Test Blu-ray / Détective Dee : La Légende des Rois Célestes, réalisé par Tsui Hark

DÉTECTIVE DEE, LA LÉGENDE DES ROIS CÉLESTES (Di Renjie zhi Sidatianwang) réalisé par Tsui Hark, disponible en DVD, Blu-ray et Combo Blu-ray 3D + Blu-ray + Copie digitale le 12 décembre chez M6 Vidéo

Acteurs :  Mark Chao, Carina Lau, Shaofeng Feng, Sichun Ma, Gengxin Lin…

Scénario : Chang Chia-lu

Photographie : Sung Fai Choi

Musique : Kenji Kawai

Durée : 2h12

Année de sortie : 2018

LE FILM

Une vague de crimes perpétrée par des guerriers masqués terrifie l’empire de la dynastie des Tang. Alors que l’impératrice Wu est placée sous protection, le détective Dee part sur les traces de ces mystérieux criminels. Sur le point de découvrir une conspiration sans précédent, Dee et ses compagnons vont se retrouver au cœur d’un conflit mortel où magie et complots s’allient pour faire tomber l’Empire…

Et de 3 ! Détective Dee : La Légende des Rois Célestes est le troisième volet de la franchise initiée en 2010 avec Détective Dee, Le Mystère de la flamme fantôme et Détective Dee 2 : La Légende du Dragon des mers en 2013. Le second était en réalité un prequel au premier dans lequel Mark Chao interprétait le personnage tenu par le mythique Andy Lau dans le premier, mais 25 ans plus jeune. Ce troisième épisode – qui peut se voir indépendamment des précédents – est la suite du second, donc Mark Chao reprend le rôle pour une nouvelle enquête. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tsui Hark dispose de moyens impressionnants pour mettre en valeur les aventures de ce personnage historique rendu célèbre en 1946 par l’écrivain néerlandais Robert van Gulik, diplomate et sinologue, expert de la langue et de l’écriture chinoise. A la fin des années 40, l’auteur néerlandais traduit en anglais un roman policier chinois du XVIIIème siècle, le Dee Gong An, racontant trois enquêtes criminelles résolues par le juge Dee-Jen Djieh qui deviendra le Juge Ti en France. Les enquêtes du Détective Dee se déroulent durant l’époque Tang au VIIème siècle et se basent sur des éléments historiques.

Tsui Hark, cinéaste culte qui a déjà près de quarante ans de carrière derrière lui et des œuvres cultes comme Zu, les guerriers de la montagne magique, quatre volets de la saga Il était une fois en Chine, Le Festin Chinois, ainsi que deux Van Damme (Double Team et Piège à Hong Kong), 68 ans au compteur, n’est pas prêt de raccrocher les gants. Toutefois, comme pour les deux précédents volets, ce Détective Dee : La Légende des Rois Célestes aura à la fois ses détracteurs et ses ardents défenseurs. Si le premier épisode était très sympa, sa réussite reposait beaucoup sur la présence d’Andy Lau. Mark Chao incarne malheureusement un héros bien fade et finalement c’est surtout Tsui Hark lui-même qui devient la star ici.

Décidé à en mettre plein la vue, le cinéaste ne recule devant aucune extravagance et barbouille chaque séquence de couleurs, de costumes, de décors gigantesques, mais aussi d’images de synthèse absolument immondes qui donnent au film un malheureux cachet nanar de luxe. Nous ne remettrons sûrement pas en question la beauté des costumes et des décors. Mais contrairement au premier, qui avait nécessité deux ans de tournage, dix mois de travail sur les dessins préparatoires, 16 millions de dollars de budget, 6000 figurants, dix grandes scènes visuelles, un trucage toutes les 30 secondes, Détective Dee : La Légende des Rois Célestes apparaît presque « facile » dans le sens où l’image est constamment parasitée par des effets numériques hideux, qui font penser à certaines productions hollywoodiennes comme La Momie : la Tombe de l’Empereur Dragon de Rob Cohen avec ses créatures affreuses (ici un singe géant qui se la joue King Kong dans une scène où des dragons remplacent les avions), des fonds verts qui se voient comme le nez au milieu de la figure et un faux rythme constamment instauré par une hystérie collective.

Tsui Hark se prend pour Michael Bay avec un montage épileptique. Si les récits opaques des deux précédents opus pouvaient passer, surtout pour le premier avec ses superbes chorégraphies et ses combats virtuoses qui dépoussiéraient le wu xia pian (le film de sabre chinois), Détective Dee : La Légende des Rois Célestes ne parvient jamais à passionner. Le syndrome est le même que précédemment. On part confiant, attentif, curieux, concentré, afin de ne pas laisser passer tel ou tel élément dans ce blockbuster épique. Le premier quart d’heure est emballant. Puis, les personnages et les sous-intrigues se multiplient, l’intrigue s’éparpille, l’action – filmée en 3D native et HFR, High rame Rate 48 images par seconde – s’emballe, les effets spéciaux recouvrent l’écran avec des couleurs acidulées et explosives, les comédiens deviennent des pantins qui s’articulent et se confrontent devant des green-screen apparents.

Le cerveau se met alors en mode Off et le spectateur commence à regarder (subir ?) ce spectacle gloubi-blouguesque, jusqu’à l’indigestion. Et cela dure 2h10 ! Le tout prend alors la forme d’un mauvais Marvel Asiatique bourré de cholestérol ou un opus de l’horrible et interminable Hobbit de Peter Jackson, qui aurait eu sérieusement besoin d’un bon dégraissage. Demeure le personnage de la guerrière Shui Yue (Sichun Ma), bad-ass, mais c’est trop peu pour sauver ce film dont l’émotion et l’intention nous échappent encore.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Détective Dee : La Légende des Rois Célestes, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical.

En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint un entretien passionnant avec Tsui Hark (27’). Le réalisateur revient (en anglais) sur l’origine du personnage du Détective Dee, sa figure historique avant que la culture s’en empare pour en faire un personnage de roman, puis un héros populaire au cinéma. Cigare à la main, détendu, Tsui Hark aborde également la longue mise en route du premier volet et les partis pris. Il survole rapidement le second épisode avant d’en venir à Détective Dee : La Légende des Rois Célestes. Le cinéaste évoque rapidement un possible quatrième volet qui serait selon lui complètement différent puisqu’il serait centré sur les souffrances provoquées par les traumas de la vie du personnage principal. Enfin, Tsui Hark parle des scènes d’action et de la difficulté rencontrée par les cascadeurs Chinois de se renouveler.

L’Image et le son

M6 Video livre une splendide copie HD de Détective Dee : La Légende des Rois Célestes. La colorimétrie est magnifique, le relief des séquences diurnes ahurissant, la clarté aveuglante, les contrastes savamment tranchés, les noirs abyssaux et la profondeur de champ spectaculaire. En revanche, les effets spéciaux (les vues d’ensemble de la cité, les créatures en images de synthèse) ressemblent à des animatiques. Toutefois, cela n’entrave en rien l’éclat de l’image et ne perturbe aucunement le visionnage. La photo accorde les gammes froides et chatoyantes avec une extrême rigueur, tandis que le piqué demeure effilé y compris au cours des séquences d’action particulièrement remuantes. La définition soutenue par un solide encodage AVC permet d’apprécier chaque recoin des luxuriants décors et les étoffes des costumes, à tel point que l’on pourrait même distinguer la colle sur les fausses moustaches des comédiens en gros plan. Les apports de la HD sont donc innombrables et font de ce Blu ray un titre de démonstration de ce dernier trimestre 2018.

Votre home-cinéma sera mis à rude épreuve avec le film de Tsui Hark et nous vous conseillons de visionner le film en plein jour pour éviter tout tapage nocturne. En français comme en mandarin (sous-titré français), les pistes DTS HD Master Audio 5.1 s’en donnent à cœur joie et exploitent le moindre recoin de votre installation dans un tourbillon acoustique aussi retentissant que renversant. Toutes les enceintes distillent un lot d’effets en tous genres durant plus de deux heures, la musique est particulièrement servie par une éblouissante spatialisation et les dialogues ne manquent jamais de punch ni de fluidité sur la centrale. Les sous-titres français sont également disponibles.

Crédits images : © Les Bookmakers / The Jokers / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Au poste !, réalisé par Quentin Dupieux

AU POSTE ! réalisé par Quentin Dupieux, disponible en DVD et Blu-ray le 14 novembre 2018 chez Diaphana

Acteurs : Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Orelsan, Philippe Duquesne, Jacky Lambert, Jeanne Rosa…

Scénario : Quentin Dupieux

Photographie : Quentin Dupieux

Musique : David Sztanke

Durée : 1h10

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.

Le postulat de départ est simple. Le traitement également. Pourtant, Au poste ! de Quentin Dupieux est tout aussi inclassable et décalé que ses films précédents. L’exxxxcellent réalisateur de Wrong Cops, Steak, Rubber et Réalité livre sa nouvelle pépite nonsensique et frappadingue. Scénariste, chef opérateur, monteur, metteur en scène, Quentin Dupieux laisse pour une fois la musique, présente uniquement à la fin, à David Sztanke. L’homme-orchestre également connu sous le nom de Mr. Oizo ne déçoit pas pour son retour en France et Au poste ! est absolument jouissif de bout en bout et enchaîne les numéros d’acteurs de Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig et Marc Fraize (révélation du déjà culte Problemos d’Eric Judor) comme des perles sur un collier durant 70 minutes.

