ENTRE LES LIGNES (Mothering Sunday) réalisé par Eva Husson, disponible en DVD et Blu-ray le 7 février 2024 chez Condor Entertainment.
Acteurs : Odessa Young, Josh O’Connor, Nathan Chester Reeve, Samuel Barlow, Dexter Raggatt, Colin Firth, Olivia Colman, Glenda Jackson…
Scénario : Alice Birch, d’après le roman de Graham Swift
Photographie : Jamie Ramsay
Musique : Morgan Kibby
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Angleterre, 1924. Femme de chambre chez un couple d’aristocrates, Jane fréquente secrètement Paul, le fils des propriétaires du manoir voisin. Instinctivement, Jane sait que leur différence de milieu, et le futur mariage de Paul avec une autre, vouent leur liaison passionnée à l’échec. Elle se raccroche alors à ces étreintes dérobées comme à autant de futurs souvenirs destinés à nourrir sa plume d’écrivaine en devenir.
Entre les lignes –Mothering Sunday marque le retour derrière la caméra de la réalisatrice française Eva Husson, trois ans après l’accueil houleux (euphémisme) des Filles du soleil au Festival de Cannes en 2018. C’est aussi sur la Croisette que le troisième long-métrage de la cinéaste, révélée en 2015 avec Bang Gang (une histoire d’amour moderne), qu’Entre les lignes aura été présenté pour la première fois, avant d’être oublié pendant plus de deux ans, jusqu’à sa sortie dans les salles hexagonales en octobre 2023. Beaucoup plus classique, Mothering Sunday contient de belles choses, notamment cette façon à la fois crue et élégante avec laquelle Eva Husson filme les corps nus, celui de sa comédienne, l’australienne Odessa Young, remarquée en 2018 dans Assassination Nation de Sam Levinson, A Million Little Pieces de Sam Taylor-Johnson, ainsi que dans la mini-série The Stand, adaptée du Fléau de Stephen King. Rien de poussiéreux dans cette adaptation du roman de Graham Swift, Mothering Sunday : A Romance donc, publié chez nous sous le titre Le Dimanche des mères (éd. Gallimard). La mise en scène est délicate, la distribution convaincante, le charme agit très vite et on se laisse porter par l’émotion, ainsi que par l’érotisme qui irrigue le récit du début à la fin. Une jolie découverte, même s’il n’y a rien d’inoubliable.
Jane Fairchild est une servante qui travaille pour la riche famille Niven. Le jour de la fête des mères, ses patrons lui accordent une journée de repos. À sa grande surprise, Paul Sheringham, le fils de riches voisins, l’invite à passer la journée avec lui pendant que ses parents, les Niven et les Hobdays déjeunent ensemble. Paul et Jane ont une liaison secrète depuis des années, depuis l’arrivée de Jane au domaine des Niven ; cependant, Paul doit épouser Emma Hobday, une femme de son cercle social qui était autrefois officieusement fiancée à James Niven, décédé pendant la Grande Guerre. Paul et Emma ont tous deux des sentiments mitigés à propos de leurs fiançailles, mais se sentent néanmoins obligés de se marier. Au domaine Sheringham, Jane et Paul font l’amour avant que Paul ne parte tard pour rejoindre sa famille et sa fiancée pour le déjeuner.
Attention, il ne s’agit pas d’un biopic sur une femme de lettres ayant existé. Jane Faurchild demeure un personnage de fiction, même si l’on pourrait penser le contraire durant le film, qui s’apparente à un film habituel du genre avec cette jeune femme en plein apprentissage de la vie, observatrice des us et coutumes de la belle société, possédant vraisemblablement un don pour l’écriture et un amour pour les livres, qui va connaître un nouveau trauma (après avoir été abandonnée par sa mère à sa naissance et placée à l’âge de 18 ans), qui sera alors un catalyseur pour sa condition d’écrivaine. La réalisatrice bénéficie d’un beau scénario écrit par Alice Birch (The Young Lady de William Oldroyd, les séries Normal People et Succession), d’une photographie bigarrée et chatoyante de Jamie Ramsay (Vivre d’Oliver Hermanus), ainsi que de la participation de deux monstres du cinéma britannique en la personne de Colin Firth et Olivia Colman. Cette dernière retrouve aussi l’acteur Josh O’Connor,qui interprétait déjà son fils dans la série The Crown, où il jouait le Prince Charles. Ce dernier forme un étonnant tandem avec Odessa Young, que la cinéaste filme sous tous les angles, frontalement, capture la jeunesse, l’insouciance, ce qui leur reste d’innocence, l’ivresse de la sexualité.
À ces scènes, Eva Husson met en parallèle trois familles d’aristocrates encore marquées par la Première Guerre mondiale, surtout les Sheringham, où quatre de leurs cinq fils sont décédés, tandis que le fils unique des Niven n’est pas revenu vivant du front également. Demeure Paul, étudiant en droit, futur avocat, fiancé à Emma Hobday (auparavant promise au fils Niven), qui préfère passer du bon temps avec Jane, femme de chambre des Niven, amis de ses parents.
Bien que leur statut social les sépare, Jane et Paul profitent de ces quelques heures où ils sont à égalité une fois délestés de leurs vêtements, même si chacun n’est pas dupe quant à l’issue de leurs ébats passionnés. On pourra sans doute reprocher un rythme un peu lent, ainsi que des scènes situées dans le futur plus mélodramatiques où Jane soutient l’homme qu’elle aime, Donald, en fin de vie en raison d’une tumeur au cerveau. Un bond dans le temps nous permet tout de même de revoir l’exceptionnelle Gloria Jackson (Une anglaise romantique, Marie Stuart, Reine d’Écosse), disparue en 2023 et qui signait son retour au cinéma plus de trente ans après sa dernière apparition, ayant siégé à la Chambre des communes pour le Parti travailliste depuis 1992. De bons et beaux atouts qui font la réussite d’Entre les lignes.
LE BLU-RAY
C’est chez Condor Entertainment qu’Entre les lignes débarque dans les bacs, en DVD et Blu-ray. Joli visuel de la jaquette et boîtier classique de couleur bleue, glissée dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur fournit un making of classique, composé d’interviews de l’équipe (les noms des intervenants ne sont d’ailleurs pas indiqués) et d’images de plateau. Les propos sont typiques de ce genre de documentaire, dithyrambiques, trop sans doute, bien promotionnels. Focus intéressant sur les décors et les costumes.
L’Image et le son
Très beau Blu-ray, même si présenté au format 1080i. Si le piqué n’est peut-être pas aussi ciselé qu’espéré, les séquences sombres ou tamisées sont aussi belles que les scènes diurnes, lumineuses, éclatantes, la colorimétrie est d’une richesse impressionnante, les contrastes sont tranchants et les détails abondent aux quatre coins du cadre. Le relief est omniprésent.
Nous n’avons pas non plus à nous plaindre des mixages français et anglais DTS HD Master Audio 5.1 qui répartissent les répliques, la musique et les effets avec une belle fulgurance. Il est évidemment nécessaire de visionner Entre les lignes en version originale, même si la piste française s’en sort aussi bien. Les enceintes s’en donnent à coeur joie dans les envolées musicales.
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