THE HIT : LE TUEUR ÉTAIT PRESQUE PARFAIT(The Hit) réalisépar Stephen Frears,disponible en DVD et Blu-ray le 27 juin 2017 chez Movinside
Acteurs : John Hurt, Tim Roth, Terence Stamp, Jim Broadbent, Laura del Sol, Bill Hunter, Fernando Rey…
Scénario : Peter Prince
Photographie : Mike Molloy
Musique : Paco de Lucía, Eric Clapton, Roger Waters
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 1984
LE FILM
Willie Parker, un truand anglais, dénonce ses complices en échange de la liberté. Il vit incognito en Espagne, sous la surveillance d’un policier du coin. Dix ans plus tard, ses ex-complices sortent de prison ; ils engagent deux « professionnels », Braddock, le vétéran, et Myron, dont c’est la première mission. Ceux-ci enlèvent Parker et traversent l’Espagne en direction de Paris, poursuivis par la police. Parker, qui s’est préparé depuis dix ans à ce dénouement, reste d’un calme olympien et s’amuse à pousser ses ravisseurs à l’erreur.
Avant d’être révélé en 1985 par My Beautiful Laundrette, le réalisateur britannique Stephen Frears avait déjà mis en scène deux longs métrages, Gumshoe avec Albert Finney (1971) et The Hit (1984). Ce dernier, sorti en France sous le titre The Hit : Le Tueur était presque parfait, est un formidable road-movie existentiel, teinté d’humour noir et marqué par une violence sèche. Méconnu, The Hit ne manque pourtant pas de qualités, loin de là.
Devant un tribunal londonien, Willie Parker (Terence Stamp) témoigne contre ses complices dans un hold-up. En quittant la salle d’audience, il sait qu’au bout des dix ans d’incarcération dont ils ont écopé à cause de sa trahison, la vengeance sera terrible. Dix ans plus tard, deux tueurs à gages retrouvent sa trace en Espagne, où Parker, pensant ainsi leur échapper, s’était exilé. Ses bourreaux ont les traits de Braddock (John Hurt), un tueur chevronné et taciturne, et de Myron (Tim Roth), son jeune acolyte nerveux et impulsif. Une longue traversée de la péninsule ibérique commence en Mercedes Euro W111 blanche, car la mission des deux hommes consiste à rapatrier Willie en France. Le repenti attend, le sourire aux lèvres, une fin qu’il sait inéluctable.
Quel étrange film que The Hit ! Mais c’est justement cette singularité dans la filmographie dense et éclectique de Stephen Frears qui en fait sa rareté. Le casting quatre étoiles emporte déjà l’adhésion. A l’écran, Terence Stamp est aussi impérial que magnifique, John Hurt flippant dans le rôle du tueur quasi-mutique, Tim Roth, tout juste révélé par l’exceptionnel Made in Britain d’Alan Clarke, crève l’écran en petite frappe pas si éloignée de son rôle précédent (qui avait été proposé à Joe Strummer de The Clash), sans oublier la présence de la pulpeuse Laura del Sol dans le rôle de Maggie, otage récupéré sur la route et qui va se battre pour rester en vie, et celle de Fernando Rey, l’inspecteur qui mène l’enquête sur l’enlèvement de Parker, et dont nous n’entendrons jamais la voix. Présenté au Festival de Cannes en 1984 dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, The Hit foudroie par la virtuosité de la mise en scène (jeux à foison sur la profondeur, les focales, les angles), l’élégance de la photographie et par ses partis pris. Atypique, le film s’avère une profonde réflexion sur la mort, sur la façon dont l’individu l’appréhende et l’affronte le moment venu. Ainsi, Parker agace ses ravisseurs à cause de sa nonchalance et du sourire qu’il affiche sur le chemin qui le mène vers son exécution programmée. Derrière ses lunettes de soleil, Braddock semble déstabilisé par l’attitude de Parker, tandis que Myron, jeune chien fou, perd son sang-froid et s’exprime par la violence.
Pendant une dizaine d’années, Stephen Frears a essentiellement oeuvré à la BBC. Pourtant sa mise en scène est exceptionnelle et le cinéaste semble lui-même trouver sa propre voie en réalisant The Hit. Les mouvements de caméra sont sublimes et sophistiqués, et donnent un côté aérien à cette histoire pourtant terrible avec ces hommes qui tentent de mourir de la meilleure façon possible. Stephen Frears ne s’en cache pas, pour lui The Hit est une véritable comédie humaine, où tout le monde est logé à la même enseigne puisque personne n’échappera à la mort. Aux hommes de se préparer à l’inévitable. Comme il l’indique lui-même, Parker a eu une dizaine d’années pour se faire à l’idée, sachant que ses anciens complices feraient tout pour le retrouver et lui rendre la monnaie de sa pièce. Dans un sens, ses airs décontractés bouleversent Myron et Braddock qui ont fait du crime leur métier. Tout d’abord impitoyables, les deux tueurs vont peu à peu dévoiler quelques fissures. S’ils ne peuvent plus inspirer la peur, alors c’est toute leur raison d’être qui est remise en question.
Outre ce scénario intelligent écrit par le dramaturge et romancier Peter Prince et cette virtuosité formelle, n’oublions pas la musique traditionnelle de Paco de Lucía et sa guitare flamenco, y compris le générique signé Eric Clapton et Roger Waters, ainsi que la photo aride et lumineuse de Mike Molloy (Le Cri du sorcier) qui donne aux paysages espagnols un aspect désolé proche du western. Mystérieux, presque inclassable, passionnant, métaphysique, languissant, The Hit est loin d’être un simple polar et s’avère une immense réussite, une de plus, dans l’oeuvre de Stephen Frears.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de The Hit est édité chez Movinside qui pour l’occasion inaugure une nouvelle collection Suspense/Polar avec également les titres Don Angelo est mort de Richard Fleischer et Le Flic se rebiffe de Burt Lancaster et Roland Kibbee (déjà chroniqués). La jaquette reprend un des visuels originaux du film et s’avère très élégante. Le menu principal est animé et musical. Aucun chapitrage et aucun supplément malheureusement.
L’Image et le son
Nous ne sommes pas déçus ! C’est avec un plaisir immense que nous découvrons ce film de Stephen Frears dans de pareilles conditions ! La colorimétrie s’impose par sa luminosité, le relief est très appréciable. Malgré un piqué émoussé, ainsi qu’un grain aléatoire et plus prononcé sur les séquences sombres, la photo riche et ouatée du chef-opérateur Mike Molloy est souvent excellemment restituée. La profondeur de champ est indéniable, certains gros plans étonnent par leur précision, la clarté est de mise, les contrastes probants, la copie stable (merci au codec AVC), sans oublier la restauration impeccable. Le master est débarrassé de toutes les scories possibles et imaginables. Ce Blu-ray est en format 1080p.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 instaurent un confort acoustique satisfaisant. Malgré des dialogues clairs et ardents, la piste française manque d’ampleur et en oublie parfois certaines ambiances annexes. C’est un peu mieux pour la version originale, plus homogène et équilibrée, même si les dialogues auraient mérité d’être revus à la hausse. Dans les deux cas, la propreté est là et aucun souffle n’a été constaté. L’éditeur joint également une piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 complètement anecdotique, avec une spatialisation décevante et des effets latéraux quasi-inexistants.
LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME(Non si sevizia un paperino) réalisépar Lucio Fulci,disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 juillet2017chez Le Chat qui fume
Acteurs : Florinda Bolkan, Barbara Bouchet, Tomás Milián, Irene Papas, Marc Porel, Georges Wilson, Antonello Campodifiori, Ugo D’Alessio…
Scénario : Lucio Fulci, Roberto Gianviti, Gianfranco Clerici
Photographie : Sergio d’Offizi
Musique : Riz Ortolani
Durée : 1h48 (version intégrale)
Date de sortie initiale : 1972 (Italie), 1978 (France)
LE FILM
Début des années 70, dans le sud de l’Italie, un petit village de montagne est plongé dans la terreur : de jeunes garçons se font mystérieusement assassiner et la police semble avoir du mal à identifier le meurtrier. Les pistes sont nombreuses, mais aucune ne semble réellement aboutir. Alors que les affrontements deviennent de plus en plus violents entre les habitants, certains sont désignés comme coupables et d’autres n’hésitent pas à faire justice eux-mêmes. Pendant ce temps, les crimes odieux continuent.
Lucio Fulci (1927-1996), qui se destinait d’abord au monde de la médecine, décide de se tourner vers le cinéma et intègre le Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en suivant les cours de Michelangelo Antonioni et de Luchino Visconti. Il devient l’assistant du réalisateur Marcel L’Herbier pour Les Derniers Jours de Pompéi en 1950. Mais c’est avec le cinéaste Steno, de son vrai nom Stefano Vanzina, que Fulci fait réellement ses premières classes. Il s’agit de comédies, principalement avec Totò, aux titres aussi évocateurs que Totò et les femmes, L’uomo, la bestia e la virtù, Où est la liberté. Progressivement, Lucio Fulci devient scénariste et signe Une fille formidable de Mauro Bolognini, Un Americano a Roma de Steno avec l’immense Alberto Sordi. Il passe enfin derrière la caméra en 1959 avec I Ladri, une comédie interprétée par… Totò. La boucle est bouclée. Dans les années 1960, Lucio Fulci enchaîne moult comédies avec le duo célèbre en Italie, Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Si le succès est au rendez-vous, il commence sérieusement à vouloir changer son fusil d’épaule et démontrer qu’il est capable de réaliser autre chose que des comédies. Il signe un western avec Franco Nero (Le Temps du massacre, 1966), une comédie policière intitulée (Au diable les anges, 1967), un drame (Liens d’amour et de sang, 1969). Mais le véritable tournant s’opère en 1969 avec le giallo Pervertion Story – La Machination (Una sull’altra).
Si Dario Argento et Mario Bava sont fréquemment annoncés comme étant les réalisateurs phares du giallo, ce genre italien de film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft, il est grand temps aujourd’hui de réhabiliter Lucio Fulci, jusqu’ici surtout défendu par les amateurs de cinéma de genre. Un an après l’onirique, poétique, sensuel, cruel, oppressant, kafkaïenLe Venin de la peur – Una lucertola con la pelle di donna, et la même année que sa comédie érotique Obsédé malgré lui, Lucio Fulci signe un de ses films les plus célèbres, La Longue nuit de l’exorcisme – Non si sevizia un paperino, Don’t Torture a Duckling(titre international), ou bien encore Les Poupées de sang au Québec. S’il est souvent considéré comme un giallo, ce film (le préféré de son auteur) s’en démarque puisque tous les codes du thriller urbain sont ici transportés dans le sud de l’Italie, dans un petit village perdu et pittoresque, avec ses peurs, ses traditions et ses superstitions, devenu le théâtre d’une série de meurtres dont les victimes sont tous des enfants. Alors que l’enquête piétine, la tension monte au sein de la petite communauté. Andrea Martelli (Tomás Milián, impeccable et sobre), un journaliste venu écrire sur l’affaire, décide de suivre ses propres pistes. Il doit surmonter les idées reçues des habitants du bourg qui soupçonnent Patrizia (Barbara Bouchet), une jeune femme de la ville aux moeurs légères, avant de se tourner vers l’idiot du village puis la sorcière et sauvageonne Maciara (Florinda Bolkan).
S’il n’atteint pas la force de l’hypnotique Venin de la peur, on reste néanmoins sans voix devant la beauté de la mise en scène de ce thriller stylisé qu’est La Longue nuit de l’exorcisme, photographié avec virtuosité par le chef opérateur Sergio d’Offizi et bercé par la partition toujours inspirée du maestro Riz Ortolani. Le réalisateur considérait d’ailleurs lui-même La Longue nuit de l’exorcisme comme son meilleur film et probablement celui quiale plus marqué les cinéphiles. Avec une folle liberté artistique et créatrice, le cinéaste ne se gêne pas pour déjouer les attentes des spectateurs, souvent conditionné à un mode de narration classique. Etude sur la culpabilité, le déni, la frustration sexuelle, les désirs refoulés, La Longue nuit de l’exorcisme, totalement inédit en France depuis 30 ans, est devenu culte dans le monde entier. Véritable film choral, on y croise pêle-mêle les acteurs Marc Porel, George Wilson, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Barbara BouchetetIrene Papas pour ne citer que les plus célèbres. Cette incroyable brochette de comédiens se donnent la réplique dans une intrigue à la croisée d’Agatha Christie et de Stephen King, où chaque personnage semble avoir quelque chose à cacher et devient donc suspect.