Le commissaire Buron est chargé d’enquêter sur le meurtre d’un homme retrouvé gisant dans son sang par Fugain. Celui-ci est logiquement considéré comme le principal suspect, il s’ensuit alors un interrogatoire qui va durer toute la nuit.

S’il n’atteint pas les grandes réussites de Wrong Cops et de Rubber, Quentin Dupieux reste fidèle à son univers. Si la présence du duo Poelvoorde/Ludig en tête d’affiche témoigne peut-être d’une volonté de toucher un plus large public, le réalisateur ne se laisse pas aller à la facilité. Au poste ! lui permet de rendre hommage aux comédies françaises des années 1980, mais aussi et surtout aux films policiers de la même période. Une volonté annoncée dès l’affiche qui détourne celle très célèbre de Peur sur la ville, chef d’oeuvre d’Henri Verneuil sorti en 1975. Quasi huis clos, Au poste ! a été tourné dans les locaux de l’Espace Niemeyer, le siège du Parti communiste français. Les plafonds bas reconnaissables, les couleurs du même acabit, donnent au film un cachet vintage, tout comme les costumes, les partis pris esthétiques et les accessoires. Un film hors du temps, on pourrait même dire hors de l’espace avec Quentin Dupieux aux commandes. Les quelques séquences tournées en extérieur appuient également ces volontés artistiques, puisque le cinéaste privilégie une architecture seventies.

Raconter un film de Quentin Dupieux c’est se plier à un exercice difficile, voire impossible. Au Poste ! fourmille de mots d’auteurs, de situations invraisemblables, quasi-fantastiques. Le quotidien n’est pas banal chez Dupieux. Même les personnages semblent se rendre compte eux-mêmes que quelque chose cloche dans ce qu’ils disent ou dans ce qui se passe autour d’eux, sans pour autant remettre en question les évènements. Si l’on pense évidemment au formidable Garde à vue de Claude Miller lors de cette confrontation entre un flic retors (Benoît Poelvoorde, toujours sublime) et un homme suspecté dans une affaire de meurtre (Grégoire Ludig, très attachant en mode Droopy à moustache), Quentin Dupieux mêle surtout l’humour anglo-saxon des Monty Python à celui dit « franchouillard » de la troupe du Splendid. Le personnage incarné par Anaïs Demoustier a d’ailleurs été pensé dans ce sens puisque le cinéaste avoue s’être inspiré de Zézette dans Le Père Noël est une ordure.

Ce qui pourrait alors donner un gloubi-boulga indigeste dans certaines mains, prend ici la saveur d’un minestrone soigné et concocté par un véritable chef. A l’instar de cet énigmatique chef d’orchestre en slip qui dirige ses musiciens lors de l’introduction du film, Quentin Dupieux reste le maestro de son film et ses comédiens, tous formidables vraiment, font leur numéro « habituel » (rien de péjoratif à dire cela), tout en conservant une spontanéité avec l’air de se demander eux-mêmes ou tout cela va les mener ou si ce qu’ils viennent de dire a du sens. Au poste ! combine à la fois le populaire et l’expérimental, et n’a pas peur de laisser certains spectateurs sur le bas-côté puisque de toute façon la destination (ça passe ou ça casse) ne plaira pas à tout le monde de toute façon. Mais c’est un OFNI c’est pour ça.

LE DVD

Le test du DVD d’Au poste !, disponible chez Diaphana, été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Cette édition se compose tout d’abord d’un commentaire audio du réalisateur. « Bonjour, c’est Quentin ! » dit Dupieux, visiblement surpris qu’on lui ait demandé de se plier à cet exercice. « Voici tout d’abord les mentions ennuyeuses, mais ce sont des gens qu’on respecte tout de même » introduit ce commentaire sympathique, à défaut d’être passionnant. Revoir le film en compagnie de son auteur est assez marrant, surtout que Dupieux est visiblement son premier spectateur et ne cesse de dire tout le bien qu’il pense de ses formidables comédiens. Les répétitions, les conditions de tournage, l’écriture du scénario, ses références, les partis pris, tous ces éléments sont distillés sur 1h10, sans véritable temps mort.

En plus de la bande-annonce, nous trouvons également un module de 11 minutes consacré aux essais et répétitions des comédiens Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig et Marc Fraize.

Bonus caché : Dans le menu des suppléments, positionnez-vous sur « Le film commenté par Quentin Dupieux » puis appuyez sur la flèche du haut. Un point d’interrogation apparaît. Validez. Si l’on se demande tout d’abord où tout cela va nous mener, le personnage de Marc Fraize apparaît sans prévenir (1′).

L’Image et le son

Pour la photo, Quentin Dupieux s’inspire du look vintage des bureaux des années 1970. Les couleurs sont chaudes, dorées, ambrées. Le piqué n’est pas le point fort de cette édition et la définition laisse parfois à désirer. Finalement, ce sont les rares séquences tournées en extérieur qui s’en sortent le mieux, même si cela reste très médiocre dans l’ensemble.

La piste 2.0 instaure un confort acoustique agréable. Les dialogues sont parfaitement clairs et distincts. Si vous avez sélectionné la version Dolby Digital 5.1, les ambiances restent très limitées puisque l’essentiel du film se déroule dans le bureau du commissaire. A part pour l’ouverture avec l’orchestre et le générique de fin, cette option acoustique reste très facultative. Les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Diaphana Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Sans mobile apparent, réalisé par Philippe Labro

SANS MOBILE APPARENT réalisé par Philippe Labro, disponible en combo Blu-ray/DVD le 25 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Jean-Louis Trintignant, Dominique Sanda, Sacha Distel, Carla Gravina, Paul Crauchet, Laura Antonelli, Jean-Pierre Marielle, Stéphane Audran…

Scénario : Vincenzo Labella, Philippe Labro, Jacques Lanzmann d’après le roman « Ten Plus One » d’Ed McBain

Photographie : Jean Penzer

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

À Nice, un mystérieux assassin tire sur un promoteur immobilier. D’autres meurtres suivent, tout aussi inexplicables, car sans mobile apparent. L’inspecteur Carella remonte alors dans le passé des victimes et découvre peu à peu une vérité guère reluisante…

Remarqué avec Tout peut arriver par le grand producteur Jacques-Éric Strauss, qui venait de connaître son premier triomphe avec Le Clan des Siciliens, sorti en même temps que son premier long métrage en tant que réalisateur, Philippe Labro décide de passer à l’étape supérieure avec Sans mobile apparent. En s’associant au scénariste, écrivain et parolier Jacques Lanzmann, le cinéaste peut enfin rendre hommage au cinéma qui n’aura de cesse de l’influencer, le polar américain, son genre de prédilection. En adaptant le roman Ten Plus One d’Ed McBain sur la Riviera, Philippe Labro rend hommage aux cinéastes qui lui ont donné envie de passer derrière la caméra, John Huston et Howard Hawks entre autres, ainsi qu’au romancier Raymond Chandler cité en ouverture, en adoptant l’atmosphère, le cadre et des décors propres au thriller US, mâtiné de giallo bien européen. La sauce a manifestement pris auprès du public français, puisque Sans Mobile apparent attirera 1,3 million de spectateurs dans les salles en septembre 1971. Aujourd’hui, ce film reste chéri par les cinéphiles et reste un véritable modèle du genre, dans lequel l’immense Jean-Louis Trintignant campe un inspecteur de police monomaniaque, froid, cynique, hargneux, antipathique et obstiné.

En trois jours, trois cadavres: celui d’un riche industriel, Monsieur Forest, celui d’un jeune playboy, Monsieur Buroyer et celui de l’astrologue, Kleinberg. L’arme du crime est un fusil à lunettes: c’est le seul élément positif que possède l’inspecteur Carella. Il décide de fouiller la vie des trois victimes, car il existe, il en est sûr, un lien entre elles. Grâce à la belle-fille de Forest, Sandra, il entre en possession du carnet de rendez-vous de l’industriel, sur lequel figure une liste de noms féminins. Parmi eux, celui d’une de ses amies, Jocelyne Rocca. Carella l’invite chez lui et apprend qu’elle a connu les trois victimes à l’université. Il pressent qu’elle sera la 4e victime.

Réalisé avec le parrainage de Jean-Pierre Melville, l’un de ses maîtres qui avait beaucoup d’affection pour lui, Sans mobile apparent de Philippe Labro est assurément le meilleur film de son auteur. Hybride, ce second long métrage joue avec les codes du cinéma américain, sans pour autant le singer. On serait même tenté de dire qu’il y a de l’Inspecteur Harry chez Carella, on y pense notamment dans la dernière scène, mais le film de Don Siegel est sorti quelques mois après celui de Philippe Labro. C’est dire si ce dernier sentait venir un changement quant à la représentation du flic à l’écran.

