INFINITI réalisé par Thierry Poiraud, disponible en DVD et Blu-ray le 1er juin 2022 chez Studiocanal.
Acteurs : Céline Sallette, Daniyar Alshinov, Vlad Ivanov, Lex Shrapnel, Karina Arutyunyan, Anatolii Panchenko, Ellora Torchia, Laurent Capelluto…
Scénario : Stéphane Pannetier & Julien Vanlerenberghe
Photographie : Christophe Nuyens
Musique : Thomas Couzinier & Frédéric Kooshmanian
Durée : Environ 6 x 55 minutes
Date de sortie initiale : 2022
LA MINI-SÉRIE
L’ISS, la Station Spatiale Internationale, ne répond plus. Son équipage est en perdition. Au même moment, un cadavre décapité et couvert de cire est retrouvé sur un toit au Kazakhstan. L’identification est formelle : il s’agit d’Anthony Kurz, un astronaute américain actuellement en mission dans l’ISS. Anna Zarathi, une spationaute française, écartée du programme spatial, et Isaak Turgun, un flic kazakh désavoué par sa hiérarchie, vont tenter de résoudre cet étrange paradoxe…
Vous cherchiez la mini-série de 2022 ? Voici Infiniti, coproduite par Lionel Uzan (En thérapie) et Jean-Charles Lévy (The Deep House), créée par Stéphane Pannetier et Julien Vanlerenberghe (Les Ombres rouges, Section de recherches) et réalisée par Thierry Poiraud (Alone, Atomik Circus – Le retour de James Bataille). Six épisodes exceptionnels, merveilleusement mis en scène et interprétés par un casting haut de gamme sur lequel trône Céline Sallette. Étrange, mais savoureux cocktail à la croisée de Philip K. Dick et de Jean-Christophe Grangé, Infiniti mélange les genres, entre thriller et science-fiction, avec une rare et étonnante virtuosité, interroge les personnages et les spectateurs sur leur foi, en l’existence et sur eux-mêmes, abolit les frontières, réconcilie les rêveurs et les cartésiens. En dehors d’un très léger bémol sur le second épisode, qui peine à exposer les enjeux et se disperse un peu trop, Infiniti est sans doute l’une des mini-séries les plus ambitieuses, originales, surprenantes, réussies et divertissantes que l’on ait pu voir récemment en France.
Née en 1980 et présente sur les écrans depuis déjà plus de quinze ans, Céline Sallette demeure une comédienne discrète. À l’écran pourtant on ne voit qu’elle et les réalisateurs ne s’y sont pas trompés, d’Alfred Lot (La Chambre des morts, très bonne adaptation du roman de Franck Thilliez) à Pascal Bonitzer (Le Grand alibi), en passant par Raphaël Jacoulot (Avant l’aube), Philippe Garrel (Un été brûlant), Bertrand Bonello (L’Apollonide : Souvenirs de la maison close), Costa-Gavras (Le Capital), Tony Gatlif (Geronimo), Cédric Kahn (La Vie sauvage), Cédric Jimenez (La French), André Téchiné (Nos années folles)… À l’instar de Cécile de France, Céline Salette brille au premier comme au second plan, comme dernièrement dans Rouge de Farid Bentoumi et Les Fantasmes de David et Stéphane Foenkinos. Si ses partenaires sont tout aussi bons (Daniyar Alshinov, Vlad Ivanov, Lex Shrapnel, Karina Arutyunyan, Anatolii Panchenko, Ellora Torchia, Laurent Capelluto), l’actrice porte Infiniti sur ses épaules, nouvelle création Canal+ pour elle après Les Revenants, Vernon Subutex et La Flamme. Sa silhouette longiligne, son regard bleu perçant, son visage taillé à la serpe, son phrasé qui rappelle souvent celui de ses consoeurs des années 1930, son immense sensibilité, sa fragilité comme du cristal qui contraste avec une force sèche et brute s’imposent du début à la fin. Anna est notre vecteur, celle par qui le public s’intéresse à un sujet forcément difficile à appréhender, où l’on s’exprime avec des mots qui peuvent sembler incompréhensibles. Céline Sallette apporte à Anna un passé, son lot d’expériences, qui l’ont marqué physiquement et psychologiquement. Infiniti sera donc un portrait de femme, qui ira jusqu’au bout de sa quête, qui affrontera moult péripéties et les dangers mis en travers de son chemin.
