MISSISSIPPI BURNING réalisé par Alan Parker, disponible en DVD et Blu-ray le 12 mai 2020 chez L’Atelier d’Images
Acteurs : Gene Hackman, Willem Dafoe, Frances McDormand, Brad Dourif, Michael Rooker, R. Lee Ermey, Gailard Sartain, Stephen Tobolowsky…
Scénario : Chris Gerolmo
Photographie : Peter Biziou
Musique : Trevor Jones
Durée : 2h07
Date de sortie initiale : 1988
LE FILM
1964. Trois militants d’un comité de défense des droits civiques disparaissent mystérieusement dans l’État du Mississippi. Deux agents du FBI, Ward et Anderson, aux méthodes opposées mais complémentaires sont chargés de l’enquête. Très vite leurs investigations dérangent et des violences sur fond de racisme éclatent dans cette ville où le Ku Klux Klan attise les haines et la violence…
Lorsqu’il réalise Mississippi Burning en 1988, Alan Parker est déjà un cinéaste confirmé avec des films éclectiques. Il commence sa carrière en 1976 avec Du rififi chez les mômes – Bugsy Malone, où il parodie, sous forme d’hommage, les films de gangsters des années 1920/1930, en mettant en scène uniquement des enfants. Deux ans plus tard, sort sur les écrans Midnight Express, film sur l’histoire véridique de William Hayes arrêté et emprisonné en Turquie, qui vaudra à Alan Parker une nomination pour l’Oscar du meilleur réalisateur. Ensuite, il met en scène le film musical Fame, le drame L’Usure du temps – Shoot the Moon, puis The Wall, fondé sur le double album conceptuel du groupe Pink Floyd, Birdy l’adaptation du roman de William Wharton et enfin Angel Heart avec Robert De Niro et Mickey Rourke.
LE BATEAU PHARE (The Lightship) réalisé par Jerzy Skolimowski, disponible en DVD et Blu-ray le 2 juillet 2019 chez L’Atelier d’images & Malavida Films
Acteurs : Klaus Maria Brandauer, Robert Duvall, Robert Costanzo, Tim Phillips, Badja Djola, Tom Bower, Calvin Caspary, William Forsythe…
Scénario : Siegfried Lenz, William Mai, David Taylor
Photographie : Charly Steinberger
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Le Capitaine Miller, récupère son fils adolescent, Alex, des mains de la police. De retour sur le Hatteras, un bateau-phare ancré au large des côtes de Virginie, l’équipage recueille trois hommes dérivant dans leur canot endommagé…
Avec Le Bateau phare – The Lightship, le réalisateur polonais Jerzy Skolimoswki (Travail au noir, Deep End, Essential Killing) signe l’une de ses rares incursions dans le cinéma hollywoodien. Marqué par une narration trouble, une atmosphère étrange, un montage surprenant, une musique très 80ies qui crée un décalage et porté par un casting parfait avec Klaus Maria Brandauer et Robert Duvall en tête d’affiche, Le Bateau phare, adapté d’un roman de Siegfried Lenz et récompensé par le Prix Spécial du Jury à la 42e Mostra de Venise, agrippe littéralement le spectateur dès les premières séquences, pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin.
LES FAUCONS DE LA NUIT (Nighthawks) réalisé par Bruce Malmuth,disponible en DVD et Blu-rayle 4 septembre 2018 chez L’Atelier d’images
Acteurs : Sylvester Stallone, Rutger Hauer, Billy Dee Williams, Lindsay Wagner, Persis Khambatta…
Scénario : David Shaber
Photographie : James A. Contner
Musique : Keith Emerson
Durée : 1h33
Date de sortie initiale: 1981
LE FILM
Wulfgar, le terroriste le plus redouté d’Europe, annonce son arrivée à New York de façon explosive. Deke DaSilva de la brigade anti-terroriste se voit alors confier une mission quasiment impossible : le traquer et l’appréhender avant qu’il ne frappe à nouveau…
Propulsé star internationale du jour au lendemain après le triomphe critique et public de Rocky, Sylvester Stallone décide immédiatement de ne pas rester enfermé dans ce rôle. Il enchaîne avec FIST de Norman Jewison, puis joue et réalise La Taverne de l’enfer – Paradise Alley, sa première mise en scène. Les deux films sont des échecs. Pour se refaire, il écrit, réalise et interprète la suite de Rocky en 1979, grâce auquel il renoue avec le succès. Il reçoit ensuite le scénario – un temps envisagé pour un troisième French Connection ! – des Faucons de la nuit, encore intitulé A.T.A.C., qui signifie Anti-terrorist Action Command, titre finalement laissé de côté en raison de la sortie précédente de F.I.S.T. Gary Nelson, réalisateur d’Un vendredi dingue, dingue, dingue (1976), du Trou noir (1979) et de moult séries télévisées est alors choisi pour mettre en scène le film. Seulement voilà, il est renvoyé une semaine après le début des prises de vues en raison de divergences artistiques avec Sylvester Stallone et les producteurs. Si dans un premier temps le comédien reprend le flambeau, le syndicat de la DGA (la Directors Guild of America) s’en mêle et interdit que le comédien remplace Gary Nelson. Le cinéaste Bruce Malmuth est alors engagé, tandis que Sylvester Stallone reprend le scénario pour l’arranger à sa sauce. Le tournage reprend. Au montage, le personnage de Lindsay Wagner est quasiment évincé du récit et tout est fait pour mettre la star en valeur. A sa sortie, Les Faucons de la nuit – Nighthawks est un échec commercial important. Près de quarante ans après, ce thriller quelque peu bancal, est pourtant toujours aussi divertissant et mérite d’être reconsidéré.
