BAYWATCH : ALERTE À MALIBU (Baywatch) réalisépar Seth Gordon,disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra HD chez Paramount Pictures le 24 octobre 2017
Acteurs : Dwayne Johnson, Zac Efron, Priyanka Chopra, Alexandra Daddario, Kelly Rohrbach, Ilfenesh Hadera…
Scénario : Damian Shannon, Mark Swift d’après une histoire originale de Jay Scherick, David Ronn, Thomas Lennon, Robert Ben Garant et la série créée par Michael Berk, Douglas Schwartz et Gregory J. Bonann
Photographie : Eric Steelberg
Musique : Christopher Lennertz
Durée : version cinéma (1h56) / version longue (2h01)
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Le légendaire sauveteur Mitch Buchannon est contraint de s’associer à une nouvelle recrue, Matt Brody, aussi ambitieux que tête brûlée ! Ensemble, ils vont tenter de déjouer un complot criminel qui menace l’avenir de la Baie…
Bon…pourquoi et comment réaliser une critique pour Baywatch : Alerte à Malibu, adaptation cinématographique de la série du même nom ? Bah parce que le film est là, que c’est une comédie qui n’a aucune autre prétention que de faire rire et que le contrat est rempli. En plus de ça, le film est produit et interprété par Dwayne – The Rock – Johnson, probablement l’acteur le plus cool aujourd’hui, qui est ici accompagné de merveilleuses naïades super-sexy, mais aussi et surtout pleines d’autodérision.
Lorsqu’une dangereuse vague de crimes frappe Malibu, le légendaire Lieutenant Mitch Buchannon, entouré de son équipe de sauveteurs d’élite, prend les choses en main pour protéger la baie et démasquer les coupables. Mitch est rejoint par trois nouvelles recrues triées sur le volet, dont l’ancien athlète, champion olympique mais très controversé, Matt Brody. Ensemble, ils enquêteront et risqueront l’impossible pour dénoncer l’impitoyable femme d’affaires, dont les plans diaboliques menacent l’avenir de la baie.
A la fin des années 1980, la série Alerte à Malibu aka Baywatch en version originale, est lancée sur le réseau NBC. Le principe est simple : filmer au ralenti des jeunes femmes et des jeunes hommes en maillot de bain rouge sur la plage – normal puisqu’ils sont sauveteurs – menés par un David Hasselhoff torse-poils, quand ils doivent venir au secours de nageurs qui se sont baignés trop tôt après avoir mangé, ou parce qu’ils se sont fait piquer par une méduse. Le prétexte est bon, tant que les acteurs et actrices, les actrices surtout, sont filmées comme dans une pub pour un shampoing ou le dentifrice Ultra-Brite. Les spectateurs s’emballent très vite. Résultat, la série vivra onze saisons jusqu’en 2001, se composera de 243 épisodes de 45 minutes, et deviendra surtout la série télévisée la plus regardée au monde avec plus d’un milliard de téléspectateurs par semaine. Après plusieurs téléfilms et une série dérivée (Un privé à Malibu), le film était donc inévitable.
Plus de quinze ans après l’arrêt de la série et plus de 25 ans après son lancement, ce qui était premier degré et ce qui faisait son triomphe, est ici à peine détourné et pourtant provoque un rire teinté de nostalgie. Seth Gordon, réalisateur des cartons US Tout…sauf en famille (2008), Comment tuer son boss ? (2011) et Arnaque à la carte (2013), prend ici les commandes d’une belle superproduction au budget de 70 millions de dollars. Au programme de Baywatch : Alerte à Malibu le film ? Des boobs, des blagues de cul, des blagues avec des pénis en érection coincés dans un transat, des boobs, des scènes d’action invraisemblables, des blagues avec du formol et des morts dans une morgue, des boobs et…ah oui encore des blagues de cul. Et croyez-le ou non, ça fonctionne. Ça marche bien car le casting est au top. Si Dwayne Johnson mène son équipe sans se forcer, avec un charisme de dingue, une spontanéité, une bonne humeur naturelle et un sourire immédiatement empathique, il est très bien épaulé. Le casting féminin se compose des divines, des sublimes, des über-sexy, des sculpturales (oui bon j’arrête) Alexandra Daddario (tu te souviens de la première saison de True Detective ?) et des méconnues, mais qu’on ne demande qu’à connaître personnellement, Kelly Rohrbach (mannequin aperçue dans Café Society de Woody Allen et prochainement dans A Rainy Day in New York du même cinéaste) qui reprend le rôle autrefois tenu par Pamela Anderson, ainsi qu’Ilfenesh Hadera, amazone d’1m80 qui reprend le personnage de Stephanie Holden aka Alexandra Paul. Bon, puisqu’ils sont là autant en parler, ces demoiselles sont accompagnées de Zac Efron (dans le rôle de Matt Brody, anciennement David Charvet), dont les abdos et biceps paraissent réalisés en images de synthèse (non, je ne suis pas jaloux de « ça »), sans oublier le jeune Jon Bass, l’élément nouveau de la troupe, le mec de tous les jours, bedonnant, souriant, timide, mais volontaire et fou amoureux de C.J.
Toutes ces belles personnes bronzées vont unir leurs forces pour démanteler un réseau de trafic de drogue, organisé par la perfide (et aussi canon que le reste de la bande) Victoria Leeds, interprétée par Priyanka Chopra, actrice indienne, chanteuse, mannequin et même ancienne Miss Monde 2000. Autant dire que cette dernière, peu habituée à tourner dans un film de cet acabit(e) dans son pays, s’en donne ici à coeur joie. L’intrigue est donc évidemment complètement anecdotique, mais du moment que les scènes se tiennent et que la bonne humeur soit contagieuse, nous n’en demandons pas plus.
Il n’y a pas tromperie sur la marchandise, on ne va pas voir Baywatch – Alerte à Malibu pour espérer se perdre dans les méandres d’un esprit malade ou dans une histoire tortueuse et kafkaïenne. On se marre pendant deux heures. Pur produit formaté pour l’été, on déguste ce buddy-movie comme un bon Magnum. C’est bourré d’huile de palme, ce n’est pas bon pour la santé, mais ça fait un bien fou. Les nanas sont belles et à se damner, tous les acteurs sont bons et attachants, les répliques graveleuses et trash fusent à cent à l’heure et voilà le film est terminé. Ah oui pour ceux qui se le demandaient, David Hasselhoff et Pamela Anderson sont bien de la partie. Si Baywatch : Alterte à Malibu n’a pas eu le succès escompté avec son budget à peine rentabilisé aux Etats-Unis, l’Europe a accueilli le film les bras ouverts avec plus d’1,5 million d’entrées en France et près de 2 millions en Allemagne. Et pourquoi pas une suite ?
LE BLU-RAY
Le test de l’édition HD de Baywatch : Alerte à Malibu, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. A noter que le film est disponible dans son montage cinéma (1h56) et en version longue (2h01) qui n’apporte absolument rien de plus.
Comme c’est souvent le cas chez l’éditeur, les bonus sont inutilement divisés. Les modules intitulés A la rencontre des sauveteurs (21’30), Poursuivre l’héritage (9’30) et Cascades et entraînement (9’) sont constitués des mêmes intervenants (acteurs, producteurs et réalisateur essentiellement), tous en monde promo à fond, qui affichent un sourire à s’en décrocher la mâchoire, un teint bronzé limite vermillon et une pèche d’enfer. Le truc, c’est qu’ils le font bien. Ces suppléments ne vont certes pas loin dans l’info (The Rock sent bon, Alexandra Daddario est bonne, Ilfenesh Hadera n’aime pas la salade de thon), mais la bonne humeur est franchement contagieuse, à l’image du film. Les personnages sont présentés, ainsi que « l’histoire », tout le monde fait référence à la série originale (d’ailleurs Pamela Anderson vient dire quelques mots, profitez-en pour régler le contraste de votre télé), les images de tournage et des coulisses abondent. On passe un bon moment.
Cette section se compose également de 10 minutes de scènes coupées ou proposées en version longue. Des séquences qui prolongent les moqueries de Mitch envers Matt, la maniaquerie de Stephanie ou bien encore l’infiltration de l’équipe à l’hôpital.
L’Image et le son
Fidèle à sa réputation, Paramount livre un master HD irréprochable et rutilant de Baywatch : Alerte à Malibu, tourné au moyen de la caméra Arri Alexa XT Plus. Les contrastes affichent une densité exceptionnelle, le piqué est tranchant comme une lame de rasoir, les scènes diurnes sont éclatantes, la colorimétrie est étincelante (plus pastel sur les séquences à effets spéciaux), la profondeur de champ irréprochable. Le léger grain de la photo est respecté, les détails abondent sur le cadre large, sur le crâne de The Rock, les visages et les décolletés (m’enfin), bref, le transfert est resplendissant. Apport HD validé pour ce titre.
Paramount sort l’artillerie lourde avec une version originale Dolby Atmos , compatible Dolby TrueHD 7.1 ! Dès l’apparition du titre « hénaurme » après le premier sauvetage, les latérales distillent des effets latéraux qui appuient chaque séquence agitée (l’incendie, le feu d’artifice, la poursuite) et tant pis si parfois ça n’est pas très naturel. Le caisson de basses soutien allègrement toutes les scènes d’action, la musique de Christopher Lennertz explose, c’est un très bon spectacle acoustique. A côté, la piste française fait pâle figure avec son petit encodage Dolby Digital 5.1, même si elle conviendra aux allergiques à la version originale, avec son ouverture sympatoche des enceintes frontales, des arrière qui assurent et son doublage honteux mais rigolo.
QUAI DES ORFÈVRES réalisépar Henri-Georges Clouzot, disponible en Blu-ray chez Studiocanal le 17 octobre 2017
Acteurs : Louis Jouvet, Suzy Delair, Simone Renant, Bernard Blier, Pierre Larquey, Jeanne Fusier-Gir…
Scénario : Henri-Georges Clouzot, Jean Ferry, d’après le roman Légitime défense de Stanislas-André Steeman
Photographie : Armand Thirard
Musique : Francis Lopez
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 1947
LE FILM
L’inspecteur Antoine est chargé de l’enquête sur l’assassinat du vieux Brignon, retrouvé mort chez lui un soir de Noël. Son travail le mène dans les milieux du music-hall et des photographes où il rencontre Jenny Lamour, une petite chanteuse et Maurice, son mari très jaloux. Jenny venait d’accepter un rendez-vous à dîner avec Brignon, qui devait lui procurer un rôle…
A la Libération, Henri-Georges Clouzot est condamné par le tribunal d’épuration à ne plus jamais exercer son métier de réalisateur, en raison du Corbeau, jugé anti-français. Défendu par ses pairs, réalisateurs, écrivains et autres artistes, la sentence est finalement (et heureusement) levée deux ans après. Le cinéaste prépare alors son retour sur le devant de la scène et décide pour cela d’adapter pour la troisième fois de sa carrière, un roman policier de l’écrivain belge Stanislas-André Steeman. Après Le Dernier des six (1941), réalisé par Georges Lacombe, pour lequel il avait signé les dialogues, puis sa suite L’Assassin habite au 21 (1942), qui marquait alors les premiers pas d’Henri-Georges Clouzot derrière la caméra, ce dernier jette son dévolu sur le livre Légitime défense, publié en 1942. Le réalisateur ne voit qu’un seul homme capable d’incarner l’inspecteur chargé de l’enquête principale, Louis Jouvet. Non seulement le comédien trouve ici l’un de ses plus grands rôles, mais il livre également une extraordinaire composition. Son personnage reste encore aujourd’hui l’un des plus beaux et emblématiques personnages de policier de l’histoire du cinéma.
Dans le Paris de l’après-guerre, la jeune chanteuse Jenny Lamour ne manque pas d’ambitions et use parfois de ses charmes — notamment auprès d’un vieillard libidineux influent, Brignon — pour se faire une place dans le milieu du music-hall. Un soir, elle accepte son invitation à dîner, espérant que cet homme riche et puissant l’aide dans sa carrière. Son mari, Maurice Martineau — un brave garçon, modeste pianiste évoluant lui aussi dans le spectacle, profère par jalousie des menaces de mort envers le septuagénaire. Se croyant trompé, Maurice se précipite chez Brignon, pour découvrir son rival assassiné. Pris de panique, Maurice s’enfuit. L’inspecteur Antoine, un flic désabusé, cynique et humain du Quai des Orfèvres, est chargé de l’enquête.
