DANS LA SOURICIÈRE (The Trap) réalisé par Norman Panama, disponible en combo Blu-ray + DVD le 20 janvier 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : Richard Widmark, Lee J. Cobb, Tina Louise, Earl Holliman, Carl Benton Reid, Lorne Greene, Peter Baldwin, Chuck Wassil, Richard Shannon, Carl Milletaire…
Scénario : Richard Alan Simmons & Norman Panama
Photographie : Daniel L. Fapp
Durée : 1h20
Année de sortie : 1959
LE FILM
Ralph Anderson, avocat aisé, revient à Tula, 1108 habitants, la petite ville où il est né, accompagné des hommes de Victor Massenotti, parrain de la mafia. Poursuivi par la justice, Massenotti souhaite utiliser l’aérodrome local pour s’enfuir. Ralph doit alors convaincre son père, shérif de Tula, de renoncer à surveiller les lieux. Sinon, les gangsters promettent de mettre la ville à feu à sang.
Nous parlions dernièrement d’Étranges compagnons de lit – Strange Bedfellows (1965) de Melvin Frank. En fait, avant de faire cavalier seul, ce réalisateur avait signé en binôme quelques fleurons de la comédie américaine avec le méconnu Norman Panama (1914-2003). Depuis le début des années 1950, les deux associés enchaînent alors Une rousse obstinée – The Reformer and the Redhead (1950) avec Dick Powell, Proprement scandaleux – Strictly Dishonorable (1951) avec Janet Leigh, Callaway Went Thataway (1951) avec Fred MacMurray, Le Grand Secret – Above and Beyond (1952) de Robert Taylor, Un grain de folie – Knock on Wood (1954) et Le Bouffon du roi – The Court Jester (1955) avec Danny Kaye et Si j’épousais ma femme – That Certain Feeling (1956) avec le légendaire Bob Hope. Après une décennie de succès au box-office, les deux amis et scénaristes du mythique Noël blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz, décident de voguer seuls vers de nouveaux horizons. Néanmoins, Norman Panama et Melvin Frank restent liés puisque même si le second est bel et bien le seul metteur en scène de Dans la souricière, sorti en 1959, les deux produisent ce premier coup d’essai en solo. Formidable série B, à la croisée du film noir et du western, The Trap est une œuvre aussi sèche et brutale que son titre le laissait espérer. Merveilleusement interprété par l’immense Richard Widmark, intense, passionnant, Dans la souricière est un petit film complètement et injustement oublié aujourd’hui, qu’il est toujours bon de réhabiliter.
Ralph Anderson retourne dans sa ville natale paumée de Californie, pour la première fois depuis de nombreuses années. Maintenant avocat réputé, il a été séparé de son père, Lloyd, et de son frère, Tippy, depuis qu’il a été envoyé en centre de redressement dans sa jeunesse pour avoir volé une voiture. Lloyd est le vieux shérif de la petite bourgade et Tippy son adjoint. Forcé de représenter un criminel recherché, Ralph demande à la loi de détourner le regard tandis qu’un aérodrome local est utilisé pour permettre au gangster, Massonetti, de fuir le pays. Un Lloyd dégoûté accepte d’aider, mais Tippy décide d’arrêter Massonetti et de gagner une grosse récompense. La belle épouse de Tippy, Linda, était autrefois l’amour de la vie de Ralph et ne s’est jamais remise de son départ. Elle est fatiguée des manières irréfléchies et ivres de Tippy et de la domination dominante de Lloyd sur la famille. Massonetti arrive en ville, soutenu par Davis, son bras droit. Tippy et deux adjoints, Karger et Eddie, tentent de capturer Massonetti. Mal préparés, Lloyd se fait descendre en essayant de les arrêter. Ralph parvient à mettre Massonetti derrière les barreaux de la prison de la ville. Les communications téléphoniques et l’accès autoroutier à la ville sont coupés. Ralph suggère de conduire Massonetti aux autorités de Barstow dans la propre voiture rapide du gangster. Remarquant la tension entre les frères, Massonetti fait monter la tension entre les deux et offre 25 000 $ pour inciter Tippy à trahir Ralph, afin de le libérer. Sur la route, l’adjoint Eddie est pris en embuscade et les frères apprennent que Linda a été enlevée.
La nuit va être longue et chaude, Avocat !