Heymar ‘Wulfgar’ Reinhardt, terroriste international, pose une bombe à Londres puis il vient à Paris y subir une opération de chirurgie esthétique. Peu après, il s’envole pour New York où il a l’intention de mettre la ville à feu et à sang. Interpol forme, in extremis, une brigade anti-Wulfgar. Le policier new-yorkais Deke DaSilva, ancien de la guerre du Viêt Nam n’est pas satisfait de la proposition de ses supérieurs qui désirent le muter dans une section antiterroriste car il aime son travail. On réserve le même sort à son collègue de travail et ils seront rapidement obligés de livrer bataille.
Désireux de montrer qu’il peut interpréter autre chose que Rocky, Sylvester Stallone décide tout d’abord de changer de tête et de look. Visiblement très inspiré par Serpico de Sidney Lumet, Sly se fait donc la coupe et la barbe d’Al Pacino, adopte la démarche chaloupée de John Travolta dans La Fièvre du samedi soir et s’en va déloger les caïds dans leurs repaires miteux des bas-fonds de New York. S’il n’y a rien à redire sur sa performance, on pourra tiquer en revanche sur ses partis pris de faire apparaître son personnage déguisé en vieille dame afin d’attirer la racaille. Si le film est également resté célèbre, c’est aussi pour sa dernière séquence qui tire légèrement vers le nanar, durant laquelle DaSilva décide une fois de plus de se grimer en femme (décidément) avec perruque longue et chemise de nuit, pour tromper Wulfgar, bien décidé à assassiner la compagne de son adversaire. Si l’on excepte ces fautes de goût, alors Les Faucons de la nuit reste une bonne série B ponctuée par quelques moments d’anthologie.
La poursuite dans le métro (mise en scène par Stallone) n’est pas sans rappeler celle de French Connection, toutes proportions gardées bien sûr, la séquence de la discothèque est aussi rondement menée, excellemment photographiée et mise en scène. Sylvester Stallone est bourré de charisme, même s’il peut parfois en faire des caisses, son acolyte Billy Dee Williams (Lando Calrissian dans L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi) ne joue pas les faire-valoir, Lindsay Wagner, bien que peu présente à l’écran, est sublime. C’est aussi l’une des rares occasions de voir Sylvester Stallone se faire voler littéralement la vedette, ici par Rutger Hauer dans sa première incursion hollywoodienne, où il crève littéralement l’écran. Si le premier acte met un peu de temps à se mettre en place et pâtit d’un humour maladroit, d’un aller-retour entre les deux personnages principaux à travers un montage peu inspiré et au rythme en dents de scie, le second instaure une prenante chasse à l’homme, qui se clôt dans un dernier acte rendu célèbre pour sa prise d’otages d’une délégation des Nations Unies dans le Roosevelt Island Tramway au-dessus de l’East River.
En dépit d’un prologue – involontairement – amusant et d’un final quelque peu grotesque, Les Faucons de la nuit est et demeure un polar urbain tendu bien emballé et interprété, typique de son époque, des décors aux costumes (aaah les pattes d’eph!) en passant par son excellente B.O. signée Keith Emerson, que l’on a plaisir à revoir.
LE BLU-RAY
Après être passé tour à tour chez Universal, Lancaster puis Seven7, Les Faucons de la nuit atterrit dans l’escarcelle de L’Atelier d’images où il est enfin choyé puisque l’éditeur reprend les bonus et le même master disponibles chez Shout ! Factory, en agrémentant le tout d’un véritable cadeau pour les admirateurs de Stallone. Le disque repose dans un sublime Steelbook au visuel clinquant, mettant en valeur un Sly barbu et taciturne. Le menu principal est animé et musical.
Plus de 90 minutes de suppléments et sept entretiens !
On commence par le plus « dispensable », autrement dit l’interview du conseiller technique Randy Jurgensen (11’). L’intéressé cherche quelque peu ses mots, mais indique néanmoins pourquoi et comment Gary Nelson a été purement et simplement viré du tournage des Faucons de la nuit après une semaine de prises de vue. Ce qui a également entraîné son éviction du plateau puisque Randy Jurgensen était le consultant de Gary Nelson.