Il aura donc fallu attendre quatre années pour qu’Henri-Georges Clouzot fasse son comeback après les immondes accusations de collaboration avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. Tourné pour la firme allemande Continental, Le Corbeau avait été perçu comme une œuvre de propagande anti-française. Après jugement, le cinéaste avait mis sur la liste noire et exclu des studios. Pour son retour, Clouzot adapte lui-même le roman de Steeman, en prenant de grandes libertés avec l’oeuvre originale, afin de se l’approprier véritablement. Comme il le fera pour Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, le cinéaste se sert surtout d’un postulat de départ, pour en faire un film qui lui ressemble à part entière. Quai des Orfèvres est un film charnière dans la carrière de son auteur, un immense chef d’oeuvre, un monument du cinéma français, une référence internationale.
En évoquant le troisième long métrage d’Henri-Georges Clouzot, le cinéphile pense immédiatement à Louis Jouvet. Sa voix, sa dégaine, son phrasé, ses regards, il est absolument fascinant. La modernité de son jeu laisse pantois d’admiration. Son personnage, l’Inspecteur Antoine, de la Brigade criminelle de la préfecture de police de Paris est également un ancien sous-officier de l’Infanterie coloniale qui vit seul avec son petit garçon métis. Clouzot montre Antoine très attentionné et doux avec son fils, dont la couleur de peau choquait alors encore une grande partie de l’audience en 1947. S’il n’avait pas la réputation d’être particulièrement tendre avec ses acteurs, Clouzot les dirigeait merveilleusement et savait s’entourer des meilleurs sur le plateau. Louis Jouvet (qui n’apparaît qu’à la 40e minute du film) donne ainsi la merveilleuse réplique teintée d’humour noir à Bernard Blier (qui n’a jamais été aussi à fleur de peau), Suzy Delair (la gouaille aguicheuse avec son petit tralala), Simone Renant (sensuelle photographe), Charles Dullin (génial pervers pas pépère), et toute une ribambelle d’admirables seconds couteaux tels que Pierre Larquey et Jeanne Fusier-Gil (récurrents chez Clouzot), Robert Dalban, Raymond Bussières et bien d’autres.
Loin de laisser sa caméra fixe au milieu des décors, souvent encrassés, humides et poisseux (sublime photographie à la patte expressionniste d’Armand Thirard), Clouzot compose des plans en mouvements, qui détonnent dans le cinéma français, qui préère habituellement laisser tourner la caméra, sans prendre de risques. La mise en scène s’avère tout aussi moderne que le jeu de son acteur principal. Pas étonnant donc que Quai des Orfèvres n’ait aujourd’hui pas pris de rides et demeure l’un des mètres étalons du genre, où la psychologie des personnages est passionnante et prévaut même sur l’enquête elle-même avec ses faux témoignages et fausses pistes.
Projeté à la Mostra de Venise en version française non sous-titrée, Quai des Orfèvres reçoit le Prix de la mise en scène. Pourtant, Clouzot repart mitigé d’Italie. Persuadé que son film, triomphe critique et public, aurait pu gagner d’autres prix plus prestigieux s’il avait été moins « bavard », le cinéaste décide de se renouveler, en réfléchissant à une nouvelle façon de mettre en scène, en privilégiant le cadre et le montage, au détriment des dialogues. S’il enchaîne très vite avec Manon (1949) et Miquette et sa mère (1950), Le Salaire de la peur (1953) sera la résultante de ces années de réflexion.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Quai des Orfèvres, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur quelques séquences du film.
Comme sur l’édition HD du Corbeau, nous ne trouvons sur cette édition qu’un seul documentaire rétrospectif, heureusement complet et intéressant (31’), constitué des interventions de Noël Herpe (commissaire de l’exposition Le Mystère Clouzot à la Cinémathèque Française), Chloé Folens (auteur de Les Métamorphoses d’Henri-Georges Clouzot), Marc Godin (co-auteur de Clouzot cinéaste), José-Louis Bocquet (co-auteur de Clouzot cinéaste) et des cinéastes Xavier Giannoli et Bertrand Blier.
On reprend là où nous en étions restés à la fin du module sur Le Corbeau, autrement dit après le jugement rendu par le tribunal d’épuration à la Libération, qui avait interdit à Henri-Georges Clouzot d’exercer son métier de réalisateur jusqu’à la fin de ses jours. Les (nouveaux) intervenants reprennent le train en marche en situant Quai des Orfèvres dans la vie et la carrière de son auteur. Le fond comme la forme sont finalement analysés, la préparation de Clouzot est abordée (trois semaines passées au Quai des Orfèvres pour observer les policiers dans l’exercice de leurs fonctions), tout comme la psychologie des personnages, les thèmes du film, le tout agrémenté de nombreuses anecdotes de tournage.
L’Image et le son
La restauration numérique de Quai des orfèvres est encore plus impressionnante que celle du Corbeau. Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans d’Henri-Georges Clouzot, la photo signée par le grand Armand Thirard (Les Diaboliques, Le Salaire de la peur) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé.
Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono, pas même un souffle parasite sur les quelques plages de silences. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets. Les sous-titres anglais et français pour le public sourd et malentendant sont également disponibles.
LE CORBEAU réalisépar Henri-Georges Clouzot,disponible Blu-ray le 17 octobre 2017 chez Studiocanal
Acteurs : Pierre Fresnay, Pierre Larquey, Micheline Francey, Ginette Leclerc, Noël Roquevert, Héléna Manson…
Scénario : Henri-Georges Clouzot, Louis Chavance
Photographie : Nicolas Hayer
Musique : Tony Aubin
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1943
LE FILM
Médecin d’un petit village du cœur de la France , le docteur Rémy Germain est la victime d’un corbeau, qui l’accuse d’adultère et de pratique illégale de l’avortement. Rapidement, les lettres infamantes se multiplient et personne dans le village n’est épargné par les ragots qui engendreront alors cabales, drames et règlements de comptes. Seul contre tous, le docteur Germain va mener son enquête et découvrir, en même temps que le coupable, les bassesses et la mesquinerie dont peuvent être capables ses concitoyens.
« Vous êtes formidable, vous croyez que les gens sont tout bon ou tout mauvais, vous croyez que le bien c’est la lumière et que l’ombre c’est le mal. Mais où est l’ombre ? Où est la lumière ? Où est la frontière du mal ? Savez-vous si vous êtes du bon ou du mauvais côté ? »
Henri-Georges Clouzot rencontre le succès dès son premier long métrage, L’Assassin habite au 21, d’après le roman de Stanislas-André Steeman. Il enchaîne directement avec Le Corbeau, sur un scénario de Louis Chavance, d’après un fait divers authentique qui s’est déroulé à Tulle de 1917 à 1922, période durant laquelle 110 lettres anonymes avaient été envoyées à l’ensemble de la population. Tourné pour la société de production Continental-Films, active durant l’Occupation, et financée par des capitaux allemands, créée en 1940 par Joseph Goebbels dans un but de propagande et cependant dirigée par le francophile Alfred Greven qui tiendra peu compte des ordres politiques reçus de Berlin, Le Corbeau s’accompagne d’un parfum sulfureux et demeure la plus grande radiographie de la société française de l’époque.
Les notables de Saint-Robin, petite ville de province, commencent à recevoir des lettres anonymes signées « Le Corbeau », dont le contenu est calomnieux. Ces calomnies se portent régulièrement sur le docteur Rémi Germain, ainsi que sur d’autres personnes de la ville. Les choses se gâtent lorsque l’un des patients du docteur Germain se suicide, une lettre lui ayant révélé qu’il ne survivrait pas à sa maladie. Le docteur Germain enquête pour découvrir l’identité du mystérieux « Corbeau ». Tour à tour, plusieurs personnes sont soupçonnées et les lettres infamantes se multiplient.
Comme ce sera le cas dans l’ensemble de ses films, Henri-Georges Clouzot n’épargne personne dans Le Corbeau, et surtout pas les bourgeois. Ici, tout le village est touché. En 1943 (l’Occupation n’est pas mentionnée et d’ailleurs rien n’indique la date à laquelle se déroule le récit), il en faut peu pour que le fragile équilibre se délite. La suspicion règne et l’on passe facilement de victime à coupable suite aux commérages qui prolifèrent.
Le Corbeau rend compte de l’atmosphère irrespirable où tout le monde en venait à s’espionner, se craindre, au rythme des courriers qui se multiplient comme un virus contagieux qui se répand d’une maison à l’autre. Clouzot s’amuse avec un humour noir à regarder ses concitoyens avec l’oeil d’un entomologiste. Plongez des êtres humains dans une situation inexpliquée avec quelques informations diffamatoires, secouez un peu le tout, laissez agir puis analysez le précipité qui en découle. L’hystérie collective n’est pas loin. Ne reste plus qu’à Clouzot qu’à brosser le portrait de personnages, tout autant d’électrons qui s’agitent autour du noyau central interprété par l’immense Pierre Fresnay, tous remarquablement incarnés par une ribambelle de comédiens épatants tels Ginette Leclerc et son regard langoureux, Pierre Larquey, Micheline Francey, Noël Roquevert, Jeanne Fusier-Gir, qui pour la plupart reviendront d’un film à l’autre de Clouzot.
Résolument sombre et violent (même une petite fille tente de se suicider), Le Corbeau est le premier vrai tour de force d’Henri-Georges Clouzot, qui peint un portrait corrosif de la France, l’acide sulfurique remplaçant alors la gouache. À cela s’ajoute une photo très contrastée de Nicolas Hayer, Clouzot ayant été très souvent inspiré par l’expressionnisme allemand. Si le film est un triomphe à sa sortie, Henri-Georges Clouzot connaît la période la plus troublée de sa vie. A la Libération, le film est perçu par la résistance et par la presse communiste de l’époque comme antifrançais, comme si les patriotes pouvaient s’adonner à la délation, ce qui est inconcevable enfin ! Du pain béni pour les détracteurs de Clouzot qui n’hésitaient pas à déclarer que le réalisateur servait ainsi la propagande nazie. Accusé de dénigrer le peuple français, le cinéaste est littéralement banni à vie du métier de metteur en scène en France et le film est interdit. Ces deux interdictions seront heureusement levées dès 1947, après que Clouzot ait été soutenu par quelques grands noms du cinéma (Jacques Becker, Henri Jeanson). Son film peut enfin être redécouvert.
Le Corbeau est le premier chef d’oeuvre incontesté d’Henri-Georges Clouzot, référence du Whodunit et entraînera même un remake aux Etats-Unis, La Treizième Lettre – The Thirteenth Letter, réalisé par Otto Preminger en 1951, avec Charles Boyer.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray du Corbeau, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur quelques séquences du film.
L’éditeur joint un seul documentaire sur ce Blu-ray. Le Chef d’oeuvre maudit d’Henri-Georges Clouzot (26’), donne la parole à Pierre-Henri Gibert (réalisateur du Scandale Clouzot) et Claude Gauteur (historien, auteur de Henri-Georges Clouzot, l’oeuvre fantôme, chez LettMotif). Dans ces entretiens croisés, les intervenants dissèquent à la fois le fond (« un témoignage passionnant de la situation de la France durant l’ Occupation », le scénario inspiré d’un fait divers) et la forme, replacent Le Corbeau dans l’oeuvre du cinéaste (première fois qu’il détient les pleins pouvoirs sur un film), mais évoquent aussi et surtout les conditions de production (la Continental), sans oublier l’interdiction du film à la Libération et la sanction envers Clouzot qui à la base devait ne plus avoir le droit d’exercer son métier à vie ! Si ce module remplit bien son contrat, il est dommage que Studiocanal n’ait pas pu reprendre la présentation du Corbeau par Bertrand Tavernier et Jacques Siclier, disponible sur l’édition DVD sortie en 2003.
