Test 4K UHD / Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur, réalisé par Ken Ruder

LE SANG DES AUTRES OU LA VOLUPTÉ DE L’HORREUR – LES CHEMINS DE LA VIOLENCE – PERVERSIONS SEXUELLES (El Secreto de la momia egipcia) réalisé par Ken Ruder, disponible en 4K Ultra HD + Blu-ray – Édition limitée chez Le Chat qui fume.

Acteurs : George Rigaud, Teresa Gimpera, Michael Flynn, Catherine Franck, Frank Braña, Patricia Lee, Sandra Reeves, Julie Presscott…

Scénario : Vincent Didier & Julio Salvador

Photographie : Raymond Heil

Musique : Max Gazzola

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Angleterre, XIXème siècle. Plusieurs jeunes femmes ont disparu ces derniers temps dans le village jouxtant le château du comte de Dartmoor, scientifique féru d’occultisme, reclus dans son domaine avec John, son fidèle serviteur. Or, selon les rumeurs, la cause de ces disparitions serait liée au châtelain. Sous prétexte d’assister le scientifique, James Barton se présente à lui en qualité d’égyptologue…

Le Sang des autres ou la volupté de l’horreur, ou Les Chemins de la violence, ou bien encore Perversions sexuelles, cela dépend la version du film que vous avez pu voir, selon le degré de nudité des actrices. Le titre original est en fait El Secreto de la momia egipcia, une coproduction franco-ibérique sortie courant juin 1973 dans l’Hexagone et un an plus tard sur les écrans espagnols. À la barre est crédité un certain Ken Ruder, dont on ne sait pratiquement rien, si ce n’est qu’il s’agit du pseudonyme d’Alejandro Martí, qui signait son second et dernier film comme réalisateur, cinq ans après Elisabeth, opus en costume teinté de chansons, de danses, de musique, d’humour et d’aventures, quasiment invisible ou pour ainsi dire disparu aujourd’hui. Dans Le Sang des autres (nous l’appellerons comme ça), on retrouve son goût pour les grands paysages et le travail sur les couleurs, mis cette fois au service d’un récit qui oscille entre l’horreur et l’érotisme. Le scénario coécrit par Vincent Didier et Julio Salvador (auteur du thriller La Machination, avec Léa Massari, Marisa Mell, Philippe Leroy et…Roger Hanin) surfe sur la vague de plusieurs genres alors prisés par les spectateurs, mais compile surtout diverses références de la littérature fantastique et d’épouvante. En apparaissant finalement comme un chaînon manquant entre Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley et Dracula de Bram Stoker, Le Sang des autres se nourrit de ces mythes prestigieux pour donner naissance à un long-métrage particulièrement ambitieux, aussi bien sur le fond que sur la forme, en contentant à la fois l’âme, le coeur et le bas-ventre des cinéphiles adeptes d’expériences cinématographiques et les cinéphages à la recherche de divertissements alliant le sang et les belles nanas dévoilées dans le plus simple appareil. Une sacrée découverte.

Le comte Dartmoor vit en solitaire dans son lugubre château des Cornouailles (en fait celui de Boucard, situé dans le Cher), en compagnie de John, son fidèle valet. Les villageois colportent les histoires les plus folles à son sujet. James Barton, un policier se faisant passer pour un égyptologue, arrive au château pour enquêter sur de récentes disparitions de jeunes femmes. Dans la nuit, Dartmoor révèle à ce dernier son terrible secret : il possède, rapportée d’Egypte, curieusement plongée dans un sommeil cataleptique, la momie du fils dévoyé d’un grand prêtre, condamné il y des siècles à être enterré vivant pour ses penchants sadiques. Versé dans les sciences occultes, il est parvenu à la ranimer par décharges électriques et en l’alimentant de sang humain. Mais le plus effroyable c’est que le monstre est assoiffé et ne peut subsister qu’après avoir abusé de ses jeunes proies capturées par John, qu’il a hypnotisées. Arrive Lucy, la propre fille du comte…

A-t-on le droit de tuer et de violer pour survivre ?

On ne sait pas ce qu’est devenu Alejandro Martí après ce film, puisqu’il n’a plus rien réalisé, ni produit (il avait financé deux longs-métrages de Julio Salvador dans les années 1960), ni écrit après cette production Les Films de l’Epée (Asphalte de Denis Amar, L’Ibis rouge de Jean-Pierre Mocky, La Femme écarlate de Jean Valère), Órbita Films (Hannah, Queen of the Vampires, Le Monstre du château, Les Mercenaires de la violence) et les Films du Regard (La Rage au poing d’Éric Le Hung). Toujours est-il qu’il livre ici un superbe objet de cinéma (on excuse facilement la présence d’un machiniste dans le cadre ou d’autres maladresses comme les morts qui respirent de façon visible), excellemment mis en scène, au cadrage très soigné. En véritable esthète, Alejandro Martí met autant en valeur les paysages (certains plans sont de vrais tableaux) que ses comédiens, les actrices surtout, pour ne pas dire les corps féminins. En liant à la fois le cinéma d’auteur et le cinéma d’exploitation, Le Sang des autres titille à la fois l’intellect et les pulsions de son audience, sans aucune vulgarité ni gratuité, avec une beauté plastique de chaque instant, parfois héritée du cinéma muet (ouverture et fermeture à l’iris à l’appui, effets spéciaux image par image, gros plans insistants soulignés par une musique emphatique), grâce aussi à la magnifique photographie – qui aurait été parfaite en N&B – de Raymond Heil, qui débutera sa carrière chez Georges Franju (Thérèse Desqueyroux), avant de faire son beurre (doux, jamais salé, sinon ça irrite) dans le cinéma olé-olé (Les Bidasses et la baiseuse, Zob, zob, zob, Rentre c’est bon, La Cage aux partouzes).