Place au producteur Herb Nanas (16’) ! S’il n’apparaît pas à l’écran puisqu’il s’agit ici d’un entretien téléphonique diffusé sur une photo fixe tirée du film, le producteur, qui fut également le manager personnel de Sylvester Stallone avant même qu’il tourne son premier Rocky, partage ses souvenirs avec entrain. La genèse des Faucons de la nuit, l’arrivée de Sly sur le projet, les intentions du film, le directeur de la photo James A. Contner, le casting (Nanas avait repéré Rutger Hauer dans Soldier of Orange de Paul Verhoeven), l’éviction de Gary Nelson, l’investissement de Stallone dans les scènes d’action, le rôle de Lindsay Wagner sacrifié au montage, sans oublier quelques anecdotes de tournage, Herb Nanas est prolixe et son intervention ne manque sûrement pas d’intérêt.
Plus courte est l’interview de la comédienne canadienne Catherine Mary Stewart (4’30). La ravissante actrice interprète le court rôle de la vendeuse rencontrée par Rutger Hauer dans une boutique londonienne au début du film. Elle évoque son audition en présence de Sylvester Stallone («Il était tout petit ! ») et partage quelques souvenirs liés au tournage avec Rutger Hauer, qui lui faisait peur et qui était à fond dans son personnage.
L’interview suivante démontre quel grand film ambitieux aurait pu être Les Faucons de la nuit. L’auteur Paul Sylbert, enregistré l’année de sa mort en 2016, revient en détails sur son histoire originale rejetée par les studios en raison de son réalisme (10’). Paul Sylbert aborde ses recherches réalisées dans les années 1970 sur le terrorisme, en particulier sur les actions de Carlos aka Le Chacal. Le sujet était alors très sombre et préméditait même huit ans avant, la prise d’otages de l’OPEP par Carlos en décembre 1975 à Vienne. Après avoir finalement repris son histoire (« car les studios chiaient dans leur froc »), qui atterrira ensuite dans d’autres mains, Paul Sylbert, dégoûté, reprendra finalement son activité de chef décorateur.
L’intervention la plus passionnante, la plus complète et la plus franche provient du directeur de la photographie James A. Contner (25’). Aujourd’hui réalisateur, le chef opérateur, ancien assistant et caméraman sur Superman de Richard Donner et Que le spectacle commence de Bob Fosse, aura fait ses débuts fracassants avec Cruising – La Chasse de William Friedkin et signera également les photos des Dents de la mer 3 et Incidents de parcours de George A. Romero. Les Faucons de la nuit était alors son troisième film. James A.Contner parle de son arrivée sur le projet, du tournage à Paris, Londres et New York, des partis pris, du renvoi de Gary Nelson (« Sly et lui n’étaient pas du tout sur la même longueur d’ondes ») et de son remplacement par Bruce Malmuth, la réécriture du scénario par Stallone (« qui a changé le point de vue du personnage de Rutger Hauer »), les conditions houleuses de tournage, etc. Ne manquez pas ce supplément !
L’une des plus grandes injustices des Faucons de la nuit, est de ne pas avoir rendu justice au personnage incarné par la comédienne Lindsay Wagner. Cette dernière, plus connue par le public pour son personnage de Super Jaimie, a enfin l’occasion de s’exprimer sur toutes ses scènes tournées et coupées au montage (10’30). L’actrice déclare qu’avant de s’engager sur ce film, elle désirait réorienter sa carrière pour devenir chanteuse. Jusqu’à ce qu’on lui propose ce rôle dans Les Faucons de la nuit, l’une de ses rares incursions au cinéma. On en apprend donc beaucoup plus sur ses scènes tournées avec Sylvester Stallone (« on a rarement vu Sly jouer de telles scènes d’amour »), finalement laissées sur le banc de montage pour concentrer l’action du film sur l’affrontement entre DaSilva et Wulfgar. La violence au détriment des sentiments des personnages. Lindsay Wagner explique s’être rendu compte de sa quasi-disparition du film en étant venue post-synchroniser sa seule scène conservée.
Le trésor de cette interactivité a été déniché par le spéléologue Jérôme Wybon. Il s’agit d’un reportage réalisé en 1978 par la télévision française, pour lequel Sylvester Stallone a accepté de se livrer et d’être suivi durant sa préparation pour Rocky II, la revanche (16’). Derrière son bureau, à la table de montage où il supervise le montage de son premier film en tant que réalisateur La Taverne de l’enfer, sur le ring en compagnie de Carl Weathers (on reconnaîtra la chorégraphie des combats) ou en pleine séance d’entraînement avec le bodybuilder Franco Colombu, Sylvester Stallone se confie sur la notoriété, sur son enfance, sur ses rôles précédents, sur sa condition physique, sur ses désirs en tant qu’artiste et même sur la mort.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une large galerie de photos.