L’Image et le son
Le premier chef d’oeuvre d’Henri-Georges Clouzot nous apparaît en édition HD restaurée en 4K par le laboratoire Eclair, à partir du négatif original. Et voilà un Blu-ray qui en met souvent plein les yeux avec une définition qui laisse pantois. Le nouveau master HD au format 1080p/AVC ne cherche jamais à atténuer les partis pris esthétiques originaux. La copie se révèle souvent étincelante et pointilleuse en terme de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux, richesse des gris), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est sidérante, la stabilité est de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont vraiment les seuls moments où la définition décroche quelque peu, mais cela ne dure que quelques secondes. L’ensemble reste fluide et réellement plaisant. Il serait difficile de faire mieux sans que cela dénature les volontés artistiques.
L’éditeur est aux petits soins avec le film d’Henri-Georges Clouzot puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, ainsi qu’un très léger souffle, l’écoute se révèle équilibrée. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis, les dialogues sont dans l’ensemble clairs, dynamiques. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
Histoire originale : Matthew Miller, créateur de la série d’après le scénario de Shane Black pour le film L’Arme fatale (1987)
Durée : 18 épisodes de 42 minutes
Date de sortie initiale : 2016
LA SÉRIE
Veuf depuis la mort tragique de son épouse enceinte, Martin Riggs, flic texan et ancien de la Marine, prend un nouveau départ à Los Angeles. Il devient le co-équipier du détective Roger Murtaugh, lequel a récemment subi une crise cardiaque « bénigne » et doit à tout prix éviter les situations de stress. Un duo de choc qui risque de faire des étincelles. Entre l’un prudent et l’autre trop imprévisible, l’association provoque quelques étincelles…
Franchement, on ne misait pas un kopeck sur cette série qui se permettait de se servir allègrement dans le patrimoine cinématographique, autrement dit de reprendre le titre, le postulat de départ et bien sûr les personnages cultes – créés par Shane Black – de la tétralogie L’Arme fatale de Richard Donner. Quatre buddy-movies sortis en 1987, 1989, 1992 et 1998, qui ont rapporté au total près d’un milliard de dollars dans le monde et attiré 11,5 millions de spectateurs dans les salles françaises. Pari risqué pour le producteur et créateur Matt Miller, showrunner de la série Chuck, mais pari finalement remporté haut la main puisque cette première saison de L’Arme fatale s’avère un divertissement très enthousiasmant, un cocktail explosif d’action dramatique pimenté d’humour et mené à cent à l’heure, qui revisite la mythique saga cinématographique, tout en la respectant et en lui rendant hommage.
Affecté par une perte tragique, l’ex-Navy Seal Martin Riggs déménage en Californie pour tout recommencer à zéro. Il est associé à Roger Murtaugh, agent du LAPD de retour à son poste après une crise cardiaque qui a failli lui coûter la vie. L’addiction à l’adrénaline de Riggs clashe immédiatement avec l’approche pondérée de Murtaugh, mais dès les premières courses-poursuites, déflagrations, explosions et fusillades invraisemblables mais jubilatoires qui s’enchaînent sans temps mort, chacun des coéquipiers apprend à considérer l’autre à sa juste mesure et surtout, à identifier les valeurs qu’ils partagent. Si seulement Riggs n’était pas aussi tête brûlée ! Le pilote (ainsi que le second épisode) réalisé par le très efficace McG (également producteur exécutif) donne le ton. Les personnages que l’on connaît sont là, certes interprétés par de nouvelles têtes, mais le plaisir d’entendre les noms de Roger Murtaugh et Martin Riggs est indéniable. Riggs et Murtaugh se rencontrent, s’apprivoisent, se cherchent, puis se découvrent enfin. Leur amitié naîtra au fil des épisodes. Tandis que Murtaugh retrouve son boulot après un triple pontage réalisé après un infarctus survenu à l’âge de 50 ans (alors que sa femme venait de mettre au monde leur troisième enfant), Riggs, texan devenu dépressif, alcoolique et suicidaire après la mort de sa femme qui allait accoucher, débarque à Los Angeles suite à une mutation. Il vit dans une caravane installée au bord du Pacifique, mais passe son temps à fixer son flingue. Sa rencontre avec Murtaugh et la famille de ce dernier, l’aidera progressivement à se sortir la tête de l’eau, même si les conditions de la disparition de son épouse demeurent étranges. Il se pourrait bien qu’elle ait été en fait assassiné.
La série L’Arme fatale repose non seulement sur de très bons scénarios qui montrent Los Angeles sous certains angles originaux, mais aussi et surtout sur un excellent casting. C’est surtout le comédien Clayne Crawford, vu dans les séries Jericho, 24 heures chrono et Rectify qui se taille la part du lion en reprenant le rôle de Mel Gibson. Si cela n’était pas une mince affaire et qu’il s’exposait à d’inévitables comparaisons, Clayne Crawford crève littéralement l’écran dans la peau de Martin Riggs. Véritable révélation, capable de faire passer le spectateur du rire aux larmes en un instant, il est assurément LA raison d’être de la série L’Arme fatale et créé son propre personnage, sans jamais chercher à singer son prédécesseur. A ses côtés, Damon Wayans (Ma famille d’abord) s’acquitte également très bien de son rôle, même s’il s’éloigne plus du personnage créé par Danny Glover que son partenaire. L’alchimie est évidente dès le départ, la complicité est de mise comme pour leurs illustres aînés.
Ils sont également bien entourés par Kevin Rahm (Desperate Housewives, Mad Men), Jordana Brewster (la franchise Fast & Furious) dans le rôle de la psy chargée d’évaluer Riggs au fil des épisodes, Keesha Sharp (Girlfriends), Hilarie Burton (Les Frères Scott) et bien d’autres acteurs tout aussi bons qui gravitent autour du noyau central formé par Wayans/Crawford. Au milieu de ces arrestations musclées, de ces trafics de drogue, de prostitution, d’argent, l’émotion n’est pas oubliée et le fil conducteur de ces épisodes bien filmés et à la photo séduisante, le deuil impossible de Riggs pour celle qu’il aimait, ne laisse pas indifférent.
C’est là toute la réussite de cette première saison attachante de L’Arme fatale, qui parvient non seulement à se démarquer du modèle original, mais aussi à proposer une continuité qui s’impose dès l’épisode pilote, adoubé par Shane Black qui a également participé au scénario. Après de très hautes audiences aux Etats-Unis avec entre 6 et 7 millions de téléspectateurs par épisode, la série a été reconduite pour une seconde saison qui a débuté fin septembre 2017.
L’EDITION DVD
La première saison de L’Arme fatale en DVD, disponible chez Warner Bros., se compose de 18 épisodes répartis sur quatre disques placés dans un boîtier classique, glissé dans un surétui cartonné. La liste des épisodes apparaît au verso, tout comme celle des suppléments. Le menu principal est identique sur les quatre DVD, fixe et musical, qui reprend le visuel de la jaquette.
L’épisode pilote est présenté en version longue non censurée. Accrochez-vous bien, ce montage dure exactement 55 secondes de plus par rapport à la version diffusée à la télévision (également disponible sur ce DVD). Les coupes interviennent uniquement au niveau du langage « fleuri » des personnages.
Même chose en ce qui concerne les scènes coupées (26’) dispersées sur les quatre disques, pour les épisodes 1,3,5,8,10,11,15,16,17,18. Hormis une séquence où Riggs regarde son révolver avec envie dans l’épisode pilote et quelques intrigues très secondaires (le capitaine qui souhaite adopter un enfant avec son compagnon) ou quelques flashbacks (Riggs qui demande la main de sa fille à son capitaine), l’ensemble s’avère bien trop anecdotique et reflète simplement les coupes effectuées au montage pour accélérer le rythme.
Le dernier DVD propose un petit module sympathique de 15 minutes, durant lequel le comédien Jonathan Fernandez, qui interprète Scorsese, le médecin légiste dans la série, s’entretient avec les deux producteurs exécutifs Jennifer Gwartz et Matt Miller. Après le succès de la première saison à travers le monde, les deux showrunners visiblement satisfaits du résultat, reviennent sur la genèse du projet et le challenge de s’approprier le mythe de ces quatre films adorés par tous les spectateurs. Comment respecter l’esprit des films originaux ? Comment s’est déroulé le casting ? Comment trouver le binôme et parier sur l’alchimie des deux comédiens principaux ? Les deux producteurs répondent à ces questions, parfois illustrées par des images de tournage, tout en dévoilant quelques références à la saga de Richard Donner, qui auraient pu échapper aux téléspectateurs, comme l’apparition de la maison originale des Murtaugh.
L’interactivité se clôt sur un bêtisier.
L’Image et le son
Voilà un bon service après-vente proposé par Warner. L’éditeur prend soin de la première saison de L’Arme fatale en livrant des épisodes au transfert solide. Les volontés artistiques originales sont respectées, les teintes sont chaudes, ambrées et parfois dorées, le tout soutenu par un encodage de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont bien détaillés (et le sont sûrement encore plus en Haute-Définition), le relief est souvent présent et les détails foisonnent. Hormis quelques légers fléchissements sur les scènes sombres, cette édition DVD en met souvent plein la vue.
Bon…les réfractaires à la version originale devront se contenter d’une simple piste française Dolby Digital 2.0 Stéréo. Dynamique et claire, au doublage soigné, il ne faut pas en demander plus. Privilégiez évidemment la version anglaise Dolby Digital 5.1 à la spatialisation confortable et vive, avec des dialogues saisissants sur la centrale, des effets percutants sur les latérales et des frontales en pleine forme. Le caisson de basses se fait plaisir lors des scènes d’action, de poursuites et de gunfights. Ce n’est certes pas de la HD, mais c’est déjà ça de pris.
LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME(Non si sevizia un paperino) réalisépar Lucio Fulci,disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 juillet2017chez Le Chat qui fume
Acteurs : Florinda Bolkan, Barbara Bouchet, Tomás Milián, Irene Papas, Marc Porel, Georges Wilson, Antonello Campodifiori, Ugo D’Alessio…
Scénario : Lucio Fulci, Roberto Gianviti, Gianfranco Clerici
Photographie : Sergio d’Offizi
Musique : Riz Ortolani
Durée : 1h48 (version intégrale)
Date de sortie initiale : 1972 (Italie), 1978 (France)
LE FILM
Début des années 70, dans le sud de l’Italie, un petit village de montagne est plongé dans la terreur : de jeunes garçons se font mystérieusement assassiner et la police semble avoir du mal à identifier le meurtrier. Les pistes sont nombreuses, mais aucune ne semble réellement aboutir. Alors que les affrontements deviennent de plus en plus violents entre les habitants, certains sont désignés comme coupables et d’autres n’hésitent pas à faire justice eux-mêmes. Pendant ce temps, les crimes odieux continuent.
Lucio Fulci (1927-1996), qui se destinait d’abord au monde de la médecine, décide de se tourner vers le cinéma et intègre le Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en suivant les cours de Michelangelo Antonioni et de Luchino Visconti. Il devient l’assistant du réalisateur Marcel L’Herbier pour Les Derniers Jours de Pompéi en 1950. Mais c’est avec le cinéaste Steno, de son vrai nom Stefano Vanzina, que Fulci fait réellement ses premières classes. Il s’agit de comédies, principalement avec Totò, aux titres aussi évocateurs que Totò et les femmes, L’uomo, la bestia e la virtù, Où est la liberté. Progressivement, Lucio Fulci devient scénariste et signe Une fille formidable de Mauro Bolognini, Un Americano a Roma de Steno avec l’immense Alberto Sordi. Il passe enfin derrière la caméra en 1959 avec I Ladri, une comédie interprétée par… Totò. La boucle est bouclée. Dans les années 1960, Lucio Fulci enchaîne moult comédies avec le duo célèbre en Italie, Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Si le succès est au rendez-vous, il commence sérieusement à vouloir changer son fusil d’épaule et démontrer qu’il est capable de réaliser autre chose que des comédies. Il signe un western avec Franco Nero (Le Temps du massacre, 1966), une comédie policière intitulée (Au diable les anges, 1967), un drame (Liens d’amour et de sang, 1969). Mais le véritable tournant s’opère en 1969 avec le giallo Pervertion Story – La Machination (Una sull’altra).