Le cinéaste prend un immense plaisir à filmer son décor naturel et surtout ses comédiens. Et quel casting. Jean-Louis Trintignant se voit entouré des sublimes Dominique Sanda, Carla Gravina, Stéphane Audran et Laura Antonelli, rien que ça, tandis que Sacha Distel, Paul Crauchet et Jean-Pierre Marielle complètent cette incroyable distribution. Le scénario, solide et bien ancré dans la tradition du whodunit, enchaîne les scènes cultes comme des perles sur un collier, et tous les spectateurs se souviennent encore aujourd’hui de la course de Jean-Louis Trintignant autour du port de Nice, séquence qui a d’ailleurs donné naissance à l’affiche du film et rythmée par l’incroyable composition du maestro Ennio Morricone.

Redoutablement efficace (le montage est épatant), les années coulent doucement sur Sans mobile apparent, une valeur sûre du polar hexagonal sous influence et bourré de charme.

LE BLU-RAY

Bienvenue à la collection Make my Day supervisée par l’un de nos meilleurs critiques cinéma, Jean-Baptiste Thoret ! Enfin l’occasion de (re)découvrir certains films très attendus en DVD et Blu-ray, comme Sans mobile apparent, inédit et convoité depuis vingt ans ! C’est désormais chose faite et le film de Philippe Labro est disponible ici dans un combo Blu-ray/DVD, disposés dans un Digipack, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est sobre, très légèrement animé et musical.

L’historien du cinéma et critique présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (5’). Comme il en a l’habitude, Jean-Baptiste Thoret (cigarette électronique à la main) replace de manière passionnante Sans mobile apparent dans son contexte, dans la filmographie de Philippe Labro et évoque les conditions de tournage. Les thèmes du film, les influences du cinéaste, l’adaptation du roman d’Ed McBain, le casting, sont abordés sans pour autant spoiler le film pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu.

Comme il l’avait fait pour L’Héritier et L’Alpagueur, également disponibles chez Studiocanal, Philippe Labro revient sur son second long métrage avec une aisance et un charisme tels qu’on pourrait l’écouter pendant des heures. D’ailleurs, cela tombe bien puisque cette présentation dure 51 minutes. De temps en temps ponctué par une interview d’époque du cinéaste ou de Jean-Louis Trintignant, Philippe Labro s’amuse en évoquant le jeune réalisateur un peu arrogant qu’il était alors, et insiste sur l’aide inattendue de son maître Jean-Pierre Melville, qui aimait ses articles dans France Soir et qui encourageait alors ce jeune journaliste à passer derrière la caméra. Philippe Labro parle de son premier choc au cinéma, Quai des Orfèvres d’Henri-Georges Clouzot, puis Citizen Kane d’Orson Welles, Assurance sur la mort de Billy Wilder, puis des films policiers de John Huston (Le Faucon maltais) et d’Howard Hawks (Le Grand sommeil). Avec Sans mobile apparent, le réalisateur a donc voulu déclarer son amour pour le polar US en voulant y retranscrire les ambiances et l’atmosphère qu’il chérissait tant dans ce cinéma. La figure du personnage incarné par Jean-Louis Trintignant est longuement analysée, la collaboration avec Ennio Morricone évoquée, bref, ne manquez pas cette rencontre.

L’Image et le son

Jusqu’alors inédit dans nos contrées en DVD, attendu comme le Messie depuis toujours pas les cinéphiles, Sans mobile apparent s’offre enfin à nous en Haute définition, dans une nouvelle copie entièrement restaurée à partir d’un master 2K. Ce Blu-ray renforce les contrastes, mais manque parfois d’homogénéité, malgré un grain argentique bien géré. L’image est stable, entièrement débarrassée de scories diverses et variées, les scènes en extérieur affichent une luminosité inédite, tout comme un relief inattendu, un piqué pointu et des couleurs vives et scintillantes à l’instar des credits rouges. Hormis quelques saccades notables et de légères pertes de la définition (des plans flous et des scènes sombres plus altérées), revoir Sans mobile apparent dans de telles conditions ravit les yeux !

Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition d’Ennio Morricone dispose d’un très bel écrin. l’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © STUDIOCANAL Euro International Films S.p.A /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / The Shanghai Job, réalisé par Charles Martin

THE SHANGHAÏ JOB (S.M.A.R.T. Chase) réalisé par Charles Martin, disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Orlando Bloom, Leo Wu, Simon Yam, Hannah Quinlivan, Lynn Xiong, Liang Jing, Ying Da, Chang Rong…

Scénario : Kevin Bernhardt

Photographie : Philipp Blaubach

Musique : Li Bin

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Danny Stratton, le meilleur convoyeur d’oeuvre d’art de Shanghai, traverse une mauvaise passe. Engagé, pour protéger une antiquité chinoise d’une très grande valeur, son opération va très vite se compliquer, lorsque son convoi est embusqué. Une course contre la montre s’engage, pour sauver sa femme, et pour démasquer le cerveau qui se cache derrière ce braquage.

The Shanghai Job ou S.M.A.R.T. Chase en version originale, est une coproduction britannico-chinoise, effet de mode dans le cinéma depuis un petit bout de temps. Ici, un Orlando Bloom peroxydé et sec comme un coup de trique vient se la péter à Shanghai, pour y tourner un petit film d’action banal, sans aucune surprise, réalisé avec les pieds et qui lorgne sur les séries Z écrites et produites par Luc Besson. Le comédien anglais promène son absence de charisme et ses yeux vides qui auraient inspiré Stephen Hawking pour ses études sur le trou noir, avec un je-m’en-foutisme qui frôle l’admiration. Ce qu’il y a de plus sympa dans The Shanghai Job, c’est de voir que le film commence de façon dramatique et que plus le récit avance, plus l’ensemble devient amusant, léger, comme si toute l’équipe s’était rendu compte que tout cela n’allait nulle part et que ce n’était pas la peine d’essayer de faire croire le contraire.

Un agent de sécurité britannique, Danny Stratton, est chargé d’escorter une antiquité chinoise d’une valeur inestimable en dehors de Shanghai. Humilié après avoir empêché le vol d’un tableau de Van Gogh, ce service est une opportunité de restaurer sa réputation. Mais, sur son chemin, Stratton est pris en embuscade et l’œuvre d’art est dérobée sous ses yeux. Il n’a pas d’autre choix que d’affronter la bande de voleurs pour la récupérer.

A l’époque de sa révélation dans la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, Orlando Bloom était encore « intéressant ». Son physique androgyne convenait parfaitement au personnage de Legolas et avait su marquer les spectateurs du monde entier. L’acteur avait ensuite rebondi immédiatement, au sens propre comme au figuré, avec la franchise Pirates des Caraïbes dans laquelle il montrait déjà ses limites dans les scènes dramatiques avec son visage lisse alors débarrassé du grimage elfique. Depuis, c’est comme qui dirait le désert dans sa filmographie. Ridicule dans Troie de Wolfgang Petersen, risible dans Kingdom of Heaven de Ridley Scott, transparent dans Rencontres à Elizabethtown de Cameron Crowe, Orlando Bloom n’a pu compter que sur notre Jérôme Salle national et son impressionnant Zulu pour faire parler de lui ces dernières années. Ce n’est pas sa participation aux ronflants Hobbit (d’ailleurs on en roupille encore) qui auront pu lui redonner un nouveau souffle.

Le voilà donc débarquant en Chine avec des comédiens du cru, Lynn Hung (la trilogie Ip Man), Simon Yam (PTU, Election), Lei Wu, Hannah Quinlivan (Skyscrapper), beaucoup plus crédibles et drôles que la star. En fait, on a du mal à croire à Orlando Bloom en agent de sécurité qui n’hésite pas à donner du pied et du poing quand on vient lui chercher des noises. Les combats sont extrêmement mal chorégraphiés et l’on sent d’ailleurs les coups passer à trente centimètres de leurs cibles. La mise en scène au rabais de Charles Martin, venu de la télévision (Skins, Marcella), ne parvient jamais à insuffler un rythme à une intrigue totalement dépourvue d’intérêt. Le réalisateur abuse des plans filmés au drone et finalement The Shanghai Job fait surtout penser à un spot destiné à attirer les touristes, mais aussi à une pub pour une bagnole (filmée sous tous les angles « une voiture, qu’elle est bien pour la conduire ») ou une montre de luxe.

Pendant ce temps, Orlando Bloom fronce les sourcils, donne des coups dans le vide en se prenant pour Jason Statham ou plutôt Keanu Reeves dans John Wick avec un soupçon de Drive (une endive éclairée aux néons, comme chez Nicolas Winding Refn) et court encaisser son chèque pour se payer une nouvelle teinture.

LE BLU-RAY

The Shanghai Job débarque directement dans les bacs en France, en DVD et Blu-ray. Le visuel de la jaquette de cet DTV est assez attractif. Le menu principal est non seulement fixe et muet, mais affiche également le titre du film en version originale.

Aucun supplément sur ce titre.

L’Image et le son

Un très bel objet que ce master HD. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, renforçant les contrastes, ainsi que les détails aux quatre coins du cadre. Certains plans nocturnes sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute Définition. Les gros plans peuvent être analysés sans problème puisque la caméra numérique de Charles Martin colle parfois au plus près des personnages, les ombres et les lumières s’accordent parfaitement avec notamment des scènes somptueuses éclairées aux néons. Ce Blu-ray est une franche réussite technique et la profondeur de champ laisse souvent pantois.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 particulièrement bluffants, surtout dans les scènes de poursuites, mais également dans les séquences plus calmes. Les quelques pics d’action peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets en tous genres qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont présents et dynamiques. De son côté, le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. A ce titre, la version originale l’emporte sur son homologue.