L’Image et le son
Nous n’avions jamais vu Les Faucons de la nuit dans de telles conditions ! Le master HD au format 1080p du film de Bruce Malmuth/Sylvester Stallone s’en sort remarquablement bien et fait honneur au support. La propreté de l’image apparaît d’emblée, des petits points blancs et griffures persistent peut-être, mais les quelques poussières subsistantes ne dérangent nullement. Grâce à cette élévation HD, les couleurs retrouvent une nouvelle vivacité, les contrastes sont renforcés et le piqué est vraiment agréable. Le codec AVC consolide l’ensemble, le grain original est respecté, le relief palpable sur les vues new-yorkaises et la profondeur de champ est inédite. La stabilité est de mise, les noirs sont concis, les détails précis. Les Faucons de la nuit affiche déjà près de quarante ans au compteur, la restauration est aussi flatteuse qu’harmonieuse et offre un confort de visionnage très convaincant pour (re)voir ce film devenu culte.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la composition de Keith Emerson. La piste française manque peut-être un brin de dynamisme mais se révèle nettement suffisante et le doublage (Alain Dorval pour Sylvester Stallone, Claude Giraud pour Rutger Hauer, Jean-Claude Michel pour Nigel Davenport, Maïk Darah pour Persis Khambatta) est excellent. Au jeu des différences, la version anglaise l’emporte haut la main avec un rendu plus ardent des dialogues, même si la musique peut parfois donner l’impression de noyer sensiblement les échanges, et des ambiances naturelles. Les deux versions sont restaurées.
À ARMES ÉGALES(The Challenge) réalisépar John Frankenheimer,disponible en DVD et Blu-ray le 25 juillet 2018 chez Carlotta Films
Acteurs : Scott Glenn, Toshiro Mifune, Donna Kei Benz, Atsuo Nakamura, Calvin Jung, Sab Shimono, Kenta Fukasaku, Yoshio Inaba…
Scénario : Richard Maxwell, John Sayles
Photographie : Kozo Okazaki
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h49
Année de sortie : 1982
LE FILM
Kyoto, 1945, une cérémonie de la plus haute importance a lieu : le chef du clan Yoshida se retire et laisse sa place à son fils aîné, Sensei, et lui remet deux épées ancestrales, symboles du pouvoir. Jaloux, le cadet tue son père avant de s’enfuir avec les précieuses armes. Plusieurs décennies passent, les enfants de Sensei apprennent que l’une des épées a été retrouvée à Los Angeles. Ils proposent alors à un boxeur en fin de carrière de la leur ramener. Un chemin périlleux l’attend.
Alors que les films de ninja commencent à se multiplier à Hollywood, surtout grâce à la Cannon avec L’Implacable Ninja – Enter the Ninja réalisé en 1980 par l’illustre Menahem Golan lui-même et sa suite Ultime Violence – Ninja 2 – Revenge of the Ninja mis en scène par Sam Firstenberg, certains cinéastes de renom prennent le train en marche pour surfer sur cette nouvelle vague. C’est le cas de John Frankenheimer (1930-2002). Oui, le cinéaste du Prisonnier d’Alcatraz (1962), Un crime dans la tête (1962), Le Train (1964), Grand prix (1966), French Connection 2 (1975) décide de s’y mettre aussi avec À armes égales – The Challenge. Réalisé en 1982, ce film d’action de seconde zone contient tous les éléments installés dans les nanars qui commençaient alors à fleurir au cinéma, et ce jusqu’à la fin des années 1980. Difficile de trouver la griffe de John Frankenheimer dans À armes égales. Toutefois, cette série B, limite Z, a su devenir culte auprès des spectateurs adeptes du genre et reste un divertissement fort sympathique.
Los Angeles, 1982. Rick, un boxeur en fin de carrière, est recruté par Toshio et Akiko Yoshida pour rapporter clandestinement au Japon un sabre appartenant à leur père, le maître Yoshida. À peine arrivé à l’aéroport d’Osaka, il est kidnappé par les sbires de Hideo, puissant homme d’affaires mais aussi le frère et ennemi juré de maître Yoshida, prêt à tout pour récupérer le sabre…
« Il a été conditionné pour l’ultime défi » scandait l’affiche française du film. Et voilà notre pauvre américain quelque peu déglingué en route vers la rédemption. Ce boxeur miteux est interprété par Scott Glenn. Remarqué dans quelques séries (Les Rues de San Francisco, L’homme de fer, Baretta) puis au cinéma dans Apocalypse Now et Urban Cowboy, le comédien s’avère un étonnant mélange de David Carradine de la série Kung Fu et de Chuck Norris époque La Fureur du Dragon. Le premier pour la ressemblance physique, le second pour la coupe de cheveux du style baldaquin, mais aussi pour son non-jeu. Comme s’il portait tout le poids du monde sur ses épaules, Scott Glenn incarne péniblement Rick, à qui tous les malheurs arrivent. Lui qui désirait seulement se faire un peu de fric pour payer son loyer, se retrouve finalement au Japon au milieu d’une guerre fratricide.
Au programme, vengeance impitoyable, bastons, maniement du sabre, punchlines, fusillades. Sans oublier les rites d’initiation (un repas avec des anguilles vivantes à avaler) et les punitions où le héros se voit enterrer jusqu’au cou pendant cinq jours, obligé de gober les insectes qui s’approchent de lui. Le scénariste John Sayles (Piranhas, Hurlements) s’est fait plaisir.