Si Dario Argento et Mario Bava sont fréquemment annoncés comme étant les réalisateurs phares du giallo, ce genre italien de film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft, il est grand temps aujourd’hui de réhabiliter Lucio Fulci, jusqu’ici surtout défendu par les amateurs de cinéma de genre. Un an après l’onirique, poétique, sensuel, cruel, oppressant, kafkaïenLe Venin de la peur – Una lucertola con la pelle di donna, et la même année que sa comédie érotique Obsédé malgré lui, Lucio Fulci signe un de ses films les plus célèbres, La Longue nuit de l’exorcisme – Non si sevizia un paperino, Don’t Torture a Duckling(titre international), ou bien encore Les Poupées de sang au Québec. S’il est souvent considéré comme un giallo, ce film (le préféré de son auteur) s’en démarque puisque tous les codes du thriller urbain sont ici transportés dans le sud de l’Italie, dans un petit village perdu et pittoresque, avec ses peurs, ses traditions et ses superstitions, devenu le théâtre d’une série de meurtres dont les victimes sont tous des enfants. Alors que l’enquête piétine, la tension monte au sein de la petite communauté. Andrea Martelli (Tomás Milián, impeccable et sobre), un journaliste venu écrire sur l’affaire, décide de suivre ses propres pistes. Il doit surmonter les idées reçues des habitants du bourg qui soupçonnent Patrizia (Barbara Bouchet), une jeune femme de la ville aux moeurs légères, avant de se tourner vers l’idiot du village puis la sorcière et sauvageonne Maciara (Florinda Bolkan).
S’il n’atteint pas la force de l’hypnotique Venin de la peur, on reste néanmoins sans voix devant la beauté de la mise en scène de ce thriller stylisé qu’est La Longue nuit de l’exorcisme, photographié avec virtuosité par le chef opérateur Sergio d’Offizi et bercé par la partition toujours inspirée du maestro Riz Ortolani. Le réalisateur considérait d’ailleurs lui-même La Longue nuit de l’exorcisme comme son meilleur film et probablement celui quiale plus marqué les cinéphiles. Avec une folle liberté artistique et créatrice, le cinéaste ne se gêne pas pour déjouer les attentes des spectateurs, souvent conditionné à un mode de narration classique. Etude sur la culpabilité, le déni, la frustration sexuelle, les désirs refoulés, La Longue nuit de l’exorcisme, totalement inédit en France depuis 30 ans, est devenu culte dans le monde entier. Véritable film choral, on y croise pêle-mêle les acteurs Marc Porel, George Wilson, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Barbara BouchetetIrene Papas pour ne citer que les plus célèbres. Cette incroyable brochette de comédiens se donnent la réplique dans une intrigue à la croisée d’Agatha Christie et de Stephen King, où chaque personnage semble avoir quelque chose à cacher et devient donc suspect.
Lucio Fulci va loin, très loin pour instaurer une ambiance réellement dérangeante, entre meurtres en série d’enfants et nudité frontale. A ce titre, la scène où la sublime Barbara Bouchet apparaît complètement nue devant un gamin de dix ans troublé par ses charmes, a choqué la critique et les spectateurs, au point que la comédienne et Lucio Fulci ont été traîné en justice et accusés de corruption de mineur ! Le cinéaste avait été obligé d’expliquer que l’enfant n’avait jamais tourné en présence de Barbara Bouchet, mais remplacé par une doublure, en l’occurrence un homme de petite taille filmé de dos, quand les deux personnages sont présents sur le même plan. Ce parfum de scandale a évidemment contribué au succès du film, tout comme l’incroyable et éprouvante séquence du lynchage de la sorcière, incarnée par Florinda Bolkan, par les pères de famille ayant perdu un enfant. Symbole des croyances ancestrales et traditionnelles du sud de l’Italie, cette sorcière, coupable parfaite puisqu’il faut bien attribuer les meurtres à quelqu’un, est immédiatement perçue comme étant la responsable. Le décalage entre la chanson légère et la brutalité des hommes s’acharnant sur cette femme avec une violence inouïe, glace les sangs encore aujourd’hui, tout comme son épilogue avec l’appel à l’aide au bord de la route, la main tendue vers les automobilistes alors en route vers des vacances bien méritées. Ou comment l’indifférence des hommes est tout aussi violente que des coups de chaînes.
La Longue nuit de l’exorcisme est un film de mise en scène, d’atmosphères, multipliant les fausses pistes, qui ne cesse de surprendre par son opposition entre la beauté sèche des paysages de la région des Pouilles et la noirceur de crimes particulièrement morbides, et ce jusqu’au dénouement inattendu qui n’épargne personne, adultes comme enfants. Redoutablement pessimiste et sombre, La Longue nuit de l’exorcisme montre des enfants déjà corrompus, que rien ni personne ne peut sauver. A moins de les empêcher de sombrer encore plus en devenant adulte. C’est un des motifs du tueur de ce film incroyable et intemporel qu’est La Longue nuit de l’exorcisme.
Bien que le film soit sorti en Italie en 1972, la France devra attendre 1978 pour le découvrir dans une version censurée et au titre surfant de façon éhontée sur le chef d’oeuvre de William Friedkin, puisqu’il n’y a aucun exorcisme réalisé dans le film de Lucio Fulci. Avec l’acharnement des passionnés du genre, Non si sevizia un paperino est devenue une œuvre phare du cinéma d’exploitation.
LE BLU-RAY
Attendu comme le Messie par les fans de Lucio Fulci, La Longue nuit de l’exorcisme arrive enfin dans les bacs grâce aux bons soins du Chat qui fume. Cette édition limitée à 2000 exemplaires (le plus gros tirage de l’éditeur à ce jour) prend la forme d’un magnifique combo Digipack à trois volets – illustrés de portraits tirés du film – composé du Blu-ray (film + intégralité des suppléments), du DVD (film + première partie des suppléments) et d’un troisième disque (deuxième partie des suppléments). Le tout est glissé dans un fourreau cartonné liseré rouge sang, au visuel élégant et très attractif. La Longue nuit de l’exorcisme est présenté en version intégrale dans un nouveau master HD. C’est une édition évidemment incontournable pour les passionnés du bis italien, décidément servis comme des rois par Le Chat qui fume.
Quatre heures de suppléments ! QUATRE !!! Autant vous dire que Le Chat qui fume a mis le paquet (de clopes) afin de combler toutes les attentes des cinéphiles !
On commence par le témoignage de la comédienne Florinda Bolkan (28’), qui reçoit chaleureusement chez elle dans le sud de l’Italie. Il est beaucoup question de Lucio Fulci, que l’actrice décrit comme étant un homme « un peu fourbe, très spécial, un vrai diable mais qui parvenait à le dissimuler ». Florinda Bolkan évoque les tournages successifs du Venin de la peur et de La Longue nuit de l’exorcisme, en s’attardant évidemment sur ce dernier et pour lequel elle aborde longuement son personnage, ainsi que sa préparation. La comédienne se souvient entre autres d’un tournage sur lequel elle s’est beaucoup amusée. Ce module se clôt par la redécouverte de la plus célèbre séquence du film, celle du lynchage de la sorcière. Florinda Bolkan accepte de visionner cette scène, qu’elle n’avait pas revue depuis la sortie du film, et souffre littéralement avec/pour son personnage.
Pour l’entretien avec Barbara Bouchet (18’30), l’éditeur reprend l’introduction et la conclusion de l’interview présente sur l’édition HD d’A la recherche du plaisir. Par ailleurs, on craint de se retrouver face au même module, mais la comédienne évoque bel et bien le tournage de La Longue Nuit de l’exorcisme, son premier thriller, dans lequel elle désirait faire quelque chose de différent. Cet entretien est un peu décevant, dans le sens où Barbara Bouchet évoque surtout des histoires de cul entre Tomás Milián et Irène Papas (et comment elle-même a récupéré le mec de la comédienne grecque), plutôt que de véritables souvenirs de tournage. Quelques mots sur ses partenaires (de jeu cette fois) et surtout sur Lucio Fulci, sans oublier le scandale provoqué par la fameuse scène où elle se tient nue et provocante devant un enfant.
Né en 1934, Sergio D’Offizi est le directeur de la photographie de Cannibal Holocaust, Le Marquis s’amuse et bien évidemment de La Longue nuit de l’exorcisme. Durant un entretien fleuve de 48 minutes, le chef opérateur aborde sa rencontre avec Lucio Fulci et ne tarit pas d’éloges à l’encontre de cet « excellent réalisateur, qui connaissait tous les métiers du cinéma […] qui avait quelques défaillances avec les acteurs […] pas méchant, mais qu’il fallait savoir prendre […] mais dont le caractère l’a empêché d’être vraiment reconnu ». Tout d’abord, Sergio D’Offizi mentionne son association avec le cinéaste. Puis, le directeur de la photographie parle du casting (un Tomás Milián très introverti, sérieux et professionnel), des lieux de tournage, des partis pris esthétiques et du jeu sur les contrastes, tout en partageant d’autres souvenirs.
Nous passons ensuite à l’interview du monteur Bruno Micheli (27’), qui en réalité était l’assistant de sa sœur monteuse Ornella durant quasiment toute sa carrière, y compris sur La Longue nuit de l’exorcisme. C’est donc à son tour de se pencher sur ses débuts au cinéma (un enfant de la balle, fils du caméraman Mario Micheli, fidèle technicien de Roberto Rossellini), son travail auprès de sa sœur Ornella, sa rencontre avec Lucio Fulci (« qui n’intervenait jamais dans la salle de montage ») et l’importance du son dans le cinéma de genre. Il faut attendre 20 minutes pour que Bruno Micheli parle de La Longue nuit de l’exorcisme, mais ce rendez-vous, qui se termine sur une note amère où l’assistant monteur regrette que Lucio Fulci ait décidé du jour au lendemain de stopper leur collaboration, ne manque pas d’intérêt.
Le Chat qui fume va faire plaisir aux fans de Lucio Fulci, puisque cette section propose ensuite une très longue interview audio de Lucio Fulci, divisée en deux temps (43’). En août 1988, le journaliste italien Gaetano Mistretta écrit au cinéaste italien pour lui poser des questions sur sa vie et ses films. Lucio Fulci enregistre ses réponses sur cassettes audio et lui envoie. L’interview a été partiellement publiée dans le magazine Darkstar le 2 août 1988, ainsi que dans le livre Spaghetti Nightmares publié en 1996. Si le montage de photos et de vidéos laisse quelque peu à désirer, l’écoute s’avère heureusement passionnante. Lucio Fulci est très prolixe sur l’ensemble de ses films, déclare aimer les jeunes qui s’intéressent au fantastique, genre peu pris au sérieux dans son pays mais porté par l’amour des passionnés en France (il salue d’ailleurs son ami Christophe Gans du magazine Starfix), tout en donnant de nombreuses indications sur son parcours (assistant de Steno), ses passions (Proust), ses premières mises en scène, le succès ou l’échec de ses œuvres, tout en évoquant sa rivalité avec Dario Argento. Sur ce point, Lucio Fulci indique « Dario ne m’aime pas et je ne sais pas pourquoi. S’il pense que je ne vaux rien, qu’il m’ignore ! Mais il me déteste. Non, il ne me déteste pas, il ne déteste personne? Il n’aime que lui. Il répétera sans cesse ce qu’il a déjà fait. C’est un artisan qui se prend pour un artiste, contrairement à Alfred Hitchcock. C’est un habile réalisateur, mais un exécrable scénariste ». S’il se jette parfois des fleurs et pousse quelques petits coups de gueule (« Je n’aime pas Shining, Stanley Kubrick est bien trop bon pour faire des films d’horreur »), on se rend compte que même après la maladie et une succession de bides commerciaux depuis 1982, Lucio Fulci – qui préparait le téléfilm La Casa nel tempo – était toujours animé par la passion de son métier. A ce titre, le réalisateur en profite pour dire que La Mouche de David Cronenberg apparaît pour lui comme étant un tournant décisif pour le cinéma d’horreur.