Sur celui-ci, elle rencontrera Isaak, incarné par l’impressionnant acteur kazakh, Daniar Alshinov, révélation en 2019 de A Dark, Dark Man d’Adilkhan Yerzhanov. Diamétralement opposé à Anna, Isaak, également touché par la vie et dans sa propre chair (son fils de dix ans est mort à sa place dans une explosion), le flic désabusé et pourtant retors, va apprendre à accepter, en s’élevant spirituellement, ce qui était alors impensable pour lui. Si l’on devait comparer Infiniti à quelques films récents, la mini-série ressemblerait beaucoup plus au philosophique et introspectif Ad Astra de James Gray qu’au pompeux Interstellar de Christopher Nolan. Ces deux individus vont être réunis par le destin, leurs existences s’entremêler et rien ne sera plus jamais comme avant pour eux quand chacun aura repris sa route.
Dès la départ, la science et la religion se repoussent et néanmoins s’interpénètrent, la foi étant un étrange et troublant point commun. Au centre spatial froid, étouffant, technologique et gris s’oppose la luminosité des interminables steppes kazakhes, inondées de soleil, deux mondes qui laissent ensuite place à l’immensité de l’espace. Magistralement mis en scène (les effets spéciaux sont d’ailleurs bluffants) par Thierry Poiraud et magnifiquement photographié par Christophe Nuyens (la série Moloch), Infiniti repose sur un scénario en béton armé. Si certains éléments sont complexes au premier abord, le spectateur n’est jamais perdu, les showrunners prenant soin de bien développer les enjeux, tout autant que les personnages, sur un rythme lent, mais toujours maîtrisé. Infiniti laisse aussi une belle place au ressenti et quelques questions en suspens, mais cela n’empêche absolument pas d’être bouleversé, bercé par la splendeur des images, secoué par les révélations et diverti par ce très grand et superbe spectacle qu’on regrette presque de ne pas avoir découvert sur grand écran.
L’ÉDITION BLU-RAY
Évidemment, Infiniti intègre sans surprise le catalogue Studiocanal. L’édition HD apparaît sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue. Superbe visuel. Trois épisodes sont disposés sur la première galette, les trois suivants étant mis sur la seconde, sur laquelle nous trouvons aussi le seul bonus disponible. Le menu principal est fixe et muet.
À ne visionner qu’une fois après vu la série dans son intégralité, le documentaire de 49 minutes donne la parole aux producteurs, aux scénaristes et aux comédiens de la série. Infiniti a été tournée en France, au Kazakhstan et en Ukraine. Les interviews ont été enregistrées après le début de la guerre, Céline Sallette arborant sur ses épaules « Ukraine Peace ». Vous saurez tout sur la genèse de la mini-série, sur ses enjeux, sur la création des personnages, leur psychologie et leur évolution au fil des épisodes, sur le casting, les conditions de tournage (2 ans de développement, 8 mois de préparation, 70 jours de tournage dans trois pays, 9 mois de postproduction), sur les effets spéciaux et notamment l’utilisation de panneaux led (pour éviter celui des sempiternels fonds verts) et de câbles pour ce qui concerne les séquences d’espace. Le dénouement étant révélé au milieu d’autres spoilers, nous vous rappelons donc de ne pas regarder ce module si vous suivez actuellement la série.
L’Image et le son
L’éditeur soigne son master HD qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences sombres où l’image paraît plus douce et moins affûtée, mais cela reste franchement anecdotique. La clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante. Les détails sont légion aux quatre coins du cadre et ce Blu-ray (au format 1080i cependant, léger bémol, occasionnant divers moirages) offre de fabuleuses conditions pour (re)voir la mini-série de Thierry Poiraud et profiter de la très belle photographie signée Christophe Nuyens. L’apport HD sur ce titre est évidemment indispensable et l’ensemble ébouriffant de beauté.
Les enceintes des pistes multilingue et française DTS-HD Master Audio 5.1 sont mises à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent de tous les côtés, la musique très présente de Thomas Couzinier et Frédéric Kooshmanian (Les Crevettes Pailletées, Un p’tit gars de Menilmontant) bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale tandis que les effets ne cessent d’être balancés de gauche à droite, et des enceintes avant vers les arrières. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.