En dépit de sa coupe de cheveux empruntée à Mireille Mathieu, Michael Flynn s’en tire pas mal dans sa seule et unique apparition au cinéma, dans le rôle de l’égyptien momifié ramené à la vie, qui pour survivre à nouveau doit se repaître de sang frais. Le hasard fait bien les choses, puisqu’il étanchera sa soif morbide du sang de jeunes femmes, capturées dans la campagne environnante. Après les avoir hypnotisées, notre égyptien s’amusera à les torturer (au fouet, au fer rouge, selon son humeur du moment), avant de les violer. Une stimulation psychique nécessaire pour lui nous dit-on, afin qu’il puisse par la suite leur sauter à la gorge, afin de s’abreuver de leur source de vie. Aux côtés de Michael Flynn, le vétéran George Rigaud (Chats rouges dans un labyrinthe de verre, Le Couteau de glace, Les Rendez-vous de Satan, La Mort marche en talons hauts) est impeccable dans la peau du comte Dartmoor, même s’il passe quasiment tout le film enfermé dans un cachot. D’autres reconnaîtront aussi l’imposant Frank Braña (Supersonic Man, La Furie des Apaches et vu moult fois chez Sergio Leone), mais l’ensemble des spectateurs n’auront d’yeux et gonades que pour la gent féminine et de ce point de vue ils seront gâtés par la présence de Catherine Franck (The French Love de José Bénazéraf), Sandra Reeves, Julie Presscott, Teresa Gimpera (L’Esprit de la ruche, La Nuit des diables, Opération Re Mida (Lucky l’intrépide)), dont la jeunesse, les courbes et la beauté sont imprimées à jamais dans ce qui est aujourd’hui considéré comme un fleuron du cinéma Bis gothique hexagonal (et interdit aux moins de 18 ans à sa sortie), qui avait complètement disparu des radars depuis un demi-siècle.

LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD

C’est reparti pour une nouvelle vague Le Chat qui fume ! Cela prendra un peu de temps, mais nous passerons en revue Lady Frankenstein, Mais qu’avez-vous fait à Solange ?, Meurtre par intérim, La Mort a souri à l’assassin, Nue pour l’assassin et La Nuit érotique des morts-vivants. Mais pour l’heure, voici un magnifique Combo Blu-ray + 4K UHD du Sang des autres ou la volupté de l’horreur de Ken Ruder. Frhead Domont a encore frappé avec un visuel de très grande classe, qui met en valeur un Digipack à trois volets (illustré par les photos des actrices), glissé dans un fourreau cartonné liseré rouge-sang. Le menu principal est animé et musical. Édition UHD limitée à 1000 exemplaires.

En ce qui concerne les suppléments, Le Chat qui fume a pu mettre la main sur les négatifs des trois versions du film de Ken Ruder. Un panneau en introduction informe que Le Sang des autres a été tourné en trois versions, afin de permettre aux exploitants de présenter le montage le plus adéquat à la censure de leur pays. Ainsi, vous aurez le choix entre trois modules qui compilent les séquences inédites non sexy (12’), demi-sexy (5’30) ou celles issues du montage de Perversions sexuelles (2’). Dans le premier, les comédiennes restent habillées, dans le second elles y apparaissent la poitrine dénudée, tandis que le troisième dévoile deux séquences érotiques supplémentaires placées en début de film, lors de la ressortie sous le titre Perversions sexuelles. Des séquences alternatives toujours intéressantes à découvrir.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de Perversions sexuelles, celle du Sang des autres et enfin celle de Lips of Blood, trois bobines pour un seul et même film. Enfin presque.

L’Image et le son

Le Chat qui fume présente la version intégrale du Sang des autres, restaurée 4K à partir des négatifs originaux entreposés en France. Mathieu Péteul (l’un des coréalisateurs du génial Dark Soul, dispo en DVD chez l’éditeur) s’est chargé de l’étalonnage, tandis que Sébastien Liatard s’est vu confier la restauration. Le résultat est assez dingue, tout d’abord au niveau de la propreté de la copie, ébouriffante (un bord de cadre bleuté subsiste, mais rien de grave), un travail qu’on imagine de titan et dont le résultat trouve en UHD un écrin on ne peut plus confortable et inattendu. La texture est présente, conservée, solidement gérée, organique, la luminosité est omniprésente, le piqué acéré, aussi bien sur les gros plans que sur les immenses paysages où se perdent les personnages. Certains plans flous sont vraisemblablement d’origine. La texture des costumes ne manque pas de relief, les couleurs sont éblouissantes avec quelques éclairages luminescents.

Privilégiez la version française DTS-HD Master Audio 2.0, marquée par de sensibles craquements et un léger souffle, mais évidemment plus naturelle et où la musique de Max Gazzola est plus dynamique et les effets annexes plus appuyés. La piste anglaise est plus anecdotique, de fort bon acabit et insuffle une autre ambiance au Sang des autres. En revanche, aucune trace des sous-titres français indiqués sur le Digipack. Les sous-titres anglais sont aussi disponibles.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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