Rick, tout d’abord vulgaire, égoïste, seulement préoccupé par l’argent qu’on lui doit, apprendra naturellement à faire le point sur sa vie, à écouter la personne en face de lui (surtout s’il s’agit d’une belle nana bad-ass), avant d’accepter son destin. Il est l’Elu, comme Néo dans Matrix, qui a quand même un peu plus de mal à lever la jambe pour affronter son adversaire, mais qui manie aussi bien la pétoire. À armes égales vaut donc pour son indéniable cachet nanar. Le film est correctement emballé, Scott Glenn est amusant (involontairement c’est vrai), Toshiro Mifune (Les Sept Samouraïs) cachetonne, la musique de Jerry Goldsmith est excellente et notre doublage français vaut son pesant avec notamment le gigantesque Richard Darbois qui prend un malin plaisir à doubler le personnage principal.
L’assaut final à la James Bond, on peut alors penser à celui d’On ne vit que deux fois, se tient grâce à l’indiscutable maîtrise technique de John Frankenheimer. Une petite réussite donc, efficace et récréative où les agrafeuses peuvent devenir des armes redoutables et où les têtes sont tranchées comme des pastèques.
LE BLU-RAY
Voilà deux ans que nous attendions impatiemment le retour de la Midnight Collection initiée par Carlotta Films en 2016 ! Pour cette co-édition avec L’Atelier d’images, nous retrouvons « le meilleur de la VHS en Blu-ray et DVD ». La jaquette, glissée dans un boîtier élégant de couleur noire et estampillée « VHS », est très sympa et reprend le style Vidéoclub des années 1980 avec le visuel original. Le menu principal est sobre, fixe et musical. Vivement les autres titres, en espérant ne pas attendre aussi longtemps !
Seule ombre au tableau de cette édition, le film n’est accompagné que de sa bande-annonce originale (non restaurée) et des credits habituels.
L’Image et le son
Disponible en France pour la première fois en version restaurée Haute Définition, le film de John Frankenheimer bénéficie d’un Blu-ray au format 1080p soigné. Un lifting numérique a visiblement été effectué, avec un résultat probant, même si des points et des tâches restent constatables (bien que rares). L’encodage AVC est de haute tenue et la promotion HD non négligeable. Les détails sont appréciables, le piqué et la clarté sont aléatoires mais plus nets sur les séquences diurnes, la colorimétrie retrouve une nouvelle jeunesse et les contrastes affichent une petite densité inattendue. L’ensemble est propre, stable en dehors de très légers fourmillements, le reste des scories demeure subliminal, et le grain est respecté. La première bobine et le générique de fin restent plus grumeleux avec une définition hasardeuse. Notons que les sous-titres anglais très encombrants sont incrustés sur l’image lors des échanges en japonais.
Sachant que les spectateurs français ont avant tout découvert ce film dans la langue de Molière, Carlotta Films livre un mixage français propre et respectueux de l’écoute originale avec bien sûr le doublage d’époque. Au jeu des comparaisons, la version originale s’en sort mieux avec des effets plus naturels et une dynamique plus marquée que la VF aux dialogues assez sourds. Les deux pistes sont proposées en DTS-HD Master Audio 1.0, qui ne peuvent évidemment pas rivaliser avec les standards actuels, mais l’éditeur permet de revoir ce « classique » dans de bonnes conditions techniques, sans craquement ni souffle. Le changement de langue est verrouillé à la volée, tout comme les sous-titres français.
PRIS AU PIÈGE (El Bar) réalisépar Álex de la Iglesia,disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez L’Atelier d’Images et Condor Entertainment
Acteurs : Blanca Suarez, Mario Casas, Carmen Machi, Secun de la Rosa, Jaime Ordonez, Terele Pávez, Joaquin Climent, Alejandro Awada…
Scénario : Álex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarría
Photographie : Ángel Amorós
Musique : Carlos Riera, Joan Valent
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Madrid, 9 heures du matin. Des clients, qui ne se connaissent pas sont dans un bar. L’un d’entre eux sort et se fait tirer dessus, les autres se retrouvent bientôt prisonniers de l’établissement.
Le réalisateur espagnol fou, expert de l’humour noir et grinçant est de retour avec une satire socio-politique. A l’instar de son récent Un jour de chance, chaque protagoniste plongé dans une situation extraordinaire et dans laquelle dépend leur survie, va apparaître sous son vrai visage et dévoiler qui se cache réellement derrière la façade affichée quotidiennement. Comme souvent chez Álex de la Iglesia, la situation sociale est au centrede Pris au piège – El Bar, comédie brutale et cinglante, jubilatoire et décalée.
Avec sa virtuosité coutumière (malgré un espace confiné), un montage alerte et une photographie à couper le souffle, Álex de la Iglesia signe un film ovni très attachant, virulent, émouvant et drôle. Merveilleux directeur d’acteurs, il offre à ses comédiens l’occasion de composer des personnages explosifs, sournois, pathétiques, menteurs, hypocrites et égoïstes que n’auraient pas reniés la comédie italienne, grande source d’inspiration du réalisateur, et qui s’apparentent souvent à des cousins ibériques des mythiques Monstres. A travers une galerie de personnages hétéroclites présentés dans un fabuleux plan-séquence en guise d’ouverture, une jeune femme belle et sexy qui a visiblement réussi dans la vie (Blanca Suárez), un représentant en lingerie fine (Alejandro Awada), un ex-flic (Joaquín Climent), un SDF aux dents gâtées prénommé Israel (sensationnel Jaime Ordóñez, déjà présent dans Les sorcières de Zugarramurdi), deux tenanciers de bar (Secun de la Rosa et la regrettée Terele Pávez), un hipster (Mario Casas), une accro au jeu (Carmen Machi) et d’autres individus de la vie de tous les jours, Álex de la Iglesia dresse le portrait d’une société effrayée qui se dissimule derrière des faux-semblants, qui s’écroulent dès que leurs petites habitudes sont rattrapées par la réalité.