Lucio Fulci va loin, très loin pour instaurer une ambiance réellement dérangeante, entre meurtres en série d’enfants et nudité frontale. A ce titre, la scène où la sublime Barbara Bouchet apparaît complètement nue devant un gamin de dix ans troublé par ses charmes, a choqué la critique et les spectateurs, au point que la comédienne et Lucio Fulci ont été traîné en justice et accusés de corruption de mineur ! Le cinéaste avait été obligé d’expliquer que l’enfant n’avait jamais tourné en présence de Barbara Bouchet, mais remplacé par une doublure, en l’occurrence un homme de petite taille filmé de dos, quand les deux personnages sont présents sur le même plan. Ce parfum de scandale a évidemment contribué au succès du film, tout comme l’incroyable et éprouvante séquence du lynchage de la sorcière, incarnée par Florinda Bolkan, par les pères de famille ayant perdu un enfant. Symbole des croyances ancestrales et traditionnelles du sud de l’Italie, cette sorcière, coupable parfaite puisqu’il faut bien attribuer les meurtres à quelqu’un, est immédiatement perçue comme étant la responsable. Le décalage entre la chanson légère et la brutalité des hommes s’acharnant sur cette femme avec une violence inouïe, glace les sangs encore aujourd’hui, tout comme son épilogue avec l’appel à l’aide au bord de la route, la main tendue vers les automobilistes alors en route vers des vacances bien méritées. Ou comment l’indifférence des hommes est tout aussi violente que des coups de chaînes.
La Longue nuit de l’exorcisme est un film de mise en scène, d’atmosphères, multipliant les fausses pistes, qui ne cesse de surprendre par son opposition entre la beauté sèche des paysages de la région des Pouilles et la noirceur de crimes particulièrement morbides, et ce jusqu’au dénouement inattendu qui n’épargne personne, adultes comme enfants. Redoutablement pessimiste et sombre, La Longue nuit de l’exorcisme montre des enfants déjà corrompus, que rien ni personne ne peut sauver. A moins de les empêcher de sombrer encore plus en devenant adulte. C’est un des motifs du tueur de ce film incroyable et intemporel qu’est La Longue nuit de l’exorcisme.
Bien que le film soit sorti en Italie en 1972, la France devra attendre 1978 pour le découvrir dans une version censurée et au titre surfant de façon éhontée sur le chef d’oeuvre de William Friedkin, puisqu’il n’y a aucun exorcisme réalisé dans le film de Lucio Fulci. Avec l’acharnement des passionnés du genre, Non si sevizia un paperino est devenue une œuvre phare du cinéma d’exploitation.
LE BLU-RAY
Attendu comme le Messie par les fans de Lucio Fulci, La Longue nuit de l’exorcisme arrive enfin dans les bacs grâce aux bons soins du Chat qui fume. Cette édition limitée à 2000 exemplaires (le plus gros tirage de l’éditeur à ce jour) prend la forme d’un magnifique combo Digipack à trois volets – illustrés de portraits tirés du film – composé du Blu-ray (film + intégralité des suppléments), du DVD (film + première partie des suppléments) et d’un troisième disque (deuxième partie des suppléments). Le tout est glissé dans un fourreau cartonné liseré rouge sang, au visuel élégant et très attractif. La Longue nuit de l’exorcisme est présenté en version intégrale dans un nouveau master HD. C’est une édition évidemment incontournable pour les passionnés du bis italien, décidément servis comme des rois par Le Chat qui fume.
Quatre heures de suppléments ! QUATRE !!! Autant vous dire que Le Chat qui fume a mis le paquet (de clopes) afin de combler toutes les attentes des cinéphiles !
On commence par le témoignage de la comédienne Florinda Bolkan (28’), qui reçoit chaleureusement chez elle dans le sud de l’Italie. Il est beaucoup question de Lucio Fulci, que l’actrice décrit comme étant un homme « un peu fourbe, très spécial, un vrai diable mais qui parvenait à le dissimuler ». Florinda Bolkan évoque les tournages successifs du Venin de la peur et de La Longue nuit de l’exorcisme, en s’attardant évidemment sur ce dernier et pour lequel elle aborde longuement son personnage, ainsi que sa préparation. La comédienne se souvient entre autres d’un tournage sur lequel elle s’est beaucoup amusée. Ce module se clôt par la redécouverte de la plus célèbre séquence du film, celle du lynchage de la sorcière. Florinda Bolkan accepte de visionner cette scène, qu’elle n’avait pas revue depuis la sortie du film, et souffre littéralement avec/pour son personnage.
Pour l’entretien avec Barbara Bouchet (18’30), l’éditeur reprend l’introduction et la conclusion de l’interview présente sur l’édition HD d’A la recherche du plaisir. Par ailleurs, on craint de se retrouver face au même module, mais la comédienne évoque bel et bien le tournage de La Longue Nuit de l’exorcisme, son premier thriller, dans lequel elle désirait faire quelque chose de différent. Cet entretien est un peu décevant, dans le sens où Barbara Bouchet évoque surtout des histoires de cul entre Tomás Milián et Irène Papas (et comment elle-même a récupéré le mec de la comédienne grecque), plutôt que de véritables souvenirs de tournage. Quelques mots sur ses partenaires (de jeu cette fois) et surtout sur Lucio Fulci, sans oublier le scandale provoqué par la fameuse scène où elle se tient nue et provocante devant un enfant.
Né en 1934, Sergio D’Offizi est le directeur de la photographie de Cannibal Holocaust, Le Marquis s’amuse et bien évidemment de La Longue nuit de l’exorcisme. Durant un entretien fleuve de 48 minutes, le chef opérateur aborde sa rencontre avec Lucio Fulci et ne tarit pas d’éloges à l’encontre de cet « excellent réalisateur, qui connaissait tous les métiers du cinéma […] qui avait quelques défaillances avec les acteurs […] pas méchant, mais qu’il fallait savoir prendre […] mais dont le caractère l’a empêché d’être vraiment reconnu ». Tout d’abord, Sergio D’Offizi mentionne son association avec le cinéaste. Puis, le directeur de la photographie parle du casting (un Tomás Milián très introverti, sérieux et professionnel), des lieux de tournage, des partis pris esthétiques et du jeu sur les contrastes, tout en partageant d’autres souvenirs.
Nous passons ensuite à l’interview du monteur Bruno Micheli (27’), qui en réalité était l’assistant de sa sœur monteuse Ornella durant quasiment toute sa carrière, y compris sur La Longue nuit de l’exorcisme. C’est donc à son tour de se pencher sur ses débuts au cinéma (un enfant de la balle, fils du caméraman Mario Micheli, fidèle technicien de Roberto Rossellini), son travail auprès de sa sœur Ornella, sa rencontre avec Lucio Fulci (« qui n’intervenait jamais dans la salle de montage ») et l’importance du son dans le cinéma de genre. Il faut attendre 20 minutes pour que Bruno Micheli parle de La Longue nuit de l’exorcisme, mais ce rendez-vous, qui se termine sur une note amère où l’assistant monteur regrette que Lucio Fulci ait décidé du jour au lendemain de stopper leur collaboration, ne manque pas d’intérêt.
Le Chat qui fume va faire plaisir aux fans de Lucio Fulci, puisque cette section propose ensuite une très longue interview audio de Lucio Fulci, divisée en deux temps (43’). En août 1988, le journaliste italien Gaetano Mistretta écrit au cinéaste italien pour lui poser des questions sur sa vie et ses films. Lucio Fulci enregistre ses réponses sur cassettes audio et lui envoie. L’interview a été partiellement publiée dans le magazine Darkstar le 2 août 1988, ainsi que dans le livre Spaghetti Nightmares publié en 1996. Si le montage de photos et de vidéos laisse quelque peu à désirer, l’écoute s’avère heureusement passionnante. Lucio Fulci est très prolixe sur l’ensemble de ses films, déclare aimer les jeunes qui s’intéressent au fantastique, genre peu pris au sérieux dans son pays mais porté par l’amour des passionnés en France (il salue d’ailleurs son ami Christophe Gans du magazine Starfix), tout en donnant de nombreuses indications sur son parcours (assistant de Steno), ses passions (Proust), ses premières mises en scène, le succès ou l’échec de ses œuvres, tout en évoquant sa rivalité avec Dario Argento. Sur ce point, Lucio Fulci indique « Dario ne m’aime pas et je ne sais pas pourquoi. S’il pense que je ne vaux rien, qu’il m’ignore ! Mais il me déteste. Non, il ne me déteste pas, il ne déteste personne? Il n’aime que lui. Il répétera sans cesse ce qu’il a déjà fait. C’est un artisan qui se prend pour un artiste, contrairement à Alfred Hitchcock. C’est un habile réalisateur, mais un exécrable scénariste ». S’il se jette parfois des fleurs et pousse quelques petits coups de gueule (« Je n’aime pas Shining, Stanley Kubrick est bien trop bon pour faire des films d’horreur »), on se rend compte que même après la maladie et une succession de bides commerciaux depuis 1982, Lucio Fulci – qui préparait le téléfilm La Casa nel tempo – était toujours animé par la passion de son métier. A ce titre, le réalisateur en profite pour dire que La Mouche de David Cronenberg apparaît pour lui comme étant un tournant décisif pour le cinéma d’horreur.
Spécialiste et auteur deLucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une bonne présentation, analyse et critique de La Longue nuit de l’exorcisme (19’30). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque le casting, les conditions de tournage, les intentions et partis pris, les lieux de tournage, les thèmes abordés, la polémique autour de la séquence de Barbara Bouchet nue face à l’enfant. Dans un second temps, il se penche davantage sur l’aspect psychologique tout en mêlant le fond et la forme, notamment sur la scène du lynchage de la sorcière qui a nécessité trois jours de tournage. Si cette intervention, qui contient de très nombreux spoilers, paraît parfois trop récitée et monocorde, c’est ici, avec l’intervention suivante, que vous en apprendrez le plus sur La Longue nuit de l’exorcisme.
Ne manquez donc pas la présentation de La Longue nuit de l’exorcisme par Olivier Père (23’). Le journaliste, critique de cinéma, directeur général d’Arte France cinéma et directeur cinéma à Arte France propose une longue et passionnante analyse du film de Lucio Fulci, en croisant habilement le fond avec la forme. Sans aucun temps mort, Olivier Père aborde les partis pris du cinéaste, les thèmes, les intentions, les motifs récurrents, les séquences les plus célèbres, tout en replaçant le film dans l’oeuvre de Lucio Fulci.
Critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, Jean-François Rauger s’intéresse à son tour à La Longue nuit de l’exorcisme (16’). Si certains de ses propos font écho avec ce qui a déjà été entendu précédemment, il serait dommage de ne pas accorder un petit quart d’heure à cette analyse. Jean-François Rauger se penche surtout sur les thèmes et les motifs, ainsi que sur la dimension sociale du film et la figure de chacun des personnages. Rauger se souvient également de la découverte du film – « un peu à part dans le cinéma de Lucio Fulci, mais logique dans son parcours » – à sa sortie, au Brady, ainsi que de sa violence.
Déjà présent sur l’interactivité de Tropique du cancer, le scénariste Fathi Beddiar revient à son tour sur La Longue nuit de l’exorcisme (22’30). Pour lui, Lucio Fulci approfondit les thèmes déjà abordés par Elio Petri dans À chacun son dû – A ciascuno il suo en 1967. Grand passionné du cinéma italien et du giallo en particulier, Fathi Beddiar est visiblement heureux de parler de Lucio Fulci et de La Longue nuit de l’exorcisme, qu’il affectionne tout particulièrement. Il aborde les thèmes, le folklore méditerranéen, la réalité sociale, la figure de la sorcière et de l’assassin, sans oublier une fois de plus la séquence « incroyablement dangereuse » de Barbara Bouchet qui a fait grincer les dents d’un côté et émoustiller les autres.
L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces d’A la recherche du plaisir, Opéra, Sanctuaire et Le Retour des morts-vivants.
N’oublions pas le livret de 24 pages, constitué d’affiches et de photos d’exploitation, uniquement réservé aux acheteurs de ce titre sur le site du Chat qui fume.
L’Image et le son
Un peu plus d’un an et demi après Le Venin de la peur, c’est au tour de La Longue nuit de l’exorcisme d’atterrir dans l’escarcelle du Chat qui fume, en version intégrale, en DVD et en Blu-ray (1080p) ! Ce nouveau master restauré HD 2K comble toutes les espérances. Non si sevizia un paperinobénéficie d’un superbe transfert, qui respecte le grain original, très bien géré, y compris sur les nombreuses séquences sombres. La définition est solide comme un roc et les flous constatés sont d’origine. Après un générique marqué par un bruit vidéo et des teintes fanées, le master (16/9 compatible 4/3) trouve un équilibre fort convenable et restitue les très beaux partis pris esthétiques du directeur de la photographie Sergio D’Offizi (Cannibal Holocaust). Sombre et poisseuse, mais aussi lumineuse et solaire, l’atmosphère trouble et troublante du film trouve un nouvel écrin en Haute-Définition, les contrastes sont élégants et même si les noirs manquent parfois de concision, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité jamais prises en défaut. Les séquences diurnes sont lumineuses à souhait avec un piqué plus acéré et des détails plus flagrants sur le cadre large. De quoi combler les fans et faire de nouveaux adeptes !
