ÉTRANGES COMPAGNONS DE LIT (Strange Bedfellows) réalisé par Melvin Frank, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.
Acteurs : Rock Hudson, Gina Lollobrigida, Gig Young, Edward Judd, Howard St. John, Dave King, Peggy Rea, Joseph Sirola…
Scénario : Melvin Frank & Michael Pertwee
Photographie : Leo Tover
Musique : Leigh Harline
Durée : 1h39
Année de sortie : 1965
LE FILM
Carter Harrison travaille dans une société pétrolière avec succès. Mais sa vie personnelle est plus tumultueuse. Marié à une italienne exubérante et énergique, son couple bat de l’aile et il demande la séparation. Or, pour lui accorder un important poste de direction, sa société exige qu’il puisse donner en Angleterre l’image d’un couple modèle.
Comédien star des studios Universal, Rock Hudson entame les années 1960 avec le western El Perdido – The Last Sunset de Robert Aldrich. Mais contrairement aux années 1950 durant lesquelles il s’était surtout brillamment illustré dans le mélodrame, en particulier avec ses fructueuses collaborations avec Douglas Sirk, c’est dans la comédie (romantique la plupart du temps) qu’il connaîtra ses plus grands succès alors qu’il approche la quarantaine. Il enchaînera ainsi Un pyjama pour deux – Lover Come Back, avec Doris Day et de Delbert Mann, Le Sport favori de l’homme – Man’s Favorite Sport ? d’Howard Hawks et Ne m’envoyez pas de fleurs – Send Me No Flowers, encore avec Doris Day, mais cette fois réalisé par Norman Jewison. En 1961, Robert Mulligan réuni Rock Hudson et Gina Lollobrigida dans Le Rendez-vous de septembre – Come September, dans lequel le couple fait preuve d’une réelle alchimie et participera bien évidemment au succès du film. Quatre ans plus tard, les voici de nouveau réunis à l’écran par Melvin Frank dans Étranges compagnons de lit – Strange Bedfellows. S’il s’agit rétrospectivement d’un film mineur dans leurs carrières rétrospectives, Rock Hudson et Gina Lollobrigida assurent le spectacle du début à la fin et semblent prendre un plaisir contagieux à se donner à réplique, à se chamailler, à se séparer pour ensuite mieux se retrouver et apportent le souffle nécessaire à une mise en scène plan-plan et une intrigue qui part dans toutes les directions. Étranges compagnons de lit est une comédie qui ne manque pas de charme, mais qui ne vaut que pour ses deux comédiens principaux, beaux comme des Dieux et bourrés de talent.
Carter Harrison, l’un des plus brillants espoirs d’une société pétrolière américaine, est pressenti pour un fauteuil directorial en Angleterre. Il doit impérativement prouver ses bonnes mœurs en passant pour un mari modèle. Or il est séparé de son épouse, Toni, une Italienne volcanique à l’énergie inépuisable, qu’il a épousée sur un coup de tête, après une première nuit d’amour, cinq ans plus tôt. Richard Bramwell, chargé des relations publiques au sein de la firme, essaie de réconcilier Carter avec sa femme. L’affaire s’annonce difficile, Toni ayant décidé de mettre sans fard sa plastique irréprochable au service d’un mouvement de protestation…
Melvin Frank (1913-1988) est beaucoup plus connu pour sa carrière de scénariste que de metteur en scène. On lui doit entre autres Un million clé en main – Mr. Blandings Builds His Dream House (1948) qui connaîtra un formidable remake avec Tom Hanks, Une Baraque à tout casser (1986) de Richard Benjamin, Noël blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz, sans parler de ses nombreuses associations avec George Marshall et David Butler. Il passe à la mise au début des années 1950 et se spécialise surtout dans le registre de la comédie (Le Bouffon du roi – The Court Jester avec Danny Kaye en 1955) et livre en 1959 un formidable western, Violence au Kansas – The Jayhawkers !, sa seule incursion dans le genre, avec le génial et charismatique Jeff Chandler. Après avoir réuni le duo explosif Bob Hope et Lucille Ball dans Voulez-vous pêcher avec moi ? – The Facts of Life, Melvin Frank revient derrière la caméra cinq ans plus tard avec Étranges compagnons de lit, qui est supposé se dérouler en Europe, à Londres, mais qui a été entièrement tourné en Californie dans les studios Universal. Du coup, de multiples plans et séquences ont été filmés en rétroprojection, procédé artificiel qui n’a pas vraiment bien vieilli, ce qui alourdit l’ensemble plus de cinquante ans après sa sortie. Heureusement, Rock Hudson et Gina Lollobrigida mettent les bouchées doubles, gesticulent dans tous les sens et parlent fort, s’envoient à la figure tout ce qui leur passe par la main, avant de se rabibocher et de finir systématiquement dans les bras de l’autre.