Spécialiste et auteur deLucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une bonne présentation, analyse et critique de La Longue nuit de l’exorcisme (19’30). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque le casting, les conditions de tournage, les intentions et partis pris, les lieux de tournage, les thèmes abordés, la polémique autour de la séquence de Barbara Bouchet nue face à l’enfant. Dans un second temps, il se penche davantage sur l’aspect psychologique tout en mêlant le fond et la forme, notamment sur la scène du lynchage de la sorcière qui a nécessité trois jours de tournage. Si cette intervention, qui contient de très nombreux spoilers, paraît parfois trop récitée et monocorde, c’est ici, avec l’intervention suivante, que vous en apprendrez le plus sur La Longue nuit de l’exorcisme.
Ne manquez donc pas la présentation de La Longue nuit de l’exorcisme par Olivier Père (23’). Le journaliste, critique de cinéma, directeur général d’Arte France cinéma et directeur cinéma à Arte France propose une longue et passionnante analyse du film de Lucio Fulci, en croisant habilement le fond avec la forme. Sans aucun temps mort, Olivier Père aborde les partis pris du cinéaste, les thèmes, les intentions, les motifs récurrents, les séquences les plus célèbres, tout en replaçant le film dans l’oeuvre de Lucio Fulci.
Critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, Jean-François Rauger s’intéresse à son tour à La Longue nuit de l’exorcisme (16’). Si certains de ses propos font écho avec ce qui a déjà été entendu précédemment, il serait dommage de ne pas accorder un petit quart d’heure à cette analyse. Jean-François Rauger se penche surtout sur les thèmes et les motifs, ainsi que sur la dimension sociale du film et la figure de chacun des personnages. Rauger se souvient également de la découverte du film – « un peu à part dans le cinéma de Lucio Fulci, mais logique dans son parcours » – à sa sortie, au Brady, ainsi que de sa violence.
Déjà présent sur l’interactivité de Tropique du cancer, le scénariste Fathi Beddiar revient à son tour sur La Longue nuit de l’exorcisme (22’30). Pour lui, Lucio Fulci approfondit les thèmes déjà abordés par Elio Petri dans À chacun son dû – A ciascuno il suo en 1967. Grand passionné du cinéma italien et du giallo en particulier, Fathi Beddiar est visiblement heureux de parler de Lucio Fulci et de La Longue nuit de l’exorcisme, qu’il affectionne tout particulièrement. Il aborde les thèmes, le folklore méditerranéen, la réalité sociale, la figure de la sorcière et de l’assassin, sans oublier une fois de plus la séquence « incroyablement dangereuse » de Barbara Bouchet qui a fait grincer les dents d’un côté et émoustiller les autres.
L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces d’A la recherche du plaisir, Opéra, Sanctuaire et Le Retour des morts-vivants.
N’oublions pas le livret de 24 pages, constitué d’affiches et de photos d’exploitation, uniquement réservé aux acheteurs de ce titre sur le site du Chat qui fume.
L’Image et le son
Un peu plus d’un an et demi après Le Venin de la peur, c’est au tour de La Longue nuit de l’exorcisme d’atterrir dans l’escarcelle du Chat qui fume, en version intégrale, en DVD et en Blu-ray (1080p) ! Ce nouveau master restauré HD 2K comble toutes les espérances. Non si sevizia un paperinobénéficie d’un superbe transfert, qui respecte le grain original, très bien géré, y compris sur les nombreuses séquences sombres. La définition est solide comme un roc et les flous constatés sont d’origine. Après un générique marqué par un bruit vidéo et des teintes fanées, le master (16/9 compatible 4/3) trouve un équilibre fort convenable et restitue les très beaux partis pris esthétiques du directeur de la photographie Sergio D’Offizi (Cannibal Holocaust). Sombre et poisseuse, mais aussi lumineuse et solaire, l’atmosphère trouble et troublante du film trouve un nouvel écrin en Haute-Définition, les contrastes sont élégants et même si les noirs manquent parfois de concision, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité jamais prises en défaut. Les séquences diurnes sont lumineuses à souhait avec un piqué plus acéré et des détails plus flagrants sur le cadre large. De quoi combler les fans et faire de nouveaux adeptes !
La Longue nuit de l’exorcisme est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Riz Ortolani. Elle demeure la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono, au doublage typique de l’époque, apparaît tout aussi vive, même si évidemment moins naturelle. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.
LE CYNIQUE, L’INFÂME, LE VIOLENT(Il Cinico, l’infame, il violento)réalisépar Umberto Lenzi, disponible en combo DVD/Blu-rayle 18 mars 2017 chezThe Ecstasy of Films
Acteurs : Maurizio Merli, Tomás Milián, John Saxon, Renzo Palmer, Gabriella Lepori, Claudio Undari, Bruno Corazzari…
Scénario : Ernesto Gastaldi, Dardano Sacchetti, Umberto Lenzi d’après une histoire originale de Sauro Scavolini
Photographie : Federico Zanni
Musique : Franco Micalizzi
Durée : 1h40
Date de sortie initiale: 1977
LE FILM
Luigi Maietto, dit »le Chinois » , jeune truand cynique et ambitieux, vient de s’évader de prison. Son premier souhait est de faire mordre la poussière au responsable de sa condamnation à vie, l’ex-commissaire de police Leonardo Tanzi, en lui envoyant deux tueurs. En dépit de graves blessures, il se fait passer pour mort et se cache à Rome pour y donner la chasse à son persécuteur. Le Chinois, qui se croit débarrassé, a repris son activité au sein de la pègre organisée, en s’associant au « boss » italo-américain Frank Di Maggio pour mieux régner en maître sur la Mafia romaine. Tanzi monte un plan machiavélique pour anéantir Le Chinois en l’opposant à Di Maggio. Une guerre sans merci va débuter.
Au cours des années 70, l’Italie subit les revendications politiques des Brigades Rouges et vit ce que l’on appellera plus tard ses « années de plomb » . Reflet social, le cinéma va exprimer cette violence dans une vague de polars urbains âpres et cruels. Fortement inspirés par des films comme L’inspecteur Harry (1971), Un justicier dans la ville (1974) ou encore French Connection (1971), les réalisateurs Enzo G. Castellari, Fernando Di Léo, Umberto Lenzi, et bien d’autres, vont faire mettre en images violence, vengeance et justice. Franco Nero, Tomás Milián, Fabio Testi, ou Maurizio Merli, vont camper les flics, voyous, mafieux, escrocs ou justiciers, pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Celui qui nous intéresse ici est Le Cynique, l’Infâme et le Violent – Il cinico, l’infame, il violento (et même The Cynic, the Rat and the Fist en anglais !) réalisé par le prolifique Umberto Lenzi (Maciste contre Zorro, Kriminal, Le tueur à l’orchidée) avec le mythique Tomás Milián, comédien cubain qui alternait les séries B lucratives et les films d’auteur chez Mauro Bolognini, Alberto Lattuada, Valerio Zurlini, Liliana Cavani, Bernardo Bertolucci, Michelangelo Antonioni. A l’heure où certaines villes italiennes sont ratissées par certains gangs organisés et les petits commerçants pillés de toutes parts, Le Cynique, l’Infâme et le Violent agit comme un véritable défouloir dans les salles de cinéma en 1977.
Triomphe public, ce thriller violent n’a sans doute pas l’audace de Big Racket d’Enzo G. Castellari, mais n’en demeure pas moins un reflet de l’Italie d’alors et n’a rien perdu de sa férocité aujourd’hui. Porté par le charisme animal de Tomás Milián d’un côté, de Maurizio Merli de l’autre et du comédien italo-américain John Saxon entre les deux, Le Cynique, l’Infâme et le Violent est un véritable festival de bastons aux bruitages à la Terence Hill / Bud Spencer, de répliques cinglantes (en version originale tout du moins), de règlements de comptes (on y casse des jambes avec un cric, on jette de l’acide au visage d’une femme, on défonce la tête d’un homme à l’aide de balles de golf avant de le donner à bouffer à des dogues allemands), ça défouraille sévère. Le tout en gardant l’air décontracté, la chemise au col pelle à tarte bien ouvert sur le torse poilu où brillent les chaînes en or.
Après La rançon de la peur – Milano odia : la polizia non può sparare, Bracelets de sang – Il giustiziere sfida la città, Opération casseur – Napoli violenta, Le Cave sort de sa planque – Il trucido e lo sbirro, Le Clan des pourris – Il trucido e lo sbirro et surtout Brigade spéciale – Roma a mano armatadont il s’agit d’une suite (mais contrairement à Merli, Milian n’incarne pas le même personnage), Umberto Lenzi réunit ses précédentes têtes d’affiche pour Le Cynique, l’Infâme et le Violent, même si Tomás Miliánet Maurizio Merli, qui ne se supportaient plus au point d’en venir aux mains, n’apparaissent jamais dans le même plan, y compris lors de l’affrontement final, grâce à un montage malin et très découpé.
Maurizio Merli traverse le film en singeant Franco Nero, au point d’y ressembler de façon troublante sur certains plans, comme si rien ne pouvait l’atteindre, en mettant un coup de poing d’abord et en discutant après. L’intrigue est typique du néo-polar italien aka poliziesco, avec quelques ingrédients directement issus du western et même de Mission Impossible lors d’un casse réalisé à l’aide de quelques gadgets (dont des lunettes à infrarouges pour passer à travers des lasers), et l’on suit avec délectation ces trois intrigues en parallèle, jusqu’à ce que le destin réunisse les trois personnages principaux sur la même scène.
Quarante ans après, Le Cynique, l’Infâme et le Violent demeure un savoureux divertissement, un pur plaisir de cinéma Bis, un petit bijou de l’Eurocrime fait évidemment pour remplir le tiroir-caisse, mais avec une redoutable efficacité doublé d’un vrai sens du spectacle populaire.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray et le DVD duCynique, l’Infâme et le Violent, disponible chez The Ecstasy of Films, repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. L’élégante jaquette (réversible) saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de cinéma Bis, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est animé et musical. La tranche de la jaquette indique que ce titre est le numéro 1 de la collection Eurocrime et la sérigraphie du disque arbore les couleurs du drapeau italien.
Pour cette édition limitée, The Ecstasy of Films propose 1h45 de suppléments ! Autant dire que les fans vont être ravis !
On commence par l’entretien avec le réalisateur Umberto Lenzi (22’). Né en 1931, le cinéaste revient tout d’abord sur son amour du film noir américain, ses études au Centro Sperimentale di Cinematografia, ses débuts au cinéma dans le péplum et dans les films de pirates. Puis, Lenzi aborde son travail dans le giallo et le poliziecoavec quelques-uns de ses plus grands succès. Le metteur en scène est visiblement heureux de partager ses souvenirs et de revenir sur la période la plus glorieuse de sa carrière. Evidemment, il n’oublie pas de mentionner les acteurs qu’il a fait tourné à plusieurs reprises, Maurizio Merli et Tomás Milián (« qui avait besoin de se charger avant de tourner »), en insistant sur le fait que les deux comédiens, qui ne pouvaient pas se supporter, ne se sont pas croisés une seule fois sur le plateau du Cynique, l’Infâme et le Violent. Le titre original du film « Insieme per una grande rapina » (Ensemble pour un grand casse), utilisé sur le plateau et même pour la bande-annonce, est gentiment moqué de la part de Lenzi puisque cette idée des producteurs ne correspondait pas du tout au film qu’il était en train de tourner. C’est le réalisateur lui-même qui a ensuite trouvé le titre définitif en s’inspirant bien sûr de Sergio Leone. Ne manquez pas ce rendez-vous bourré d’anecdotes intéressantes.
Réalisée peu de temps avant sa disparition, l’interview de Tomás Milián (13’) est également au programme. Aux côtés d’un chat tranquillement endormi, le comédien passe pas mal de temps à parler (en anglais) de son statut d’immense star en Italie, sur ses collaborations avec les plus grands et son triomphe dans les séries B. Milián s’attarde surtout sur ses diverses collaborations avec Umberto Lenzi, « un réalisateur qui avait besoin de travailler avec moi, car il était sûr de gagner de l’argent ». L’acteur se penche notamment sur sa relation avec le cinéaste, « un rapport amour-haine, car je refusais de faire ce qui ne me plaisait pas ». Dans la dernière partie de cet entretien, Tomás Milián aborde le côté défouloir d’incarner des salauds à l’écran, « cela permet de vider son sac et c’est donc plutôt relaxant », ainsi que sa participation aux dialogues pour ses personnages, en indiquant que chacune de ses trouvailles faisait le bonheur des spectateurs.
