DE SON VIVANT réalisé par Emmanuelle Bercot, disponible en DVD et Blu-ray le 24 mars 2022 chez Studiocanal.
Acteurs : Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Gabriel A. Sara, Cécile de France, Oscar Morgan, Lou Lampros, Melissa George, Clément Ducol…
Scénario : Emmanuelle Bercot & Marcia Romano
Photographie : Yves Cape
Musique : Eric Neveux
Durée : 2h03
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Un homme condamné trop jeune par la maladie. La souffrance d’une mère face à l’inacceptable. Le dévouement d’un médecin et d’une infirmière pour les accompagner sur l’impossible chemin. Une année, quatre saisons, pour « danser » avec la maladie, l’apprivoiser, et comprendre ce que ça signifie : mourir de son vivant.
Le cinéma adore ce genre d’histoire. La maladie a toujours été LE sujet mélodramatique par excellence et la France n’est pas en reste dans ce domaine. On peut citer en vrac La Guerre est déclarée (2011) de Valérie Donzelli, Cléo de 5 à 7 (1962) d’Agnès Varda, Adieu les cons (2020) d’Albert Dupontel, Les Intranquilles (2021) de Joachim Lafosse, Augustine (2012) d’Alice Winocour, Floride (2015) de Philippe Le Guay, Cortex (2008) de Nicolas Boukhrief, L’Arbre de Noël (1969) de Terence Young, La Gueule ouverte (1974) de Maurice Pialat et bien d’autres. De son vivant d’Emmanuelle Bercot plonge la tête dedans on pourrait dire, mais contrairement à la plupart des films mentionnés, qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère, ce drame s’en sort assez bien. Le sixième long-métrage de la réalisatrice est avant tout un film de performance d’acteur, dans le sens où il offre assurément à Benoît Magimel l’un de ses meilleurs rôles, avec lequel il retrouve enfin de sa superbe après quelques errances, même si le comédien aura su rebondir ces dernières années dans Money de Gela Babluani, Carbone d’Olivier Marchal, La Douleur d’Emmanuel Finkiel, Lola vers la mer de Laurent Micheli et Une fille facile de Rebecca Zlotowski. Il est magnifique dans De son vivant, sa troisième collaboration avec Emmanuelle Bercot après La Tête haute (2015) et La Fille de Brest (2016) et si le film pâtit de digressions, ainsi que de sous-intrigues dispersées, il serait dommage de passer à côté. Un César du meilleur acteur 2022 très largement mérité.
Quadragénaire, Benjamin découvre au détour de simples contrôles qu’il souffre d’un cancer du pancréas au stade 4, incurable. Après divers examens, il constate désemparé que sa maladie le condamne à court terme. Bouleversée, sa mère parvient tout de même à rester digne en apprenant le terrible diagnostic, comprenant de suite l’absolue nécessité de faciliter le quotidien d’un fils qui file vers son ultime voyage. Malgré les incessants aller-retours à l’hôpital, les deux parviennent à surmonter la peine et la douleur et unir leurs forces pour mener de front les affaires courantes, souhaitant se préparer au mieux à subir l’inéluctable et tragique destin…
Mine de rien, Benoît Magimel a déjà près de trente ans de carrière et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en a fait du chemin le petit Momo Groseille de La Vie est un long fleuve tranquille (1988) d’Étienne Chatiliez ! Avec tous ses problèmes personnels qui ont fait les choux gras de la presse dégueulasse, sur lesquels nous ne reviendront évidemment pas, on avait presque oublié à quel point l’acteur né en 1974 pouvait être puissant. Prix d’interprétation masculine du Festival de Cannes en 2001 pour La Pianiste, César du meilleur acteur dans un second rôle en 2016 pour La Tête haute, Benoît Magimel s’est sans doute perdu quelques fois au cours des années 2010 (Mon pote de Marc Esposito, Cloclo de Florent-Emilio Siri, Le Convoi de Frédéric Schoendoerffer…), mais a toujours su remonter la pente, en donnant ici et là des signes de génie. Dans De son vivant, il est bouleversant, magnétique, déchirant, merveilleusement dirigé par Emmanuelle Bercot qui décidément lui aura porté chance deux fois aux Césars. La cinéaste l’entoure d’un casting de choix, le monument Deneuve, pour la troisième fois de sa carrière (avec Elle s’en va), que nous n’avions pas vu aussi intense depuis longtemps et cela fait plaisir, Cécile de France, dans un rôle plus discret, mais qui tire tout de même son épingle du jeu à chaque apparition. Celui qui se distingue dans De son vivant ne vient pas du monde du cinéma. Il s’agit de Gabriel Sara, véritable oncologue, hématologue et directeur de l’unité de chimiothérapie à l’hôpital Mount Sinai de New York, qui interprète pour ainsi dire son propre rôle dans le film d’Emmanuelle Bercot. Charismatique, d’un naturel confondant (forcément), il crève l’écran et interpelle par sa pensée philosophique face au cancer, accompagnant le personnage Benjamin et l’aidant à arpenter le dernier sentier de son existence. Les scènes qui réunissent ce dernier avec Benoît Magimel sont sans nul doute les plus belles du film.