La Longue nuit de l’exorcisme est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Riz Ortolani. Elle demeure la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono, au doublage typique de l’époque, apparaît tout aussi vive, même si évidemment moins naturelle. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.
LE FLIC SE REBIFFE (The Midnight Man) réalisépar Burt Lancaster et Roland Kibbee,disponible en DVD et Blu-rayle 27 juin2017chez Movinside
Acteurs : Burt Lancaster, Susan Clark, Cameron Mitchell, Morgan Woodward, Harris Yulin, Robert Quarry, Joan Lorring, Ed Lauter…
Scénario : Burt Lancaster, Roland Kibbee d’après le roman The Midnight Lady and the Mourning Man de David Anthony
Photographie : Jack Priestley
Musique : Dave Grusin
Durée : 1h59
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Après un séjour en prison pour avoir assassiné l’amant de sa femme, Slade, un ancien policier, trouve un petit boulot de gardien de nuit sur un campus universitaire. Il tente de mener à nouveau une vie normale et Linda, sa contrôleuse judiciaire, s’éprend même de lui. Malheureusement, une série de meurtres se produit dans l’université… Slade décide d’enquêter.
En 1954, bien qu’il ne soit pas crédité, Burt Lancaster cosigne la mise en scène du Roi des îles aux côtés de Byron Haskin. L’année suivante, il réalise officiellement son premier long métrage, L’Homme du Kentucky, western dans lequel il donne la réplique à Dianne Foster et Diana Lynn. Burt Lancaster attendra quasiment vingt ans pour repasser une dernière fois derrière la caméra. Le Flic se rebiffe, titre français à côté de la plaque pour le titre autrement plus beau et poétique en version originale The Midnight Man, est comme qui dirait un dernier baroud d’honneur pour la star vieillissante. S’il lui restait encore de fabuleuses aventures cinématographiques à venir, Violence et passion de Luchino Visconti, 1900 de Bernardo Bertolucci, L’Ultimatum des trois mercenaires de Robert Aldrich pour ne citer que ceux-là, Burt Lancaster a déjà l’essentiel de sa carrière derrière-lui, trente ans de métier, une quantité impressionnante de films et de chefs d’oeuvres tournés aux quatre coins du monde. Rétrospectivement, Le Flic se rebiffe, d’après la nouvelle The Midnight Lady and the Mourning Man de David Anthony, peut se voir comme le portrait d’un acteur quelque peu usé, paumé dans une décennie bouleversée, qui déambule dans un milieu où il n’a plus de repères et où il apparaît presque comme un anachronisme.
The Swimmer, immense chef d’oeuvre de Frank Perry, jouait déjà avec la mythologie Lancaster, le passage du temps, avec de nombreuses références aux films les plus célèbres du comédien. Ici, Burt Lancaster erre presque comme un spectre, dans un monde qui a perdu le sens des valeurs, même s’il souhaite démontrer qu’il en a encore sous le capot et qu’il n’est pas prêt à être envoyé à la casse. C’est ainsi que son personnage, Slade, ancien flic de la criminelle, mis au rebut après avoir tué l’amant de sa femme trouvé dans son propre lit, débarque dans une petite ville universitaire de la Caroline du Sud. Libéré sur parole, il a accepté un travail de gardien de nuit sur le campus, où il s’occupe de la tranche minuit-8h du matin. Il est recueilli chez un de ses meilleurs amis, Quartz, également ancien flic, joyeux drille et pince-sans-rire. Mais ce dernier est blessé au cours d’une arrestation qui tourne mal. La jambe dans le plâtre, il est alité. Slade commence à prendre ses nouvelles marques et rencontre Linda Thorpe (Susan Clarke et ses beaux yeux bleus), qui travaille étroitement avec la police et notamment le shérif Casey (l’excellent Harris Yulin, spécialiste de la rubrique « On ne sait jamais comment ils s’appellent »), non loin de l’université. Un matin, la fille du sénateur Clayborde (Morgan Woodward), étudiante sur le campus, est retrouvée assassinée. S’il n’a plus son insigne, Slade a conservé son instinct de flic et commence à recueillir quelques indices en parallèle de l’enquête de police. Il ne sait pas qu’il vient de mettre les pieds dans une affaire où il n’aurait pas dû intervenir. Toujours est-il qu’il n’hésitera pas à répondre à la violence par la violence s’il le faut.
Si Le Flic se rebiffe ne brille pas par sa mise en scène, également signée Roland Kibbee (scénariste de Vera Cruz), qui s’apparente plus à un téléfilm, The Midnight Man se regarde comme on lit un bon vieux polar à la couverture froissée et aux pages jaunies, un dimanche après-midi pluvieux, une tasse de thé à portée de main. Il y a tout d’abord le charme propre aux productions des années 1970 avec ce grain particulier, ses couleurs automnales, ses petites bourgades chichement éclairées, ses bars enfumés où les hommes seuls viennent noyer leur chagrin dans un verre de bière. Ensuite, il y a le pincement au coeur de voir l’une des plus grandes stars hollywoodiennes vieillir devant la caméra. Les yeux sont toujours brillants, mais le visage est marqué par la rosacée et les mains tachetées ne trompent pas sur les années qui ont passé.
Le Flic se rebiffe est un petit film bourré de charme, empreint d’une nostalgie qui émeut souvent, qui parvient à contenter les amoureux des histoires policières du style roman de gare avec un étonnant dénouement à tiroirs qui possède vraiment l’esprit d’une série noire. Heureusement, The Midnight Man, avec une mélancolie sous-jacente, la photographie duveteuse de Jack Priestley, la douce partition de Dave Grusin et la versatilité de ses personnages, parvient sans mal à se faire une place dans le coeur et même dans l’esprit des spectateurs.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du Flic se rebiffe est édité chez Movinside qui pour l’occasion inaugure une nouvelle collection Suspense/Polar avec également les titres Don Angelo est mort de Richard Fleischer (déjà chroniqué) et The Hit de Stephen Frears. La jaquette reprend un des visuels originaux du film et s’avère très élégante. Le menu principal est animé et musical. Aucun chapitrage et aucun supplément malheureusement.
L’Image et le son
Le film de Burt Lancaster et de Roland Kibbee n’était disponible qu’en import allemand. C’est donc une vraie rareté proposée par Movinside, d’autant plus que l’éditeur propose ce titre en Blu-ray. Malgré un grain aléatoire, heureusement conservé ceci dit, les scènes diurnes et nocturnes sont logées à la même enseigne et formidablement rendues avec ce master HD nettoyé de toutes défectuosités. Mis à part un générique un poil tremblant, les contrastes du chef opérateur Jack Priestley (Né pour vaincre), retrouvent une nouvelle densité. Les nombreux points forts de cette édition demeurent la beauté des gros plans, la propreté du master (hormis quelques points blancs), les couleurs ravivées, les noirs profonds et le relief des scènes en extérieur jour avec des détails plus flagrants. Quelques fléchissements de la définition, mais rien de rédhibitoire. Enfin, le film est proposé dans son format d’origine 1.85.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 2.0 sont propres, efficaces et distillent parfaitement la musique de Dave Grusin. La piste anglaise ne manque pas d’ardeur et s’avère la plus équilibrée du lot. Au jeu des différences, la version française, beaucoup moins dynamique, se focalise trop sur les dialogues au détriment de certaines ambiances et effets annexes. Aucun souffle constaté sur les deux pistes. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
IN HELLréalisépar Ringo Lam,disponible en DVD et Blu-rayle 8 juillet2017chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Lawrence Taylor, Marnie Alton, Malakai Davidson, Billy Rieck, Lloyd Battista, Carlos Gómez, Manol Manolov, Chris Moir…
Scénario : Eric James Virgets, Jorge Alvarez
Photographie : John B. Aronson
Musique : Alexander Bubenheim
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2003
LE FILM
Kyle LeBlanc est un travailleur américain émigré en Russie. Après un coup de téléphone de sa femme, visiblement agressée, il se précipite chez lui, mais arrive trop tard. La loi niant l’évidence, il décide de se faire justice lui-même, et tue le meurtrier de sa femme. Il est alors envoyé dans une des plus dures prisons de Russie. La seule occupation des détenus est l’organisation de combats…
Ceux qui prétendent que Jean-Claude Van Damme n’est pas un bon comédien, n’ont sûrement pas vu les bons films. Et dans la filmographie de l’acteur belge il y a surtout un réalisateur qui a su tirer le maximum des capacités de JCVD, Ringo Lam. Né à Hong Kong, mais ayant fait ses études de cinéma à l’Université York à Toronto, le cinéaste aura tourné trois films avec Jean-Claude Van Damme, Risque maximum (1996), Replicant (2001) et In Hell (2003). Trois films prisés par les fans du comédien. Pourtant, si les deux premiers restent très célèbres, la troisième et à ce jour dernière association JCVD/Ringo Lam est tout aussi réussie et s’avère même un des meilleurs films de Van Damme des années 2000. Contrairement aux deux précédents, In Hell n’a pas bénéficié d’une sortie dans les salles françaises et a débarqué directement dans les bacs en 2004.
Dans la prison la plus corrompue et impitoyable de toute l’Europe de l’est, les prisonniers se battent les uns contre les autres lors de combats très violents organisés par le directeur et ses gardes. Kyle LeBlanc, condamné depuis peu pour avoir tué l’assassin de sa femme, devient, dans l’enceinte de la prison, un sauvage assoiffé de sang, une bête de combats déshumanisée. In Hell contient évidemment son lot de bastons, extrêmement brutales et chorégraphiées par David Leitch. Célèbre cascadeur et coordinateur, ce dernier a participé à la création des combats de Fight Club, de Matrix Reloaded / Matrix Revolutions, de 300, de La Vengeance dans la peau, tout en assistant le réalisateur ou même en dirigeant la seconde équipe sur Le Flingueur de Simon West, Wolverine : Le Combat de l’immortel de James Mangold, ou bien encore Captain America: Civil War d’Anthony et Joe Russo. Dernièrement, il était le coréalisateur du chef d’oeuvre John Wick, aux côtés de Chad Stahelski. Dans In Hell, ses chorégraphies sèches, réalistes, percutantes et ultra-violentes participent à la grande réussite du film, mais pas seulement.
JCVD signe une de ses meilleures prestations. En Russie, Kyle LeBlanc, un franco-américain expatrié voit sa femme violée et assassinée. L’assassin est arrêté, jugé, mais de bonne famille et le juge ayant été soudoyé, l’homme est acquitté. En sortant du tribunal, LeBlanc sort une arme et descend le meurtrier. La suite est racontée un peu plus haut. Jean-Claude Van Damme ne joue pas avec ses muscles dans le film de Ringo Lam, il s’en prend d’ailleurs plein la tronche à plusieurs reprises. In Hell est bien plus un drame qu’un véritable film d’action. Il n’est donc pas étonnant que certains aient pu être déroutés par la tournure que prend le film, puisque Van Damme, s’il joue effectivement des poings (mais jamais des pieds) dans la deuxième partie du film, passe la première à observer, le regard usé d’un homme abattu, la démarche lente et les épaules voutées. Il est absolument formidable, brillant, épatant du début à la fin, d’une sobriété exemplaire. Les séquences où son personnage se retrouve seul dans son cachot dégueulasse où l’eau des chiottes coule à côté de lui, sont incroyables, puisque le réalisateur crée de vrais instants poétiques et émouvants, comme lorsque Kyle retrouve la force de vivre grâce à un papillon de nuit.
De son côté, Ringo Lam instaure un climat oppressant, étouffant et sa prison glauque et paumée au milieu de nulle part en Russie – très bon décor – fait vraiment son effet. Certes, le film n’évite pas certains écueils liés au film de prison, comme le jeune prisonnier qui sert de chair fraîche aux plus déments, mais In Hell parvient sans mal à contourner les clichés grâce à un scénario très intelligent, une solide direction d’acteurs et une mise en scène toujours inspirée. Ainsi, aux côtés de JCVD, se démarque Lawrence Taylor, ancien joueur de football américain, 1m91, qui en impose dans le rôle du détenu 451. Présenté comme une bête féroce, qui arrache la langue de ses co-détenus à l’aide d’une pince, sous prétexte qu’ils sont trop bavards et qu’ils perturbent sa concentration pendant qu’il lit des ouvrages de philosophie, 451 se dévoile au fur et à mesure du film jusqu’à devenir un des personnages principaux, au même titre que JCVD.
In Hell n’est donc pas un remake de Coups pour Coups (Death Warrant) comme on pouvait le penser au départ, mais un film d’action divertissant, un thriller sombre et tendu, mais aussi un vrai drame qui démontre comment les conditions d’incarcération peuvent déshumaniser les êtres humains. In Hell est un des plus grands films avec Jean-Claude Van Damme, au même titre que Replicant.