Crédits images : © Studiocanal /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Faucons de la nuit, réalisé par Bruce Malmuth

LES FAUCONS DE LA NUIT (Nighthawks) réalisé par Bruce Malmuth, disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez L’Atelier d’images

Acteurs : Sylvester Stallone, Rutger Hauer, Billy Dee Williams, Lindsay Wagner, Persis Khambatta…

Scénario : David Shaber

Photographie : James A. Contner

Musique : Keith Emerson

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Wulfgar, le terroriste le plus redouté d’Europe, annonce son arrivée à New York de façon explosive. Deke DaSilva de la brigade anti-terroriste se voit alors confier une mission quasiment impossible : le traquer et l’appréhender avant qu’il ne frappe à nouveau…

Propulsé star internationale du jour au lendemain après le triomphe critique et public de Rocky, Sylvester Stallone décide immédiatement de ne pas rester enfermé dans ce rôle. Il enchaîne avec FIST de Norman Jewison, puis joue et réalise La Taverne de l’enferParadise Alley, sa première mise en scène. Les deux films sont des échecs. Pour se refaire, il écrit, réalise et interprète la suite de Rocky en 1979, grâce auquel il renoue avec le succès. Il reçoit ensuite le scénario – un temps envisagé pour un troisième French Connection ! – des Faucons de la nuit, encore intitulé A.T.A.C., qui signifie Anti-terrorist Action Command, titre finalement laissé de côté en raison de la sortie précédente de F.I.S.T. Gary Nelson, réalisateur d’Un vendredi dingue, dingue, dingue (1976), du Trou noir (1979) et de moult séries télévisées est alors choisi pour mettre en scène le film. Seulement voilà, il est renvoyé une semaine après le début des prises de vues en raison de divergences artistiques avec Sylvester Stallone et les producteurs. Si dans un premier temps le comédien reprend le flambeau, le syndicat de la DGA (la Directors Guild of America) s’en mêle et interdit que le comédien remplace Gary Nelson. Le cinéaste Bruce Malmuth est alors engagé, tandis que Sylvester Stallone reprend le scénario pour l’arranger à sa sauce. Le tournage reprend. Au montage, le personnage de Lindsay Wagner est quasiment évincé du récit et tout est fait pour mettre la star en valeur. A sa sortie, Les Faucons de la nuit Nighthawks est un échec commercial important. Près de quarante ans après, ce thriller quelque peu bancal, est pourtant toujours aussi divertissant et mérite d’être reconsidéré.

Heymar ‘Wulfgar’ Reinhardt, terroriste international, pose une bombe à Londres puis il vient à Paris y subir une opération de chirurgie esthétique. Peu après, il s’envole pour New York où il a l’intention de mettre la ville à feu et à sang. Interpol forme, in extremis, une brigade anti-Wulfgar. Le policier new-yorkais Deke DaSilva, ancien de la guerre du Viêt Nam n’est pas satisfait de la proposition de ses supérieurs qui désirent le muter dans une section antiterroriste car il aime son travail. On réserve le même sort à son collègue de travail et ils seront rapidement obligés de livrer bataille.

Désireux de montrer qu’il peut interpréter autre chose que Rocky, Sylvester Stallone décide tout d’abord de changer de tête et de look. Visiblement très inspiré par Serpico de Sidney Lumet, Sly se fait donc la coupe et la barbe d’Al Pacino, adopte la démarche chaloupée de John Travolta dans La Fièvre du samedi soir et s’en va déloger les caïds dans leurs repaires miteux des bas-fonds de New York. S’il n’y a rien à redire sur sa performance, on pourra tiquer en revanche sur ses partis pris de faire apparaître son personnage déguisé en vieille dame afin d’attirer la racaille. Si le film est également resté célèbre, c’est aussi pour sa dernière séquence qui tire légèrement vers le nanar, durant laquelle DaSilva décide une fois de plus de se grimer en femme (décidément) avec perruque longue et chemise de nuit, pour tromper Wulfgar, bien décidé à assassiner la compagne de son adversaire. Si l’on excepte ces fautes de goût, alors Les Faucons de la nuit reste une bonne série B ponctuée par quelques moments d’anthologie.

La poursuite dans le métro (mise en scène par Stallone) n’est pas sans rappeler celle de French Connection, toutes proportions gardées bien sûr, la séquence de la discothèque est aussi rondement menée, excellemment photographiée et mise en scène. Sylvester Stallone est bourré de charisme, même s’il peut parfois en faire des caisses, son acolyte Billy Dee Williams (Lando Calrissian dans L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi) ne joue pas les faire-valoir, Lindsay Wagner, bien que peu présente à l’écran, est sublime. C’est aussi l’une des rares occasions de voir Sylvester Stallone se faire voler littéralement la vedette, ici par Rutger Hauer dans sa première incursion hollywoodienne, où il crève littéralement l’écran. Si le premier acte met un peu de temps à se mettre en place et pâtit d’un humour maladroit, d’un aller-retour entre les deux personnages principaux à travers un montage peu inspiré et au rythme en dents de scie, le second instaure une prenante chasse à l’homme, qui se clôt dans un dernier acte rendu célèbre pour sa prise d’otages d’une délégation des Nations Unies dans le Roosevelt Island Tramway au-dessus de l’East River.

En dépit d’un prologue – involontairement – amusant et d’un final quelque peu grotesque, Les Faucons de la nuit est et demeure un polar urbain tendu bien emballé et interprété, typique de son époque, des décors aux costumes (aaah les pattes d’eph!) en passant par son excellente B.O. signée Keith Emerson, que l’on a plaisir à revoir.

LE BLU-RAY

Après être passé tour à tour chez Universal, Lancaster puis Seven7, Les Faucons de la nuit atterrit dans l’escarcelle de L’Atelier d’images où il est enfin choyé puisque l’éditeur reprend les bonus et le même master disponibles chez Shout ! Factory, en agrémentant le tout d’un véritable cadeau pour les admirateurs de Stallone. Le disque repose dans un sublime Steelbook au visuel clinquant, mettant en valeur un Sly barbu et taciturne. Le menu principal est animé et musical.

Plus de 90 minutes de suppléments et sept entretiens !

On commence par le plus « dispensable », autrement dit l’interview du conseiller technique Randy Jurgensen (11’). L’intéressé cherche quelque peu ses mots, mais indique néanmoins pourquoi et comment Gary Nelson a été purement et simplement viré du tournage des Faucons de la nuit après une semaine de prises de vue. Ce qui a également entraîné son éviction du plateau puisque Randy Jurgensen était le consultant de Gary Nelson.

Place au producteur Herb Nanas (16’) ! S’il n’apparaît pas à l’écran puisqu’il s’agit ici d’un entretien téléphonique diffusé sur une photo fixe tirée du film, le producteur, qui fut également le manager personnel de Sylvester Stallone avant même qu’il tourne son premier Rocky, partage ses souvenirs avec entrain. La genèse des Faucons de la nuit, l’arrivée de Sly sur le projet, les intentions du film, le directeur de la photo James A. Contner, le casting (Nanas avait repéré Rutger Hauer dans Soldier of Orange de Paul Verhoeven), l’éviction de Gary Nelson, l’investissement de Stallone dans les scènes d’action, le rôle de Lindsay Wagner sacrifié au montage, sans oublier quelques anecdotes de tournage, Herb Nanas est prolixe et son intervention ne manque sûrement pas d’intérêt.

Plus courte est l’interview de la comédienne canadienne Catherine Mary Stewart (4’30). La ravissante actrice interprète le court rôle de la vendeuse rencontrée par Rutger Hauer dans une boutique londonienne au début du film. Elle évoque son audition en présence de Sylvester Stallone («Il était tout petit ! ») et partage quelques souvenirs liés au tournage avec Rutger Hauer, qui lui faisait peur et qui était à fond dans son personnage.

L’interview suivante démontre quel grand film ambitieux aurait pu être Les Faucons de la nuit. L’auteur Paul Sylbert, enregistré l’année de sa mort en 2016, revient en détails sur son histoire originale rejetée par les studios en raison de son réalisme (10’). Paul Sylbert aborde ses recherches réalisées dans les années 1970 sur le terrorisme, en particulier sur les actions de Carlos aka Le Chacal. Le sujet était alors très sombre et préméditait même huit ans avant, la prise d’otages de l’OPEP par Carlos en décembre 1975 à Vienne. Après avoir finalement repris son histoire (« car les studios chiaient dans leur froc »), qui atterrira ensuite dans d’autres mains, Paul Sylbert, dégoûté, reprendra finalement son activité de chef décorateur.

L’intervention la plus passionnante, la plus complète et la plus franche provient du directeur de la photographie James A. Contner (25’). Aujourd’hui réalisateur, le chef opérateur, ancien assistant et caméraman sur Superman de Richard Donner et Que le spectacle commence de Bob Fosse, aura fait ses débuts fracassants avec CruisingLa Chasse de William Friedkin et signera également les photos des Dents de la mer 3 et Incidents de parcours de George A. Romero. Les Faucons de la nuit était alors son troisième film. James A.Contner parle de son arrivée sur le projet, du tournage à Paris, Londres et New York, des partis pris, du renvoi de Gary Nelson (« Sly et lui n’étaient pas du tout sur la même longueur d’ondes ») et de son remplacement par Bruce Malmuth, la réécriture du scénario par Stallone (« qui a changé le point de vue du personnage de Rutger Hauer »), les conditions houleuses de tournage, etc. Ne manquez pas ce supplément !