De son vivant s’éparpille un peu. La tension et l’émotion se relâchent au cours des séquences des cours de théâtre donnés par Benjamin à ses élèves, avec lesquels il prépare l’entrée au Conservatoire National d’art dramatique. Comme s’il s’agissait du passage obligé The Show Must Go On, où Benjamin, devant faire face à un compte à rebours fatal, espère pouvoir aider ses étudiants jusqu’au bout. On adhère moins aussi à l’erreur de jeunesse de Benjamin, un enfant qu’il a eu alors qu’il n’avait même pas vingt ans, qu’il n’a pas reconnu, sa mère ayant fait pression pour qu’il abandonne ce bébé et sa compagne Anna – incarnée par l’australienne Melissa George (Dark City, Mulholland Drive, Grey’s Anatomy) – de celui-ci. Quand le docteur Eddé lui conseille de « nettoyer le bureau de sa vie », Benjamin repense à cet enfant, prénommé Léandre (Oscar Morgan), qu’il n’a pas connu, qui a désormais vingt ans. Ce qu’il ne sait pas, c’est que sa mère a contacté Anna pour lui expliquer la situation. Léandre décide de se rendre en France pour rencontrer Benjamin. Mais le temps est compté. Durant cette partie, on perd un peu de vue le personnage principal et l’émotion paraît plus factice.
Au fil des saisons, Benjamin, qui refuse tout d’abord la chimio et de savoir combien de temps il lui reste, apprendra à accepter, après avoir eu honte ou s’être senti coupable d’avoir le cancer. Il affrontera aussi la peur de s’endormir et de ne pas se réveiller, le cancer gagnant la bataille, pour enfin trouver la paix. De son côté, Crystal (Catherine Deneuve), qui se sent impuissante, devra de son côté lui donner la « permission de partir », ce qui sera son plus grand cadeau d’amour, et se préparer à l’absence de son fils. C’est clairement ce qui fait la belle réussite de De son vivant, cette relation entre une mère et son fils, portée par deux comédiens exceptionnels et au sommet de leur art, grâce auxquels on oublie finalement les quelques faiblesses d’écriture.
LE BLU-RAY
Avec ses 166.000 entrées, De son vivant n’a pas connu le même engouement au cinéma qu’Elle s’en va (près de 400.000 spectateurs), La Tête haute (700.000 entrées) et même La Fille de Brest (410.000 spectateurs). Toutefois, le film d’Emmanuelle Bercot arrive dans les bacs en DVD, mais aussi en Haute-Définition. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. L’ensemble repose dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Édition minimaliste, puisque nous ne trouvons que la bande-annonce du film en guise de bonus ! Dommage…
L’Image et le son
L’une des grandes réussites de De son vivant est sa superbe photographie, que l’on doit à Yves Cape, chef opérateur belge de grand talent qui a officié chez Alain Berliner (Ma vie en rose), Bruno Dumont (L’Humanité, Flandres), Claire Denis (White Material), Leos Carax (Holy Motors), Guillaume Nicloux (La Religieuse) et Cédric Kahn (Vie sauvage, La Prière). Hormis quelques petites pertes de la définition sur les scènes sombres et un piqué manquant parfois de mordant, ce master HD au format 1080p demeure fort plaisant et n’a de cesse de flatter les yeux avec une impressionnante restitution de la colorimétrie à la fois chatoyante et froide. Les contrastes sont denses et élégants, la gestion solide, le relief palpable, les détails précis sur les gros plans et les partis pris esthétiques raffinés trouvent en Blu-ray un très bel écrin.
Le mixage français DTS-HD Master Audio 5.1 parvient à créer une immersion acoustique probante grâce à la très belle musique d’Éric Neveux. Les ambiances naturelles viennent souvent à manquer sur les séquences en extérieur et l’ensemble se révèle souvent timide. Le report des voix est solide, la balance frontale fait gentiment son boulot, mais beaucoup de scènes reposent essentiellement sur les enceintes avant. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.