LE BLU-RAY
In Hell fait partie d’un combo Blu-ray spécial Van Damme / Ringo Lam, aux côtés de l’édition HD de Replicant, qui sera chroniqué dans un second temps. A l’instar des éditions combo Black Eagle – L’arme absolue + Full Contact et The Order + Le Grand tournoi sorties en 2016, et comme celle récemment consacrée au cinéaste Albert Pyun, Mean Guns + Nemesis, Metropolian Video fait ainsi le bonheur des fans de la star belge. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Une fois le disque inséré, le spectateur est invité à sélectionner le film de son choix. Dans les deux cas, le menu principal est fixe et muet, minimaliste, sans chapitrage. Seuls l’envoi du film, la sélection de la langue et le choix des suppléments sont proposés.
L’historien du cinéma et expert en cinéma d’arts martiaux, sujet auquel il a consacré quelques ouvrages, l’excellent Christophe Champclaux présente In Hell en avant-programme (3’). S’il déclare que le scénario n’est sans doute pas aussi original ou travaillé que celui de Replicant, Christophe Champclaux ne tarit pas d’éloges sur In Hell, « un film formidable, très bien écrit et à la brutalité inouïe ». Notre interlocuteur donne quelques informations intéressantes sur la production du film qui nous intéresse, notamment en ce qui concerne la chorégraphie des combats et la mise en scène de Ringo Lam.
S’ensuit un making of d’époque (16’), mal réalisé, marqué par une musique irritante et constante. Heureusement, quelques propos des comédiens sur les personnages, du coordinateur des cascades et des combats, du producteur sur les conditions de tournage et du directeur de la photographie sur la photogénie de Jean-Claude Van Damme, sans oublier des images du plateau et de la conception des effets visuels (le papillon de nuit) donnent un véritable intérêt à ce module promotionnel dans lequel JCVD indique que « ce film va cartonner et devenir culte […] ce sera mon meilleur film ».
L’Image et le son
Malgré un léger manque de concision sur certains plans, le master HD de In Hell (1080p, AVC) dépasse toutes les espérances. Les contrastes sont denses et très beaux, les ambiances nocturnes soignées, les teintes froides excellemment restituées, sans oublier les séquences en extérieur lumineuses. La propreté est évidente, les détails précis et riches, la colorimétrie respecte les partis pris esthétiques originaux, tout comme le léger grain heureusement conservé lors du transfert, mais plus appuyé sur les scènes sombres, qui entraînent un léger bruit vidéo. Enfin, n’oublions pas la profondeur de champ toujours appréciable, un relief omniprésent sur les séquences diurnes (aiguisées) ainsi qu’un piqué acéré.
In Hell bénéficie de pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, la spatialisation s’avère agréable, les enceintes latérales délivrent un lot fort appréciable d’ambiances naturelles (l’orage en début de film), d’effets palpables, sans oublier la musique en soutien. Les bruitages lors des combats sont exsudés avec force par la centrale, la balance frontales-latérales est intelligemment équilibrée, l’ensemble est toujours dynamique et les basses interviennent à bon escient avec quelques pics remarquables. Dans les deux cas, aucun souffle n’est à déplorer, l’écoute demeure franche, puissante et limpide.
DON ANGELO EST MORT (The Don is Dead) réalisépar Richard Fleischer,disponible en DVD et Blu-rayle 27 juin2017chez Movinside
Acteurs : Anthony Quinn, Frederic Forrest, Robert Forster, Al Lettieri, Angel Tompkins, Charles Cioffi…
Scénario : Christopher Trumbo, Michael Butler d’après le roman The Don is Dead de Marvin H. Albert
Photographie : Richard H. Kline
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h52
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Après le décès de Don Paolo, le chef de la mafia new-yorkaise, un Conseil réunissant les plus grandes familles du Milieu se réunit et désigne Don Angelo comme leur nouveau chef. Ce dernier prend sous sa protection Frank, le fils de Don Paolo et le désigne comme son héritier. Cet arrangement ne convient pas à Orlando, l’avocat d’un chef de famille rival et met tout en œuvre pour qu’une guerre éclate entre Don Angelo et Frank, guerre qui sera très sanglante…
L’immense Richard Fleischer (1916-2006) a déjà plus de trente longs métrages à son actif lorsqu’il réalise Don Angelo est mort –The Don is Deaden 1973. Alors qu’il s’attachait à décrire le quotidien professionnel et personnel d’une poignée de flic dans son film précédent, le merveilleux Les Flics ne dorment pas la nuit, le réalisateur de L’Etrangleur de Rillington Place et de Terreur aveugle, se penche ici sur l’autre côté de la loi, le monde de la mafia italo-américaine.
En (re)découvrant cet opus souvent oublié dans l’incroyable, prolifique et éclectique filmographie de Richard Fleischer, il est évident de constater que Don Angelo est mort découle tout naturellement du Parrain, sorti en 1971. De nombreuses séquences font d’ailleurs étrangement écho avec le chef d’oeuvre de Francis Ford Coppola, à tel point que cela en devient même troublant comme cette explosion de violence près des étals d’oranges ou bien encore un règlement de comptes chez le barbier. Mais Richard Fleischer est bien trop malin pour livrer un simple ersatz, ce qui lui a permis de survivre artistiquement dans cette décennie bousculée du 7e art.
Don Angelo (Anthony Quinn) règne en parrain vieillissant sur une puissante famille de la mafia. Son empire fait des envieux. Des rivaux montrent les dents. Le plus acharné de tous est Frank Regabulto (Robert Forster). Angelo et lui ont plus d’un compte à régler, en particulier en ce qui concerne une femme, Ruby, maîtresse de Frank et que Don Angelo a voulu aider pour lancer sa carrière de chanteuse. Devenu fou de jalousie, Frank s’en prend à Ruby, la frappe et l’envoie à l’hôpital. Attisée par la haine, la guerre se déchaîne entre les deux clans. Frank charge ses deux tueurs à gages, les frères Fargo, pour liquider le vieux Don. Mais Angelo, étroitement protégé par ses hommes, n’entend pas se laisser abattre facilement. Ses fidèles rendent coup pour coup. L’exécution du contrat se révèle meurtrière pour Frank et ses hommes.
Avant d’entamer le tournage de Soleil vert, un de ses plus grands et célèbres films, Richard Fleischer démontre une fois de plus son don et sa virtuosité pour passer d’un genre à l’autre. Sur un scénario de Christopher Trumbo et Michael Butler, d’après le roman The Don is Dead de Marvin H. Albert, le cinéaste dépeint un univers en s’attachant au moindre détail, ce qui a toujours fait sa renommée, avec parfois une dimension quasi-documentaire quand sa caméra portée s’immisce au cours d’une transaction drogue/argent, créant ainsi une tension permanente. A l’instar des Flics ne dorment pas la nuit et malgré la présence d’Anthony Quinn en haut de l’affiche dont le personnage donne son nom au titre du film, il n’y a pas de personnage principal dans Angelo est mort. Richard Fleischer passe de l’un à l’autre, jouant avec l’empathie du spectateur qui ne sait pas à quel protagoniste se raccrocher. Ainsi le metteur en scène présente tout d’abord Frank et ses portes flingues, les frères Fargo, Tony (Frederic Forrest) et Vince (Al Lettieri, qui sortait justement du Parrain), avant de passer à la séquence où les trois clans sont réunis pour désigner qui va prendre la succession du chef de la mafia. Le cinéma de Richard Fleischer est fait d’archétypes. Après cette introduction quasi-muette, le réalisateur présente donc chacun des personnages : Don Angelo DiMorra, Tony, Vince, Frank, Luigi, Mitch, Joe…ils sont tous là et leur fonction est désignée. Il y a les chefs, les hommes de main, les consiglieri. Ce procédé permet à Richard Fleischer de pouvoir commencer à peindre les portraits de tous ces acteurs, quel que soit leur rôle dans les diverses organisations.
Ces hommes, pères de famille, mari, amants, fils de, font partie du monde du crime. Certains espèrent devenir calife à la place du calife, à l’instar de Frank qui souhaiterait prendre la suite de son père récemment décédé, sans avoir le charisme ou l’expérience nécessaires, tandis que Tony – proche cousin de Michael Corleone – voudrait lui prendre ses distances avec l’organisation. Mais comme bien souvent dans ce milieu, un homme ambitieux que personne ne soupçonne prépare un coup en faisant en sorte que toutes ces organisations s’affrontent, afin de mieux en récolter les fruits. Et quoi de mieux que d’utiliser une femme pour déclencher une guerre interne.
Richard Fleischer suit le schéma du Parrain. Si ces hommes tentent de parler avant d’agir, les désirs refoulés prennent le dessus sans crier gare et engendrent une réaction en chaine d’actes violents et irréparables. Les scènes en famille tournées avec une vraie douceur contrastent avec la vendetta impitoyable à laquelle se livrent les personnages à l’instar de ce passage à tabac à coup de batte de baseball au milieu du désert, scène qui a sûrement inspiré Martin Scorsese pour le lynchage de Joe Pesci dans Casino. Le tournage en studio, qui a été très critiqué à la sortie du film, rajoute pourtant une touche au monde à part dans lequel déambulent les personnages, comme un Disneyland pour criminels.
Tout le monde est logé à la même enseigne dans Don Angelo est mort, véritable film choral à la mise en scène impeccable et élégante, interprétée par des acteurs aux tronches inoubliables. Techniquement irréprochable avec Richard H. Kline à la photographie et Jerry Goldsmith à la musique, The Don is Dead est un polar bien carré, une série B assumée et dissimulée dans l’ombre d’autres oeuvres majestueuses, pas une fresque mais plusieurs tranches de vies entremêlées. Comme il n’y a pas de « petits » Richard Fleischer – non, je ne parlerai pas de Conan le destructeur ni de Kalidor – la légende du talisman – Don Angelo est mort est donc à connaître absolument.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Don Angelo est mort est édité chez Movinside qui pour l’occasion inaugure une nouvelle collection Suspense/Polar. La jaquette reprend un des visuels originaux du film et s’avère très élégant. Le menu principal est animé et musical. Aucun chapitrage et aucun supplément malheureusement. Mais la sortie d’un film de Richard Fleischer – en Haute-Définition qui plus est – est déjà un cadeau à part entière.
L’Image et le son
La qualité de ce nouveau master restauré HD convainc et redonne un certain panache à Don Angelo est mort, qui n’était alors disponible qu’en import. Les contrastes affichent une belle densité, la copie restaurée est propre et stable, même si les séquences en basse lumière perdent en détails. Le piqué est satisfaisant et de nombreux éléments jouissent de l’élévation HD (Blu-ray au format 1080p) sur les plans diurnes en extérieur. Alors certes, tout n’est pas parfait, quelques flous sporadiques font leur apparition, une ou deux séquences sont plus altérées et la définition a tendance à flancher, mais ces menus accrocs restent anecdotiques compte tenu de la clarté, du grain cinéma respecté, des couleurs pimpantes, des noirs denses et du relief parfois inattendu. Enfin, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute tenue.
La version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 nettement plus performant que la piste française encodée de la même façon. Pour la première option acoustique, l’espace phonique se révèle probant, la composition de Jerry Goldsmith jouit d’une belle ouverture, le confort est concret, et les dialogues, malgré certaines saturations, demeurent clairs et nets. De son côté, la version française apparaît beaucoup plus feutrée avec des voix sourdes et des effets annexes très pauvres. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.
TARANTULA (Tarantula!) réalisépar Jack Arnold,disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017chez Elephant Films
Acteurs : John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll, Nestor Paiva, Ross Elliott, Edwin Rand, Raymond Bailey, Clint Eastwood…
Scénario : Robert M. Fresco, Martin Berkeley
Photographie : George Robinson
Musique : Herman Stein
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1955
L’HOMME QUI RÉTRÉCIT (The Incredible Shrinking Man) réalisépar Jack Arnold,disponible en coffret combo Blu-ray/DVD le 11 juillet 2017chez Elephant Films
Acteurs : Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert…
Scénario : Richard Matheson, d’après son roman L’Homme qui rétrécit
Photographie : Ellis W. Carter
Musique : Irving Gertz, Earl E. Lawrence, Hans J. Salter, Herman Stein
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1957
LES FILMS
Spécialiste des séries B, Jack Arnold Waks alias Jack Arnold (1916-1992) n’en est pas moins un immense réalisateur. Bien que disposant de budgets très modestes, le cinéaste a toujours su transcender son postulat de départ minimaliste…pour aller vers le gigantisme. Prolifique, Jack Arnold prend son envol dans les années 1950 où il enchaîne les films qui sont depuis devenus de grands classiques : Le Météore de la nuit (1953), L’Etrange Créature du lac noir (1954), La Revanche de la créature (1955), Tarantula (1955), L’Homme qui rétrécit (1957) sans oublier La Souris qui rugissait (1959). Au total, près d’une vingtaine de longs-métrages tournés à la suite, toujours marqués par le professionnalisme et le talent de son auteur, combinant à la fois les effets spéciaux alors à la pointe de la technologie, des personnages ordinaires et attachants, plongés malgré eux dans une histoire extraordinaire.