Dans un quartier de Madrid, en début de matinée. Quelques clients, habitués ou non, qui se connaissent de visu ou qui se rencontrent pour la première fois, prennent tranquillement leur café dans un bar. Quand soudain, un homme qui vient de sortir est tué net sous leurs yeux par la balle d’un sniper. Ils réalisent alors qu’ils sont dans sa ligne de mire, se retrouvant de fait prisonniers du bar et en danger de mort. Le compte à rebours est lancé pour trouver le moyen de s’échapper ! Quelques minutes plus tard, un homme imposant, au corps enflé, sort des toilettes en toussant jusqu’à tomber raide mort à leurs pieds. Le petit groupe comprend alors que cet individu a été victime d’une arme bactériologique et qu’ils se trouvent tous confinés dans le bar, à la merci de l’armée, prête à les tuer l’un après l’autre. Pris au piège (d’où le titre français), la tension monte, les non-dits éclatent, certains sont plus facilement pris pour cible à l’instar du hipster qui fait peur en raison de sa barbe…Le réseau ne passe plus et les chaînes d’informations restent muettes. La paranoïa entre en éruption.
Álex de la Iglesia réalise un film fou, qui ne ressemble qu’à lui. Inclassable, capable de combiner le sordide au sexy en plongeant notamment la bombe Blanca Suárez (La Piel que habito, Les Amants passagers) dans les égouts, le cinéaste espagnol montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et qu’il n’est pas prêt de se calmer à cinquante ans passés. Si la première partie peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve avec son avalanche de dialogues vachards et sa musique omniprésente, Pris au piège devient très vite un redoutable tour de force et prend même la forme inattendue d’un survival invraisemblable avec errance dans les bas-fonds où tous les coups semblent permis, comme dans un thriller d’épouvante. Mais pour y accéder, il faut encore pouvoir glisser dans un espace réduit et s’enduire d’huile, séquence aussi tordante que tordue et même érotique quand Blanca Suárez (encore elle, mais ceux qui verront le film comprendront pourquoi), en petite tenue, est badigeonnée des pieds à la tête pour pouvoir s’introduire dans l’interstice.
Álex de la Iglesia réunit les différentes faces cachées de l’Espagne contemporaine, qui vit sous la crainte de devenir elle aussi la cible récurrente d’attentats comme Paris (qui sont évoqués au travers d’une réplique), repliée sur elle-même, victime d’amalgames, prête à dénoncer et à rejeter celui ou celle qui semble ne pas lui inspirer confiance. Pris au piège – El Bar est donc un film 100 % Álex de la Iglesia qui à travers le genre, réalise une fois de plus une sensationnelle radiographie de son pays en crise et au bord du gouffre, traitée avec intelligence, maestria et une savoureuse amoralité. Un grand spectacle, injustement privé d’une sortie dans les salles françaises, comme le précédent film du cinéaste, Mi Gran Noche.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Pris au piège, coédité par L’Atelier d’Images et Condor Entertainment, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est attractif. Le menu principal est animé sur la musique du film.
Cette édition comporte tout d’abord une interview d’Álex de la Iglesia (15’), réalisée en prévision de la sortie de Pris au piège dans les bacs français. Contrairement à ses films, le réalisateur apparaît toujours calme et posé et cet entretien ne déroge pas à la règle. Álex de la Iglesia revient sur son rapport aux spectateurs, sur les thèmes abordés dans Pris au piège (la peur et sur ce qu’elle engendre chez l’être humain), sur la longue gestation du film (entre dix et quinze ans) et l’évolution des personnages au fil du récit, tout en indiquant quelques-unes de ses références comme The Thing de John Carpenter, ainsi que ses intentions de mise en scène. Quelques photos dévoilent l’envers du décor.
Nous trouvons également un excellent making of (37’) constitué d’entretiens avec les comédiens du film et d’Álex de la Iglesia, ainsi que de très nombreuses et impressionnantes images de tournage. Dans la première partie, nous assistons à la première lecture du scénario avec toute l’équipe réunie, puis nous passons aux prises de vues souvent très difficiles quand les acteurs sont plongés dans la fange, même si les égouts ont évidemment été créés en studios. Les comédiens se montrent véritablement investis, notamment Jaime Ordóñez dont le corps était véritablement recouvert d’ecchymoses que devaient dissimuler les maquilleurs ! Chaque acteur présente son personnage et aborde les thèmes du film, tandis que la caméra s’immisce dans les loges où les maquilleurs s’apprêtent à donner naissance à Israel. Comment la scène du trou a-t-elle été tournée ? Les bagarres ? La poursuite dans les égouts ? L’affrontement final ? L’épilogue ? Il faudra visionner ce formidable documentaire pour le savoir.