C’est avec une grande joie que nous découvrons ensuite un entretien avec le grand John Saxon (16’). Visiblement réalisée pour la télévision allemande, cette interview est étrangement présentée, mais les propos n’en demeurent pas moins spontanés, drôles et toujours intéressants. Tenant toujours la forme à 80 ans, le comédien évoque sa collaboration avec Tomás Milián (« avec qui cela s’est très bien passé »), Maurizio Merli (« qui parlait de lui à la troisième personne et qui était très satisfait de lui-même […] une grande star, mais qui planait un peu »), Umberto Lenzi (« qui criait beaucoup et qui maudissait tout ce qu’il pouvait »). John Saxon se dit surpris par le regain d’intérêt pour le sous-genre polizieco, dont il savait le succès colossal dans les salles, mais qu’il n’allait pas voir au cinéma, préférant les films d’auteurs dans les petites salles souvent éloignées de la ville. Le comédien revient également sur sa carrière en Italie (dont son premier film La Fille qui en savait trop de Mario Bava en 1963) et son attachement pour le pays et sa culture, étant lui-même d’origine italienne.
Le plus long supplément de cette interactivité s’avère l’entretien avec Franco Micalizzi (36’). Le compositeur à qui l’on doit les thèmes de On l’appelle Trinita, Brigade spéciale, Le Cynique, l’Infâme, le Violent, Quand faut y aller, faut y aller et Attention les dégâts revient ici sur l’ensemble de sa carrière et ses rencontres déterminantes. Sa passion pour la musique, ses débuts, ses influences, sa passion pour le jazz, son travail à la maison de disques R.C.A., son arrivée dans l’industrie du cinéma, tous ces sujets sont abordés avec passion par Franco Micalizzi.
Le dernier bonus est une présentation du Cynique, l’Infâme et le Violent par Mike Malloy (11’). S’il recoupe l’essentiel des modules précédents, notre interlocuteur ne manque pas d’imagination pour parler du film qui nous intéresse avec notamment l’apparition d’un fan de Tomás Milián qui tente d’imposer le portrait de son comédien favori au moment où Malloy évoque Merli et Saxon.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale.
L’Image et le son
Alors là, chapeau ! Jusqu’alors inédit en DVD et Blu-ray, Le Cynique, l’Infâme et le Violent déboule en version restaurée et Haute-Définition chez The Ecstasy of Films. Dès le générique d’ouverture (en français), l’image, au format respecté 2.35, affiche une propreté remarquable et une stabilité jamais prise en défaut, la clarté est de mise, les couleurs sont restituées pimpantes, le grain cinéma bien géré, les contrastes riches, le piqué agréable. La définition flatte les mirettes, la compression demeure discrète. C’est superbe ! Le Blu-ray est au format 1080p.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Franco Micalizzi . Elle demeure la plus dynamique du lot, mais également la plus virulente et la plus frontale dans ses dialogues par rapport à son homologue à l’adaptation plus « légère ». La version française DTS HD Master Audio Mono pousse un peu trop les dialogues, légèrement chuintants, au détriment des effets annexes. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
LE CHIEN DES BASKERVILLE (The Hound of the Baskervilles)réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et Blu-rayle 6 décembre 2016 chez The Corporation
Acteurs : Peter Cushing, André Morell, Christopher Lee, Maria Landi, David Oxley…
Scénario : Peter Bryan d’après le roman de Sir Arthur Conan Doyle
Photographie : Jack Asher
Musique : James Bernard
Durée : 1h27
Date de sortie initiale: 1959
LE FILM
S’élevant dans les brouillards de Darmootor, Baskerville Hall se dresse fièrement dans les ténèbres. Son occupant, Charles Baskerville est retrouvé mort sur la lande sauvage dans de mystérieuses circonstances. Sir Charles aurait pu être la victime de la soi-disant « malédiction des Baskerville » selon laquelle une bête mortelle erre dans la campagne environnante. Imperturbable face à cette légende, l’héritier Sir Henry Baskerville décide d’accepter la succession de la famille, sous l’égide du célèbre détective Sherlock Holmes et de son associé le Dr Watson…
Apparu en 1887 dans le roman Une étude en rouge, le personnage de Sherlock Holmes a été le héros de 4 romans et 56 nouvelles signés Sir Arthur Conan Doyle (1859-1930). Ce dernier a également mis en scène son héros dans 3 pièces de théâtre et 2 textes parodiques.
Le Chien des Baskerville est un roman publié dans le Strand Magazine en 1901 et 1902. Pourtant, Sherlock Holmes était mort dix ans plus tôt dans la nouvelle Le Dernier problème (recueil Les Mémoires de Sherlock Holmes). Mais Sir Arthur Conan Doyle cédera aux pressions de ses lecteurs et lui rendra la vie avec cette enquête, devenue la plus célèbre qu’il ait écrite.
Le roman ne s’inscrit pas dans la chronologie des aventures de Holmes, et ne fait aucune référence à la mort supposée du détective. Les lecteurs devront attendre 1903 et la parution de la nouvelle La Maison vide (recueil Le Retour de Sherlock Holmes) pour avoir l’explication de la fausse mort de leur héros.
Le Chien des Baskerville est sans doute l’aventure de Sherlock Holmes qui a connu le plus grand nombre d’adaptations, 9 pour le cinéma (entre 1914 et 1978), 13 pour la télévision (entre 1955 et 2011), sans compter celles réalisées pour la radio, les bandes dessinées et les pièces de théâtre ! L’adaptation qui nous intéresse est mise en scène par le célèbre réalisateur Britannique Terence Fisher (1904-1980), grande figure de la Hammer Film Productions, qui venait de signer Frankenstein s’est échappé (1957), Le Cauchemar de Dracula (1958) et La Revanche de Frankenstein (1958). Après avoir remis au goût du jour (et en couleur) ces quelques monstres qui ont fait les belles heures des Studios Universal dans les années 1930-40, le cinéaste s’attaque au mythe de Sherlock Holmes.
Réalisé en 1959, Le Chien des Baskerville – The Hound of the Baserkervilles reste aujourd’hui un des fleurons du genre et un des films les plus célèbres du studio. Alors qu’il vient d’incarner le Baron Victor Frankenstein, le docteur Van Helsing et Dr Victor Stein dans les trois films mentionnés, l’immense comédien anglais Peter Cushing, qui tournera près d’une quinzaine de fois avec Terence Fisher, prête ses traits singuliers et son immense talent au célèbre détective, rôle qu’il reprendra dix ans plus tard dans la saison 2 d’une série télévisée de la BBC, puis en 1984 dans le téléfilm Les Masques de la mort. Il est l’incarnation idéale du personnage. Son célèbre compère, le Docteur Watson est quant à lui incarné par l’excellent André Morell, vu dans Le Pont de la rivière Kwai et Ben-Hur. Les deux comédiens sont également épaulés par l’illustre Christopher Lee, qui de son côté venait d’incarner à l’écran la créature de Frankenstein et le Comte Dracula, rôles qui l’avaient lancé deux ans plus tôt après une dizaine d’années de figuration.
Merveilleusement photographié en Technicolor par le chef opérateur Jack Asher et mis en musique par James Bernard, deux grands noms de la Hammer, Le Chien des Baskerville est un chef d’oeuvre du genre et également la première adaptation cinématographique en couleur du roman éponyme de Sir Arthur Conan Doyle. Pensé d’abord comme le premier volet d’une nouvelle saga de films consacrés à Sherlock Holmes avec Peter Cushing dans le rôle principal, Le Chien des Baskerville est finalement resté une adaptation unique en raison du mécontentement des cinéphiles adeptes des monstres de la Hammer, qui déploraient alors l’absence de créatures horrifiques. Cela n’empêche pas le film d’être un savoureux whodunit teinté de fantastique, filmé dans des décors gothiques sublimes. Le malaise est palpable dès l’installation particulièrement sadique de dix minutes, qui invite le spectateur à prendre connaissance de l’origine de la malédiction qui pèse sur les Baskerville.
En dépit des digressions avec le roman original, le récit se tient admirablement et tous les éléments fusionnent pour notre plus grand plaisir. Le mystère est prenant, l’atmosphère est suintante à souhait, les couleurs stylisées (mention spéciale aux giclées de sang), les immenses acteurs bouffent l’écran et prennent un évident plaisir à se renvoyer la balle.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du Chien des Baskerville, disponible chez The Corporation, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. A l’intérieur, nous trouvons un livret de 12 pages, proposant la fiche technique du film, les suppléments disponibles sur le disque, ainsi que les adaptations du Chien des Baskerville au cinéma et à la télévision. Le boîtier est glissé dans un surétui qui reprend le même visuel, élégant, de la jaquette. Le menu principal est animé et musical.
Pour cette sortie sur le territoire français du Blu-ray du Chien des Baskerville, The Corporation a repris un documentaire présent sur l’édition HD disponible outre-Manche chez Arrow Films. Il s’agit du Chien des studios Hammer – Release the Hound ! (30’), réalisé en 2015 par Ewan Cant. Composé d’entretiens de l’acteur et écrivain Mark Gatiss, de l’auteur et critique Kim Newman, du troisième assistant-réalisateur Hugh Harlow, de Margaret Robinson, créatrice du masque du chien, ce module ne propose pas vraiment d’analyse sur l’oeuvre qui nous intéresse, mais revient surtout sur la figure de Sherlock Holmes. Certains propos, notamment tout ce qui concerne la création du maquillage du chien, sont vraiment trop longs, l’ensemble manque de rythme et peu d’anecdotes retiennent finalement d’attention. Cocréateur et coproducteur de la série Sherlock (avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman), dans laquelle il interprète également le rôle de Mycroft Holmes, Mark Gatiss s’avère le plus intéressant du lot.
Le trésor de cette interactivité demeure l’interview de Sir Arthur Conan Doyle (11’), réalisée en 1928 par Fox Movietone News, qui constitue l’un des premiers enregistrements synchronisant son et image. L’auteur et scientifique, s’exprime ici sur la création de son personnage mythique, avec un air quelque peu blasé et dépassé par ce succès (selon lui, certains croient même que le détective est une personne réelle) qui l’a contraint à écrire de nouvelles aventures après avoir fait mourir Sherlock Holmes. On sent l’écrivain beaucoup plus heureux de parler de son autre passion, le spiritualisme. Egalement scientifique, Sir Arthur Conan Doyle étudie alors cette branche depuis plus de 40 ans au moment de cet entretien et déclare vouloir y consacrer le reste de sa vie.
Un petit plus pour les amateurs de Sherlock Holmes, l’éditeur joint également un deuxième film consacré aux aventures de notre cher détective. Il s’agit de Silver Blaze ou Murder at the Baskervilles, Sherlock Holmes contre Moriarty dans nos contrées. D’une durée de 65 minutes, ce film est l’adaptation de la nouvelle Flamme d’argent, écrite en 1892 par Sir Arthur Conan Doyle pour le Strand Magazine, puis publiée dans le recueil Les Mémoires de Sherlock Holmes. Proposé comme une suite du Chien des Baskerville, ce film introduit les personnages de Sir Henry Baskerville, ainsi que le professeur Moriarty. C’est également le dernier d’une série de cinq films adaptés des aventures de Sherlock Holmes où Arthur Wontner joue le rôle du détective. Le favori d’un grand steeple est enlevé la veille de la course : le jockey et l’entraîneur sont trouvés assassinés. Sherlock Holmes est chargé de découvrir l’auteur de cette tragédie qui n’est autre que son ennemi Moriarty à qui il doit laisser la vie sauve en échange de celle du maladroit professeur Watson, tombé entre ses mains.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale et sur les cinq premières minutes de la version du Chien des Baskerville réalisée en 1939 par Sidney Lanfield, avec Basil Rathbone et Nicgel Bruce.
Dommage que l’éditeur n’ait pas pu récupérer les droits de l’interview de Christopher Lee sur le film, ainsi que deux extraits du roman lu par ce dernier.