Tarantula
Dans un laboratoire isolé, le Professeur Gerald Deemer travaille sur la formule d’un nutriment spécial et bénéfique qui permettrait d’éradiquer la famine que menace de provoquer l’accroissement de population. Jusqu’à présent ses expérimentations n’ont pas réellement donné de résultats probants, mais de sérieux déboires. Un jour qu’il s’est absenté, deux de ses collègues s’injectent le nutriment, avec des conséquences effroyables les conduisant progressivement à la mort par ce qui semble être l’acromégalie. L’un des deux meurt, tandis que l’autre attaque le professeur et lui injecte le produit avant de mourir. Pendant leur combat, une tarentule géante qui a elle aussi reçu une injection s’évade de sa cage. Dès lors, elle ne cesse de grandir jusqu’à atteindre une taille exceptionnelleet s’en prend aussi bien au bétail qu’aux humains.
Entre deux westerns, Tornade sur la ville et Crépuscule sanglant, Jack Arnold a le temps d’emballer ce petit film fantastique où toute la population de l’état de l’Arizona est menacée par une gigantesque tarentule née d’expériences scientifiques. Une fois n’est pas coutume, la créature n’est pas d’origine nucléaire, du moins pas entièrement comme cela était souvent le cas à l’époque, mais la résultante d’un sérum spécial qui contient tout de même quelques éléments radioactifs, mis au point par des savants qui ont vu leur cobaye leur échapper et aller bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Tarantula demeure une référence du genre.
Sur une durée plutôt ramassée (1h20) et même s’il montre un être difforme avant même le générique, Jack Arnold préserve ses effets, à tel point que les spectateurs doivent attendre au moins la moitié du film pour que la tarentule géante fasse réellement son apparition, et encore par petites touches successives. Les personnages sont installés posément, ainsi que le cadre et les enjeux scientifiques. Arnold dose ses effets. Grâce à un montage inspiré, les séquences se suivent sans ennui, d’autant plus que le metteur en scène récompense ensuite largement son audience en enchaînant les scènes de destruction et d’affrontements, sans oublier les maquillages et les incroyables effets visuels (qui donneront quelques frissons aux arachnophobes) particulièrement réussis, réalisés à partir du déplacement d’une véritable araignée incrustée dans de véritables décors.
Pourquoi Tarantula fonctionne-t-il mieux que les autres films du même acabit qui s’affrontaient dans les salles ? Parce que Jack Arnold prend son sujet au sérieux et de ce fait crée une ambiance réaliste et empathique. Evidemment, Tarantula est avant tout un divertissement, mais le réalisateur ne se moque pas des spectateurs et essaye de leur offrir le film le plus réussi possible, même s’il doit le tourner très rapidement, en dix jours seulement, tout en récupérant une partie des partitions musicales de La Créature du lac noir et du Météore de la nuit afin de faire des économies. Ce sera exactement la même chose pour L’Homme qui rétrécit, chef d’oeuvre dont nous parlerons dans un second temps.
Tarantula est une œuvre très élégante, excellemment écrite et mise en scène, magnifiquement photographiée par le grand chef opérateur George Robinson (Le Fils de Frankenstein, La Maison de Frankenstein), et interprété par des acteurs investis (la brûlante Mara Corday, ancienne playmate et Scream Queen) et charismatiques. Pour l’anecdote, le film marque la seconde apparition à l’écran d’un comédien qui allait devenir une des plus grandes stars de l’histoire du cinéma. Il s’agit d’un certain Clint Eastwood (non crédité au générique), qui interprète ici le chef de l’escadron aérien qui affronte la créature dans le dernier acte. Même s’il apparaît masqué, les fans reconnaîtront le regard de l’acteur.
Tarantula n’a absolument rien perdu de son charme, de sa magie et de sa poésie.
L’Homme qui rétrécit
Lors d’un voyage en bateau, Scott Carey est plongé dans un brouillard radioactif et subit d’étranges transformations, jusqu’à voir sa taille réduite à quelques centimètres. Soudain, des situations de la vie quotidienne se transforment en cauchemars : un chat joueur ou une araignée deviennent des monstres sanguinaires qui peuvent vous tuer à chaque instant. Carey doit alors mettre à l’épreuve tout son courage et son intelligence pour survivre dans ce monde devenu hostile…
Deux ans après Tarantula et entre deux thrillers, Faux–monnayeurs et Le Salaire du diable, Jack Arnold réalise son chef d’oeuvre, L’Homme qui rétrécit – The Incredible Shrinking Man, d’après le roman The Shrinking Man du grand Richard Matheson (1926-2013), publié en 1956. L’écrivain signe d’ailleurs lui-même l’adaptation de son livre de science-fiction pour le grand écran. Soixante ans après sa sortie, L’Homme qui rétrécit demeure un modèle du genre avec la beauté incommensurable de ses effets spéciaux, la poésie et la philosophie du scénario, la direction artistique, la conduite du récit, la science du montage et une direction d’acteurs aussi juste que furieusement moderne.
En croisière dans le Pacifique avec son épouse Louise (Randy Stuart), Scott Carey (Grant Williams) est soudain enveloppé par un mystérieux nuage radioactif. Quelques mois plus tard, il constate avec stupeur que ses vêtements sont devenus trop grands pour lui. Il doit se rendre à l’évidence, aussi incroyable soit-elle : il a rapetissé et son poids va également en diminuant ! Les médecins lui expliquent qu’il a vraisemblablement été exposé à une radioactivité très supérieure à la moyenne. En quelques semaines, Scott passe de 1m85 à 93 centimètres. Le remède qu’on lui propose parvient à stopper sa décroissance. Hélas, ses effets s’avèrent très provisoires. Réduit à la taille d’un clou, Scott se retrouve un jour face à son chat qui le prend pour un insecte et commence à le poursuivre. Il parvient à s’en sortir indemne, mais atterrit dans la cave, qui devient alors un nouveau territoire hostile, où rôde une tarentule géante. Scott doit non seulement affronter ce nouveau danger, mais il doit également trouver de quoi manger, boire et un endroit où il puisse dormir en sécurité. Il s’arme alors d’une aiguille à tricoter qui à son échelle devient une épée, tout en trouvant refuge dans une boîte d’allumettes.
A l’instar de Tarantula, l’immense réussite de L’Homme qui rétrécit découle du sérieux avec lequel Jack Arnold empoigne son sujet. Le cinéaste y croit à fond et met en scène son film comme s’il s’agissait parfois d’un documentaire – Jack Arnold avait d’ailleurs été l’assistant du grand documentariste Robert Flaherty – sur la façon de survivre en milieu inhospitalier. Il n’y aura jamais de réelle explication sur la nature exacte du brouillard qui a enveloppé Scott et qui a entraîné son rapetissement, si ce n’est que l’homme en est une fois de plus la cause. Avec un art virtuose de l’ellipse, Jack Arnold montre les différents stades de la transformation de son personnage, tout d’abord étonné de voir ses vêtements qui se sont visiblement élargis suite à leur passage au pressing, avant de sérieusement commencer à envisager que c’est en fait lui-même qui rétrécit. Après une visite chez le médecin, il doit admettre que son corps continue de diminuer en taille, alors que son alliance glisse de son annulaire. Quelques plans suivants, alors que l’on venait de quitter Scott au volant de sa voiture, nous le retrouvons dans son salon, où il se trouve assis dans le fauteuil. Il fait la taille d’un enfant de 5 ans. La nouvelle commence à se répandre, les journalistes envahissent leur pelouse, le téléphone n’arrête pas de sonner, tout le monde veut avoir un scoop sur ce phénomène et objet de curiosité. Même le frère de Scott, visiblement attiré par l’appât du gain, l’encourage à jouer le jeu avec la presse, tandis que sa femme, très maternelle, semble se résigner à le voir rétrécir.
Louise, la femme de Scott, essaye de rester confiante, d’autant plus que le nouveau traitement semble avoir enrayé la transformation. Alors qu’il semble accepter sa nouvelle condition, surtout après rencontré par hasard une femme de petite taille, belle et épanouie, qui travaille dans un spectacle en tant que freaks, Scott, qui tombe visiblement sous le charme et qui voit que la vie demeure possible, se rend compte que le rétrécissement recommence et perd à nouveau ses moyens. Il s’enfuit. Nouvelle ellipse, il a désormais la taille d’un Playmobile et s’est installé dans une maison de poupées, qui à vrai dire ne change pas beaucoup de son domicile habituel.
Il y a deux films en un dans L’Homme qui rétrécit. Dans la première partie, le cinéaste présente ses personnages, les rend attachants en les plaçant dans le cadre banal de l’American Way of Life, jusqu’à ce que Scott soit contaminé par cette étrange atmosphère et qu’il commence à voir son corps changer. Ou comment le fantastique s’immisce dans le quotidien. Par la magie des décors, des accessoires et des incrustations, Jack Arnold rend crédible et réaliste le fait que son protagoniste rétrécisse à vue d’oeil. La séquence qui vient tout perturber est le combat cauchemardesque que Scott mène avec son chat, qui voit en lui une étrange souris, à l’issue duquel Scott se retrouve dans la cave. Un nouveau film commence, un véritable survival qui n’a absolument rien à envier à d’autres films du genre, même contemporain. De son côté, sa femme croit alors que Scott est mort, tué par son chat.
En dehors d’une voix-off réduite à son minimum à travers laquelle Scott raconte son histoire comme dans un journal de bord, L’Homme qui rétrécit devient un film quasiment dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène. Et c’est fabuleux, extraordinaire et passionnant. Le spectateur suit désormais Scott, formidable et charismatique Grant Williams, découvrir ce nouvel environnement menaçant (qui lui était pourtant familier), où les fuites d’un chauffe-eau deviennent des trombes d’eau (le Marvel Ant-Man de Peyton Reed n’a évidemment rien inventé), une grille d’égout devient un précipice sans fond, une toile d’araignée devient un amoncellement de fils barbelés et le morceau de fromage placé sur une tapette à souris devient un festin convoité.
Le génie de Richard Matheson et celui de Jack Arnold s’allient pour offrir aux spectateurs l’un des plus grands, l’un des plus beaux et l’un des plus spectaculaires films fantastiques de l’histoire du cinéma. L’empathie de l’audience pour le personnage est telle qu’il n’est pas rare de cramponner les accoudoirs de son fauteuil au moment où Scott, réduit cette fois à la taille d’un dé à coudre, se retrouve coincé entre les huit pattes velues de son pire ennemi. Film d’aventures et d’action, drame et même tragédie, L’Homme qui rétrécit ne serait pas le même film sans son dénouement déchirant et ambitieux, qui ne cède en rien à la fin heureuse traditionnelle (malgré le souhait original des studios Universal), mais qui se double d’une réflexion métaphysique aussi inattendue qu’inoubliable, au même titre que l’épilogue de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Devant se résoudre à accepter sa condition, Scott, désormais débarrassé de la menace de la tarentule, est vivant et prêt à découvrir ce nouveau monde qui s’ouvre à lui et dont il est seul à pouvoir percevoir la beauté, tout comme sa propre place dans l’univers. Scott sort finalement grandi de cette aventure.
L’Homme qui rétrécit, entré au National Film Registry et conservé à la Bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis, souvent copié mais jamais égalé, est une étape indispensable pour les cinéphiles.
LE COFFRET
Le test des éditions HD de Tarantula et de L’Homme qui rétrécit, disponibles chez Elephant Films, a été réalisé à partir de check-discs. Cette édition contient également un livret collector rédigé par Matthieu Rostac, journaliste de « SoFilm » (48 pages), non envoyé par l’éditeur. Les menus principaux, sont animés et musicaux, jaune pour Tarantula et bleu pour L’Homme qui rétrécit.
Nous retrouvons sur les deux disques, le même portrait de Jack Arnold, dressé par l’imminent Jean-Pierre Dionnet, que l’on est heureux de retrouver en grande forme (7’). Visiblement passionné par son sujet, notre interlocuteur intervient pour réhabiliter le cinéaste, trop souvent oublié ou dont les films demeurent parfois sous-estimés, même s’il a largement contribué à renouveler le genre fantastique et l’horreur au cinéma après la Seconde Guerre mondiale. Dionnet passe en revue le parcours de Jack Arnold (avec ses débuts aux côtés du documentariste Robert Flaherty), ses sujets de prédilection, son éclectisme. Il évoque également le réalisme avec lequel le réalisateur abordait le fantastique, ce qui contribuait entre autres à la grande réussite de ses films. Jean-Pierre Dionnet clôt cette intervention en indiquant que « Jack Arnold est un maître ».
Chaque film est également présenté par le même Jean-Pierre Dionnet, qui en deux fois dix minutes, revient sur le casting, les effets visuels, les thèmes, la mise en scène, le tout ponctué d’anecdotes amusantes à l’instar des essais passés par Tamara, la tarentule star de Tarantula, qui a tellement convaincu Jack Arnold qu’il la réutilisera dans L’Homme qui rétrécit.
La section des bonus propose également une galerie de photos et des bandes-annonces.