L’Image et le son
Que voilà un bel objet ! Les deux éditeurs ont mis les petits plats dans les grands et offre à la belle photo d’Ángel Amorós (Mi Gran Noche) un superbe écrin qui restitue adroitement les partis pris esthétiques originaux. Le piqué est diaboliquement ciselé, le cadre large flatte les rétines, les contrastes sont particulièrement riches et tranchés, les noirs concis et la colorimétrie froide des décors est bigarrée à souhait. L’ensemble est soutenu par une compression AVC de haute volée et fort élégante, et malgré quelques sensibles pertes des détails sur quelques plans sombres, ce master français HD (1080p) est brillant, dense et minutieux, avec même un léger grain très plaisant.
Le confort acoustique a été soigné avec deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 espagnol et français, aussi probants dans les scènes agitées que dans les séquences plus calmes, même si effectivement il n’y en a pas beaucoup puisque tous les personnages sont sans cesse en train de parler « très fort ». Les pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets foisonnants qui environnent le spectateur de partout. A ce titre, l’acte final dans les égouts mettra à mal votre installation ! Les ambiances annexes sont omniprésentes et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale est luxuriante avec un net avantage pour la version originale. Si possible, évitez la version française. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.
LE ROI DE COEUR réalisé par Philippe de Broca, disponible en DVD et Blu-rayle 24 janvier 2017 chez L’Atelier d’images
Acteurs : Alan Bates, Pierre Brasseur, Jean-Claude Brialy, Geneviève Bujold, Michel Serrault, Adolfo Celi, Françoise Christophe, Julien Guiomar, Micheline Presle, Jacques Balutin, Marc Dudicourt…
Scénario : Daniel Boulanger et Philippe de Broca, d’après une idée de Maurice Bessy
Photographie : Pierre Lhomme
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h42
Date de sortie initiale: 1966
LE FILM
Octobre 1918, le soldat britannique Charles Plumpick est envoyé comme éclaireur dans une petite ville française récemment évacuée. Il découvre que les habitants de l’hôpital psychiatrique sont restés, et qu’ils ont investi la ville selon leur fantaisie. Loin de la guerre, un général Géranium, un Duc de Trèfle ou une délicieuse Coquelicot l’accueillent chaleureusement comme « Roi de Coeur » dans leur univers…
« Vous voyez bien qu’il y a une barrière entre ce monde et nous ! »
En 1960, Philippe de Broca signe son premier film, Le Farceur. Il collabore à nouveau avec Jean-Pierre Cassel pour Les Jeux de l’amour (1960) et L’Amant de cinq jours (1961), avant de connaître son premier très grand succès avec Cartouche (1962). Suivront deux sketches réalisés pour les films collectifs Les Sept péchés capitaux (1962) et Les Veinards (1963), le triomphe international de L’Homme de Rio (1964), puis une nouvelle comédie avec Jean-Pierre Cassel, Un monsieur de compagnie (1964) et un autre grand succès avec Jean-Paul Belmondo, Les Tribulations d’un Chinois en Chine (1965), d’après Jules Verne. Le cinéaste a donc le vent en poupe quand il s’attaque à son projet le plus personnel, Le Roi de coeur, qu’il coécrit avec Daniel Boulanger, d’après une idée de Maurice Bessy.
Les soldats allemands et écossais s’affrontent près de Marville, un petit village du nord de la France dans les derniers mois de la Première Guerre mondiale. Menacé de destruction par les allemands, qui ont prévu de tout faire exploser quand sonnera minuit, le village est abandonné par l’occupant et ses habitants. Seuls les fous internés dans l’asile restent dans les lieux, qu’ils vont investir le temps d’une véritable récréation, sous les yeux éberlués des militaires. Avertis, les alliés chargent le soldat britannique Plumpick (Alan Bates) de trouver les explosifs et de les désamorcer. Les aliénés l’accueillent à bras ouverts, notamment Xénophon alias le duc de Trèfle (Jean-Claude Brialy), le Général Géranium (Pierre Brasseur), l’évêque Marguerite (Julien Guiomar), monsieur Marcel le coiffeur (Michel Serrault), la tenancière de la maison close madame Eglantine (Micheline Presle) et l’une de ses pensionnaires, la jeune et ravissante Coquelicot (Geneviève Bujold). Ils reconnaissent en lui leur roi bien-aimé. Il est désormais le Roi de Coeur. Le sacre se prépare à la cathédrale, mais bien qu’il s’attache rapidement à ces habitants insolites, Plumpick n’oublie pas sa mission, surtout que le compte à rebours a commencé.