L’Image et le son
Ce master HD 1.66 (16/9) au format 1080p du Chien des Baskerville présente une propreté quasi-irréprochable et les mêmes particularités que le Blu-ray Arrow. La magnifique photographie du film est signée par Jack Asher (Les Deux visages du Dr Jekyll, Les Maîtresses de Dracula, La Malédiction des pharaons), qui fait la part belle aux éclairages rouges, marrons, verts, roux, que l’on croirait parfois inspirés par certaines oeuvres du Caravage. Les décors gothiques bénéficient d’un nouveau relief et certains détails inédits sont appréciables. Les contours peuvent manquer de précision, même si les gros plans sont bien restitués. Les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux. Un léger grain cinéma est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image, les contrastes paraissent raffermis et équilibrés, le piqué est souvent plaisant. Le codec AVC consolide l’ensemble avec brio et évite au maximum les fourmillements intempestifs, surtout sur les nombreuses scènes sombres, tandis que les fondus enchaînés demeurent fluides, sans décrochages. Un nouvel écrin idéal pour redécouvrir ce chef-d’oeuvre de la Hammer, présenté ici dans les meilleures conditions techniques à ce jour, à défaut d’être réellement optimales, à l’instar de la profondeur de champ qui déçoit quelque peu.
En anglais comme en français, les deux mixages sont proposés en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Ces deux options acoustiques s’avèrent dynamiques et limpides, avec une belle restitution des dialogues et de la musique. Les effets sont solides bien que certains paraissent plus étouffés, mais le confort est assuré. Pas de souffle constaté. Au jeu des différences, la version originale l’emporte car plus riche et précise, même si son homologue s’avère peut-être plus propre. Mais cette dernière se focalise trop sur le report des voix et le doublage laisse quelque peu à désirer. Dans les deux cas, l’écoute demeure très correcte, parfois chuintante, sans véritable souffle parasite.
GENEALOGIES D’UN CRIMEréalisé par Raoul Ruiz,disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 novembre 2016 chez Blaq Out
Acteurs : Catherine Deneuve, Michel Piccoli, Melvil Poupaud, Andrzej Seweryn, Bernadette Lafont, Mathieu Amalric…
Scénario : Pascal Bonitzer, Raoul Ruiz
Photographie : Stefan Ivanov
Musique : Jorge Arriagada
Durée : 1h57
Date de sortie initiale: 1997
LE FILM
Jeanne, une analyste freudienne, croit voir dans son neveu, âgé de cinq ans, des tendances homicides. Or elle sait que – selon un mot de Freud – à l’âge de cinq ans « tout est joué » pour tout individu. Elle décide donc d’étudier l’évolution inexorable de ses penchants criminels, jusqu’au moment où il commet le crime tant attendu : il tue sa tante, seule personne à connaître ses penchants. Le jeune criminel, René, est défendu par Solange, une avocate qui cherchera à démonter les mécanismes du jeu subtil auquel se sont livrés la victime et le futur criminel, pendant plus de dix ans. Peu à peu, le jeune homme commence à voir dans l’avocate, sa tante morte. Et l’avocate voit dans le jeune homme, son propre fils, mort dans un accident. Voilà donc que le fantôme de Jeanne, la victime, s’incarne dans Solange, l’avocate, pour ainsi peut-être donner une nouvelle chance au jeune criminel.
Généalogies d’un crime de Raoul Ruiz (1941-2011) n’est pas du cinéma mais LE Cinéma, libre, inventif, rafraîchissant. Véritable jeu de pistes, mais aussi jeu de reflets, de mots, d’ombres, de miroirs sans tain et teinté de peinture, jouant avec virtuosité avec la caméra (sans cesse en mouvement), les récits et époques (d’où le pluriel du titre) entrelacées de manière vertigineuse, nous sommes bien devant une œuvre, un chef d’oeuvre du réalisateur franco-chilien et conteur baroque par excellence. Impossible de résumer Généalogies d’un crime tant le film regorge de tiroirs, de fantasmes, de non-dits, de mensonges, de points de vue, parfois tout cela pendant une même séquence.
Magnifiquement mise en scène, photographiée par Stefan Ivanov et bercée par la splendide composition de Jorge Arriagada (Les Femmes du 6e étage), cette histoire renversante s’amuse avec les spectateurs en lui faisant croire que ce qu’il voit est réel ou inventé au cours du récit. Dès la première séquence introduite par la citation de Saint-Just « Rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime », le cinéaste happe l’attention du spectateur et ne le relâchera pas une seconde pendant près de deux heures, en démontrant que l’histoire – ici inspirée par la véritable affaire Hermine Von Hug-Hellmuth – n’est finalement qu’un éternel recommencement et que les êtres humains ne sont que des pantins manipulés par une force qui les domine.
Après La Vocation suspendue (1977) et Trois vies et une seule mort (1995), Pascal Bonitzer et Raoul Ruiz collaborent à nouveau pour offrir un formidable et jubilatoire drame-policier bourré d’humour, un film inclassable qui jongle constamment avec les genres et qui offre à tous ses magnifiques comédiens, Catherine Deneuve (blonde et rousse, sublime), Melvil Poupaud, Michel Piccoli (magistral), Bernadette Lafont, Mathieu Amalric et même Patrick Modiano dans une courte apparition, l’occasion de briller et surtout de s’amuser au jeu du chat et de la souris, dont les rôles ne font que s’inverser sans cesse, à travers une intrigue de plus en plus hermétique qui n’est pas sans rappeler l’univers de Raymond Chandler.
Certes, Généalogies d’un crime peut laisser (et lasser) quelques spectateurs en cours de route avec son ton dispersé et unique et qui n’appartient qu’à son auteur, mais ceux qui voudront bien se laisser emporter par ce brillant exercice de style, à la fois intellectuel, psychologique, littéraire et populaire, ne le regretteront pas, surtout que le twist final s’avère remarquable et l’on demeure ravi de s’être fait manipuler et surtout d’avoir joué. Réalisé entre Trois vies et une seule mort (1995) et Le Temps retrouvé (1998) d’après Marcel Proust, Généalogies d’un crime a obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin en 1997.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Généalogies d’un crime, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, fixe et musical.
Seul supplément disponible sur cette édition Blu-ray, l’interview de Raoul Ruiz (25’), réalisée par Philippe Piazzo en juin 2009. A l’instar de ses films, le réalisateur entrecroise les sujets, parle de la magie, de l’art de s’échapper, de littérature, de l’évolution du cinéma, du numérique, de son style, de ses « collections d’apocalypses », de faits à accomplir. Il n’est pas interdit de se perdre au fil de cette interview, illustrée par des extraits tirés de plusieurs de ses films. C’est non seulement conseillé, mais également inévitable.
L’Image et le Son
Généalogies d’un crime est disponible en Haute-Définition, dans un master restauré à 2K par l’incontournable Immagine Ritrovata de la Cinémathèque de Bologne. La propreté de l’image de ce Blu-ray (1080p, AVC) flatte les mirettes, d’autant plus que les couleurs retrouvent une belle vivacité, notamment les bleus, quasiment omniprésents. En dehors de divers plans plus ternes, le relief est palpable, y compris sur les plans en intérieur, tout comme le piqué, vif et acéré. Les noirs sont denses, les contrastes solides, et les superbes partis pris de la photo du chef opérateur Stefan Ivanov trouvent ici l’écrin idéal avec le grain respecté.
Que ce soit en DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, le confort acoustique est indéniable. La musique est doucement spatialisée, les dialogues bien installés sur la centrale et les effets riches sur les frontales à l’instar de la pluie en ouverture. Si la Stéréo est évidemment plus « plate », elle s’avère tout aussi dynamique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli d’après le roman La Femme du dimanche (La Donna della domenica) de Carlo Fruttero et Franco Lucentini
Photographie : Luciano Tovoli
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h45
Date de sortie initiale: 1975
LE FILM
Garrone, un riche et célèbre architecte turinois, a été retrouvé chez lui, brutalement assassiné à l’aide d’un phallus en pierre retrouvé sur les lieux. L’inspecteur Santamaria est chargé de l’enquête. Originaire d’une famille modeste du sud de l’Italie, il navigue avec difficulté dans la haute bourgeoisie de Turin. Les suspects sont nombreux : Anna-Carla Dosio, la veuve désoeuvrée d’un industriel, oisive et séduisante, Massimo Campi, un ami homosexuel de Garrone et Lello Riviera, son amant, un petit fonctionnaire, sont tour à tour soumis aux questions pertinentes de Santamaria. L’assassinat de Riviera, qui menait sa propre enquête, brouille les pistes…
Dans les années 1970, le réalisateur Luigi Comencini a déjà bien entamé la cinquantaine et met les bouchées doubles. Loin des comédies de mœurs mégères qui ont fait sa renommée dans les années 1950-60, le cinéaste mythique de Pain, Amour et Fantaisie, Mariti in città, À cheval sur le tigre, Le Commissaire, La Ragazza, L’Incompris, Casanova, un adolescent à Venise et bien d’autres chefs-d’oeuvre entame une décennie placée sous le titre de la réflexion sur la dégradation des rapports entre individus, la bassesse de l’être humain, l’amertume et la haine qui a pourri toutes les couches sociales comme une véritable gangrène. Sur le fil entre le divertissement populaire et le drame policier ironique, La Femme du dimanche est le parfait reflet de la désillusion du cinéaste transalpin qui transparaît derrière les échanges des protagonistes, désabusés et dépassés par une enquête où tout le monde ou presque pourrait être le meurtrier d’un minable architecte libidineux et mondain, retrouvé le crâne fracassé par…un phallus en pierre.
Corrosif, La Femme du dimanche – La Donna della domenica l’est assurément. Passionnant ? Peut-être dans les débats qu’il entraîne après visionnage, beaucoup moins pendant à cause d’un rythme souvent poussif et inégal. Cette méditation amère et désenchantée – mais trop bavarde – sur les rapports de classe et la petite bourgeoisie mesquine peut tout d’abord apparaître froide, mais c’est sans compter sur le génie de Comencini qui ne nous jette pas une explicite radiographie des rapports sociaux sous les yeux. En vieux briscard et croyant en l’intelligence du spectateur, Comencini fait confiance à son audience pour décrypter ce qu’il y a au-delà, tout en respectant le livre phénomène de Carlo Fruttero et Franco Lucentini, adapté par le célèbre duo Age & Scarpelli. C’est là toute l’acuité d’un réalisateur arrivé au sommet de son art qui utilise l’art cinématographique comme objet d’analyse puisque le temps du divertissement – l’enquête n’intéresse pas Comencini – semble révolu. Mais le film vaut aussi pour son incroyable casting qui réunit Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset.
Le premier est comme d’habitude parfait dans le rôle de Santamaria, le flic chargé de l’enquête. Officier méridional, il regarde le monde turinois d’un œil narquois. Ses premiers soupçons se portent sur la séduisante Anna Carla Dosio, campée par la magnifique Jacqueline Bisset. Elle est l’auteur d’une lettre où elle disait vouloir se débarrasser de Garrone, l’architecte assassiné. Mais c’est en réalité toute la bonne société et la grande bourgeoisie de la ville qui vont bientôt se retrouver dans son collimateur, pour une enquête sulfureuse où il sera question de jalousie, de prostitution et d’homosexualité. C’est là que rentre en scène Massimo Campi (Trintignant, superbe), ami et confident d’Anna Carla, qui vit secrètement avec un homme dans sa garçonnière.
Le réalisateur s’amuse à dépeindre des bourgeois décadents qui s’ennuient – ils passent leur temps à prononcer Boston à l’anglaise plutôt qu’à l’italienne – et qui profitent de la mort d’autrui pour en tirer du plaisir en jouant notamment à l’apprenti détective. C’est le cas d’Anna Carla, qui n’hésite pas à interférer dans l’enquête de Santamaria, quelque peu dépassé par les événements et les dessous insoupçonnés d’une ville corrompue. Il est aidé par son collègue De Palma (hilarant Pino Caruso), seul personnage vraiment attachant de toute cette cohue. Réalisé entre Les Aventures de Pinocchio (1975) et le film à sketchs Mesdames et messieurs bonsoir (1976), La Femme du dimanche n’est sans doute pas un grand Comencini, mais reste symbolique du cinéma italien qui n’hésitait pas à s’engager derrière les apparences de la comédie ou du film de genre, par ailleurs merveilleusement mis en musique ici par le maestro Ennio Morricone aux accents de giallo qui remplissait alors les salles. Mais mineur ou pas, La Femme du dimanche demeure une sympathique curiosité à connaître absolument.