L’Image et le son
Tarantula et L’Homme qui rétrécit sont présentés dans leur format original, dans un master entièrement restauré en Haute-Définition. Le premier avait connu une sortie plutôt confidentielle il y a dix ans chez Bach Films, tandis que le second était jusqu’alors disponible en DVD chez Universal depuis 2006, avant d’intégrer la collection Universal Classics (à la jaquette rouge) en 2012 chez le même éditeur. Les deux films font donc peau neuve chez Elephant Films, qui avait déjà édité Le Météore de la nuit et La Revanche de la créature en 2016, également en Haute-Définition. N’ayons pas peur des mots, ces Blu-ray au format 1080p sont superbes. Certes, quelques points blancs et noirs subsistent parfois, mais dans l’ensemble les copies sont immaculées et la quasi-totalité des scories a été nettoyée. Souvent tourné en extérieur, Tarantula bénéficie d’une image plus lumineuse que celle de L’Homme qui rétrécit et en dehors des stock-shots, essentiellement liés au raid aérien final, la copie HD est supérieure à celle de l’autre film de Jack Arnold, même si le piqué, la gestion du grain et des contrastes, sans oublier l’équilibre au niveau des fondus enchaînés sont du même acabit. Néanmoins, le Blu-ray de L’Homme qui rétrécit s’avère également magnifique. La restauration n’a pas cherché à gommer les couacs liés aux images composites aux images incrustées. De ce fait, les scènes durant lesquelles Scott affronte son chat et l’araignée occasionnent une définition plus vacillante, mais cela fait partie du charme du film.
Les bandes-sons ont été restaurées en version originale, disponibles en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, sont dynamiques et le confort acoustique très appréciable. Une très grande clarté qui participe également à la redécouverte des films de Jack Arnold, surtout en ce qui concerne L’Homme qui rétrécit, puisque le cinéaste joue également avec le son pour indiquer le rétrécissement du personnage principal. Si Tarantula n’est proposé qu’en version originale aux sous-titres français non imposés, nous trouvons – en plus de version anglaise – une piste française pour L’Homme qui rétrécit. Cette dernière s’avère peu convaincante avec son doublage qui semble avoir été réalisé récemment. Le résultat manque de naturel et se concentre essentiellement sur le report des voix, au détriment des effets et des ambiances annexes. Dans tous les cas, aucun souffle constaté.
CLOWNréalisépar Jon Watts,disponible en DVD et Blu-ray le 28juin2017chez Wild Side Vidéo
Acteurs : Andy Powers, Laura Allen, Peter Stormare, Eli Roth, Christian Distefano, Elizabeth Whitmere, Graham Reznick, Chuck Shamata…
Scénario : Jon Watts, Christopher Ford
Photographie : Matthew Santo
Musique : Matt Veligdan
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 2014
LE FILM
Lorsque le clown engagé pour animer l’anniversaire de son fils leur fait faux bond, un père de famille doit prendre la relève et lui-même revêtir un déguisement de clown pour assurer le spectacle. Mais très vite, il réalise que le costume est devenu une seconde peau dont il ne pourra se débarrasser. A moins d’accomplir une mission macabre…
Halloween en 2010. Quelques internautes découvrent la bande-annonce d’un film d’horreur intitulé Clown. Tourné en un week-end par Jon Watts et son ami Christopher Ford, ce qui n’est au départ qu’une plaisanterie entre étudiants en cinéma se transforme en véritable phénomène sur internet. Le trailer est échangé partout dans le monde, d’autant plus que le film est annoncé comme étant « le nouveau film d’Eli Roth, le maître de l’horreur » ! Watts et Ford sont dépassés par les événements. Désarçonné quand on le félicite sur la bande-annonce de son prochain film, Eli Roth visionne la vidéo en question. Mais plutôt que d’intenter un procès au duo, ils les félicitent pour leur audace et leur proposent de transformer cette idée en véritable long métrage. Il s’engage même à produire réellement leur film s’ils y parviennent. Clown le film est né.
Sorti en 2014, ce film d’horreur américano-canadien reprend donc le même pitch annoncé dans la fausse bande-annonce. Pour l’anniversaire de son fils, Kent engage un clown devant animer la fête. Quand il lui fait faux bond, Kent est contraint de se déguiser lui-même. Il découvre avec horreur qu’il ne peut pas retirer le costume et cherche à comprendre l’origine de cette malédiction. Il y a de bonnes choses dans Clown, mais il y en a aussi de très mauvaises. Dans l’ensemble, le film est un bon divertissement, qui possède suffisamment de bons points pour emmener le spectateur jusqu’à la fin. Le postulat de départ est excellent, même s’il faut accepter une coïncidence « hénaaaurme ». En effet, alors que son fils et sa femme attendent l’arrivée d’un clown pour la fête d’anniversaire du fiston, Kent McCoy, agent immobilier, apprend que la société d’animation est obligée d’annuler. Kent est désolé pour son fils…mais attendez, le hasard est bien fait ! Alors qu’il se trouve dans une des maisons qu’il cherche à vendre, il trouve un costume de clown dans une vieille malle abandonnée au sous-sol ! « Alors ça par exemple, cela tombe bien » ! Kent débarque alors chez lui, perruque colorée, teint blanc, nez rouge, costume vintage et tralala, le môme aura une fête digne de ce nom ! Il y avait une chance sur combien de trouver un costume de clown, pile-poil au bon moment ? Voilà. Sur ce coup de bol incroyable, Clown démarre et le calvaire de son personnage principal aussi. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus réussi dans le film.
Entre Le Loup-Garou de Londres de John Landis et La Mouche de David Cronenberg, saupoudré du Pennywise de Stephen King, Clown montre la lente transformation physique de Kent (Andy Powers, attachant), qui doit se rendre à l’évidence, le costume prend possession de lui, corps et âme. Il ne peut tout d’abord pas retirer sa perruque, qui semble être devenue sa nouvelle implantation capillaire, tout comme son nez rouge qui reste collé à son visage. Sa femme Meg (Laura Allen, peu convaincante) parvient à lui retirer le nez à l’aide de pinces, mais lui arrache au passage le bout de sa vraie truffe, que leur chien s’empresse de becter.
Franchement, si Clown avait su demeurer aussi fun (avec un humour noir plaisant), efficace et prometteur que cette première partie, le film aurait été une belle réussite. C’est après que les choses se gâtent, comme si Jon Watts et Christopher Ford, quelque peu décontenancés par cette opportunité, n’avaient pas su quoi raconter à partir de leur faux trailer original. Sans toutefois ennuyer l’audience et en devenant un nouvel ennemi des coulrophobes (prenez un dictionnaire), le film entre après dans les rangs du genre, celui de la possession d’un être humain par un démon, histoire évidemment narrée par un ermite (ce cabotin de Peter Stormare) qui connaît tout sur la malédiction et qui attendait patiemment qu’un pauvre couillon mette le costume de clown.
Kent disparaît à mesure que son costume devient organique (maquillage très réussi d’ailleurs) et qu’un pseudo-diable affamé (son ventre gargouille tout le temps) – interprété par Eli Roth lui-même en fin de mutation – prenne définitivement le contrôle de son corps pour aller dévorer quelques enfants. Ces séquences parfois sanglantes et toujours graphiques mettant en scène de très jeunes victimes, pourront d’ailleurs choquer les spectateurs les plus sensibles. Le gros bémol de Clown, ce ne sont pas ses rebondissements improbables, mais l’amateurisme de la mise en scène, le rythme peu maîtrisé (tout est trop lent ou au contraire les événements vont trop vite en besogne) et la paresse du scénario, très mal écrit, jusque dans le dernier acte, mauvais, vite expédié et qui part dans tous les sens.
Clown se regarde avec amusement, quelques scènes d’épouvante fonctionnent à l’instar du démon qui dévore les gamins dans une salle de jeux, comme si Ronald McDonald préparait ses propres Big-Mac. Dommage que la réalisation ne suive pas et avor souvent les effets de surprise ou destinés à faire peur aux spectateurs. Encore une fois, Clown, présenté en compétition au Festival international du Film Fantastique de Gérardmer en 2017, n’est pas déplaisant et se regarde volontiers, mais ne laissera pas un grand souvenir. Le film se situe en entre la série B et la série Z, à regarder avachi dans un BZ quoi. Toujours est-il que cela n’augure rien de bon pour Spider-Man : Homecoming dont la mise en scène a été confiée par Marvel à Jon Watts, suite à son film suivant Cop Car, avec Kevin Bacon, directement sorti en France en DVD. Mais bon, on ne s’attend pas non plus à un miracle pour l’énième retour de l’homme-araignée, mais c’est toujours bien d’y croire quand même. En attendant un autre comeback très attendu, celui de Pennywise en septembre 2017, sous la direction de l’excellent Andrés Muschietti.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Clown, DTV disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Sortie technique, Clown s’accompagne d’un petit making of promotionnel de 6 minutes, constitué d’interviews d’Eli Roth, de la décoratrice Lisa Soper, des comédiens Laura Allen et Peter Stormare, du directeur de la photographie Matthew Santo et du responsable des maquillages David Santo. Très peu d’images de tournage à se mettre sous la dent dans ce module, qui revient essentiellement sur la genèse singulière de Clown.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Un DTV de plus dans l’escarcelle de Wild Side Vidéo ! Ce Blu-ray au format 1080p est encore une fois une grande réussite technique. La Haute-Définition sied à merveille aux films de genre et Clown ne déroge pas à la règle. La patine est délicate et léchée durant 1h40, les partis pris merveilleusement rendus. C’est un quasi-sans-faute technique : luminosité, relief, colorimétrie, piqué (acéré), contrastes (impressionnants), densité des noirs, on en prend plein les yeux, y compris sur les scènes moins éclairées. Les teintes froides s’allient avec les gammes chatoyantes, et chaque détail aux quatre coins du cadre large est saisissant. Ce transfert immaculé soutenu par une compression AVC solide comme un roc, offre les meilleures conditions pour découvrir le film de Jon Watts en France.
Les versions anglaise et française sont disponibles en DTS-HD Master Audio 5.1. Ces mixages en feront sursauter plus d’un grâce à ses effets latéraux et frontaux particulièrement puissants et immersifs. Le caisson de basses a fort à faire avec des effets bien sentis, les dialogues sont exsudés avec force sur la centrale et les ambiances naturelles et dérangeantes ne manquent pas, surtout durant les vrombissements. Le changement de langue est verrouillé à la volée et les sous-titres français imposés sur la version anglaise.
ZEDER, LES VOIX DE L’AU-DELÀ(Zeder) réalisépar Pupi Avati,disponible en combo Blu-ray-DVD le 18 mars 2017chez The Ecstasy of Films
Acteurs : Gabriele Lavia, Anne Canovas, Paola Tanziani, Cesare Barbetti, Bob Tonelli, Ferdinando Orlandi, Enea Ferrario, John Stacy…
Scénario : Pupi Avati, Maurizio Costanzo, Antonio Avati
Photographie : Franco Delli Colli
Musique : Riz Ortolani
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1983
LE FILM
Stefano, un jeune journaliste, achète une vieille machine à écrire. Il découvre du texte encore imprimé sur le ruban. Il apprend ainsi l’existence d’un certain Paolo Zeder, un scientifique qui aurait découvert dans les années 50 un moyen de faire revivre les morts suivant le lieu de leur enterrement. Stefano entre bientôt en contact avec un obscur groupe de savants qui tentent de prouver la véracité des thèses exposées par Zeder…
Réalisateur, scénariste et producteur, Giuseppe Avati, plus connu sous le nom de Pupi Avati (né en 1938) signe avec Zeder, les voix de l’au-delà – connu aux Etats-Unis sous le titre Revenge of the Dead – un de ses films les plus célèbres, du moins pour les amateurs de cinéma fantastique. Eclectique et plutôt prolifique, le cinéaste de La Mazurka del barone, della santa e del fico fiorone (1975) et de La Cage aux minets – Bordella (1976), comédies qui ont fait sa renommée, s’est aussi illustré dans l’épouvante dès son premier long métrage avec le gothique Balsamus, l’homme de Satan (1970). Suivront Thomas e gli indemoniati (1970) et surtout La Maison aux fenêtres qui rient (1976). Passionné par les phénomènes paranormaux, l’ésotérisme et l’occultisme, mais aussi par le macabre, Pupi Avati revient à son genre de prédilection sept ans après ce succès international, avec Zeder, les voix de l’au-delà.
Stefano (le monolithique Gabriele Lavia), un romancier, reçoit une vieille machine à écrire de la part de sa femme Alessandra (la délicieuse Anne Canovas, vue récemment dans la série Plus belle la vie), en guise de présent pour leur anniversaire de mariage. Alors qu’il s’apprête à changer le ruban encreur de la machine, il découvre que les empreintes dactylographiques laissées sur celui-ci par le précédent propriétaire sont encore lisibles. Fasciné par la perspective de cette découverte, Stefano extirpe du ruban la narration d’expériences réalisées par un scientifique du nom de Paolo Zeder qui semblait avoir découvert un moyen de vaincre la mort. Hanté par cette découverte prometteuse sur les théories de Zeder, Stefano va se lancer dans un terrifiant voyage et sera confronté à une conspiration de réanimation des morts !