Un vrai synopsis de série B. Richard Widmark (1914-2008), libéré de son contrat avec la 20th Century Fox, devient un acteur indépendant et créé sa propre société de production, qui participe à la mise en route de Dans la souricière. Révélé en 1947 par Le Carrefour de la mort – Kiss of Death de Henry Hathaway, le comédien a ensuite très vite enchaîné les rôles, en particulier de bad guy et même de psychopathes, chez William Wellman, Jean Negulesco, André De Toth, Joseph L. Mankiewicz, Elia Kaza, Jules Dassin, Lewis Milestone, Joseph M. Newman, Robert Parrish, Samuel Fuller, Richard Brooks, Robert Wise, Vincente Minnelli, Mark Robson, Delmer Daves, Otto Preminger…bref, l’un des plus impressionnants C.V. présenté par un comédien dans les années 1950 ! La même année que L’Homme aux colts d’or – Warlock d’Edward Dmytryk, avec lequel il avait déjà tourné La Lance brisée – The Broken lance, Richard Widmark porte sur ses épaules Dans la souricière. Si sa carrière se concentrera surtout sur le western dans les années 1960 avec des titres aussi emblématiques que Alamo – The Alamo de John Wayne, Les Deux Cavaliers – Two rode together et Les Cheyennes – Cheyenne autumn de John Ford, La Route de l’ouest – The Way west d’Andrew V. McLaglen, ainsi que le fantastique Alvarez Kelly d’Edward Dmytryk, Richard Widmark trouvait aussi dans The Trap quelques ingrédients de ce genre, mélangés avec ceux d’un thriller mafieux. Ce cocktail est détonant et brille à la fois par l’efficacité de sa mise en scène que par son casting haut de gamme.
Aux côtés de Richard Widmark, se démarque une fois de plus Lee J. Cobb (1911-1976), l’un des plus grands seconds couteaux de l’histoire du cinéma américain, qui avait entre autres interprété le fameux troisième juré dans le film de procès Douze hommes en colère réalisé deux ans auparavant par Sidney Lumet. Lee J. Cobb faisait partie de ces acteurs très prisés par les grands noms du septième art tels que Rouben Mamoulian, Henry King, George Cukor, Elia Kazan, Henry Hathaway, Edward Dmytryk et bien d’autres. Une longue carrière débutée dans les années 1940, qui continuera jusqu’à sa mort. On notera aussi la belle présence de la rousse incendiaire Tina Louise, apparue au cinéma l’année précédente dans Le Petit Arpent du bon Dieu – God’s Little Acre d’Anthony Mann, qui n’aura pas la carrière escomptée sur le grand écran malheureusement (contrairement à la petite lucarne), mais qui n’en demeure pas moins marquante.
Dans la souricière est un film resserré sur à peine 80 minutes, qui installe d’emblée une atmosphère étouffante et caniculaire très réussie, avec ses personnages fatigués par la chaleur ambiante qui joue sur leurs nerfs et dont le quotidien jusqu’à présent réglé comme du papier à musique se trouve parasité par une explosion de violence inattendue. Norman Panama maintient une tension du début à la fin, enchaîne les règlements de comptes physiques et verbaux, compile les rebondissements et les affrontements psychologiques. The Trap est un digne représentant de la série B de luxe, avec son petit scénario en béton, ses acteurs parfaits, ses décors poussiéreux très cinégéniques, la remarquable photographie en Technicolor de Daniel L. Fapp (West Side Story, Un, deux, trois, La Grande Évasion, Midi, gare centrale, Notre homme Flint, À l’ombre des potences) et sa mise en scène nerveuse sans cesse inspirée.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Inédit dans les bacs français, Dans la souricière fait son apparition remarquée sous la forme d’un superbe combo Blu-ray + DVD réalisé par Rimini Editions. Les deux disques reposent dans un Digipack à deux volets classieux, glissé dans un fourreau cartonné au visuel élégant. Le menu principal est animé et musical.
Nous avons toujours beaucoup de plaisir à retrouver l’historien du cinéma Laurent Aknin, qui propose ici une large présentation de Dans la souricière, pendant près de vingt minutes. Comme sur les éditions HD de Chucky – Jeu d’enfant de Tom Holland, de Histoires d’outre-tombe de Freddie Francis, de La Maison qui tue de Peter Duffell et de Hurler de peur de Seth Holt, le critique croise à la fois le fond et la forme du film qui nous intéresse aujourd’hui, passe en revue le casting et replace The Trap dans l’histoire du cinéma hollywoodien, en précisant que le film de Norman Panama se place à un moment charnière, autrement dit durant les dernières années du tristement célèbre Code Hays (qui prendra fin en 1966) et avant la représentation frontale de la violence que l’on devra surtout à Sam Peckinpah. Laurent Aknin aborde également la carrière du réalisateur Norman Panama, ainsi que la situation nouvellement indépendante de Richard Widmark et ne tarit pas d’éloges sur « la beauté foudroyante » de Tina Louise, qu’Hollywood n’a pas su mettre en valeur.
L’Image et le son
Le master HD présenté ici n’est pas de première jeunesse, avec ses multiples et récurrentes poussières, ainsi que ses décrochages sur les fondus enchaînés ou son piqué aléatoire. Ce Blu-ray au format 1080p possède néanmoins quelques atouts, comme une belle restitution du Technicolor aux teintes chaudes, un grain argentique soigneusement préservé et une solide gestion des contrastes, qui permettent de faire découvrir Dans la souricière dans de bonnes conditions techniques, surtout que le film demeurait quasiment introuvable !
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 Surround sont propres et distillent parfaitement la musique issue de sources diverses. La piste anglaise (avec les sous-titres français imposés) est la plus équilibrée et la plus propre du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la version française s’avère plus chuintante et couverte, marquée par un léger souffle, avec certaines ambiances et d’autres effets annexes qui peinent à se faire entendre quand on compare avec la piste anglaise.