« Vous ne voyez pas comment ils sont méchants de ce côté-là ? »
La critique française a été glaciale à la sortie du film en décembre 1966, qui résumait Le Roi de coeur à une « histoire avec des fous ». Totalement incomprise dans nos contrées où l’échec commercial atteint profondément le réalisateur (au point qu’il envisage d’arrêter le cinéma), qui avait produit son film pour la première fois de sa carrière, l’oeuvre de Philippe de Broca est cependant un immense succès aux Etats-Unis – il reste près de dix ans en exclusivité à Boston – et demeure aujourd’hui un vrai film culte. Il faudra attendre 2016-2017 pour que Le Roi de coeur soit enfin considéré à sa juste valeur en France, à savoir un des chefs d’oeuvre oubliés du maître de Broca. Car il faut bien avouer que ce long métrage anticonformiste et antimilitariste est un véritable bijou à réhabiliter de toute urgence. Le cinéaste fait de ses fous de véritables héros, qui ont su affronter le conflit armé en préférant se réfugier dans leur univers. Les aliénés forment une véritable communauté faite d’entraide et d’amitié, où chacun vit heureux et libre.
« Le merlan aime la friture…«
Le casting est exceptionnel puisque les personnages sont interprétés par de véritables monstres du cinéma. Alan Bates (bondissant, malgré une cheville cassée sur le tournage !), Micheline Presle (sublime), Michel Serrault (dont le personnage annonce celui de La Cage aux folles), Pierre Brasseur (truculent), Julien Guiomar (hilarant), Jean-Claude Brialy (raffiné), Françoise Christophe (élégante), Geneviève Bujold (lumineuse et sensuelle), sans oublier Adolfo Celi dans le rôle inattendu d’un colonel écossais.
A mi-chemin entre le cinéma d’Ernst Lubitsch et de Blake Edwards, Le Roi de coeur, comédie décalée et sophistiquée est trop en avance pour les spectateurs de 1966. C’est dire l’importance de (re)découvrir aujourd’hui cette fantaisie poétique, intelligente et mélancolique, qui va à cent à l’heure, illuminée par la photographie de Pierre Lhomme et portée par la sublime partition de Georges Delerue, dont le thème du « Retour à l’asile » risque de s’inscrire pour longtemps dans la mémoire des cinéphiles.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray « Edition Royale » du Roi de coeur, disponible chez L’Atelier d’images, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné très élégant, reprenant le visuel de l’affiche réalisée pour la ressortie du film au cinéma dans sa version restaurée en janvier 2017. Le menu principal est animé et musical.
Dans un premier segment, le grand directeur de la photographie Pierre Lhomme (La Vie de château, Mortelle randonnée, Cyrano de Bergerac) revient sur son amitié et sa collaboration avec Philippe de Broca. Au fil de cet entretien (10’), illustré par d’exceptionnelles images du tournage (avec le réalisateur à l’oeuvre) du Roi de coeurdénichées par Jérôme Wybon, le chef opérateur évoque leurs débuts respectifs dans le monde du cinéma, les conditions de tournage du film qui nous intéresse, le tout ponctué par quelques anecdotes liées aux conditions des prises de vue et sur la sortie du film en France (un échec cuisant) et aux Etats-Unis (un film culte).
Le bonus suivant est composé de séquences du film montées sur un témoignage audio de Michelle de Broca (9’). Epouse du cinéaste de 1958 à 1961, productrice du Roi de coeur, Michelle de Broca se penche sur le tournage du film, l’accident d’Alan Bates survenu pendant les prises de vue (l’acteur s’est cassé la cheville), la mauvaise promo du film en France à sa sortie et l’excellent accueil critique et public du Roi de coeur aux Etats-Unis, porté par les étudiants américains qui voyaient dans cette histoire un parallèle avec la Guerre du Viêt Nam.
Document réalisé le 13 août 1966, un module d’archives compile les propos de certains comédiens du Roi de coeur sur le plateau. Jean-Claude Brialy, Julien Guiomar, Pierre Brasseur, Alan Bates, Michel Serrault, Geneviève Bujold, Micheline Presle et Marc Dudicourt. A tour de rôle, les acteurs évoquent le style de Broca, le rythme et l’univers du cinéaste et dressent au final un formidable portrait du réalisateur.
Un segment d’archives propose également un extrait d’interview de Philippe de Broca, réalisée le 6 février 1967 (1’30). Le cinéaste y parle de sa condition de metteur en scène et de son art qui lui permet de voyager dans l’univers du rêve, de l’irréel et de l’irrationnel, afin d’échapper au quotidien.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Roi de coeur a été restauré en 2015 par Technicolor pour Alex Productions. Les travaux de restauration et d’étalonnage ont été réalisés en 4K à partir du négatif original monté en 35mm Techniscope, sous la supervision du chef opérateur Pierre Lhomme. Et c’est superbe ! Dès le premier plan, l’image affiche une stabilité jamais démentie, un sublime grain original heureusement conservé et surtout excellemment géré. La propreté du master est tout simplement hallucinante, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique. Ce Blu-ray au format 1080p, redonne aux couleurs une nouvelle harmonie ainsi qu’un éclat inédit, le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes sont denses. On en prend plein les yeux et ce master HD permet de redécouvrir ce film maudit de Philippe de Broca dans les meilleures conditions techniques. Nous ne pouvions pas rêver mieux !
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Georges Delerue trouve un nouvel et remarquable écrin phonique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription.