200 m² avec jardin du producteur Luciano Martino pour le tournage, un lieu qui l’a aidé à imaginer l’histoire du film, en s’inspirant de sa propre fascination pour les vieilles bâtisses, depuis sa plus tendre enfance. La séquence d’ouverture, dont il reproche à Lamberto Bava « de ne pas l’avoir filmée avec l’efficacité qui lui était due », renvoie entre autres à ses propres angoisses. Dardano Sacchetti indique qu’il a pu assister au tournage du début à la fin, qu’il considère La Maison de la terreur comme « un très beau film, mais auquel il manque quelque chose de couillu […] certains passages sont intéressants, mais méritaient plus […] le producteur s’en fichait, il n’y croyait pas […] c’est un petit bijou qui a manqué sa cible ».
Le dernier entretien présent en bonus se déroule en compagnie du chef opérateur Gianlorenzo Battaglia (17’), qui évoque les conditions de prises de vue de La Maison de la terreur. Il replace le film dans le contexte du cinéma italien de l’époque (près de 400 films produits en 1983), dissèque les partis-pris (une photo très réaliste), parle des comédiens (dont le jeu improbable de Michele Soavi, « même si ça passe pour ce rôle »), l’usage de la caméra à l’épaule (« le meilleur dans ce domaine reste Joe d’Amato »), tout en louant le talent de Lamberto Bava.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (en anglais) de La Maison de la terreur.
L’Image et le son
Quelques fils en bord de cadre, des rayures et diverses poussières sont encore visibles ici et là, mais ce master HD de La Maison de la terreur tient évidemment toutes ses promesses. Le directeur de la photographie Gianlorenzo Battaglia joue avec les couleurs froides et chaudes, les contrastes sont équilibrés, la copie stable, le piqué souvent impressionnant, la texture argentique fine et organique. Signalons que La Casa con la scala nel buio a été tourné en 16mm, puis gonflé par la suite en 35mm pour son exploitation dans les salles. Les drastiques conditions de tournage (peu de budget, trois semaines pour emballer le tout avec les moyens du bord et quelques objectifs empruntés un peu partout) se font parfois ressentir dans le résultat final, mais voici un écrin inattendu pour ce petit film devenu culte.
Le Chat qui fume présente La Maison de la terreur dans sa version intégrale,la version française étant de ce fait incomplète et ce dès la première séquence. Privilégiez évidemment la piste italienne, riche, très propre, sans bruits parasites, qui restitue ardemment les voix des comédiens, ainsi que la géniale partition de Guido et Maurizio de Angelis. Le doublage français donne au film un cachet un peu nanar inapproprié. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
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