EN ATTENDANT BOJANGLES réalisé par Régis Roinsard, disponible en DVD et Blu-ray le 11 mai 2022 chez Studiocanal.
Acteurs : Virginie Efira, Romain Duris, Solan Machado-Graner, Grégory Gadebois, Orianne Daudin, Juliette Blanche, Rose Harlean, Lucas Bléger…
Scénario : Romain Compingt & Régis Roinsard, d’après le roman d’Olivier Bourdeaut
Photographie : Guillaume Schiffman
Musique : Clare & Olivier Manchon
Durée : 2h04
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Camille et Georges dansent tout le temps sur leur chanson préférée Mr Bojangles. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Jusqu’au jour où la mère va trop loin, contraignant Georges et leur fils Gary à tout faire pour éviter l’inéluctable coûte que coûte.
Hmmm….non, ça ne fonctionne pas. Enfin, peut-être un peu dans la dernière partie, et encore…dommage…oui c’est bête car Régis Roinsard est un réalisateur prometteur. Ayant fait ses classes dans le clip musical (pour Jean-Louis Murat, Cali, Jane Birkin, Anaïs…), quelques publicités et deux courts-métrages, Régis Roinsard fait parler de lui en 2012 avec son premier long métrage Populaire, un vrai petit coup de coeur à sa sortie pour l’auteur de ces mots, récompensé par cinq nominations aux César, dont celle du Meilleur premier film et lauréat de quatre prix internationaux. Doté d’un budget impressionnant pour une première œuvre d’environ 15 millions d’euros, Régis Roinsard s’inspirait de réels championnats de vitesse dactylo organisés dans les années 40 jusque dans les années 60 et livrait une comédie pétillante, en reconstituant minutieusement les années 50, ses décors, ses costumes, sa musique, son énergie et son insouciance. Il y dirigeait Romain Duris, qu’il retrouve donc dix ans plus tard dans En attendant Bojangles, l’adaptation du roman éponyme et best seller d’Olivier Bourdeaut. S’il aura mis huit ans pour revenir au cinéma avec Les Traducteurs, Régis Roinsard aura enchaîné immédiatement avec son troisième opus qui reprend divers ingrédients de Populaire…mais le cocktail demeure fade. La faute au couple principal, Romain Duris – Virginie Efira (qu’on nous met décidément à toutes les sauces), qui ne fait aucune étincelle, qui fait faux, alors que l’association Romain Duris – Déborah François dans Populaire était merveilleuse, débordait d’énergie, de fraîcheur, de légèreté et de charisme. Là où ces deux derniers prenaient un plaisir évident à se donner la (savoureuse) réplique, tout est éteint et morne dans En attendant Bojangles, qui paraît surjoué, artificiel et très rapidement épuisant.
Du point de vue mise en scène, rien à redire. Comme il l’avait déjà démontré dans Populaire, Régis Roinsard soigne chaque plan, ravit les yeux, imprime une véritable élégance qui manque souvent le panorama cinématographique français. Malheureusement, cette fois la forme l’emporte sur le fond et l’on se souviendra au final plus de la superbe photographie de Guillaume Schiffman (The Artist, les deux premiers OSS 117). Le gros problème d’En attendant Bojangles, outre l’absence d’alchimie entre les deux têtes d’affiche, c’est qu’on ne s’intéresse pas du tout à ces deux personnages, qui vivent dans leur bulle, détachés de tout et de tout le monde. Certes, il y a une raison. Camille ayant vécu dans la misère durant son enfance, son père s’étant suicidé, a décidé, pour n’avoir besoin de rien, de se moquer de tout. Georges, petit escroc mythomane qui essayait de s’en sortir dans la vente de voitures, tombe instantanément amoureux de cette femme au sourire angélique et décide de consacrer sa vie à rendre celle de Camille idéale, loin des responsabilités, des protocoles, de la bien-pensance, du qu’en-dira-t-on. Vous n’avez pas envie d’ouvrir votre courrier par peur d’y découvrir une relance des impôts ou une menace de saisie ? Alors, prenez cette enveloppe, ne la décachetez surtout pas et laisser les envois s’accumuler dans un coin, près de la grue demoiselle qui leur tient compagnie. Mais si ce n’était que ça…Car il est évident dès le départ que Camille a une santé mentale fragile. Les années passent, un petit garçon arrive dans leur vie, grandit dans l’univers de ses parents et se nourrit des récits extravagants que ceux-ci lui racontent pour s’endormir.