Zeder, les voix de l’au-delà n’a rien perdu de son pouvoir hypnotique et repose entièrement sur la mise en scène très inspirée de Pupi Avati. Zeder, les voix de l’au-delà est un film très étrange, quasi-inclassable, jouant avec les codes du giallo sans en être un malgré un meurtre réalisé dans le noir avec un objet contondant. A l’instar du personnage principal, le spectateur se retrouve souvent incrédule, mais ne peut s’empêcher de continuer à visionner cette œuvre insolite, poussé par la curiosité, d’autant plus que les événements n’ont de cesse de surprendre et de devenir de plus en plus inquiétants voire franchement dérangeants. Mais cette attraction de l’horreur se manifeste surtout par les partis pris, notamment la photo sombre, poisseuse, étouffante et froide du chef opérateur Franco Delli Colli (Je suis une légende avec Vincent Price), ainsi que par la composition inspirée de Riz Ortolani, les décors fantomatiques, comme cet énorme bâtiment laissé à l’abandon, dans lequel se perd le personnage principal en quête de vérité.
Zeder, les voix de l’au-delà ne manque pas de rebondissements et promène l’audience de Chartres dans les années 1950 à Bologne et plus largement dans la région d’Emilie-Romagne pour ce qui concerne la partie contemporaine. Sans effets gratuits ni ostentatoires, le récit, qui rappelle Simetierre de Stephen King alors publié la même année, se déroule posément, tandis qu’un étau semble se refermer aussi bien sur la gorge du personnage que sur celle du spectateur. Pupi Avati convoque le dernier cri du matériel audiovisuel et les images vidéo renvoyées dans la tombe du terrain K, où les morts peuvent revenir à la vie, sont à la fois drôles et effrayantes. Zeder, les voix de l’au-delà ne verse jamais dans l’excès, bien au contraire, ne joue pas la carte du gore ou des zombies en décomposition, et pourtant se révèle être une œuvre, maîtrisée de A(vati) à Z(eder), pesante et anxiogène, tout en gardant un pied dans un réalisme troublant.
S’il n’est pas sorti dans les salles françaises, le drame de Pupi Avati, car il s’agit bien plus d’un drame que d’un film fantastique, a connu une carrière en VHS et son groupe d’aficionados n’a jamais cessé de croitre. A connaître absolument.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray et le DVD de Zeder, les voix de l’au-delà, disponible chez The Ecstasy of Films, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. L’élégante jaquette (réversible) saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de cinéma Bis, et des autres, avec son visuel mystérieux. Le menu principal est animé et musical. Ce titre intègre la collection Cauchemars italiens.
The Ecstasy of Films ne vient pas les mains vides, mais avec près d’une heure de suppléments.
On commence par l’interview de Pupi et Antonio Avati (31’). Enregistrés séparément, les deux frères, le premier réalisateur et le second producteur, reviennent sur la genèse de Zeder, les voix de l’au-delà (à partir du ruban d’une machine à écrire), l’écriture du scénario, le choix des décors, les partis pris, les intentions, le casting et les lieux de tournage. Pupi Avati indique entre autres que Zeder, les voix de l’au-delà correspond à une période de sa vie où il était fasciné par le sujet de la vie après la mort et constituait beaucoup de recherches sur ce thème.
Dans la seconde interview, nous retrouvons l’illustre compositeur Riz Ortolani (1926-2014). Visiblement enregistré peu de temps avant son décès, cet entretien avec le maestro qui aurait signé près de 230 musiques pour le cinéma et la télévision, permet d’en savoir un peu plus sur le travail de ce passionné qui a oeuvré avec les plus grands. Riz Ortolani passe en revue son enfance placée sous le signe de la musique, ses débuts dans le cinéma, ses rencontres déterminantes et bien évidemment sa longue collaboration avec Pupi Avati. Le tout accompagné d’anecdotes diverses et variées, aussi intéressantes que truculentes à écouter.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, une galerie de photos (y compris de tournage), ainsi qu’un comparatif avant/après la restauration, sans oublier la bande-annonce de Re-Animator 2 – Bride of Re-Animator, bientôt disponible chez The Ecstasy of Films!
N’oublions de mentionner la présence d’un formidable et exclusif petit livret de 20 pages, intitulé De A(vati) à Z(eder), conçu par Frank Lafond, essayiste et directeur de collection, auteur de Jacques Tourneur, les figures de la peur (2007), Joe Dante, l’art du je(u) (2011) et du Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction (2014).
L’Image et le son
Zeder, les voix de l’au-delà est présenté pour la première fois en France en DVD et Blu-ray, dans une version intégrale restaurée en Haute-Définition et dans son format original respecté 1.85. L’éditeur indique s’être occupé de l’étalonnage de restauration à Paris, tandis qu’un laboratoire italien s’est chargé du transfert numérique du négatif original du film. Le film est désormais disponible en Blu-ray, au format 1080p (AVC). Difficile de juger une image comme celle de Zeder, les voix de l’au-delà ! Quelques scories et dépôts résiduels demeurent, surtout durant la première partie française, mais dans l’ensemble la copie s’avère propre et bien nettoyée. Les couleurs ternes de la première partie sont bien restituées, de même pour les teintes plus chaudes du reste du film. Dommage cependant que le teint des comédiens passe souvent du rose au plus saumoné. Le master affiche une belle stabilité, certains effets de pompage peuvent se faire ressentir au cours d’une même séquence, sans que cela perturbe le visionnage. Les contrastes sont fermes et le piqué souvent étonnant. La promotion HD est donc validée pour ce titre et l’éditeur s’en sort très bien, malgré l’évidente complexité à respecter les volontés artistiques originales.
Les versions italienne et française sont proposées en DTS-HD Master Audio Mono. Sans surprise, la piste originale s’avère la plus propre et dynamique du lot. Evitez le doublage français, qui privilégient le report des voix – pincées et parfois chuintantes – au détriment des effets et ambiances annexes. Zeder, les voix de l’au-delà est un film qui se déguste avec la musicalité de la langue transalpine. Un panneau indique également que certains éléments audio d’origine ont été perdus.
PHANTASM 2réalisépar Don Coscarelli, disponible en DVD et combo DVD/Blu-ray le 27 juin 2017chez Sidonis Calysta et ESC Editions
Acteurs : James Le Gros, Reggie Bannister, Angus Scrimm, Paula Irvine, Samantha Phillips, Kenneth Tigar, Ruth C. Engel…
Scénario : Don Coscarelli
Photographie : Daryn Okada
Musique : Fred Myrow, Christopher L. Stone
Durée : 1h37
Date de sortie initiale : 1988
LE FILM
Six ans après les événements qui ont transformé son adolescence en cauchemar, Mike Pearson sort de l’hôpital psychiatrique où il a été soigné pendant tout ce temps. Du passé, il en est toujours imprégné, prêt à reprendre le combat contre le sinistre croque-mort à l’origine du trafic des cadavres du cimetière de Morningside vers une autre dimension. Bientôt rejoint par son ami Reggie, Mike s’engage sur les routes de l’Oregon. D’une ville fantôme à l’autre, les deux hommes découvrent que leur vieil ennemi a considérablement étendu son terrain de chasse…
Puisque Phantasm 2 reprend là où le premier s’arrêtait, nous ferons de même avec cette critique en reprenant le dernier paragraphe de notre chronique du premier opus. Alors si vous voulez en savoir plus sur Phantasm, vous savez ce qui vous reste à faire. A sa sortie, Phantasm est un succès critique et commercial. Le film rapporte près de 12 millions de dollars au box-office nord-américain et attire plus de 500.000 spectateurs en France où il obtient également le prix spécial du jury au Festival international du film fantastique d’Avoriaz. Le budget de 300.000 dollars est donc largement rentabilisé. Toutefois, Don Coscarelli ne reviendra à Phantasm qu’en 1988, réalisant entre-temps un film d’heroic fantasy, Dar l’invincible – The Beastmaster. Ce dernier porté par Marc Singer dans le rôle-titre et l’inénarrable et bustée Tanya Roberts (Dangereusement vôtre, Sheena, reine de la jungle) ne rencontre pas le succès escompté. Don Coscarelli planche alors sur la suite de Phantasm, à partir des éléments mis en place dans le premier volet.
Phantasm 2 sort presque dix ans après le premier volet et cela se ressent, car le cinéma américain a changé entre les deux opus. De nouveaux boogeymen ont fait leur apparition dans le genre épouvante, notamment un certain Freddy Kruger, tandis que la mode est au buddy-movie et aux films d’action stéroïdés du style Commando ou Rambo 2 : la mission. Si Don Coscarelli souhaite prolonger la légende du Tall Man, toujours incarné par l’incroyable Angus Scrimm, Phantasm 2 s’inscrit à la frontière des genres et s’avère un étonnant mélange de western, de film d’horreur bien sûr, de road-movie, saupoudré d’ingrédients de ce qui a fait la recette de L’Arme fatale ou de 48 heures. Evidemment, l’ambiance n’est pas à la rigolade, mais Phantasm 2 ne manque pas d’humour car plus ancré dans son époque. Ce qui pèche en revanche dans ce deuxième chapitre, c’est son manque d’originalité.
Phantasm 2 apparaît presque comme un spectre du premier. L’impression de déjà-vu se fait du début à la fin, toutes les séquences faisant quasiment écho à celles du premier film. Sauf qu’ici le réalisateur bénéficie d’un budget largement supérieur, 3 millions de dollars, soit dix fois plus que pour Phantasm. Du coup, Don Coscarelli se fait plaisir en faisant péter pas mal de choses, notamment deux maisons qui explosent dans les dix premières minutes du film. Dans Phantasm 2, Mike interné depuis les événements, quitte enfin l’hôpital psychiatrique. Quelques années auparavant, son ami et désormais tuteur Reggie le marchand de glaces (Reggie Bannister, présent dans toute la saga), l’avait tiré des mains d’un étrange personnage, le Tall Man, une espèce d’homme-cadavre accompagné de nains monstrueux qui s’emparait des humains pour les transformer et les envoyer, semble-t-il, dans un univers parallèle. Personne n’avait accordé de crédit à son récit et Mike avait été enfermé dans un asile d’aliénés. Dès sa sortie, le maléfique personnage se manifeste à nouveau en tuant toute la famille de Reggie. Cette fois, Mike et Reggie décident de prendre les armes et taillent la route, à la recherche du Tall Man.
Le plus gros problème de Phantasm 2 et ce qui a été reproché à Don Coscarelli (même s’il s’agissait d’une décision des producteurs), est de ne pas avoir repris le jeune A. Michael Baldwin pour le rôle de Mike, lui préférant le jeune et peu charismatique James Le Gros. Souvent irritant, jamais attachant ni convaincant, l’empathie pour le personnage en prend un coup. Outre deux personnages féminins complètement sacrifiés, l’autre point faible de Phantasm 2 est également d’avoir privilégié le côté guérilla – avec la séquence où les héros se fabriquent eux-mêmes leurs armes comme dans un épisode de L’Agence tous risques – au détriment de l’émotion et de la noirceur du premier épisode. Du coup, la première heure, malgré quelques fulgurances, ennuie et manque singulièrement de rythme. La déconvenue est de taille, surtout après l’immense réussite de Phantasm. Don Coscarelli s’amuse avec les millions de dollars mis à sa disposition, comme s’il pouvait enfin réaliser le film dont il rêvait vraiment en 1979. Alors certes le Tall Man évolue, on en apprend un peu plus sur sa nature, même si cela est suggéré, le cadre est inspiré, les sphères volantes et foreuses de crânes, ainsi que les nains cruels sont également multipliés, mais pourtant Phantasm 2 ne possède ni l’aura, ni la virtuosité, ni le fond, ni la force, ni le mystère de son modèle.
Aujourd’hui, cette séquelle demeure un bon divertissement, mais vaut essentiellement pour son dernier acte, où Don Coscarelli compile les morceaux de bravoure (un combat entre deux tronçonneuses, un lance-flammes à la Exterminator, un fusil à quadruple canons sciés), les moments gore et de vraie comédie à la Evil Dead 2 – d’ailleurs le nom de Sam Raimi apparaît à l’écran sur un sachet comprenant des cendres funéraires – avec un montage plus syncopé et des personnages agonisants dans d’impressionnantes convulsions. Mais les aficionados, même si indulgents, ne manqueront pas de pointer les points faibles de cette suite tardive nettement plus commerciale et conventionnelle que le film original.
LE BLU-RAY
A l’instar du Blu-ray du premier film, ESC Editions et Sidonis Calysta s’associent pour nous offrir Phantasm 2 en Haute-Définition. Le film est disponible en DVD, mais aussi en combo Blu-ray/DVD (édition limitée), disposés dans un boîtier métal. Le menu principal est élégant, animé sur des images du film et son célèbre thème principal.