LE DVD
Le DVD disponible chez Tamasa Diffusion repose dans un slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 12 pages illustré et signé Jean A. Gili, critique cinématographique et historien du cinéma, spécialisé dans le cinéma italien. En guise d’interactivité nous trouvons une galerie de photos et d’affiches, ainsi que la bande-annonce. Aucune trace des filmographies mentionnées sur le verso. Le menu principal fixe et musical.
L’Image et le son
Posséder La Femme du dimanche en DVD était inespéré. Le film de Luigi Comencini renaît donc de ses cendres chez Tamasa dans une copie – présentée dans son format 1.66 – d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, sont ravivées, le master est propre, immaculé, stable, les noirs plutôt concis et les contrastes homogènes. Hormis divers moirages, le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ permettent d’apprécier la ville de Turin présentée sous tous les angles, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Luciano Tovoli (Suspiria, Nous ne vieillirons pas ensemble) sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci Tamasa !
Seule la version originale aux sous-titres français (peu élégants) amovibles est disponible. Ce mixage demeure consistant et le souffle aux abonnés absents. Comme de coutume, la bande-son a été entièrement retravaillée en post-production, d’autant plus que Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset ne parlaient évidemment pas italien. On peut d’ailleurs repérer que Marcello Mastroianni donne la réplique en français à Trintignant.
LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT (The New Centurions) réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVD le 9 novembre 2016 chez Carlotta Films
Acteurs : George C. Scott, Stacy Keach, Jane Alexander, Scott Wilson, Rosalind Cash, Erik Estrada…
Scénario : Stirling Silliphant, d’après le livre de Joseph WambaughThe New Centurions
Photographie : Ralph Woolsey
Musique : Quincy Jones
Durée : 1h43
Date de sortie initiale: 1972
LE FILM
De nouvelles recrues font leur entrée dans un commissariat de Los Angeles, parmi lesquelles Roy Fehler, étudiant en droit entré dans la police pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fait équipe avec Andy Kilvinski, vieux briscard engagé dans la police depuis 23 ans, qui lui apprend toutes les ficelles du métier. Roy devient vite accro à la rue et à ses dangers, et délaisse peu à peu ses études et sa famille…
Richard Fleischer (1916-2006) a déjà plus de trente longs métrages à son actif lorsqu’il réalise Les Flics ne dorment pas la nuit – The New Centurions en 1972. Le film est adapté du best-seller de Joseph Wambaugh, ancien membre de la police de Los Angeles, qui parallèlement à sa carrière écrivait en secret des récits policiers inspirés de son propre quotidien. Après avoir trouvé un éditeur et tout en continuant son travail dans la police, Joseph Wambaugh devient immédiatement un écrivain à succès. Dès sa publication, le livre The New Centurions est un immense succès et le monde du cinéma ne tarde pas à lui faire les yeux doux pour acquérir les droits. Les producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler (On achève bien les chevaux, Le Point de non-retour) se mettent d’accord avec Joseph Wambaugh et le scénario est confié au talentueux Stirling Silliphant (Nightfall, La Ronde du crime, Dans la chaleur de la nuit). Le cinéaste Richard Fleischer vient d’enchaîner trois films en 1971, L’Etrangleur de Rillington Place, Les Complices de la dernière chance et Terreur aveugle, quand il signe pour Les Flics ne dorment pas la nuit. Il retrouve George C. Scott après Les Complices de la dernière chance, qui donne la réplique à Stacy Keach, qui venait de tourner dans le superbe Fat City de John Huston.
Les Flics ne dorment pas la nuit est une chronique qui plonge les spectateurs dans l’implacable quotidien d’une unité de police de Los Angeles. Le vétéran Andy Kilvinski (George C. Scott, immense) doit former Roy Fehler (Stacy Keach, superbe), lui apprendre les ficelles du métier, les patrouilles dans les rues mal famées et les réflexes. Le jeune homme, étudiant en droit, qui s’est engagé dans la police pour gagner de quoi faire vivre sa femme et sa petite fille, apprécie cette nouvelle vie. Grisé par l’adrénaline du monde de la nuit et de la rue, Roy délaisse peu à peu ses études, puis oublie parfois de rentrer chez lui. Il devient flic et il aime ça. Lassée de ne plus le voir, anxieuse de savoir sa vie en danger, sa femme le quitte et Roy sombre dans la dépression et l’alcool. De son côté, Kilvinski part à la retraite. Mais peut-on vraiment raccrocher quand on a été flic pendant un quart de siècle ?
Redoutablement pessimiste, sombre, mais jamais désespéré ou morbide, Les Flics ne dorment pas la nuit dresse le portrait d’hommes attachants, des simples flics qui se donnent corps et âme à leur métier, que certains n’ont pas choisi ou d’autres qui au contraire sont nés avec cette vocation. Le danger et même la mort peuvent frapper à chaque coin de rue, ils sont conscients de cela, mais la passion prend souvent le pas, d’autant plus que la plupart des flics n’ont pas de vie en dehors de leur job. Ils ont souvent été largués par celle qu’ils aimaient ou n’ont tout simplement pas eu le temps de fonder une famille à cause de ce travail qui les accapare de jour comme de nuit. Après des années de fiers et loyaux services, la descente peut être brutale, voire fatale pour certains.
Soutenu par le scénario en béton de Stirling Silliphant qui fonctionne de manière elliptique, Richard Fleischer met comme d’habitude un point d’honneur à être le plus réaliste possible avec une dimension toujours quasi-documentaire, en s’attachant aux petits détails qui cumulés font le quotidien de ces quelques officiers de police, entre moments légers (le ramassage des prostituées) et très violents (la séquence avec le bébé maltraité par une mère alcoolique). Des policiers, premiers témoins d’un monde au bord du gouffre dans lequel des actes terribles sont maintenant commis par des gens « normaux ».
Filmé en décors naturels dans les rues de Los Angeles, principalement de nuit, The New Centurions est non seulement un sublime et passionnant objet de cinéma, grave, intelligent (le réalisateur refuse le spectaculaire), profond, mais sans nul doute un des plus grands films policiers, ou plutôt un drame policier mélancolique et crépusculaire, des années 1970. La musique de Quincy Jones, la photographie de Ralph Woolsey (L’Ultime randonnée de Sidney J. Furie), un montage toujours au cordeau, ici réalisé par Robert C. Jones (Love Story, Devine qui vient dîner ?, Un monde fou, fou, fou, fou), la virtuosité de Richard Fleischer et l’excellence de l’interprétation, tout contribue à faire des Flics ne dorment pas la nuit un saisissant chef d’oeuvre du genre.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray des Flics ne dorment pas la nuit, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Comme sur les Blu-ray de Terreur aveugle et de L’Etrangleur de Rillington Place, Les Flics ne dorment pas la nuit s’accompagne d’une préface (7′30) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant Les Flics ne dorment pas la nuit puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film et révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, grand admirateur et fasciné par le cinéma de Richard Fleischer, avoue d’emblée que c’est un film qu’il adore et qu’il s’agit pour lui d’un des très grands films américains des années 1970. Il croise ensuite le fond avec la forme, évoque le casting, le roman de Joseph Wambaugh, le côté visionnaire de cette œuvre qui traite entre autres des bavures policières. Une excellente présentation !
Après Christophe Gans et Fabrice Du Welz, c’est au tour de l’excellent Nicolas Boukhrief (Le Convoyeur, Cortex, Gardiens de l’ordre, Made in France) de se pencher sur une œuvre de Richard Fleischer (25’). Grand admirateur du cinéaste, Nicolas Boukhrief commence cette intervention en indiquant que Richard Fleischer n’a malheureusement jamais eu la reconnaissance qu’il méritait de son vivant et même encore aujourd’hui. Selon lui, Fleischer fait partie de ces réalisateurs, comme Robert Wise ou Franklin J. Schaffner, qui n’étaient pas considérés comme des auteurs à part entière, qui ont toujours su s’adapter aux films que les studios leur proposaient, sans pour autant avoir le soutien qu’ils méritaient et ce malgré les grands succès à leur actif. Nicolas Boukhrief en vient ensuite au film qui nous intéresse, Les Flics ne dorment pas la nuit, titre français qu’il trouve d’ailleurs très poétique, qu’il a découvert il y a quelques années seulement. Le fond et la forme s’entrecroisent à travers un exposé brillant et passionné qui met en relief le caractère prophétique de cette œuvre sur la situation politique et sociale des Etats-Unis, mais aussi sur l’évolution du genre policier au cinéma ainsi qu’à la télévision.
La pièce centrale de cette interactivité demeure le module intitulé Cop Stories (44’), qui croise les entretiens de Joseph Wambaugh (auteur du livre dont le film est l’adaptation), le comédien Stacy Keach, Richard Kalk (conseiller technique) et Ronald Vidor (assistant opérateur). En introduction, un carton indique que certains éléments majeurs de l’intrigue, y compris le dénouement du film sont dévoilés et analysés. A ne visionner qu’après avoir (re)vu le film donc. Joseph Wambaugh revient sur son parcours atypique, flic de la ville de Los Angeles devenu écrivain, qui est d’ailleurs resté dans les forces de l’ordre jusqu’en 1974 alors que son roman Les Nouveaux Centurions – The News Centurions était devenu un best-seller en 1971. Dans un premier temps, Joseph Wambaugh évoque ses débuts dans l’écriture, ce qui a nourri son premier roman (son quotidien et les émeutes de Watts), la psychologie de ses trois personnages principaux (Sergio Duran, Gus Plebesly et Roy Fehler), le grand succès du livre et l’achat des droits pour le cinéma par les producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler. C’est là qu’intervient Richard Kalk, son confrère dans la police, qui devient alors le conseiller technique sur le film de Richard Fleischer. Puis, Stacy Keach et Ronald Vidor interviennent à tour de rôle pour raconter diverses anecdotes liées au tournage. Tout ce beau petit monde parle de la direction d’acteurs de Richard Fleischer, du casting, de l’entraînement des comédiens pendant quinze jours dans une Police Academy, des conditions des prises de vues (parfois dans des quartiers mal famés), du succès dans les salles. Un documentaire rétrospectif souvent passionnant et très bien réalisé.
A une époque où la vidéo n’existait pas ou à peine dans les années 1960-1970, les studios américains proposaient pour voir chez soi et au format Super 8 ou 8mm, des extraits de leurs longs métrages ou le film entier condensé en une seule bobine ! Carlotta Films a mis la main sur un petit trésor singulier, le transfert du film Les Flics ne dorment pas la nuit condensé en 17 minutes et au format Super 8. Cet élément d’époque a été scanné en HD. La qualité et les imperfections sont évidemment dues au format original et les séquences sont en version originale sous-titrées en français.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le chef d’oeuvre de Richard Fleischer fait peau neuve chez Carlotta Films et en Blu-ray s’il vous plaît ! The New Centurions est un film dont l’action se déroule principalement de nuit. Ces scènes parfois sombres sont merveilleusement rendues avec ce master HD restauré en 2K et nettoyé de toutes défectuosités. Mis à part un générique un poil tremblant, les contrastes du chef opérateur Ralph Woolsey, retrouvent toute leur richesse et les ambiances froides épousent parfaitement les teintes plus ambrées des éclairages naturels. Certaines scènes s’accompagnent parfois d’un grain cinéma plus appuyé mais équilibré et fort attrayant. Les nombreux points forts de cette édition demeurent la beauté des gros plans, la propreté immaculée du master et le relief des scènes en extérieur jour avec des détails plus flagrants. Quelques fléchissements de la définition restent inhérents aux conditions de prises de vues originale, avec un aspect très documentaire, qui captent des instantanés de vie. Enfin, le film est proposé dans son format d’origine 2.35.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 sont propres, efficaces et distillent parfaitement la musique de Quincy Jones. La piste anglaise ne manque pas d’ardeur et s’avère la plus équilibrée du lot. Au jeu des différences, la version française se focalise trop sur les dialogues au détriment de certaines ambiances et effets annexes. Aucun souffle constaté sur les deux pistes. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.