Test DVD / L’Arme fatale – Saison 1

L’ARME FATALE (Lethal Weapon) – Saison 1, disponible en DVD et Blu-ray le 27 septembre 2017 chez Warner Bros.

Acteurs :  Damon Wayans, Clayne Crawford, Keesha Sharp, Kevin Rahm, Michelle Mitchenor, Johnathan Fernandez, Jordana Brewster…

Histoire originale :  Matthew Miller, créateur de la série d’après le scénario de Shane Black pour le film L’Arme fatale (1987)

Durée : 18 épisodes de 42 minutes

Date de sortie initiale : 2016

LA SÉRIE

Veuf depuis la mort tragique de son épouse enceinte, Martin Riggs, flic texan et ancien de la Marine, prend un nouveau départ à Los Angeles. Il devient le co-équipier du détective Roger Murtaugh, lequel a récemment subi une crise cardiaque « bénigne » et doit à tout prix éviter les situations de stress. Un duo de choc qui risque de faire des étincelles. Entre l’un prudent et l’autre trop imprévisible, l’association provoque quelques étincelles…

Franchement, on ne misait pas un kopeck sur cette série qui se permettait de se servir allègrement dans le patrimoine cinématographique, autrement dit de reprendre le titre, le postulat de départ et bien sûr les personnages cultes – créés par Shane Black – de la tétralogie L’Arme fatale de Richard Donner. Quatre buddy-movies sortis en 1987, 1989, 1992 et 1998, qui ont rapporté au total près d’un milliard de dollars dans le monde et attiré 11,5 millions de spectateurs dans les salles françaises. Pari risqué pour le producteur et créateur Matt Miller, showrunner de la série Chuck, mais pari finalement remporté haut la main puisque cette première saison de L’Arme fatale s’avère un divertissement très enthousiasmant, un cocktail explosif d’action dramatique pimenté d’humour et mené à cent à l’heure, qui revisite la mythique saga cinématographique, tout en la respectant et en lui rendant hommage.

Affecté par une perte tragique, l’ex-Navy Seal Martin Riggs déménage en Californie pour tout recommencer à zéro. Il est associé à Roger Murtaugh, agent du LAPD de retour à son poste après une crise cardiaque qui a failli lui coûter la vie. L’addiction à l’adrénaline de Riggs clashe immédiatement avec l’approche pondérée de Murtaugh, mais dès les premières courses-poursuites, déflagrations, explosions et fusillades invraisemblables mais jubilatoires qui s’enchaînent sans temps mort, chacun des coéquipiers apprend à considérer l’autre à sa juste mesure et surtout, à identifier les valeurs qu’ils partagent. Si seulement Riggs n’était pas aussi tête brûlée ! Le pilote (ainsi que le second épisode) réalisé par le très efficace McG (également producteur exécutif) donne le ton. Les personnages que l’on connaît sont là, certes interprétés par de nouvelles têtes, mais le plaisir d’entendre les noms de Roger Murtaugh et Martin Riggs est indéniable. Riggs et Murtaugh se rencontrent, s’apprivoisent, se cherchent, puis se découvrent enfin. Leur amitié naîtra au fil des épisodes. Tandis que Murtaugh retrouve son boulot après un triple pontage réalisé après un infarctus survenu à l’âge de 50 ans (alors que sa femme venait de mettre au monde leur troisième enfant), Riggs, texan devenu dépressif, alcoolique et suicidaire après la mort de sa femme qui allait accoucher, débarque à Los Angeles suite à une mutation. Il vit dans une caravane installée au bord du Pacifique, mais passe son temps à fixer son flingue. Sa rencontre avec Murtaugh et la famille de ce dernier, l’aidera progressivement à se sortir la tête de l’eau, même si les conditions de la disparition de son épouse demeurent étranges. Il se pourrait bien qu’elle ait été en fait assassiné.

La série L’Arme fatale repose non seulement sur de très bons scénarios qui montrent Los Angeles sous certains angles originaux, mais aussi et surtout sur un excellent casting. C’est surtout le comédien Clayne Crawford, vu dans les séries Jericho, 24 heures chrono et Rectify qui se taille la part du lion en reprenant le rôle de Mel Gibson. Si cela n’était pas une mince affaire et qu’il s’exposait à d’inévitables comparaisons, Clayne Crawford crève littéralement l’écran dans la peau de Martin Riggs. Véritable révélation, capable de faire passer le spectateur du rire aux larmes en un instant, il est assurément LA raison d’être de la série L’Arme fatale et créé son propre personnage, sans jamais chercher à singer son prédécesseur. A ses côtés, Damon Wayans (Ma famille d’abord) s’acquitte également très bien de son rôle, même s’il s’éloigne plus du personnage créé par Danny Glover que son partenaire. L’alchimie est évidente dès le départ, la complicité est de mise comme pour leurs illustres aînés.

Ils sont également bien entourés par Kevin Rahm (Desperate Housewives, Mad Men), Jordana Brewster (la franchise Fast & Furious) dans le rôle de la psy chargée d’évaluer Riggs au fil des épisodes, Keesha Sharp (Girlfriends), Hilarie Burton (Les Frères Scott) et bien d’autres acteurs tout aussi bons qui gravitent autour du noyau central formé par Wayans/Crawford. Au milieu de ces arrestations musclées, de ces trafics de drogue, de prostitution, d’argent, l’émotion n’est pas oubliée et le fil conducteur de ces épisodes bien filmés et à la photo séduisante, le deuil impossible de Riggs pour celle qu’il aimait, ne laisse pas indifférent.

C’est là toute la réussite de cette première saison attachante de L’Arme fatale, qui parvient non seulement à se démarquer du modèle original, mais aussi à proposer une continuité qui s’impose dès l’épisode pilote, adoubé par Shane Black qui a également participé au scénario. Après de très hautes audiences aux Etats-Unis avec entre 6 et 7 millions de téléspectateurs par épisode, la série a été reconduite pour une seconde saison qui a débuté fin septembre 2017.

L’EDITION DVD

La première saison de L’Arme fatale en DVD, disponible chez Warner Bros., se compose de 18 épisodes répartis sur quatre disques placés dans un boîtier classique, glissé dans un surétui cartonné. La liste des épisodes apparaît au verso, tout comme celle des suppléments. Le menu principal est identique sur les quatre DVD, fixe et musical, qui reprend le visuel de la jaquette.

L’épisode pilote est présenté en version longue non censurée. Accrochez-vous bien, ce montage dure exactement 55 secondes de plus par rapport à la version diffusée à la télévision (également disponible sur ce DVD). Les coupes interviennent uniquement au niveau du langage « fleuri » des personnages.