Si le produit possède les mêmes caractéristiques que pour le premier volet, c’est également le cas pour son interactivité. Le premier supplément disponible sur cette édition est une interview croisée (27’) de Guy Astic (Directeur des éditions Rouge Profond, corédacteur en chef de la revue de cinéma Simulacres, parue de novembre 1999 à mai 2003) et de Julien Maury (scénariste et réalisateur, A l’intérieur). Forcément moins passionnante que la présentation de Phantasm, celle de cette séquelle vaut encore une fois essentiellement pour l’intervention de Guy Astic, qui convoque à la fois le fond et la forme du film de Don Coscarelli, tandis que Julien Maury, qui introduit et clôt ce module, partage surtout ses (bons) souvenirs liés à la découverte de Phantasm 2. Guy Astic revient sur l’imagination de Don Coscarelli et l’univers du réalisateur qui le fascinent véritablement. Les partis pris, les intentions du metteur en scène, les différences entre les deux films (moins sombre, plus drôle et débridé), les thèmes, l’évolution du Tall Man sont abordés. Si les propos de Julien Maury s’avèrent donc plutôt anecdotiques et même redondants, ceux de Guy Astic méritent quand même l’attention des cinéphiles et des passionnés du genre.
Le bonus suivant est un entretien de Gregory Nicotero, maquilleur et responsable des effets spéciaux ayant oeuvré sur Phantasm 2. Réalisé en 1995, ce bonus donne la parole à cet expert, devenu une référence à Hollywood (L’Antre de la folie, Une nuit en enfer, Scream, The Mist) qui a fait ses classes surLe Jour des morts-vivants de George A. Romero (1985) et Evil Dead 2 de Sam Raimi (1987). Composée de nombreuses et précieuses images filmées dans les ateliers des effets visuels et sur le plateau de Phantasm 2, cette interview revient sur la création des scènes d’horreur du film de Don Coscarelli. L’occasion de voir Angus Scrimm se prêter au jeu lors du tournage de la séquence où le Tall Man fond sous l’effet de l’acide.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale et une galerie de photos.
Egalement au programme mais non reçu pour ce test, vous trouverez un livret de Marc Toullec intitulé « Au coeur du Phantasm », réalisé à l’occasion de cette édition.
L’Image et le son
Le travail est impressionnant et l’image de ce Blu-ray au format 1080p est très propre, débarrassée de la majeure partie des poussières, griffures et autres résidus qui ont dû être minutieusement enlevés image par image. Les images endommagées ont été réparées et les problèmes de densité et de stabilité ont été considérablement améliorés. Tout au long du processus de restauration, un soin particulier a été apporté afin que la texture originale du film, les détails, la structure du grain ne soient pas affectés par le traitement numérique. Ce nouveau transfert Haute Définition permet de redécouvrir Phantasm 2 sous toutes ses coutures avec une très belle patine argentique. Cette élévation HD offre à la colorimétrie un nouveau lifting et retrouve pour l’occasion une nouvelle vivacité. Si la gestion du grain et des contrastes demeure aléatoire et plus altérée sur les séquences sombres, et si la copie demeure moins impressionnante que celle du Blu-ray de Phantasm, au moins pas de réduction de bruit à l’horizon, les détails et le piqué sont plus qu’honorables. N’oublions pas la stabilité de la copie soutenue par un codec AVC exigeant.
En anglais comme en français, les deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 contenteront les puristes. Au jeu des comparaisons, la piste anglaise – pas de remixage 5.1 ici – s’avère nettement plus dynamique et limpide, bref largement supérieure à son homologue, avec une belle restitution des dialogues et de la musique. Les effets sont solides bien que certains paraissent plus étouffés, mais le confort est assuré. Pas de souffle constaté. Le doublage français réalisé entre autres par les illustres Patrick Préjean, Céline Monsarrat et Thierry Bourdon est très réussi et titille la fibre nostalgique. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
LE GANG ANDERSON(The Anderson Tapes)réalisépar Sidney Lumet,disponibleen DVD etBlu-ray 13juin 2017chez Sidonis Calysta
Acteurs : Sean Connery, Dyan Cannon, Martin Balsam, Ralph Meeker, Alan King, Christopher Walken…
Scénario : Frank R. Pierson d’après le roman de Lawrence Sanders
Photographie : Arthur J. Ornitz
Musique : Quincy Jones
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 1971
LE FILM
A sa sortie d’une peine de dix ans de prison, le cambrioleur Duke Anderson retrouve sa maîtresse dans un hôtel de luxe. Reformant un gang avec l’aide d’un homme d’affaires baignant dans la mafia, il organise la mise à sac de l’immeuble et de ses richissimes occupants. Malheureusement, Duke est suivi par plusieurs équipes de surveillance qui en veulent aux personnages qu’il engage pour ce braquage de grande envergure…
Même les plus grands ont besoin d’une récréation ! C’est le cas du Dossier Anderson (titre français) aka Le Gang Anderson (titre belge) aka The Anderson Tapes (titre original), réalisé en 1971 par le grand, par le maître Sidney Lumet (1924-2011), sur un scénario de Frank Pierson (Luke la main froide, Un après-midi de chien) d’après le roman de Lawrence Sanders publié en 1969. Depuis 12 hommes en colère, son premier long métrage et coup d’essai-coup de maître en 1957, le cinéaste a quasiment signé un film par an, ce qu’il fera d’ailleurs durant toute sa carrière. Il rencontre Sean Connery en 1965 pour La Colline des hommes perdus et c’est un coup de foudre artistique réciproque entre les deux hommes. Sidney Lumet est le premier à vouloir emmener le comédien loin du personnage de James Bond, ce que désire Sean Connery qui commence à se demander si sa carrière pourra survivre après avoir rendu le Walther PPK.
Sous contrat avec la United Artists depuis James Bond contre Dr No, Sean Connery se tourne vers sa société de distribution qui lui propose alors un marché. Suite aux chiffres décevants du dernier opus Au service secret de sa Majesté (avec son remplaçant George Lazenby), la United Artists demande à Sean Connery de reprendre sa panoplie de super agent pour Les Diamants sont éternels, en échange de quoi elle s’engage à lui laisser carte-blanche pour deux films indépendants de son choix. Un salaire d’1,250,000 $ est alors posé sur la table plus un pourcentage sur les recettes de cet « ultime » épisode pour le comédien rentrant par ailleurs dans le Livre des records. Sean Connery accepte bon gré mal gré et emmène son smoking au pressing. Parallèlement, Sidney Lumet souhaite retrouver l’acteur écossais pour son nouveau film, Le Gang Anderson (nous utiliserons ce titre pour coller avec l’actualité DVD-Blu-ray) dans lequel il interprète un homme, Duke Anderson donc, libéré de prison après avoir purgé une peine de dix ans. Il retrouve sa maîtresse, Ingrid (Dyan Cannon, vraiment canon d’ailleurs), qui habite un luxueux appartement new-yorkais, dans un immeuble de grand standing. L’idée germe, dans l’esprit de Duke, voleur professionnel, d’un coup fabuleux qui devrait lui rapporter dix millions de dollars : piller la totalité de l’immeuble, trois étages, six appartements. Il commence à recruter ses hommes, pour la plupart ses anciens camarades de cellule : Tommy (Martin Balsam, formidable), un antiquaire homosexuel, chargé de se rendre sur place pour évaluer le mobilier de chacun des locataires, le Kid (Christopher Walken dans son premier vrai rôle au cinéma), expert en électricité, et Spencer (Dick Anthony Williams, la classe décontractée), conducteur chevronné et activiste des Black Panthers. Mais pendant la captivité de Duke, les technologies ont évolué. Le gangster commence les préparatifs sans se douter qu’il est épié – malgré lui – par un système de vidéo-surveillance omniprésent. Les caméras et les systèmes d’écoute enregistrent tous ses déplacements et ses conversations. Le plus ironique, c’est que cet espionnage est illégal et que les institutions (les stupéfiants, la brigade des fraudes fiscales…) qui en sont à l’origine se demandent même pourquoi elles enregistrent cela.
Comme nous le disions en début de critique, Le Gang Anderson est un film qui peut paraître plus léger dans l’immense, prolifique et éclectique filmographie de Sidney Lumet, surtout quand on le compare à d’autres opus comme Serpico ou bien encore le méconnu Equus. Toutefois, il serait faux de penser que Le Gang Anderson est un film où Sidney Lumet se laisse aller, car même si les personnages sont effectivement moins esquissés que d’habitude, le montage (virtuose, qui joue sur la temporalité des événements), la photographie, le cadre (les rues de New York vues par Lumet !), la direction d’acteurs, la mise en scène, tout y est exemplaire. D’un côté Sidney Lumet livre un film très distrayant. Il rend immédiatement attachant cette bande qui sort de prison et qui décide de « remettre ça » en peaufinant un coup financé par la mafia locale. Mais le réalisateur en profite pour dénoncer l’omniprésence des moyens de surveillance et l’espionnage au quotidien.
Oeuvre hybride, film de casse et à la fois film expérimental, Le Gang Anderson montre un réalisateur soucieux de distraire ses spectateurs, tout en l’informant et en le questionnant sur un fléau qui n’en était pourtant qu’à ses balbutiements. Au cadre parfois étrange, pour ne pas dire déroutant, se lie la musique funky-électro signée Quincy Jones, qui renforce le côté technologique de l’entreprise. Bien qu’il ne bénéficie pas du prestige d’autres films de son auteur, Le Gang Anderson n’a jamais été autant d’actualité qu’au XXIe siècle avec les révélations d’Edward Snowden et s’avérait même prophétique, puisque le scandale du Watergate éclatait quelques mois après la sortie du film. Sidney Lumet et Sean Connery se retrouveront l’année suivante pour leur chef d’oeuvre en commun, l’ambitieux et radical The Offfence, que la France ne découvrira que 35 ans après…
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du Gang Anderson, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.
Trois présentations du film de Sidney Lumet pour le prix d’une ! Si elles se recroisent forcément à travers certains arguments identiques, ces trois interviews parviennent heureusement à se compléter suffisamment. Notre préférence se tourne vers celle de Bertrand Tavernier (20’), qui loue la brillante réussite du Gang Anderson, même si le film n’a pas la même profondeur psychologique que les autres opus de Sidney Lumet et que l’action prime sur le développement des personnages. Bertrand Tavernier indique que le film est sans doute encore meilleur aujourd’hui qu’à sa sortie, critique par erreur le choix de faire incarner un américain à Sean Connery (alors qu’une réplique montre bien que le personnage est britannique), tout en analysant la façon dont le cinéaste traite du thème de la surveillance et son caractère prophétique, un an avant le Watergate. Bertrand Tavernier se penche sur le casting et les personnages, et clôt cet entretien en disant avec le sourire que « c’est un film que devrait voir Christian Estrosi et dont la ressortie en DVD était nécessaire ».
L’historien du cinéma Patrick Brion prend ensuite le relais (7’). Plus concis, ce dernier aborde tout d’abord les thèmes du Gang des Anderson. Puis Patrick Brion se rappelle avoir été bluffé par le sujet et le montage à la sortie du film, avant d’avouer avoir été un peu déçu en le revoyant à l’occasion de cette sortie en DVD-Blu-ray. Notre interlocuteur pointe notamment des effets qui ont selon lui vieilli. Soucieux de l’effet que pourrait causer son avis auprès des spectateurs, Patrick Brion évoque ensuite quelques sommets de la carrière de Sidney Lumet, dont Point limite – Fail Safe (1964) qu’il souhaite réhabiliter et qui n’avait pas fait grand bruit à sa sortie.
Dans le dernier entretien de cette édition, François Guérif (6’) parle tout d’abord du roman de Lawrence Sanders, publié en 1969, avant d’analyser lui aussi les thèmes du Gang des Anderson. Il s’agit probablement du module le plus facultatif en raison de ses arguments quelque peu redondants.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie d’affiches.
L’Image et le son
Le Gang Anderson était jusqu’alors disponible dans une édition DVD sortie en 2002 chez Sony Pictures, aujourd’hui épuisée. Les nombreux aficionados du film de Sidney Lumet vont être ravis d’apprendre que Le Gang Anderson fait désormais peau neuve en Haute-Définition (Blu-ray au format 1080p) chez Sidonis Calysta ! Avouons le d’emblée, le transfert n’est pas irréprochable, même si le master paraît très propre et même dépourvu de déchets résiduels. En revanche, le grain original a parfois été trop lissé à notre goût et les visages s’avèrent étrangement rosés, pour ne pas dire franchement saumonés à plusieurs reprises, surtout sur les séquences en intérieur. Heureusement, les détails ne manquent pas, le piqué est ciselé et la clarté est plaisante. Alors même si la restauration ne semble pas récente, la promotion HD sied à merveille à toutes les scènes en extérieur, plus équilibrées et mieux contrastées, à l’instar de l’assaut final.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la musique de Quincy Jones et les étranges effets sonores. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix, au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.