L’une des plus grandes injustices des Faucons de la nuit, est de ne pas avoir rendu justice au personnage incarné par la comédienne Lindsay Wagner. Cette dernière, plus connue par le public pour son personnage de Super Jaimie, a enfin l’occasion de s’exprimer sur toutes ses scènes tournées et coupées au montage (10’30). L’actrice déclare qu’avant de s’engager sur ce film, elle désirait réorienter sa carrière pour devenir chanteuse. Jusqu’à ce qu’on lui propose ce rôle dans Les Faucons de la nuit, l’une de ses rares incursions au cinéma. On en apprend donc beaucoup plus sur ses scènes tournées avec Sylvester Stallone (« on a rarement vu Sly jouer de telles scènes d’amour »), finalement laissées sur le banc de montage pour concentrer l’action du film sur l’affrontement entre DaSilva et Wulfgar. La violence au détriment des sentiments des personnages. Lindsay Wagner explique s’être rendu compte de sa quasi-disparition du film en étant venue post-synchroniser sa seule scène conservée.

Le trésor de cette interactivité a été déniché par le spéléologue Jérôme Wybon. Il s’agit d’un reportage réalisé en 1978 par la télévision française, pour lequel Sylvester Stallone a accepté de se livrer et d’être suivi durant sa préparation pour Rocky II, la revanche (16’). Derrière son bureau, à la table de montage où il supervise le montage de son premier film en tant que réalisateur La Taverne de l’enfer, sur le ring en compagnie de Carl Weathers (on reconnaîtra la chorégraphie des combats) ou en pleine séance d’entraînement avec le bodybuilder Franco Colombu, Sylvester Stallone se confie sur la notoriété, sur son enfance, sur ses rôles précédents, sur sa condition physique, sur ses désirs en tant qu’artiste et même sur la mort.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une large galerie de photos.

L’Image et le son

Nous n’avions jamais vu Les Faucons de la nuit dans de telles conditions ! Le master HD au format 1080p du film de Bruce Malmuth/Sylvester Stallone s’en sort remarquablement bien et fait honneur au support. La propreté de l’image apparaît d’emblée, des petits points blancs et griffures persistent peut-être, mais les quelques poussières subsistantes ne dérangent nullement. Grâce à cette élévation HD, les couleurs retrouvent une nouvelle vivacité, les contrastes sont renforcés et le piqué est vraiment agréable. Le codec AVC consolide l’ensemble, le grain original est respecté, le relief palpable sur les vues new-yorkaises et la profondeur de champ est inédite. La stabilité est de mise, les noirs sont concis, les détails précis. Les Faucons de la nuit affiche déjà près de quarante ans au compteur, la restauration est aussi flatteuse qu’harmonieuse et offre un confort de visionnage très convaincant pour (re)voir ce film devenu culte.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la composition de Keith Emerson. La piste française manque peut-être un brin de dynamisme mais se révèle nettement suffisante et le doublage (Alain Dorval pour Sylvester Stallone, Claude Giraud pour Rutger Hauer, Jean-Claude Michel pour Nigel Davenport, Maïk Darah pour Persis Khambatta) est excellent. Au jeu des différences, la version anglaise l’emporte haut la main avec un rendu plus ardent des dialogues, même si la musique peut parfois donner l’impression de noyer sensiblement les échanges, et des ambiances naturelles. Les deux versions sont restaurées.

Crédits images : © Universal Studios / L’Atelier d’images / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Hangman, réalisé par Johnny Martin

HANGMAN réalisé par Johnny Martin, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2018 chez AB Vidéo

Acteurs :  Al Pacino, Karl Urban, Brittany Snow, Joe Anderson, Sarah Shahi, Sloane Warren, Chelle Ramos, Steve Coulter…

Scénario : Michael Caissie, Charles Huttinger

Photographie : Larry Blanford

Musique : Frederik Wiedmann

Durée : 1h38

Année de sortie : 2017

LE FILM

Un vétéran de la police, Ray Archer, et un jeune profiler, Will Ruiney, traquent ensemble un tueur en série qui s’inspire du jeu du Pendu pour tuer ses victimes et terroriser la population. Une journaliste, Christi Davies, les seconde dans leur traque.

En attendant un possible revival dans The Irishman de Martin Scorsese dans lequel il tiendra le rôle de Jimmy Hoffa, et dans Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino, on ne peut pas dire que les années 2000-2010 soient véritablement ambitieuses pour Al Pacino. Depuis près de quinze ans, la légende vivante se repose bien sur ses lauriers en enchaînant les films sans intérêt : La Recrue de Roger Donaldson, Two for the Money de D. J. Caruso, 88 minutes et La Loi et l’ordre de Jon Avnet, et bien d’autres. A part quelques sursauts comme les sympathiques Les Derniers Affranchis de Fisher Stevens et Manglehorn de David Gordon Green, sans oublier La Vérité sur Jack (You Don’t Know Jack) de Barry Levinson pour la télévision, Al Pacino a tendance à se la couler douce. Ce n’est pas Hangman qui va déroger à la règle. Ce thriller mou du genou essaye de retrouver l’ambiance des films de genre des années 1990, Se7en de David Fincher notamment ou Copycat de Jon Amiel, mais sans jamais y parvenir. Platement réalisé, Hangman se contente d’enchaîner les scènes à la va-comme-je-te-pousse, en se reposant sur un trio d’acteurs qui assure le minimum syndical.

Al Pacino, coiffé comme un dessous-de-bras, mais au charisme toujours intact, donne la (mauvaise) réplique à un Karl Urban qui plisse les yeux pour montrer que son personnage réfléchit. Entre les deux, s’immisce une belle journaliste du New York Times, interprété par la pétillante Brittany Snow, révélation de Hairspray version 2007, vue depuis dans la trilogie Pitch Perfect. Cette dernière souhaite suivre le quotidien des forces de l’ordre et choisit comme par hasard le type chargé de l’affaire du siècle. Un serial killer (un quoi ?) semble vouloir s’amuser à jouer au Pendu grandeur nature et surtout pour de vrai en semant des victimes accrochées n’importe où. Sur chaque corps, une lettre est retrouvée gravée sur l’abdomen. Pour l’aider dans son enquête, Will Ruinet (Karl Urban donc), fait appel Ray Archer, à un ancien flic déglingué, qui préfère faire le plancton devant une boutique à traquer les voleurs à la tire, plutôt que d’aller taquiner le goujon. Alors forcément, quand un mec décide d’assassiner tous les soirs à 23h, Ray n’hésite pas à venir donner un coup de main.

En apparence en fait, car durant près d’1h40, on a franchement l’impression qu’Al Pacino ne fait rien, à part observer ce qui se passe autour de lui, en ouvrant la bouche et en écarquillant les yeux. C’est malheureux à dire, mais rien ne fonctionne dans Hangman et l’on se demande constamment ce qui a pu attirer une star de cette envergure dans ce genre de production. S’il n’égale pas son complice Robert de Niro dans le genre « je me vautre dans la mélasse pour payer mes impôts », le sieur Pacino semble lui-même trouver le temps long ici et on le comprend. Les raccourcis sont impressionnants puisque toutes les pistes suivies par les protagonistes se font quasiment au cours d’un dialogue. « Tiens j’ai lu le rapport de la morgue… », « Au fait, on a retrouvé des traces de… », dialogue principalement suivi d’un « OK, on y va ! ». Et ainsi de suite jusqu’à la confrontation finale, complètement ratée.

Réalisé par un certain Johnny Martin, qui a oeuvré comme cascadeur sur plus de 160 films et en tant que responsable de la deuxième équipe (notamment sur Hell Driver, Tokarev et USS Indianapolis), puis metteur en scène du fort médiocre Vengeance avec notre Nicolas Cage adoré et Don Johnson, Hangman n’est pas « déplaisant », c’est juste qu’il est complètement anecdotique, cliché, et qu’on a déjà vu ça des centaines de fois. Aussitôt vu, aussitôt oublié.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Hangman, disponible chez AB Vidéo, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette est attractive et élégante. Le menu principal est animé et musical.

Outre la bande-annonce en version française, nous trouvons une mini-featurette (6’) composée d’interviews de l’équipe du film. Débrouillez-vous pour savoir qui intervient puisque les noms n’apparaissent pas à l’écran. Si l’on reconnaît évidemment les têtes d’affiche, bonne chance pour les autres ! Les comédiens sont en mode promo, racontent l’histoire et présentent les personnages.

L’Image et le son

A défaut d’être irréprochable, le master HD de Hangman demeure tout de même de haut niveau. La photo de Larry Blanford (Les 4 fantastiques et le Surfer d’argent) aux teintes froides et bleutées trouve ici un joli écrin respectueux, le relief est parfois appréciable et les noirs sont concis. En revanche, le piqué manque parfois de mordant, les séquences sombres se révèlent moins pointues et détaillées, les détails se perdant quelque peu sur le cadre large.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant et que les fans soient rassurés, José Luccioni prête sa voix cette fois encore à Al Pacino et ce depuis Heat en 1995. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo qui assurent le spectacle.