Même chose en ce qui concerne les scènes coupées (26’) dispersées sur les quatre disques, pour les épisodes 1,3,5,8,10,11,15,16,17,18. Hormis une séquence où Riggs regarde son révolver avec envie dans l’épisode pilote et quelques intrigues très secondaires (le capitaine qui souhaite adopter un enfant avec son compagnon) ou quelques flashbacks (Riggs qui demande la main de sa fille à son capitaine), l’ensemble s’avère bien trop anecdotique et reflète simplement les coupes effectuées au montage pour accélérer le rythme.

Le dernier DVD propose un petit module sympathique de 15 minutes, durant lequel le comédien Jonathan Fernandez, qui interprète Scorsese, le médecin légiste dans la série, s’entretient avec les deux producteurs exécutifs Jennifer Gwartz et Matt Miller. Après le succès de la première saison à travers le monde, les deux showrunners visiblement satisfaits du résultat, reviennent sur la genèse du projet et le challenge de s’approprier le mythe de ces quatre films adorés par tous les spectateurs. Comment respecter l’esprit des films originaux ? Comment s’est déroulé le casting ? Comment trouver le binôme et parier sur l’alchimie des deux comédiens principaux ? Les deux producteurs répondent à ces questions, parfois illustrées par des images de tournage, tout en dévoilant quelques références à la saga de Richard Donner, qui auraient pu échapper aux téléspectateurs, comme l’apparition de la maison originale des Murtaugh.

L’interactivité se clôt sur un bêtisier.

L’Image et le son

Voilà un bon service après-vente proposé par Warner. L’éditeur prend soin de la première saison de L’Arme fatale en livrant des épisodes au transfert solide. Les volontés artistiques originales sont respectées, les teintes sont chaudes, ambrées et parfois dorées, le tout soutenu par un encodage de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont bien détaillés (et le sont sûrement encore plus en Haute-Définition), le relief est souvent présent et les détails foisonnent. Hormis quelques légers fléchissements sur les scènes sombres, cette édition DVD en met souvent plein la vue.

Bon…les réfractaires à la version originale devront se contenter d’une simple piste française Dolby Digital 2.0 Stéréo. Dynamique et claire, au doublage soigné, il ne faut pas en demander plus. Privilégiez évidemment la version anglaise Dolby Digital 5.1 à la spatialisation confortable et vive, avec des dialogues saisissants sur la centrale, des effets percutants sur les latérales et des frontales en pleine forme. Le caisson de basses se fait plaisir lors des scènes d’action, de poursuites et de gunfights. Ce n’est certes pas de la HD, mais c’est déjà ça de pris.

Crédits images : © Warner Bros. Entertainment Inc. / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Jours comptés, réalisé par Elio Petri

LES JOURS COMPTÉS (I Giorni contati) réalisé par Elio Petri, disponible en DVD le 5 octobre 2017 chez Tamasa Diffusion

Acteurs :  Salvo Randone, Franco Sportelli, Regina Bianchi, Marcella Valeri, Angela Minervini, Renato Maddalena…

Scénario :  Elio Petri, Tonino Guerra, Carlo Romano

Photographie : Ennio Guarnieri

Musique : Ivan Vandor

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

A plus de cinquante ans, Cesare Conversi a travaillé toute sa vie avec abnégation. Un jour, il voit mourir dans le tram un homme de son âge. Obsédé par l’approche inexorable de la mort, il s’arrête de travailler afin de profiter de la vie avant qu’il ne soit trop tard…

Malgré une Palme d’or remportée en 1972 pour La Classe ouvrière va au paradis, le prix FIPRESCI et le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1970 pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, le réalisateur italien Elio Petri (1929-1982) semble avoir été oublié dans le paysage cinématographique, notamment dans son pays. Ce cinéaste brillant, autodidacte, engagé et passionné a d’abord fait ses classes en tant que scénariste avant de se tourner vers le documentaire dans les années 50, puis de se lancer dans la fiction en 1961 avec son premier long métrage L’Assassin, coécrit avec le fidèle Tonino Guerra. Bien que Les Jours comptésI Giorni contati ait été écrit avant L’Assassin, il s’agit du second film d’Elio Petri. Dédié à son père, ouvrier chaudronnier, affaibli et vieilli prématurément en raison des difficultés de son métier, Elio Petri signe un film – inédit en France – politique et redoutablement pessimiste, contre le travail et son aliénation, qui bouffe littéralement la vie et sur lequel plane l’ombre d’Umberto D. de Vittorio De Sica (1952) et celle des Fraises sauvages d’Ingmar Bergman (1957). Il n’est d’ailleurs pas idiot de penser que Les Jours passés inspirera également à son tour Yves Robert pour son cultissime Alexandre le bienheureux (1968) avec Philippe Noiret qui décide à la mort de sa femme de ne plus travailler et surtout de dormir. Ce qui ne manque pas d’entraîner incompréhension et stupéfaction.

En rentrant du travail, un ouvrier plombier quinquagénaire assiste dans un tramway bondé au décès d’un homme de son âge. Ce drame sert de détonateur à la prise de conscience du temps qu’il lui reste à vivre (« mes jours sont désormais comptés »). Bouleversé, il ressent, plus que jamais, la nécessité de modifier ses habitudes (cela commence par mettre son habit du dimanche en semaine) et décide même de cesser son activité professionnelle afin de profiter de l’existence. Mais, chaque initiative prise dans ce sens ne fait qu’accroître douloureusement son désarroi… Il est, hélas, impossible, à son âge, de changer son destin. Il retourne finalement au travail, lucidement, mais toujours aussi convaincu de l’inutilité de son existence. Et le spectateur suit l’itinéraire de ce personnage bouleversant, magnifiquement interprété par Salvo Randone, acteur fétiche d’Elio Petri qui a quasiment joué dans tous ses films et par ailleurs lauréat du Masque d’argent du meilleur second rôle pour L’Assassin.

Partant d’un point A pour finalement revenir au même point, Cesare va rapidement déchanter. En croisant la route d’anciens amis, d’un vieil amour, d’un artiste et d’une jeune nymphette, l’homme de 53 ans (l’âge auquel est décédé Elio Petri) va se rendre compte qu’il est déjà passé à côté de sa vie et qu’il est déjà trop tard pour pouvoir en profiter. D’une part parce que ses moyens financiers sont bien trop limités et qu’il se retrouve très vite à court d’argent, au point d’envisager de devenir mendiant pour subsister, d’autre part parce qu’il est tout simplement inadapté à l’oisiveté. Cesare n’a essentiellement connu que son travail depuis quarante ans. Il est sympathique avec ses clients, bien portant, il se lève tôt et rentre courbé et fatigué à la fin de la journée. Comme des millions (des milliards) de personnes, Cesare se laisse vivre, jusqu’à ce qu’il soit témoin de ce drame. Non seulement l’homme du tramway est mort tandis qu’il lisait son journal, mais il ressemble également à Cesare. Comme s’il ne parvenait pas à se remettre de ce choc, Cesare semble constamment accompagné, observé par la « Mort ». En voulant finalement la déjouer, la contourner, la remettre à plus tard, Cesare ne fera en fait que mieux l’attirer, annihilant alors ses espoirs d’être heureux et de jouir des plaisirs de la vie.

La vie est passée, en ne laissant que des souvenirs dont plus rien ne subsiste comme lors du retour de Cesare sur les lieux où il a passé ses jeunes années. Dans L’Assassin, Elio Petri critiquait ouvertement et de manière acerbe l’autorité de son pays à l’aube des années ‘60 en présentant une police très autoritaire, omnisciente, obéissant à un état démocrate chrétien désireux de contrôler les esprits et qui ne laisse pas la possibilité à un individu de se défendre. Dans Les Jours passés, l’individu semble se réveiller « de la matrice », mais la machine l’a déjà broyé. Son corps est fatigué, il n’a même pas les ressources pour pouvoir se permettre de manquer le travail plusieurs jours puisque ce qu’il gagne le fait déjà survivre plutôt que vivre. Alors quand une bande d’escrocs lui proposent d’arnaquer l’assurance, il est prêt à se faire casser le bras pour empocher le pactole.

Portrait acide, tragique et psychologique d’un homme asphyxié par le système, seul (veuf et père d’un fils qui ne lui rend visite que quand il a besoin d’argent), oublié du boum économique italien, I Giorni contati foudroie en plein coeur par son propos acide toujours d’actualité et également par la beauté du cadre, de la mise en scène d’Elio Petri et la photo brûlante d’Ennio Guarnieri qui impriment de nombreuses scènes dans les mémoires, comme celle du passage piéton peint de nuit devant le Colisée. Un très grand film psychologique.

LE DVD

Le DVD disponible chez Tamasa Diffusion repose dans un slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 16 pages illustré et contenant une note d’intentions d’Elio Petri, un entretien avec le réalisateur réalisé par Jean A. Gili, une mini-bio du cinéaste et sa filmographie. En guise d’interactivité nous trouvons une galerie de photos et d’affiches, ainsi que la bande-annonce 2012 et les filmographies d’Elio Petri et de Salvo Randone. Le menu principal est fixe et musical.

L’Image et le son

La restauration numérique des Jours comptés a été réalisée à partir du meilleur élément disponible aujourd’hui, un marron conservé à la Cineteca di Bologna. L’élément a été numérisé en 2K, puis restauré numériquement. Le directeur de la photographie Ennio Guarnieri (Medée, Le Jardin des Finzi-Contini, Le Grand embouteillage) a supervisé l’étalonnage. La restauration a été effectuée par le Laoboratoire L’Immagine Ritrovata en 2011. Ce nouveau master au format respecté des Jours comptés se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans d’Elio Petri (les scènes sur la plage sont magnifiques), la photo signée par le grand Ennio Guarnieri retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé.

Comme pour l’image, le son original a été numérisé et restauré numériquement à partir du même élément. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien Mono, pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens, enregistrées en postsynchronisation, peuvent parfois saturer ou apparaître en léger décalage avec le mouvement des lèvres. La composition d’Ivan Vandor (Tire encore si tu peux) est joliment délivrée.

Crédits images : © Titanus TDR/ Tamasa Diffusion / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Détenu en attente de jugement, réalisé par Nanni Loy

DÉTENU EN ATTENTE DE JUGEMENT (Detenuto in atessa di guidizio) réalisé par Nanni Loy, disponible en DVD le 5 octobre 2017 chez Tamasa Diffusion

Acteurs :  Alberto Sordi, Elga Andersen, Andrea Aureli, Lino Banfi, Antonio Casagrande, Mario Pisu…

Scénario :  Sergio Amidei, Emilio Sanna, Rodolfo Sonego

Photographie : Sergio D’Offizi

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Giuseppe Di Noi est géomètre et vit en Suède depuis sept ans. Il décide de prendre quelques semaines de vacances avec sa femme et ses enfants en Italie, son pays natal. Mais à la frontière, un douanier lui demande de le suivre, pour une simple formalité. À peine entré dans les locaux de la douane, il en ressort menotté et en état d’arrestation sans savoir de quoi on l’accuse. Convaincu que l’erreur sera vite éclaircie, le malheureux est mis en prison, à l’isolement, et aura à subir à un vrai chemin de croix judiciaire…

Quel choc ! Sorti en 1971, Détenu en attente de jugement Detenuto in attesa di giudizio est sans aucun doute l’un des plus grands films des années 1970. 45 ans après, le film de Giovanni Loi dit Nanni Loy (1925-1995), alors habitué des comédies à l’instar de son Hold-up à la milanaise (1959), la suite du mythique Pigeon de Mario Monicelli et père de la caméra cachée transalpine, n’a rien perdu de sa force et demeure même toujours d’actualité. Dans son premier rôle entièrement dramatique, Alberto Sordi, alors âgé de 50 ans et fêtant ses trente années de carrière consacrées essentiellement à la comédie, livre une prestation époustouflante qui hante encore les esprits bien longtemps après.

Depuis plusieurs années le géomètre Giuseppe Di Noi s’est installé en Suède, où il a épousé une femme suédoise. Père de deux petites filles, il est devenu un professionnel estimé. Après avoir signé un gros contrat, il décide d’emmener sa famille (et leur chien) en vacances en Italie pour une durée de trois semaines. Mais à la frontière italienne, juste après avoir franchi le Tunnel du Mont-Blanc, il est arrêté sans qu’on lui donne la moindre explication. Le cauchemar se prolonge bien au-delà de ce qu’il avait prévu, et il faudra l’acharnement passionné de son épouse et de son avocat pour montrer qu’il s’agit d’une erreur et obtenir la libération de l’innocent.

Ce très grand film, ce chef d’oeuvre qu’est Détenu en attente de jugement repose sur un scénario impitoyable signé Sergio Amidei (Rome ville ouverte, Païsa, Allemagne année zéro) et Rodolfo Sonego (Un héros de notre temps, Il Vedovo, L’Argent de la vieille). Autrement dit un scénariste préoccupé par la situation politique, sociale et économique de son pays, et le second habitué à écrire des rôles sur mesure pour le grand Alberto Sordi, « l’Albertone », le comédien italien le plus populaire de tous les temps. Ce dernier est vraiment fantastique dans le rôle de Giuseppe Di Noi, que l’on pourrait traduire par « comme nous », un individu comme les autres. Le succès et le triomphe d’Alberto Sordi pendant plus de soixante ans s’expliquent par cette empathie immédiate qu’il a toujours su créer, en incarnant l’italien moyen dans lequel les spectateurs se reconnaissaient. Ce « personnage » troque ici son nez rouge pour adopter le fard blanc du clown triste. Cette prestation bouleversante s’est vue récompensée par l’Ours d’argent du meilleur acteur au Festival de Berlin en 1972, ainsi que le David di Donatello partagé avec Giancarlo Giannini pour Mimi métallo blessé dans son honneur.

Victime du système judiciaire, politique et carcéral d’un pays en roue libre, Giuseppe Di Noi ne saura pas pourquoi il est arrêté, ni pourquoi on lui refuse le droit de se défendre ou tout simplement d’être écouté. Avec une caméra portée qui donne au film une dimension quasi-documentaire, ainsi qu’une photographie froide et aux teintes « immédiates » de Sergio D’Offizi, Nanni Loy plonge autant son personnage principal que les spectateurs dans un cauchemar kafkaïen, qui devient de plus en plus sombre et tortueux. L’humour noir sert de soupapes dans le premier acte, notamment lors de la fouille « en profondeur » du présumé coupable, mais déjà le malaise s’installe, quand Giuseppe doit se mettre à nu, au sens propre comme au figuré, tandis qu’on lui ôte toute dignité. Et le film agit toujours ainsi, en crescendo, en créant une sensation d’étouffement, à mesure que Giuseppe perd pied et espoir, au risque de sombrer dans la folie.

Alors que le personnage est transféré aux quatre coins du pays, en voiture, en train, en bateau, sous les huées des passants, il semble que Giuseppe doive se résoudre à rester emprisonné, dans des conditions de plus en plus dramatiques, déplorables et dangereuses puisqu’il échappe de peu à une tentative de viol collectif. S’il parvient à se sortir de cet enfer, nul doute que cette expérience le marque à vie.

Pamphlet corrosif, engagé et terrifiant sur les conditions aussi ancestrales que caduques des systèmes qui régissent l’Italie, pays obéissant encore à des règles fascistes dans l’unique but de broyer les individus, Détenu en attente de jugement est un triomphe à sa sortie et reste un film à découvrir absolument durant sa vie de cinéphile, d’autant plus qu’il demeurait encore inédit en France jusqu’en 2017.

LE DVD

Le DVD disponible chez Tamasa Diffusion repose dans un slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 16 pages illustré et contenant les avis d’Olivier Père, de Justin Kwedi (DVDClassik), de Loïc Blavier (Tortillapolis), ainsi que des bios d’Alberto Sordi et de Nanni Loy, sans oublier la fiche technique du film. En guise d’interactivité nous trouvons une galerie de photos et d’affiches, ainsi que la bande-annonce. Le menu principal est fixe et musical. Petite erreur de la part de l’éditeur qui indique que le film date de 1960…

L’Image et le son

Posséder Détenu en attente de jugement en DVD était inespéré. Le film de Nanni Loy renaît donc de ses cendres chez Tamasa dans une copie – présentée dans son format 1.85 – d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, le master est propre, immaculé, stable, les noirs plutôt concis et les contrastes homogènes. Hormis divers moirages et des séquences sombres au grain plus appuyé, le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ sont éloquents, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Sergio D’Offizi (La Longue nuit de l’exorcisme) sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci Tamasa !

Le confort acoustique est largement assuré par la piste mono d’origine italienne. Seule la version italienne est disponible, mais aucune raison de s’en plaindre. Ce mixage affiche une ardeur et une propreté remarquables, créant un spectre phonique fort appréciable et un bel écrin pour la musique de Carlo Rustichelli. Les effets et les ambiances sont nets. Les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © SNC (Groupe M6) / Compass Movietime TDR / Tamasa /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Couple modèle, réalisé par Peter Askin

COUPLE MODÈLE (A Good marriage) réalisé par Peter Askin, disponible en DVD et Blu-ray le 12 septembre 2017 chez Rimini Editions

Acteurs :  Joan Allen, Anthony LaPaglia, Stephen Lang, Cara Buono, Kristen Connolly, Mike O’Malley, Theo Stockman, Will Rogers…

Scénario :  Stephen King, d’après sa nouvelle Bon ménage

Photographie : Frank G. DeMarco

Musique : Danny Bensi, Saunder Jurriaans

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2014

LE FILM

Pour leurs amis, leurs enfants, leurs familles, Darcy et Bob Anderson forment un vrai couple modèle. 25 ans de mariage, pas le moindre accroc, et ils semblent amoureux comme au premier jour. Mais Darcy découvre que Bob pourrait être le violeur et le tueur en série qui sème la terreur dans la région depuis plusieurs années. Soudain l’horreur s’invite dans leur foyer…

S’il est indiscutable que Stephen King est et demeurera l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, on ne peut pas dire que ses participations aux adaptations pour le grand écran (comme le petit) de ses romans et nouvelles soient autant réussies que ses écrits. Après les catastrophes en date, la série Under the Dome et le film Cell phone, et après ses avis dithyrambiques sur les transpositions (navrantes) de La Tour Sombre, The Mist et 22.11.63 (si si), on est finalement surpris de la réussite de Couple modèle, A Good Marriage, tiré de la nouvelle Bon ménage, parue en 2010 dans le recueil Nuit noire, étoiles mortes.

Darcy et Bob Anderson sont mariés depuis presque trente ans et vivent un bonheur simple. Un soir, alors que Bob est en déplacement, Darcy fouille dans le garage à la recherche de piles et trouve une boîte contenant diverses pièces d’identité. Elle identifie l’une d’elles comme celle d’une victime du tueur en série Beadie, qui sévit depuis de nombreuses années. En faisant des recherches, Darcy découvre que Bob était à chaque fois en déplacement dans une zone proche des crimes lorsqu’ils ont eu lieu, ce qui achève de la convaincre qu’il est le tueur. Darcy, incertaine sur la conduite à tenir, va se coucher en remettant sa décision au lendemain. Elle est réveillée par Bob, qui l’a appelée dans la soirée et a senti son trouble. Bob sait qu’elle a découvert son secret et lui explique calmement qu’il a des pulsions homicides depuis l’adolescence et que, malgré tous ses efforts et surtout l’équilibre que Darcy lui a apporté, il n’arrive pas toujours à les contrôler. Bob implore Darcy de ne rien révéler pour le bien de toute leur famille et lui promet de ne plus jamais recommencer. Darcy, secrètement horrifiée, accepte mais doute que son mari tienne son engagement.