Melvin Frank s’en sort bien mieux quand il filme le désir sexuel qui anime ses personnages, à l’instar de la scène de la rencontre suite à un coup de pinceau accidentel (ou comment un visage se dévoile au fur et à mesure, tandis que l’autre jusqu’alors aveuglé peut ouvrir les yeux sur la beauté qu’il a en face de lui) ou celle des retrouvailles sept ans après leur première séparation. Melvin Frank et son chef opérateur Leo Tover (La Huitième Femme de Barbe-Bleue – Bluebeard’s Eighth Wife d’Ernst Lubitsch, Le Jour où la Terre s’arrêta – The Day the Earth stood still de Robert Wise) qui devait décéder avant la sortie du film, mettent en valeur leurs acteurs avec des éclairages diffus, capture les yeux et les bouches enflammés, ainsi que les corps, évidemment celui sculptural de Gina Lollobrigida, notamment moulée dans une combinaison de couleur chair à la fin du film. Star internationale, la « Lollo » menait à la fois sa carrière à Hollywood chez John Huston, Robert Siodmak, Carol Reed, King Vidor et en Europe, en Italie bien sûr, mais aussi en France chez Christian-Jaque, Jean Delannoy…
Étranges compagnons de lit repose sur une succession de scènes qui tiennent sur un fil bien trop sensible et lâche. Mais Melvin Frank a suffisamment de bagage technique et sait avant tout diriger ses acteurs pour faire passer la pilule. Le rythme est sans doute lent, de nombreuses longueurs se font ressentir, mais ça passe, c’est joli à regarder, glamour à souhait et évidemment sympathique.
LE BLU-RAY
Après La Légende de l’épée magique de Nathan Juran, Ne dites jamais adieu de Jerry Hopper et Le Sport favori de l’homme de Howard Hawks, nous passons en revue aujourd’hui Étranges compagnons de lit, le quatrième titre mettant en scène Rock Hudson disponible dans la dernière vague DVD et combo Blu-ray + DVD consacrée au comédien chez Elephant Films. Nous en avons encore un sous le coude, Les Yeux bandés de Philip Dunne, qui sera chroniqué très prochainement. Étranges compagnons de lit n’était jamais sorti en DVD en France. Le visuel est typique de la conséquente collection Cinéma Master Class de l’éditeur. Le menu principal est fixe et musical, et la jaquette toujours réversible.
Jean-Pierre Dionnet dresse le portrait de Roy Harold Scherer Jr., connu sous le nom de Rock Hudson (16’), « un des plus grands acteurs du monde, aussi important que Marlon Brando » que certains ont pu découvrir récemment à travers la mini-série Hollywood disponible sur Netflix, dans laquelle l’acteur Jake Picking interprète une version fictionnelle de l’acteur. Les grandes étapes de la carrière du comédien sont abordées, ainsi que ses films les plus emblématiques, son amitié avec Liz Taylor, l’ambiguïté sexuelle de Rock Hudson, sans oublier évidemment sa longue, fructueuse et immense collaboration avec Douglas Sirk.
Après ce retour sur la carrière de Rock Hudson, Jean-Pierre Dionnet propose une courte et rapide présentation d’Étranges compagnons de lit (7’). N’attendez pas une analyse sur le fond et sur la forme, car il s’agit plutôt ici d’un passage en revue du casting du film et de son équipe technique.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Le grain argentique est épais, très grumeleux même durant le générique d’ouverture. Il l’est d’autant plus autant sur les nombreuses incrustations derrière les comédiens, comme sur les scènes en voiture, où le fond bleu original se voit comme une auréole autour de la tête des protagonistes. Néanmoins, le master HD d’Étranges compagnons de lit fait la part belle aux couleurs chatoyantes. Mais les contrastes sont souvent aléatoires, certains plans semblent trop lissés, les fondus enchaînés décrochent et diverses poussières demeurent un peu tout du long. Dans l’ensemble, ce Blu-ray au format 10808 est correct, mais pas formidable non plus.
Au jeu des comparaisons et sans aucune surprise, la version originale s’en tire bien mieux que son homologue française. Pour cette dernière, on se demande tout d’abord qui a pu affubler Gina Lollobrigida d’un accent italien artificiel…avant de se rendre compte que l’actrice a réalisé elle-même son doublage. Mais l’écoute reste marqué par un souffle chronique, l’ensemble est plat, surtout du point de vue musical, et les dialogues manquent de punch. La piste anglaise instaure un confort acoustique suffisant, avec un bon report des dialogues et des effets annexes. Les sous-titres français ne sont pas imposés.