Crédits images : ©2017 HANGMAN PRODUCTIONS, LLC / AB Vidéo /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Dernier été à Tanger, réalisé par Alexandre Arcady

DERNIER ÉTÉ À TANGER réalisé par Alexandre Arcady, disponible en combo DVD+Blu-ray le 29 mai 2018 chez TF1 Studio

Acteurs : Valeria Golino, Thierry Lhermitte, Roger Hanin, Vincent Lindon, Jean Bouise, Julien Guiomar, Jacques Villeret, Anna Karina…

Scénario : Alexandre Arcady, Alain Le Henry, Tito Topin d’après le roman Au diable son dû (The Devil His Due) de William O’Farrell

Photographie : Robert Alazraki

Musique : Serge Franklin

Durée : 2h04

Année de sortie : 1987

LE FILM

L’été 1956 à Tanger : Richard Corrigan dans son bureau de détective privé rêve d’Amérique. Quand un avocat suisse lui propose une forte somme pour porter une enveloppe à quelques mètres de là au bar de l’hôtel Minzah. Là, Claudia, magnifique Italienne de vingt ans l’attend. Pour Corrigan c’est le début de la fortune, mais aussi le commencement des ennuis. De nombreux crimes suivent le sillage de la pulpeuse Claudia.

Rétrospectivement, Dernier été à Tanger est le premier revers commercial d’Alexandre Arcady. Abonné au succès depuis son premier film Le Coup de Sirocco, le réalisateur met pourtant tous les atouts de son côté dans ce cinquième long métrage aux décors fastes et à la reconstitution soignée. Il peut se permettre ce luxe grâce à ce qui restera ses deux plus grands triomphes, Le Grand pardon (1982) avec 2,2 millions d’entrées et Hold-up (1985) avec Jean-Paul Belmondo qui attire 2,4 millions de spectateurs. Avec Dernier été à Tanger, le cinéaste revient à une œuvre plus personnelle, réunit un casting impressionnant devant la caméra et livre une histoire où plane l’ombre du cinéma classique hollywoodien. Si le projet est ambitieux, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, même si Dernier été à Tanger n’a rien de honteux et reste un divertissement très honnête.

En 1956, avec l’indépendance du Maroc, la conférence de Fedala rend Tanger au Maroc et la ville est sens dessus-dessous. Depuis qu’il a fait assassiner son rival, Marchetti, le truand William Barrès règne en maître sur la pègre de la ville. C’est alors que Richard Corrigan, un détective privé couvert de dettes et rêvant de s’embarquer pour l’Amérique, reçoit la visite d’un avocat suisse, Schmidt, qui lui demande, en échange d’une forte somme, de remettre une enveloppe à une jeune femme, qui vient d’arriver à Tanger. Le détective s’acquitte de sa mission, sans savoir que la charmante jeune femme, qui se présente sous une fausse identité, n’est autre que Claudia Marchetti, venue venger son père. De retour à son bureau, Corrigan découvre le cadavre de l’avocat. Gomez le commissaire chargé de l’enquête, le soupçonne tout de suite du meurtre.

S’il y a quelque chose de foncièrement sympathique dans le cinéma d’Alexandre Arcady, c’est sa propension à croire au romanesque. Et Dernier été à Tanger réunit tous les ingrédients chers à son auteur. Des fusillades maladroites mais « pensées » comme celles du Parrain de Francis Ford Coppola, un détective privé miteux et lisse que le cinéaste espère digne d’un Humphrey Bogart, une femme fatale aux yeux émeraude qui fait tourner la tête aux hommes qu’elle croise, des décors exotiques, des bagnoles rutilantes, des accents à couper au couteau, des bellâtres aux cheveux gominés, un méchant bien pourri, des histoires d’amour contrariées. On ne pourra pas reprocher à Alexandre Arcady de ne pas voir grand. Le problème, c’est qu’il le fait pour si peu de choses.

Le réalisateur n’est pas le premier à vouloir épater la galerie. Il s’en donne les moyens ici dès la première séquence où deux bandes rivales s’affrontent dans un bain de sang, où tout le monde est pulvérisé devant les yeux d’une gamine innocente. Alexandre Arcady voit grand, son histoire sera celle d’une vengeance pensée et mise au point pendant dix ans. Si la sublime Valeria Golino s’acquitte fort honorablement de sa tâche et incendie littéralement l’écran, Thierry Lhermitte ne dégage absolument rien en private, galurin mou vissé sur la tête, chemise trempée de sueur (« Quelle poutain de chaleeeur ! »), prenant la pose en espérant combler un peu le vide de son personnage jamais intéressant. Le fidèle Roger Hanin semble prendre un malin plaisir à interpréter un gangster odieux, vulgaire, impudique et monstrueux, capable de peloter la nana de son fils devant ses yeux. Ce dernier n’est autre que Vincent Lindon, qui incarne le plus beau personnage du film, fragile, en quête d’amour et d’affection.

Alexandre Arcady se contente de « faire à la manière de », sans imprimer véritablement sa marque de fabrique et en frôlant parfois la parodie avec un humour souvent involontaire, à travers des dialogues « pimentés » ou des séquences voulues couleurs locales qui tombent souvent dans la gratuité. C’est le cas avec la participation de Jacques Villeret qui campe un vendeur de bazar en prenant l’accent d’un tenancier de boui-boui de la rue Belleville. Malgré toute l’immense affection que l’on peut avoir pour le comédien, ses scènes s’avèrent gênantes. Heureusement, les immenses Jean Bouise, Anna Karina et Julien Guiomar se livrent à des numéros particulièrement enthousiasmants.

Le metteur en scène soigne ses images, comme il le peut, en mettant en valeur les décors de l’Afrique du Nord. S’il maîtrise mal les codes du film d’espionnage, Alexandre Arcady est toujours plus attachant qu’un Claude Lelouch auquel on pense souvent, et Dernier été à Tanger, malgré ses faiblesses, n’en reste pas moins agréable.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Dernier été à Tanger, disponible chez TF1 Studio dans la collection Passion Cinéma, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une des séquences du film. Le DVD sorti en 2003 chez le même éditeur n’était plus disponible.

Ce titre d’Alexandre Arcady ne dispose pas du même prestige que Le Coup de Sirocco. Du coup, cette édition Blu-ray ne contient qu’un seul supplément, une interview du réalisateur réalisée à l’occasion de la sortie de Dernier été à Tanger dans les bacs (25’30). Comme à son habitude, le cinéaste regorge d’anecdotes sur la genèse, la production et le tournage de son film. Il revient notamment sur sa découverte de Tanger quand il était jeune, une ville qui l’a toujours fascinée. Alexandra Arcady revient également sur les décors et le casting. Il indique notamment que le rôle de Thierry Lhermitte avait été écrit pour Jean-Pierre Bacri, qui a finalement décliné, tandis que celui d’Anna Karina devait être interprété par Marianne Faithfull. S’il s’égare quelque peu, en mentionnant notamment que Jacques Villeret passait ses nuits à boire, Alexandre Arcady fait preuve de franchise en indiquant que malgré son échec, Dernier été à Tanger reste son plus beau souvenir de tournage.

L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces.

L’Image et le son

Le master HD de Dernier été à Tanger ne manque pas de qualités, notamment sa restauration qui ne laisse aucun doute. En revanche, on se demande où est passé le grain original. La texture argentique manque cruellement à l’appel et donne un aspect artificiel à l’image. En dehors de certains visages particulièrement rosés et cireux, les couleurs sont très belles, chatoyantes à souhait, la copie stable, mais le film paraît presque tourné en numérique ! Certaines séquences s’en tirent honorablement, notamment celles tournées de jour, mais globalement, ce Blu-ray de Dernier été à Tanger peut laisser perplexe.

Comme pour l’image, le rendu acoustique est en demi-teinte. Au cours d’une même séquence, l’échange entre deux personnages peut être clair puis beaucoup plus sourd. La part belle est faite à la musique de Serge Franklin, bien mise en avant, mais le reste, même si très propre, demeure étouffé. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © TF1 Studios Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Acts of Violence, réalisé par Brett Donowho

ACTS OF VIOLENCE réalisé par Brett Donowho, disponible en DVD et Blu-ray le 24 avril 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Bruce Willis, Cole Hauser, Shawn Ashmore, Ashton Holmes, Melissa Bolona, Sean Brosnan, Sophia Bush, Mike Epps

Scénario : Nicolas Aaron Mezzanatto

Photographie : Edd Lukas

Musique : James T. Sale

Durée : 1h26

Année de sortie : 2018

LE FILM

Mia, la fiancée de Roman MacGregor est enlevée par des trafiquants d’êtres humains. Dès lors, Roman et ses frères Brandon et Deklan n’ont qu’une idée en tête : la retrouver saine et sauve. Ils sont aidés dans leur quête par Avery, le policier en charge de l’affaire. Derrière cet enlèvement se cache Maxwell Livingston, un businessman véreux qui, sous couvert de ses activités, développe un réseau de proxénétisme forcé. Le temps est compté. Réussiront-ils à sauver Mia ?