S’il œuvre principalement à Broadway en tant que metteur en scène (Hedwig and the Andry Inch), Peter Askin, fondateur du Westside Theatre, a également tâté du cinéma. On lui doit notamment Company Man (2000), coécrit, coréalisé et interprété par Douglas McGrath. S’il est étonnant de le retrouver aux manettes d’une adaptation de Stephen King, le dispositif finalement proche du théâtre de Couple modèle lui convient parfaitement. Outre un scénario très efficace et pour une fois très fidèle à la nouvelle originale (Stephen King ne s’est pas trahi sur ce coup-là), ce qui fait la force du film est l’interprétation des deux comédiens principaux, la grande Joan Allen et Anthony LaPaglia (Jack Malone dans la série FBI – Portés disparus). Excellemment dirigés, les deux acteurs rivalisent de cynisme, d’ambiguïté et tout simplement de talent dans ce thriller-dramatique qui se moque de la belle vitrine affichée par la bonne famille américaine puritaine où tout semble merveilleux et synonyme de bonheur. Derrière les façades des belles maisons fraîchement repeintes, des monstres guettent et attendent la tombée de la nuit pour sortir et se repaître de sang frais. Ou comment un homme, mari et père-modèle, se révèle être un serial-killer, qui après ses crimes rentre tranquillement chez lui où l’attend son épouse avec un verre de vin et prête à lui masser les épaules pour le détendre après un déplacement fatiguant. Jusqu’à ce que la femme en question découvre la véritable identité de celui avec qui elle partage la vie depuis plus d’un quart de siècle.

Joan Allen incarne parfaitement le trauma, le choc, la douleur, puis le combat de Darcy dissimulé sous le masque désormais ébréché du quotidien. Couple modèle prend alors un goût amer et savoureux, quand les deux époux, désormais « honnêtes » l’un envers l’autre, tentent de reprendre le cours de leur vie. Jusqu’à ce que l’un des deux cède. Avec sa réalisation élégante et bien tenue, sa solide interprétation (n’oublions pas la courte, mais intense participation de Stephen Lang), son humour noir et sa peinture de l’American Way of Life faite de sang et de vitriol, Couple modèle ne devrait pas décevoir les fans de Stephen King.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Couple modèle, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette reprend le visuel de l’affiche américaine. Très efficace, elle saura interpeller les fans de Stephen King, dont le nom apparaît en plus gros caractères que celui des acteurs et surtout en rouge-sang. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Seule la bande-annonce en version originale est disponible.

L’Image et le son

Couple modèle débarque chez nous directement en DVD et Blu-ray. L’éditeur soigne son master HD qui se révèle quasi-exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences sombres où l’image paraît plus douce. Le reste du temps, la clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés et la colorimétrie froide. Les détails sont élégants et précis aux quatre coins du cadre large.

Seule la version originale dispose d’une piste DTS-HD Master Audio 5.1. C’est évidemment ce mixage qui instaure un confort acoustique bien plus ample et plaisant que la version française (bon doublage) qui doit elle se contenter d’une petite PCM Stéréo. En anglais, la musique est systématiquement spatialisée grâce au soutien des latérales. Si les dialogues auraient mérité d’être un peu plus relevés sur la centrale, ils sont heureusement toujours nets et précis, la balance frontale est puissante et le caisson de basses utilisé à bon escient, sans esbroufe. La version originale est également disponible en PCM Stéréo, plus riche et naturelle que son équivalente française. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Anrderson, Coins, LLC. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / M15 demande protection – The Deadly Affair, réalisé par Sidney Lumet

M15 DEMANDE PROTECTION (The Deadly Affair) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 10 octobre 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  James Mason, Simone Signoret, Maximilian Schell, Harriet Andersson, Harry Andrews, Kenneth Haigh, Roy Kinnear…

Scénario :  Paul Dehn d’après le roman « L’Appel du mort » (Call for the Dead) de John le Carré

Photographie : Freddie Young

Musique : Quincy Jones

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

L’agent Charles Dodds enquête sur Samuel Fennan, soupçonné de sympathie envers le régime communiste. Après un interrogatoire où Fennan dément toute implication envers le communisme, il est retrouvé mort. L’agent Dodds va devoir prouver qu’il s’agit d’un meurtre…

Le romancier John le Carré (né en 1931) a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi « explosives » qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé et d’un ennui mortel, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Dernière transposition en date, Un traître idéal, adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011, un honnête thriller. Mais l’exemple type du passage à l’écran d’une œuvre de John le Carré demeure M15 demande protection, titre français absurde de The Deadly Affair, réalisé par le géant Sidney Lumet en 1966.

Comme la plupart des autres adaptations de le Carré au cinéma, l’intrigue de The Deadly Affair, adaptée du roman L’Appel du mort, part dans tous les sens et l’action est absente, mais Sidney Lumet et son scénariste Paul Dehn (Goldfinger, L’Espion qui venait du froid) privilégient une approche intimiste originale. Pendant la Guerre froide, en Angleterre, Samuel Fennan, un employé du ministère des Affaires Etrangères accusé d’amitiés communistes, est retrouvé mort. Tout pousse à croire à un suicide mais Charles Dobbs, officier au Secret Intelligence Service, MI5 (pour Military Intelligence, section 5), en charge de l’enquête pour le ministère de l’Intérieur et qui a rencontré Fennan la veille de sa disparition, ne croit pas qu’il se soit ôté la vie. Ses supérieurs veulent rapidement classer l’affaire mais Dobbs insiste et finit par démissionner afin d’avoir les mains libres pour mener son enquête. Il rend alors visite à la veuve de Fennan, qui lui impute la responsabilité de la mort de son mari. Au même moment, un vieil ami et compagnon de guerre réapparaît dans sa vie.

M15 demande protection permet à Sidney Lumet de se livrer à quelques expériences. Comme il s’agit d’un film sur le désenchantement et la désillusion, le cinéaste a demandé à son chef opérateur Freddie Young (Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago) de créer une palette de couleurs « sans couleur », d’atténuer les teintes, de les éteindre, afin d’appuyer l’atmosphère grisâtre de John le Carré, qui reflète un espionnage plus quotidien, neutre, peuplé de personnages qui ne savent pas où ils mettent les pieds, qui naviguent continuellement en eaux troubles, sur des terrains peu sûrs, où la réalité n’est jamais ce qu’elle paraît être. Loin de l’agent 007, les agents sont ici des bureaucrates, très rarement armés, qui déambulent dans des quartiers sales, glauques, sordides, où tout le monde soupçonne tout le monde et où la Realpolitik a eu raison des sentiments positifs. Plus que l’histoire d’espionnage elle-même, Sidney Lumet s’intéresse au drame psychologique vécu par les personnages, mais également aux ambiances et aux sensations.