Où se situe la frontière entre la réalité et le fantasme ? Camille a beau tout avoir pour être heureuse, quelque chose coince. Quand elle s’en prend violemment à un individu qui pourrait perturber leur équilibre, ou quand elle sort dans la rue seulement vêtue de talons hauts et d’un chapeau (les spectateurs apprécieront de revoir Virginie Efira en tenue d’Eve après Benedetta), Georges comprend que son épouse bascule dans la folie. Vous pensez à L’Écume des jours ? Adapté en 2013 par Michel Gondry, avec Romain Duris dans le rôle principal ? Nous aussi, d’où cette curieuse impression de redite, surtout que cette transposition « impossible » du roman de Boris Vian était déjà un sommet d’ennui…Un écho quelque peu dérangeant…
Sans avoir lu le livre, l’histoire d’En attendant Bojangles est somme toute attrayante. Mais à l’écran, le traitement laisse à désirer. Les acteurs se démènent, s’esclaffent dans un sourire Ultrabrite, s’embrassent à bouche affamée, mais Georges et Camille ne sont jamais attachants, à tel point que l’on se contrefiche d’emblée de ce qui peut leur arriver. Romain Duris pleure bien face à la caméra, le visage plissé et tout tremblant (on pense au gag récurrent de L’Arnacoeur) tout en disant – en état d’apoplexie – à son gamin (mignon et convaincant Solàn Machado-Graner) que sa maman ira mieux très bientôt. Mais Virginie Efira, en mode Gena Rowlands/Une femme sous influence ne convainc absolument pas, passe son temps à regarder dans le vide, à pleurer que d’un œil, la tête penchée, soufflant ses répliques en hyper-ventilation.
Mais rien n’y fait, tout est froid, figé, gênant même. Reste l’impeccable Grégory Gadebois, qui tire tout de même son épingle du jeu et apporte un peu d’émotion à cette entreprise de 12 millions d’euros. D’ailleurs, la renommée du livre n’a pas suffi et les spectateurs ont boudé le film avec seulement 557.000 entrées en fin de parcours dans les salles hexagonales.
LE BLU-RAY
Après son échec dans les salles, En attendant Bojangles arrive en DVD et Blu-ray chez Studiocanal. L’édition HD apparaît sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, glissée dans un surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
En plus d’un module dévoilant les essais du jeune Solàn Machado-Graner (2’30) et de la bande-annonce, nous trouvons un formidable moyen-métrage de Régis Roinsard, intiulé Simon (2001, 36’). Simon (surprenant Guillaume Hussenot) a vingt-cinq ans. Il est atteint d’une maladie génétique qui l’oblige à se déplacer dans un fauteuil électrique. Il vit depuis toujours avec sa soeur dans un petit village des bords de Seine. La volonté d’indépendance de ce jeune homme se heurte aux contraintes physiques de son handicap. Le mode de vie de cette famille réduite étouffe chacun des personnages : le destin de Simon et de sa soeur semble inébranlable. D’autant plus que leur mère, hospitalisée, est sur le point de décéder…
L’Image et le son
Si l’on excepte les pertes de la définition sur les gros plans, pas aussi ciselés que nous l’espérions, ainsi qu’un piqué parfois plus émoussé, le master HD de En attendant Bojangles flatte très souvent les rétines. La photo acidulée de Guillaume Schiffman fait la part belle aux teintes rouge et bleue, vives, saturées, scintillantes, excellemment rendues, la profondeur de champ est très agréable tandis que le cadre large fourmille de détails. Sans surprise, l’ensemble est nettement plus pointu et lumineux sur les séquences en extérieur et se révèle sensiblement plus ouaté sur les scènes sombres. La texture des costumes et des décors ressort sans mal grâce à un solide encodage AVC.
En attendant Bojangles offre un petit spectacle acoustique plaisant, savamment pris en main par l’éditeur au moyen d’une piste DTS-HD Master Audio 5.1 de haute volée. Les enceintes latérales ne manquent jamais l’occasion de distiller de solides ambiances naturelles, la musique légère profite également d’une spatialisation constante, les dialogues sont fermes et la balance frontale demeure riche et équilibrée. Studiocanal joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour aveugles et malvoyants.