Au fait, il va comment Bruce Willis ? Parce-qu’en dehors de Death Wish, on ne peut pas dire qu’on l’ait vu beaucoup au cinéma ces dernières années ! Pourtant, à 63 ans, le comédien tourne – presque – autant qu’un Nicolas Cage et ses derniers films sont arrivés directement dans les bacs ou en VOD en France. En dehors d’un caméo dans Split (et pour cause) de M. Night Shyamalan et du remake d’Un justicier dans la ville d’Eli Roth susmentionné, sa dernière véritable apparition sur le grand écran remonte à Sin City : J’ai tué pour elle de Frank Miller et Robert Rodriguez. Depuis, Bruce Willis enchaîne les séries B et Z comme des perles sur un collier dans des œuvres aux titres inconnus, Sans compromis, Fire with Fire : Vengeance par le feu, The Prince, Vice, Extraction, Braqueurs, Precious Cargo, Marauders, First Kill, L.A. Rush, en affichant sur les visuels la même moue et les yeux plissés. Parfois, l’acteur semble se souvenir de son métier et qu’il peut être très bon – on croise les doigts pour Glass –  quand il s’en donne la peine. Mais ce n’est pas le cas pour Acts of Violence, dans lequel il ne fait d’ailleurs qu’une banale apparition.

Minuscule production, le film réalisé par un dénommé Brett Donowho, venu du film d’horreur, a été tourné en une quinzaine de jours. De son côté, l’ami Bruce aura emballé ses scènes en une seule journée. Vous voyez le genre. La morale du film est souvent douteuse, puisqu’on y célèbre d’anciens soldats médaillés et élevés en héros après avoir fait l’Afghanistan, qui n’hésitent pas à prendre la pétoire afin de faire justice eux-mêmes, dans le but de retrouver leur amie, petite sœur et fiancée. Quant à Bruce Willis, son apparition en pointillés ne trompe pas sur son aller-retour sur le plateau. En dehors d’une scène d’affrontement dans un entrepôt au début du film, le comédien ne fait rien le reste du temps. Il regarde (en s’endormant) un tableau sur lequel sont affichés les lieux de disparition de jeunes femmes (en gros toute la ville a été ratissée, bonjour les forces de l’ordre), il boit son mauvais alcool frelaté acheté au Proxy du coin de la rue, il engueule (en murmurant) les anciens soldats en leur disant que ce qu’ils font n’est pas correct (même s’il pense le contraire), puis le metteur en scène lui laisse le dernier mot de l’histoire. Autrement, Acts of Violence n’a absolument rien d’original et serait tombé dans le fond d’un catalogue s’il n’y avait pas la trogne de mister Willis mis au centre de la jaquette de ce DTV.

Les acteurs Ashton Holmes, Cole Hauser et Shawn Ashmore sont les véritables héros de cette (mauvaise) histoire. Patriotes, d’ailleurs ils semblent galvanisés par le score héroïque du film, ils ne réfléchissent pas longtemps pour sortir leur arsenal qui prenait la poussière sous leur lit et faire le boulot que la police semble peu décidé à réaliser. Si le film est court (1h25), le mauvais montage, l’absence de rebondissements, l’interprétation quelque peu neurasthénique et surtout le gros manque d’intérêt de l’ensemble a rapidement raison de notre patience. Malin, le réalisateur espère sortir le spectateur de sa léthargie en balançant une scène avec Bruce Willis, qui ne sert tout bonnement à rien, en espérant que l’audience pense qu’il va enfin se décider à passer à l’action. Ce qui n’arrivera jamais. Finalement, ce sont surtout les rôles féminins qui s’en sortent le mieux avec Sophia Bush (Brooke de la série Les Frères Scott) et Melissa Bona, vue dernièrement dans l’inénarrable Hurricane de Rob Cohen.

Mais non, Acts of Violence ne propose rien et ne se donne même pas la peine de se donner un genre pour faire croire le contraire. Dialogues ineptes, scénario basique, neutre, mise en scène transparente, du cinéma jetable qui ne se recycle même pas.

LE DVD

Le DVD et le Blu-ray d’Acts of Violence sont disponibles chez Studiocanal. Evidemment, Bruce Willis est mis au centre du visuel pour attirer le chaland, même si son nom n’apparaît qu’en second. Le menu principal est fixe et musical.

Aucun supplément sur cette édition que l’on peut qualifier de sortie technique.

L’Image et le son

Nous n’avons pas eu l’édition HD entre les mains, mais heureusement la qualité de ce DVD est là. Les couleurs alternent à la fois le chaud et le froid, le piqué est suffisamment affûté, la clarté de mise et les contrastes élégants. En revanche les détails manquent parfois à l’appel et la définition baisse sur certaines séquences nocturnes ou se déroulant en intérieur.

Vous pouvez compter sur les mixages Dolby Digital 5.1 anglais et français pour vous plonger délicatement mais sûrement dans l’ambiance du film, bien que l’action demeure souvent réduite. La bande originale est la mieux lotie. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques effets naturels. Le caisson de basses se mêle également à la partie. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale.

Crédits images : © Georgia Film Fund 54 / Brian Douglas Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Detroit, réalisé par Kathryn Bigelow

DETROIT réalisé par Kathryn Bigelow, disponible en DVD et Blu-ray le 20 février 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, Jacob Latimore, Jason Mitchell, Hannah Murray, Jack Reynor…

ScénarioMark Boal

Photographie : Barry Ackroyd

Musique : James Newton Howard

Durée : 2h23

Année de sortie : 2017

LE FILM

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…

La grande, l’immense réalisatrice Kathryn Bigelow est de retour au cinéma avec un film choc, coup de poing, un uppercut, un fantastique drame historique qui revient sur les émeutes survenues à Détroit en 1967, avec comme point d’orgue les tristes événements de l’Algiers Motel. Dixième long métrage et presque autant de claques depuis The loveless, son premier film en 1982 coréalisé avec Monty Montgomery, Detroit démontre une fois de plus que Kathryn Bigelow, à ce jour la seule femme récompensée aux Oscar (pour Démineurs en 2009, 6 statuettes), possède non seulement une place particulière au sein de l’industrie hollywoodienne, mais qu’elle demeure l’une des plus importantes cinéastes contemporaines. D’une brûlante actualité, passionnant, viscéral, sans concessions et frontal, Detroit est un nouveau chef d’oeuvre à inscrire à son palmarès.

Dans la nuit du 25 au 26 juillet 1967, d’importantes émeutes ont lieu à Détroit dans le Michigan, pour protester contre la ségrégation raciale aux États-Unis et la guerre du Viêt Nam. L’armée vient prêter main-forte à la police, qui reçoit des plaintes à propos de pillages, d’incendies et de tirs d’armes à feu. 8000 gardes nationaux, 4700 soldats, 360 policiers sont mobilisés. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir des détonations. Dans ce chaos, Melvin Dismukes, un agent de sécurité privé afro-américain, tente de survivre tout en protégeant ses semblables. Malheureusement, trois adolescents noirs sont battus et tués par des policiers. Neuf autres personnes, deux jeunes femmes blanches et sept hommes noirs, sont sévèrement battus puis humiliés. Des plaintes pour agressions criminelles, conspirations, meurtres et conspirations d’abus de droits civils ont été déposées contre trois policiers et un gardien de sécurité. Après un procès, tous les inculpés ont été déclarés non coupables.

Kathryn Bigelow réunit des comédiens exceptionnels, parmi lesquels se distinguent John Boyega (la nouvelle trilogie Star Wars), John Krasinski et Anthony Mackie. Mais celui qui s’impose une fois de plus, dans le rôle de l’ogre, du monstre suintant, est sans conteste le jeune Will Poulter. Apparu au cinéma en 2010 dans Le Monde de Narnia : L’Odyssée du Passeur d’Aurore de Michael Apted, il explose trois ans plus tard dans Les Miller, une famille en herbe de Rawson Marshall Thurber dans le rôle du naïf Kenny qui se faisait mordre par une tarentule à un endroit sensible de l’anatomie. Le comédien de 25 ans fait ensuite partie de la trilogie Le Labyrinthe. Très courtisé par les cinéastes, Will Poulter passe ensuite devant la caméra d’Alejandro G. Iñárritu pour The Revenant et celle de David Michôd pour War Machine, exclusivité Netflix. Mais son rôle de Philip Krauss dans Detroit le propulse encore plus loin. Avec ses traits uniques, il est incontestablement LE monstre raciste, sadique et terrifiant de Detroit, le personnage qu’on n’oublie pas et celui à travers lequel se cristallise tout le récit. Toute cette longue séquence d’horreur et de huis clos dans le motel mettra mal à l’aise même le spectateur le plus préparé.

Pendant le tournage, Detroit commençait à susciter la controverse, notamment concernant la légitimité de Kathryn Bigelow à traiter de ce sujet central dans l’histoire afro-américaine. La cinéaste et son fidèle scénariste Mark Boal (Démineurs, Zero Dark Thirty) ont donc usé de leur talent d’écriture et de metteur en scène comme d’une arme pour raconter et rappeler au monde entier l’exactitude des faits, ainsi que la répression sanglante survenus cinquante ans auparavant et leurs conséquences (43 morts, 1189 blessés, 7231 arrestations), qui trouvent encore aujourd’hui une troublante résonance dans l’actualité.