The Deadly Affair est un film qui sent le feutre, le velours, l’encre, le sexe et la mort. La trahison est omniprésente, étatique et conjugale puisque la femme de Dodds est nymphomane et n’a de cesse de le tromper. Lumet et son scénariste se concentrent sur l’histoire personnelle de leur personnage principal, merveilleusement incarné par James Mason. Si la Paramount était détentrice du copyright du nom George Smiley depuis L’Espion qui venait du froid, le comédien britannique interprète ce même personnage rebaptisé ici Charles Dodds. Le regard tombant, la démarche fatiguée, le corps usé, le héros est ici malin, mais pas invulnérable et même tragique. Sidney Lumet instaure un climat sombre et pluvieux où tous les protagonistes semblent avoir quelque chose à se reprocher. En bénéficiant d’un casting européen, le cinéaste joue avec la musicalité des accents, entre la française Simone Signoret, l’allemand Maximilian Schell, la suédoise Harriet Andersson. Cette confrontation des langues appuie les tensions et surtout les suspicions des agents britanniques, dont le détective privé merveilleux incarné par Harry Andrews.

Afin de lui conférer un cachet intemporel, Quincy Jones compose une bande-originale décalée et bossa nova, qui contraste et qui pourtant s’intègre parfaitement à la complexité du récit et de ses personnages. Ce contrepied mélancolique aux aventures fantaisistes de 007 se cristallise lors du climax sensationnel où tous les protagonistes se retrouvent au théâtre, devant une représentation d’Edouard II, pièce sur la trahison, interprétée par David Warner. Les jeux de regards s’entrecroisent, les traitres se révèlent, les estomacs se retournent. C’est ici l’art du montage, du cadre et de la direction d’acteurs. C’est aussi virtuose qu’anthologique. Considéré comme un Lumet « mineur », M15 demande protectionThe Deadly Affair contient pourtant une des plus grandes séquences de toute l’immense carrière du réalisateur et rien que pour ça (mais pas seulement), le film mérite d’être reconsidéré.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Deadly Affair, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Trois présentations du film de Sidney Lumet pour le prix d’une ! Si elles se recroisent forcément à travers certains arguments identiques, ces trois interviews parviennent heureusement à se compléter suffisamment. Notre préférence se tourne vers celle de Bertrand Tavernier (25’30). Notre interlocuteur se moque gentiment du titre français (M15 et non pas MI5 !), évoque le roman L’Appel du mort de John Le Carré et revient en détails sur tous les éléments qui font pour lui la grande réussite du film : les décors, la photographie du chef opérateur Freddie Young, les thèmes sombres qui contrastent avec l’exotisme des James Bond qui triomphent dans le monde entier. Bertrand Tavernier examine le casting et déclare avoir de grandes réserves sur le jeu de l’actrice suédoise Harriet Andersson, tandis qu’il encense la prestation d’Harry Andrews et celle de Simone Signoret. S’il parle de deux ou trois éléments qu’il juge inappropriés, inutiles ou maladroits (deux plans en ouverture, l’esthétique quelque peu datée), Bertrand Tavernier fait l’éloge de la séquence finale quand les personnages se retrouvent au théâtre.

L’historien du cinéma Patrick Brion prend ensuite le relais (9’). Plus concis, ce dernier aborde tout d’abord la photo de Freddie Young et les volontés artistiques. Le travail sur la pellicule, les partis pris, les décors sont ensuite passés au peigne fin. L’adaptation de John le Carré est ensuite comparée à celle de L’Espion qui venait du froid, film réalisé par Martin Ritt et sorti l’année précédente. Pour Patrick Brion, The Deadly Affair est peut-être la plus belle transposition d’un des romans de l’écrivain au cinéma. Il s’attarde également sur le casting.

Dans le dernier entretien de cette édition, François Guérif (6’) parle tout d’abord du roman de John le Carré, avant d’analyser lui aussi les thèmes et les partis pris de M15 demande protection, titre français qui le fait encore rire comme son camarade Bertrand Tavernier avec qui il partage le même avis négatif sur Harriet Andersson. Il s’agit probablement du module le plus facultatif en raison de ses arguments quelque peu redondants, même si François Guérif demeure le plus critique sur le film de Sidney Lumet.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie d’affiches.

L’Image et le son

Très beau Blu-ray que celui édité par Sidonis Calysta ! Le disque est au format 1080p (AVC). Le master restauré par Sony respecte les magnifiques partis pris esthétiques du mythique chef opérateur Freddie Young avec cette palette de couleurs spécifique, volontairement fanées avec une prédominance de teintes brunes. Le grain est respecté, parfois peut-être un peu lissés ou au contraire trop duvêteux sur certaines scènes sombres, mais les détails ne manquent pas à l’instar de l’éclat des yeux bleus de Simone Signoret ou sur les nombreux gros plans. Hormis quelques séquences plus douces, la définition est impressionnante et l’image affiche une indéniable propreté.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 distillent parfaitement la musique de Quincy Jones. Néanmoins, la piste française se focalise sans doute trop sur le report des voix, au détriment des ambiances annexes. La piste originale est très propre, sans souffle, dynamique et suffisamment riche pour instaurer un très bon confort acoustique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Il Gaucho, réalisé par Dino Risi

IL GAUCHO réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 12 septembre 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  Vittorio Gassman, Amedeo Nazzari, Silvana Pampanini, Nino Manfredi, Maria Grazia Buccella, Annie Gorassini, Nando Angelini…

Scénario :  Dino Risi, Ruggero Maccari, Tullio Pinelli, Ettore Scola

Photographie : Alfio Contini

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Marco Ravicchio, un attaché de presse financier « légèrement » à court d’argent, accompagne une compagnie de production italienne pour un voyage d’affaires en Argentine, afin de présenter un film lors d’un festival. Quand ce n’est pas avec les femmes, il passe le plus clair de son temps, à essayer de gagner un maximum d’argent, soit aux paris, soit en soutirant de l’argent auprès d’un italien expatrié, devenu un riche et prospère industriel…

La carrière du maître Dino Risi a été tellement grandiose, que l’on a de cesse de découvrir des pépites oubliées. C’est le cas avec Il Gaucho, réalisé en 1964, sixième collaboration entre le cinéaste et le comédien Vittorio Gassman, sur les 16 films qu’ils tourneront ensemble, de L’homme aux cent visages (Il mattatore) en 1959 à Valse d’amour en 1990. A peine sortis du chef d’oeuvre Le Fanfaron (1962) et des mythiques Monstres (1963), grisés par le succès et animés par la même énergie, les deux hommes remettent immédiatement le couvert avec Il Gaucho et partent tourner en Argentine. Méconnu, dissimulé derrière des œuvres devenues très populaires, Il Gaucho est pourtant l’une des plus grandes réussites de Dino Risi.

Vittorio Gassman est Marco Ravicchio. Marié et père de famille, il conduit une misérable délégation de cinéastes italiens à un festival à Buenos Aires, ainsi que quelques starlettes. Un italien expatrié, qui a fait sa fortune en Argentine, organise une réception somptueuse pour impressionner cette troupe. Entre mesquinerie et provincialisme, les Italiens découvrent en Argentine un monde qu’ils ne connaissent pas. Comme il se trouve à des milliers de kilomètres de chez lui, Marco décide de prendre du bon temps et espère retrouver un de ses anciens amis, parti faire fortune à Buenos Aires. Sous ses airs clinquants et déambulant dans au milieu des vedettes de cinéma, Marco s’est en réalité endetté et se voit vite rattrapé par sa situation.

On l’a souvent répété, mais Vittorio Gassman est une fois de plus immense dans Il Gaucho où il campe un personnage lâche, prétentieux, cupide, cruel, en un mot humain. Véritable typhon, le comédien virevolte constamment, nous gratifie de son immense sourire et emporte les spectateurs dans ses délires. De là à penser que son jeu inspirera le Belmondo des années 1970 il n’y a qu’un pas. Cependant, et c’est là tout le génie de Dino Risi et de ses coscénaristes, dont l’imminent Ettore Scola, l’énergie et la bonne humeur quotidienne du personnage, dissimulent en réalité la peur de se retrouver démuni ou tout du moins d’avoir des difficultés à joindre les deux bouts. Alors que le film est mené à cent à l’heure, Dino Risi effectue un virage inattendu en plein milieu de son récit, pour se concentrer sur les retrouvailles de Marco avec un ami d’enfance, Stefano, interprété par un autre monstre de la comédie italienne, Nino Manfredi, sublime et poignant, récompensé par le Grolla d’Oro du meilleur acteur en 1965.

Pensant que Stefano a réussi dans les affaires en Argentine, conformément à ses rêves, Marco tombe des nues quand il découvre son ami marié à une femme ingrate et vivant dans un appartement fort modeste, rongé par l’humidité. Stefano, vêtu d’un costume, probablement le seul qu’il possède, froissé et trop grand pour lui, a du mal à jouer bonne figure devant son ami, tandis que Marco, le visage affaissé et le regard triste, ne peut jouer son numéro habituel devant Stefano avec qui il a toujours été honnête. Dino Risi s’interroge alors sur le temps qui passe, sur les désillusions, sur les occasions manquées, sur le sort réservé à ceux qui n’ont pas eu la chance de réussir dans la vie. Une grande mélancolie s’installe durant cette incroyable séquence, la plus belle du film, tandis que Marco montre enfin son véritable visage, loin des paillettes et des mirages du monde du cinéma.

Le film reprend alors sur un ton doux-amer et même si l’humour est toujours aussi présent (un homme qui pourrait bien être Hitler est devenu jardinier, les bimbos qui ne comprennent rien à ce qui se dit ou qui croient voir la ligne de l’Equateur par le hublot), la vraie vie s’est immiscée un temps et tout ce qui est désormais montré dans le monde professionnel de Marco, fait de strass, de champagne, d’hôtels de luxe et de paillettes, est encore plus superficiel qu’au début. Il Gaucho est un film à redécouvrir et à réhabiliter d’urgence.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Il Gaucho est disponible chez ESC Editions, dans la collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits sont même proposés en Haute-Définition ! La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur noire (contrairement au visuel), lui-même glissé dans un surétui cartonné, se focalise uniquement sur Vittorio Gassman. Le verso montre tous les titres déjà disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est animé et musical. Aucun chapitrage.

Cette collection, bientôt entièrement chroniquée dans nos colonnes, a été éditée dans les bacs en trois vagues. La première en mars 2017 avec Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). La seconde vague au mois de juin avec Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Le Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). La dernière en septembre avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

Une fois de plus, nous retrouvons l’historien du cinéma Stéphane Roux pour une présentation d’Il Gaucho (13’). Visiblement très inspiré par ce chef d’oeuvre, notre interlocuteur s’attarde avec une passion contagieuse sur la collaboration du tandem Vittorio Gassman/Dino Risi, sur les personnages du film et explique en le citant qu’Il Gaucho était l’un des meilleurs souvenirs de cinéma du comédien. Stéphane Roux évoque également le succès critique et public du film, les thèmes, la méthode de travail de Dino Risi et d’Ettore Scola, le tout avec quelques anecdotes de tournage intéressantes.

L’interactivité se clôt sur une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro.

L’Image et le son

Mauvais point, le Blu-ray proposé est au format 1080i et ne respecte pas la vitesse de défilement originale de la pellicule, ici plus rapide. Malgré tout, le master HD d’Il Gaucho proposé ici est de fort bonne facture avec notamment une superbe restauration, des contrastes denses, une luminosité plaisante et un grain respecté. Hormis divers décrochages sur les fondus enchaînés, des fourmillements à la 72e minute (la séquence dans l’appartement de Stefano) et des petites déchirures ici et là, le Blu-ray d’Il Gaucho installe un confort de visionnage évident et cette copie qui ne manque pas d’éclat participe à la (re)découverte de ce bijou oublié de Dino Risi.

Comme pour l’image, le son a également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage italien Stéréo 2.0 aux sous-titres français imposés, pas même un souffle parasite. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens, enregistrées en postsynchronisation, peuvent parfois saturer ou apparaître en léger décalage avec le mouvement des lèvres.

Crédits images : © R.T.I. S.P.A. / ESC Conseils/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Procès du siècle, réalisé par Mick Jackson

LE PROCÈS DU SIÈCLE (Denial) réalisé par Mick Jackson, disponible en DVD et Blu-ray le 6 septembre 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs :  Rachel Weisz, Tom Wilkinson, Timothy Spall, Andrew Scott, Jack Lowden, Caren Pistorius, Alex Jennings, Harriet Walter, Mark Gatiss…

Scénario :  David Hare d’après le livre History on Trial: My Day in Court with a Holocaust Denier de Deborah Lipstadt

Photographie : Haris Zambarloukos

Musique : Howard Shore

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Deborah Lipstadt, historienne et auteure reconnue, défend farouchement  la mémoire de l’Holocauste. Elle se voit confrontée à un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, David Irving, qui la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt, qui se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes ?

« Le film le plus important de l’année » scandait l’affiche française à la sortie du Procès du siècle en avril 2017. Certes, le sujet est capital, mais on pouvait en espérer un bien meilleur traitement au cinéma. Sur un scénario de David Hare, spécialisé dans les récits quelque peu balourds et ampoulés du style The Hours et The Reader, le réalisateur Mick Jackson, 74 ans au compteur, sort de sa retraite 14 ans après son dernier film The First $20 Million Is Always the Hardest, pour « mettre en images » l’histoire ahurissante et pourtant vraie de Deborah Lipstadt. Alors qu’elle mène une conférence sur l’Holocauste, la professeur en études juives met en cause les négationnistes qui douteraient de l’existence des chambres à gaz. Elle s’attaque à la propagande de David Irving, un universitaire extrémiste. Or celui-ci est dans la salle et la met au défi de trouver des preuves de ce qu’elle avance. Il la poursuit même en justice et l’historienne doit étayer ses convictions devant la cour. Elle se rend au camp d’extermination d’Auschwitz, en compagnie de son avocat Richard Rampton, afin de préparer sa défense. Un procès au long cours commence le 11 janvier 2000.

Mick Jackson ne s’est jamais vraiment relevé du carton planétaire de Bodyguard en 1992. Son blockbuster Volcano s’était soldé par un four (à lave) en 1997 et le cinéaste s’est ensuite tourné vers la télévision. On ne sait comment le projet du Procès du siècleDenial a pu lui arriver dans les mains, toujours est-il qu’on attendait une mise en scène plus impliquée plutôt qu’une illustration technique d’un scénario pourtant brillant et passionnant, adapté de l’ouvrage History on Trial: My Day in Court with a Holocaust Denier dans lequel l’historienne américaine Deborah Lipstadt revenait en détails sur le procès en diffamation intenté à son encontre par l’auteur britannique David Irving, qu’elle désignait comme négateur de la Shoah. Après trois mois de procès à Londres, de janvier à avril 2000, le verdict avait été rendu favorable à Deborah Lipstadt, le juge Charles Gray ayant désigné Irving coupable d’avoir délibérément manipulé des faits historiques à des fins idéologiques personnelles.

Du point de vue cinématographique, Le Procès du siècle ne fait certes pas d’esbroufe inutile, mais la mise en scène est bien trop paresseuse et repose entièrement sur le jeu des comédiens. Comme d’habitude, nous n’avons d’yeux que pour Rachel Weisz (Hilary Swank avait été longtemps envisagée), sublime, quasiment de tous les plans, qui s’empare de son rôle avec force. Si Tom Wilkinson et Andrew Scott tirent facilement son épingle du jeu, Timothy Spall dans le rôle de l’adversaire de Deborah Lipstadt, grimace constamment. Son monstrueux personnage, puant et suintant de prétention, n’avait pas besoin que l’acteur en rajoute avec un côté théâtral agaçant, dont il abuse d’ailleurs régulièrement. Heureusement, l’histoire est suffisamment prenante du début à la fin, même si l’ensemble manque finalement de surprises, et on apprécie que David Hare ait respecté à la lettre les archives officielles et les procès-verbaux originaux.

Malgré sa mise en scène fonctionnelle, son manque de rythme et ses quelques écarts – on ne sait combien de fois le personnage de Deborah Lipstadt est filmé en train de faire son jogging – pour combler les trous entre deux plaidoiries, Le Procès du siècle ne laisse évidemment pas indifférent, notamment la visite de l’ancien camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, même si du point de vue formel rien ne le distingue de la multitude des « films de procès ».

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Procès du siècle, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Pour la sortie du film de Mick Jackson dans les bacs, l’éditeur n’a heureusement pas repris le visuel hideux de l’affiche française d’exploitation, mais s’est inspiré de celui de l’affiche du film Amen de Costa-Gavras, en plaçant les visages des trois comédiens principaux. Le menu principal est animé et musical.

M6 Vidéo va au plus simple en livrant quatre entretiens promotionnels avec le réalisateur Mick Jackson accompagné du scénariste David Hare (6’), l’historienne Deborah Lipstadt (7’), Timothy Spall (7’) et Tom Wilkinson (7’). On sent les interviews chronométrées et réalisées à la chaîne avec les mêmes sempiternelles questions sur l’histoire vraie narrée dans le film, les partis pris, sur le jeu et la préparation de Rachel Weisz. Si les trois premiers jouent le jeu en se contentant de faire des phrases toutes faites, les deux comédiens ne cachent pas leur ennui, en particulier Tom Wilkinson qui baille d’ailleurs plusieurs fois devant la journaliste. Quelque peu bougon, il regarde son interlocutrice (hors-champs), d’autant plus qu’elle n’a de cesse de le flatter, tout en faisant les questions et les réponses.

Nous trouvons également une mini-featurette (3’30), composée de rapides propos des comédiens et d’images de tournage. Sans intérêt.

L’Image et le son

La photo du Procès du siècle est signée Haris Zambarloukos, chef opérateur éclectique de Mamma Mia !, The Other Man, Thor et Locke. Les partis pris sont plutôt élégants et trouvent en HD un écrin parfait, les contrastes sont solides et la clarté évidente. Si le rendu est parfois un peu doux et le piqué pas aussi incisif qu’espéré, la définition demeure quasi-optimale, les détails ciselés, la colorimétrie est flatteuse et le codec AVC fait ardemment son boulot.

Les versions anglaise et française sont disponibles en DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0. Les 5.1. imposent une petite spatialisation discrète mais bel et bien palpable avec diverses ambiances et surtout la très présente musique d’Howard Shore qui percent les enceintes latérales, en plongeant directement le spectateur au beau milieu du procès éponyme. Certes, le film repose en grande partie sur les dialogues, mais il serait dommage de se priver de ce petit plus. Saluons également la tonicité des deux pistes 2.0 qui contenteront aisément ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © SquareOne/Universum / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fences, réalisé par Denzel Washington

FENCES réalisé par Denzel Washingon, disponible en DVD et Blu-ray le 27 juin 2017 chez Paramount Pictures

Acteurs :   Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson, Jovan Adepo, Russell Hornsby, Mykelti Williamson, Saniyya Sidney…

Scénario :  August Wilson d’après sa pièce de théâtre Fences

Photographie : Charlotte Bruus Christensen

Musique : Marcelo Zarvos

Durée : 2h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

L’histoire d’une famille où chacun lutte pour exister et être fidèle à ses rêves, dans une Amérique en pleine évolution. Troy Maxson aspirait à devenir sportif professionnel mais il a dû renoncer et se résigner à devenir employé municipal pour faire vivre sa femme et son fils. Son rêve déchu continue à le ronger de l’intérieur et l’équilibre fragile de sa famille va être mis en péril par un choix lourd de conséquences.

Fences est tout d’abord est une pièce de théâtre écrite en 1983 par Frederick August Kittel dit August Wilson, écrivain et dramaturge américain, célèbre pour avoir obtenu le prix Pulitzer de la meilleure œuvre théâtrale à deux reprises, pour La Leçon de piano et pour Fences. Comme la plupart de ses écrits, Fences traite de la condition des Noirs dans l’Amérique des années 1950, plus particulièrement dans la ville de Pittsburgh. