Test Blu-ray / Épouvante sur New York, réalisé par Larry Cohen

ÉPOUVANTE SUR NEW YORK (Q – The Winged Serpent) réalisé par Larry Cohen, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 23 août 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Michael Moriarty, Candy Clark, David Carradine, Richard Roundtree, James Dixon, Malachy McCourt, Fred J. Scollay, Peter Hock…

Scénario : Larry Cohen

Photographie : Fred Murphy

Musique : Robert O. Ragland

Durée : 1h30

Année de sortie : 1982

LE FILM

À Manhattan, plusieurs crimes atroces sont commis tandis qu’un énorme monstre volant reptilien est aperçu au-dessus de New York. Il ressemble d’ailleurs à Quetzalcoatl, un gigantesque serpent ailé…

Deux films pour le prix d’un ! C’est ce qu’on se dit en lisant le pitch de Q (en version originale), connu aussi sous les titres français Épouvante sur New York et Flic de choc. Tout un programme donc, puisque le public se retrouve devant un thriller qui renvoie aux films noirs américains classiques, mais aussi devant un vibrant hommage rendu aux films de monstres géants des années 1950 ! Ce mélange gloubi-boulga a souvent du mal à prendre, surtout en ce qui concerne l’intrigue policière, dont on se moque gentiment il faut bien l’avouer. Mais Larry Cohen (1936-2019) était ainsi et n’hésitait pas à mixer les genres les plus improbables s’il pensait qu’il pouvait en tirer profit et offrir aux spectateurs une expérience aussi originale que divertissante. Épouvante sur New York sent le système D, l’improvisation, le tournage à l’arrache, le rafistolage, ainsi qu’une folle envie de cinéma et c’est sans doute ce qui sauve le film du naufrage. Car heureusement le réalisateur, après une longue première partie qui manque cruellement de rythme, se réveille dans la seconde en se focalisant sur la lutte entre les hommes et le Quetzalcóatl, autrement dit le serpent à plumes de quetzal, divinité pan-mésoaméricaine, qui n’a rien trouvé de mieux que de s’incarner au-dessus de la Grosse Pomme. Difficile de résumer Épouvante sur New York, né dans la précipitation après que Larry Cohen ait été limogé du tournage de J’aurai ta peau, d’après le roman de Mickey Spillane, suite à un différend avec les producteurs. Deux semaines après son renvoi, ce bon vieux Larry entreprenait les prises de vue de Q, à partir d’un scénario qu’il avait terminé quelques semaines auparavant. Coup de bol pour lui, le film, emballé en moins d’un mois avec un million de dollars comme budget, sera un carton au box-office et sera d’ailleurs l’un des opus les plus rentables de la carrière de son auteur. Épouvante sur New York demeure encore aujourd’hui une sacrée curiosité.

Le dieu aztèque Quetzalcoatl, un monstre reptilien ailé, a élu domicile dans la flèche art déco du Chrysler Building, avec de fréquentes escapades sous le soleil de midi pour dévorer divers New-Yorkais sans défense sur les toits. Le gâchis sanglant qui en résulte convoque les détectives Shepard et Powell, qui sont déjà occupés par une affaire impliquant une série de meurtres rituels bizarres liés à une secte secrète néo-aztèque. Jimmy Quinn, un escroc paranoïaque qui souhaite devenir pianiste de jazz, participe à un braquage de diamant raté. Tentant de se cacher de la police après le vol, il tombe sur le repaire de la créature au sommet du bâtiment Chrysler. Quinn abandonne ses tentatives de s’installer et de quitter sa vie de crime, décidant d’extorquer à la ville une énorme somme d’argent en échange de directions vers le nid de la créature, qui abrite un œuf colossal. Quinn conclut un accord avec la ville, 1 million de dollars pour l’emplacement du nid.

« It’s name is Quetzalcoatl…Just Call Q…that’s all you’ll have time to say before it tears you apart ! » (tagline de l’affiche originale).

Si King Kong a eu son Empire State Building, Quetzalcoatl aura son Chrysler Building ! Mais pour amener sa créature ailée au sommet de ce somptueux gratte-ciel (ou comment créer une nouvelle légende urbaine), Larry Cohen a tricoté une intrigue qui part un peu dans tous les sens et qui réunit un flic cynique (David Carradine, qui débarquait sur le plateau sans avoir lu le scénario), un autre plus brut de décoffrage (Richard Roundtree, après Oeil pour Oeil avec Chuck Norris) et un petit voleur sans envergure (Michael Moriarty, grande révélation du film). Tous sont embarqués dans une histoire à laquelle ils semblent ne pas comprendre grand-chose, si ce n’est qu’une sorte de dragon paraît s’en prendre aux new-yorkais, les capture quand ils font bronzette ou en pleine séance de natation, pendant qu’un tueur frappadingue décime quelques victimes « consentantes » lors de rituels sacrificiels.

Larry Cohen pose sa caméra dans de vrais décors, il n’a d’ailleurs pas les moyens (ni le temps) d’avoir recours aux studios. On passe ainsi d’un vrai bar à un véritable commissariat (avec des flics en plein boulot qui s’activent autour des comédiens), ainsi que et surtout au sommet du Chrysler Building, le réalisateur ayant obtenu une simili-autorisation pour aller y capturer quelques plans, sans préciser qu’il allait déplacer son équipe jusque dans l’aiguille de ce symbole new-yorkais, où son Quetzalcoatl a fait son nid et par ailleurs pondu un œuf. C’est cette véracité qui fait le sel d’Épouvante sur New York, le côté craspec (un véritable taudis en ce qui concerne le sommet du Chrysler) qui se retrouve dans moult films du cinéaste guérillero, apportant un cachet documentaire sur la Grosse Pomme, ses habitants (nombreux sont ceux qui regardent la caméra et ce qui est en train de se dérouler dans la rue), ses bruits, son architecture aussi bien sûr, Larry Cohen ayant eu aussi la bonne idée de placer son monstre géant sur le dôme pyramidal de la Banker Trust de Wall Street, renvoyant la bâtisse au temple du serpent à plumes.

Si l’affrontement avec le Quetzalcóatl vaut son pesant, il faut néanmoins se farcir de longues scènes bavardes, qui s’étirent et font office de remplissage. L’ennui pointe souvent le bout de son nez, mais Larry Cohen sait relancer la machine quand il le faut, suffisamment du moins pour que l’on suive jusqu’au bout les personnages, en particulier Jimmy Quinn, excellemment campé par Michael Moriarty, vu précédemment dans La Dernière Corvée The Last Detail de Hal Hashby, la mini-série Holocauste, aux côtés de Meryl Streep, et Les Guerriers de l’enfer Who’ll Stop the Rain de Karel Reisz.

Épouvante sur New York avance ainsi, par à-coups, et si l’intérêt s’émousse à plusieurs reprises, le charme demeure incontestable, il y a ici une vraie patte d’auteur, une âme, les effets spéciaux réalisés en stop-motion par Randall William Cook (qui supervisera les FX de la trilogie du Seigneur des Anneaux) et David Allen (Puppet Master, Willow, Le Secret de la pyramide, Hurlements) conservent aussi une poésie indéniable. Difficile de ne pas avoir de l’affection pour ce Q : The Winged Serpent, thriller horrifique non dénué d’humour, qui aurait entre autres largement influencé Godzilla de Roland Emmerich et The Host de Bong Joon Ho. Avouez que ça vous donne envie hein ?

LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRET

Un peu plus de mois après Tentacules, Rimini Éditions revient déjà sa collection Angoisse avec Épouvante sur New York, quatrième titre de l’année à rejoindre cette anthologie et deuxième titre de Larry Cohen édité sous cette bannière, après Meurtres sous contrôle sorti en mars 2021. Comme d’habitude, nous nous trouvons en présence d’un Digipack à trois volets, renfermant les deux disques, ainsi qu’un livret très informatif de 24 pages rédigé par Marc Toullec, qui revient longuement sur la mise en route (expéditive) d’Épouvante sur New York, les conditions de tournage, le casting, les effets visuels, les lieux de tournage, le succès du film…Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément est une présentation du film par Jean-Manuel Costa (17’). Réalisateur et spécialiste de l’animation image par image, ce dernier, dont les travaux ont été réunis au sein d’un même DVD, édité par Rimini en 2016 (Les mondes magiques de Jean Manuel Costa), apparaît tout d’abord à l’écran pour évoquer le fait qu’il avait vu et apprécié Épouvante sur New York à sa sortie et qu’il avait évidemment apprécié le travail des animateurs Randall William Cook et Dave Allen. Puis, de ce dernier, il en est fortement question puisque Jean-Manuel Costa propose un retour très bien illustré sur sa carrière et ses créatures. On retrouve quelques anecdotes de tournage sur Épouvante sur New York lues dans le livret ou entendues dans le bonus suivant, tandis que de nombreux titres, liés à l’animation stop-motion, sont évoqués à travers des images issues de bandes-annonces qui mettent l’eau à la bouche.

Nous trouvons ensuite un commentaire audio de mister Larry Cohen himself, présenté en version originale sous-titrée français. Enfin presque. Car vers une heure, disparition totale des sous-titres pendant six ou sept minutes. Heureusement, ceux-ci font leur retour. Les fans du réalisateur seront heureux de le retrouver alors en très grande forme et celui-ci assure le show durant 90 minutes, sans aucune interruption. Sont ainsi évoqués l’avant-première catastrophique du film (« Quand les spectateurs ont vu le nom de Samuel Z. Arkoff apparaître à l’écran, 50 % de la salle s’est levé et est sorti […] personne n’a cherché à donner une chance à ce film, sauf Carl Reiner et sa femme, qui sont sortis à la fin de la première séquence »), son succès, les conditions de tournage, le casting (il ne tarit pas d’éloges sur Michael Moriarty, avec lequel une grande amitié allait naître sur le plateau), critique les images de synthèse sans âme dans les blockbusters, parle des effets spéciaux, de l’investissement de son équipe, du talent de son chef opérateur, s’en prend au Godzilla de Roland Emmerich (« Ils ont tout piqué, y compris le plan final »)…que du bonheur !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Bon…il y a clairement à boire et à manger avec ce master HD, qui semble identique à celui édité il y a une dizaine d’années chez Shout Factory aux États-Unis. Si Épouvante sur New York n’a vraisemblablement jamais brillé sur le plan technique, la copie paraît respecter cela, avec une palette chromatique aléatoire, pas forcément élégante, mais qui semble coller aux partis-pris de l’époque. Ce Blu-ray (au format 1080p) n’est clairement pas exempt de défauts, le piqué est tantôt vif, tantôt émoussé, les contrastes sont médiocres, la texture argentique est soit abondante (surtout sur les plans à effets spéciaux) soit au contraire trop lissée. Les scènes diurnes tournées en extérieur sont celles qui profitent finalement le plus de cette promotion en Haute-Définition, même si le gain reste limité du début à la fin.

Les aficionados de la version française seront certes comblés de (re)voir Épouvante sur New York dans la langue de Molière, mais ce mixage (tiré d’une ancienne copie) peine à convaincre, surtout quand on la compare avec la piste anglaise, plus homogène, dynamique et propre. Dans les deux cas, certaines imperfections demeurent constatables et le niveau du volume fait un peu les montagnes russes, parfois même au cours d’une même séquence.

Crédits images : © Largo Productions / Rimini Éditions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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