On reste également ébahis par la perfection stylistique, cette énergie insufflée à chaque plan, Kathryn Bigelow n’hésitant pas à avoir recours à 3 ou 4 caméras tournant simultanément autour des comédiens pour pouvoir capter l’effervescence de la situation, le chaos intérieur et extérieur, les regards, les larmes et l’angoisse des personnages, parfois à la frontière du documentaire avec l’utilisation d’images d’archives. On ressort exténués de Detroit, véritable, terrible, indispensable, immense expérience cinématographique et sensorielle, doublée d’une glaçante et essentielle réflexion politique.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Detroit, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est légèrement animé et musical.

Le gros point faible de cette édition provient de son interactivité. 12 minutes de bonus divisées en huit featurettes promotionnelles ! Autant dire que nous n’apprenons pas grand-chose, mais c’est ici l’occasion de voir les véritables témoins et rescapés des événements racontés dans le film. Leurs témoignages sont croisés avec ceux des comédiens, de journalistes, de la réalisatrice et de son scénariste.

L’Image et le son

Pour la superbe photo de son film, Kathryn Bigelow s’est octroyé les talents du grand chef-opérateur Barry Ackroyd (Capitaine Phillips, Démineurs, Vol 93). Comme le directeur de la photographie plonge les personnages dans une pénombre angoissante, nous vous conseillons de visionner Detroit dans une pièce très sombre afin de jouir des volontés artistiques originales et surtout afin de mieux plonger dans l’ambiance des séquences nocturnes. Le Blu-ray immaculé édité par Studiocanal restitue habilement la profondeur des contrastes et les éclairages, en profitant à fond de la HD. La copie est d’une stabilité à toutes épreuves, le léger grain flatte les rétines et la mise en scène souvent agitée de la réalisatrice n’occasionne jamais de pertes de la définition. Ce Blu-ray (1080p) est superbe.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 restituent merveilleusement les dialogues, les affrontements et les ambiances. La balance frontale est joliment équilibrée, les latérales interviennent évidemment sur toutes les séquences en extérieur, tandis que le caisson de basses ne se gêne pas pour souligner chaque séquence agitée. Le confort acoustique est assuré. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste en Audiodescription.

Crédits images : © Mars Films / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Oeil du témoin, réalisé par Peter Yates

L’OEIL DU TÉMOIN (Eyewitness) réalisé par Peter Yates, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  William Hurt, Sigourney Weaver, Christopher Plummer, James Woods, Irene Worth, Kenneth McMillan, Pamela Reed, Albert Paulsen, Steven Hill, Morgan Freeman…

Scénario :  Steve Tesich

Photographie : Matthew F. Leonetti

Musique : Stanley Silverman

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Le corps d’un notable vietnamien est retrouvé sans vie dans un immeuble de Manhattan. Gardien de nuit dans le même immeuble, Daryll prétend connaître l’identité du tueur, mais il n’est en fait qu’intéressé par la séduisante journaliste Tony Sokolow, qui mène l’enquête et qu’il espère séduire avec ses prétendues informations. Dans l’ombre, le véritable tueur guette toujours.

Pour les cinéphiles, Peter Yates (1929-2011) est avant tout le réalisateur du mythique Bullitt (1968) avec Steve McQueen, et des Grands fonds (1977) dans lequel Jacqueline Bisset aura marqué de nombreux spectateurs avec son célèbre t-shirt mouillé. Bien qu’il ait travaillé avec les plus grands, Dustin Hoffman, Mia Farrow, Peter O’Toole, Robert Redord, George Segal, Robert Mitchum, le reste de la filmographie de Peter Yates reste étonnamment peu connu. C’est le cas de L’Oeil du témoinEyewitness, réalisé en 1981, qui détonne avec œuvres précédentes puisque le cinéaste y dirige une nouvelle génération de comédiens, William Hurt, Sigourney Weaver et James Woods, tout juste âgés de trente ans. Ni tout à fait un polar, ni tout à fait un drame ou un thriller, L’Oeil du témoin est un film étrange, constamment entre deux eaux, qui peine à trouver un équilibre et à éveiller l’intérêt.

Vétéran du Viêt Nam, Daryll Deever (William Hurt) est aujourd’hui gardien de nuit dans un immeuble de Manhattan. Une nuit, Long, un homme d’affaires douteux d’origine vietnamienne, est assassiné dans son bureau. Daryll, qui a découvert le corps, soupçonne son ami Aldo (James Woods), récemment mis à la porte par la victime, d’être le meurtrier. Soupçons confortés par le regain de fortune dont Aldo profite depuis peu. Dehors, les journalistes sont déjà là, avides de révélations. Pour séduire la belle et brillante Tony Sokolow (Sigourney Weaver), dont il est secrètement amoureux, Daryll lui fait croire qu’il en sait plus qu’il ne le dit. Alors qu’une enquête est entamée par les autorités, la police le porte sur sa liste des suspects…

L’Oeil du témoin donne cette impression d’être balancé entre divers courants. A la fois old-school dans son traitement, teinté de Nouvel Hollywood et ouvrant les années 1980, le film de Peter Yates peine à convaincre et ce malgré de nombreux points positifs. Tout d’abord le casting. Eyewitness n’est que la seconde apparition au cinéma de William Hurt après Au-delà du réel de Ken Russell, sorti l’année précédente. Et il y est déjà très bien dans la peau de ce personnage qu’on imagine triste et paumé. La femme dont il est épris, et on le comprend, est interprétée par la grande Sigourney Weaver qui venait de faire ses débuts fracassants au cinéma, en apparaissant tout d’abord dans Annie Hall de Woody Allen en 1977, avant d’enchaîner avec Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979) qui a fait d’elle une star planétaire. L’Oeil du témoin marquait alors son retour sur le grand écran, deux ans après avoir affronté la créature du Nostromo. A leurs côtés, James Woods, Christopher Plummer, Morgan Freeman et Pamela Reed sont également de la partie.

Autre réussite, l’atmosphère trouble que le réalisateur britannique parvient à instaurer, comme si l’on ne pouvait situer L’Oeil du témoin dans le temps. Peter Yates filme ses personnages comme s’ils étaient perdus, sans repères, en particulier Daryll, ancien du Viêt Nam, qui vit depuis toujours dans un appartement exigu avec son chien et qui parvient chichement à joindre les deux bouts en faisant le ménage et en vidant les poubelles d’un immeuble, la nuit, après que les hommes d’affaires soient rentrés chez eux. Il y a un attachement de Peter Yates pour son protagoniste, solitaire, qui a visiblement eu du mal à se réinsérer après son retour chez l’Oncle Sam. Rien n’est expliqué, juste suggéré. Le personnage le plus ambigu reste celui campé par Sigourney Weaver, que l’on imagine alléchée par une promesse de scoop et qui en même temps se prend d’affection (ou plus) pour l’homme étrange qu’est Daryll.

Finalement, on se soucie beaucoup moins de cette histoire de meurtre, qui passe quasiment au second plan, tout comme le thème de l’émigration de juifs soviétiques aux Etats-Unis. D’ailleurs, les révélations et les motivations de cet assassinat déçoivent. L’Oeil du témoin manque également de rythme, mais cette fois encore cela fait partie de l’ambiance distillée par le réalisateur. Le film est lent, un peu mou, mais on ne s’y ennuie pas grâce au jeu impliqué des acteurs, que l’on a de cesse d’admirer. Et le final au milieu des chevaux reste aussi original que marquant.

LE BLU-RAY

L’Oeil du témoin est disponible en Haute-Définition chez Movinside. Il intègre la collection de l’éditeur « Suspense-Polar ». La jaquette élégante est glissée dans un boîtier classique de couleur noire. C’est la première fois que le film de Peter Yates est disponible dans nos contrées en DVD et Blu-ray. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré est propre et stable. Point de poussières à l’horizon, ni de points ou de griffures. En revanche, les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux, manquent d’équilibre et dénaturent quelque peu le piqué. Cela est d’autant plus visible, parfois gênant, sur les nombreuses séquences qui se déroulent dans l’appartement terne de Daryll ou dans le sous-sol où il travaille. Pas de profondeur de champ. Mais s’il est vrai que le film a déjà plus de 35 ans, cette copie HD s’en sort plutôt bien et l’apport de la Haute Définition demeure flagrant au niveau des plans rapprochés ainsi que de la palette chromatique des séquences diurnes. Un grain cinéma, parfois un peu hasardeux c’est vrai, est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image. Certes ce master ne rivalise pas avec les standards HD actuels mais offre au film de Peter Yates un écrin inédit et finalement idéal pour être redécouvert.

Les version originale et française sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0. La première est plus naturelle, plus immersive avec de très belles ambiances intimistes bien que les voix des comédiens auraient pu être un poil plus ardentes. La partition de Stanley Silverman est dynamique et l’ensemble est bien plus fluide, riche et équilibrée qu’en version française. Celle-ci jouit d’un excellent doublage avec Richard Darbois (pour William Hurt), Evelyn Selena (pour Sigourney Weaver) et Dominique Collignon-Maurin (pour James Woods). Cette piste est de bon acabit. Cependant, bien que le niveau des dialogues demeure vif, l’aspect feutré reste moins convaincant. La version anglaise s’impose également par une homogénéité plus évidente.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Home Entrertainment LLC. All rights reserved Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr