LA BÊTE DE GUERRE (The Beast of War) réalisé par Kevin Reynolds, disponible en DVD et Blu-ray le 5 janvier 2022 chez ESC Editions.
Acteurs : George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari, Chaim Jeraffi…
Scénario : William Mastrosimone, d’après sa pièce
Photographie : Douglas Milsone
Musique : Mark Isham
Durée : 1h49
Année de sortie : 1988
LE FILM
En 1981, un détachement soviétique investit un village afghan soupçonné d’abriter des résistants. Après avoir été sommé de parler, un homme est écrasé par un char sous les yeux de sa fille. Les villageois jurent alors de venger leurs morts et se lancent à la poursuite du char. A bord de l’engin, la tension monte entre le commandant Daskal, une véritable brute, et le pilote Koverchenko, en proie au doute.
Attention, film coup de poing ! Juste avant Robin des Bois, prince des voleurs – Robin Hood: Prince of Thieves (1991) et bien sûr Waterworld (1995), Kevin Reynolds (né en 1952) signait un coup de maître avec son deuxième long-métrage, La Bête de guerre – The Beast of War, réalisé en 1988. Trois ans après son premier coup d’essai, Une bringue d’enfer – Fandango, comédie-dramatique dans laquelle il dirigeait pour la première fois Kevin Costner, le cinéaste se penche sur un sujet brûlant, la guerre d’Afghanistan, en se focalisant sur un char russe au début des années 1980. Si l’on oublie le fait que les soviétiques s’expriment dans la langue de Shakespeare, La Bête de guerre est un véritable uppercut, un film de guerre inoubliable, souvent classé dans les hits des plus grands films du genre, qui a pour particularité d’adopter les deux points de vue opposés. Sans doute l’une des chasses à l’homme les plus prenantes et implacables de l’histoire du cinéma.
Au cours de la première guerre d’Afghanistan opposant l’armée rouge de l’Union soviétique et les Moudjahiddins de la résistance afghane, un escadron de chars de combat T-55 attaque un village et massacre ses habitants. Sur le chemin du retour, l’équipage de l’un des blindés mené par un commandant tyrannique et paranoïaque s’égare dans le désert afghan. Il est pris en chasse par des Afghans équipés d’un lance-roquettes RPG-7 qui mettent tout en œuvre pour venger les civils tués lors du massacre perpétré par les forces soviétiques.
Kevin Reynolds se fait remarquer en 1980 avec son court-métrage Proof, par Steven Spielberg himself, qui via sa société Amblin Entertainment lui propose de le transposer en long-métrage, ce qui deviendra Une bringue d’enfer. Mais déçu du résultat final, le producteur, comme ce sera le cas aussi pour Trois heures, l’heure du crime de Phil Joanou, retirera son nom du générique. Le film ne connaîtra aucun succès dans les salles, mais deviendra culte avec les années. Avec La Bête de guerre, le style de Kevin Reynolds explose littéralement, sa virtuosité pour les scènes d’action, pour mettre en valeur les grands espaces (il épaulera Kevin Costner sur Danse avec les loups), au milieu desquels ses personnages luttent entre eux, mais aussi et surtout pour leur propre survie. Dans The Beast of War, deux mondes s’opposent, mais aussi deux conceptions de la guerre au sein du même camp. C’est le cas du pilote Konstantin Koverchenko (Jason Patric), un combattant pacifiste, qui se confronte à ses camarades (dont un Stephen Baldwin débutant) et à leur commandant, Daskal, un homme violent et sans merci. Ce dernier est interprété par l’impressionnant et ici flippant George Dzundza, acteur d’origine germanique, découvert au cinéma dans Voyage au bout de l’enfer – The Deer Hunter (1978) de Michael Cimino, vu ensuite dans Les Vampires de Salem – Salem’s Lot (1979) de Tobe Hooper et Sens unique – No Way Out (1987) de Roger Donaldson. Une tronche bien reconnaissable. Le comédien est remarquable dans le rôle du fanatique, qui embarque sa petite troupe jusqu’au bout de l’enfer, au sens propre comme au figuré.
Le charisme lisse de Jason Patric convient au personnage de Koverchenko. Découvert l’année précédente dans Génération perdue – The Lost Boys de Joel Schumacher, il trouve ici l’un de ses rôles les plus forts, avec celui qu’il tiendra dans Geronimo (1993) de Walter Hill et dans Sleepers (1996) de Barry Levinson. Il est assurément le personnage auquel les spectateurs peuvent s’identifier, malgré la violence omniprésence (certaines scènes sont déconseillées aux spectateurs sensibles), qui explose d’ailleurs dès la séquence d’ouverture, avec la destruction du village et l’élimination de ses habitants. La Bête de guerre est un miroir à deux faces où chacun renvoie son propre reflet à son adversaire. Comme le dit un vieil adage « La haine entraîne la haine, la violence engendre la violence, la guerre nourrit la guerre ». Ou le serpent qui se mort la queue etc…La Bête de guerre plonge deux mondes que tout sépare dans un no man’s land, un chemin qui semble mener les deux camps vers un pandémonium, où forcément les opposants finiront par se retrouver pour une ultime confrontation. Écrit par le dramaturge William Mastrosimone, d’après sa propre pièce de théâtre Nanawatai (qui signifie droit d’asile ou sanctuaire en pachto), The Beast of War « personnifie » l’absurdité, le déchaînement, l’animosité, la fureur d’un conflit, où les hommes sont les véritables armes, ainsi que les plus dangereuses.
Avec sa musique hypnotique signée Mark Isham (Le Mystère von Bülow, Last Call, The Good Criminal) et la sécheresse impressionnante de la photographie de Douglas Milsome (Breakdown – Point de rupture, Robin des Bois, prince des voleurs, Full Metal Jacket), la beauté sauvage de ses décors naturels, l’intensité de son casting et sa mise en scène aussi brutale que magistrale, La Bête de guerre s’inscrit définitivement dans la mémoire des cinéphiles et demeure bel et bien l’un des plus grands films de guerre des années 1980.
LE BLU-RAY
Il y a vingt ans, La Bête de guerre sortait en DVD chez Sony Pictures. Janvier 2022, le film de Kevin Reynolds renaît en édition Standard, mais apparaît aussi pour la première fois en Haute-Définition chez ESC Editions. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est légèrement animé et musical.
Le premier bonus est repris du site LaCinetek et a été réalisé dans le cadre de la publication de la liste des 50 films préférés de Patricia Mazuy (6’). La réalisatrice de Saint-Cyr (2000), Sport de filles (2011) et Paul Sanchez est revenu ! (2018) intervient pour évoquer ce « récit métaphysique sur la guerre, qui fait mentir une théorie selon laquelle on ne peut pas traiter des deux camps dans le conflit ». N’hésitez pas à avancer jusqu’à 1’30, pour écouter cette bonne présentation de La Bête de guerre.
Le journaliste Jean Thooris réalise ensuite une analyse de La Bête de guerre, ainsi qu’un retour sur la carrière de Kevin Reynolds (20’). Il y a à boire et à manger dans ce module, au cours duquel l’intervenant se contente souvent de raconter tout le film, tout en donnant des informations sur les débuts du cinéaste et sur la genèse de La Bête de guerre. C’est un peu longuet, illustré de façon médiocre et au final dispensable.
L’Image et le son
Ce n’est pas parfait, loin de là. Le master HD provenant de chez Sony a déjà quelques heures de vol et reste marqué par de nombreuses poussières. Le Biactol numérique n’a rien pu faire contre la prolifération de points blancs et noirs (certaines séquences sont d’ailleurs plus « mouchetées » que d’autres), tandis que les scènes nocturnes posent sérieusement problèmes, étant particulièrement bruitées. Quelques rayures verticales s’incrustent aussi, comme durant la scène de la réparation du RPG, tandis que la gestion grain est aléatoire. Malgré tout, la copie demeure lumineuse, le piqué n’est pas dégueulasse, les couleurs chaudes (on peut même dire flamboyantes) sont bien restituées. Mais une nouvelle restauration serait la bienvenue pour ce titre à la définition chancelante. Blu-ray au format 1080p.
Les versions originale et française sont présentées au format DTS-HD Master Audio 2.0. Du point de vue qualité, les deux pistes se valent avec un usage constant et énergique des enceintes frontales lors des scènes d’affrontements. Cela tire, explose, fusille, les hélicoptères font un beau barouf, les voix ne manquent pas de peps et sont même toujours très audibles et jamais dilués au milieu du fracas environnant. La musique de Mark Isham bénéficie d’un écrin acoustique fort plaisant dès la première séquence.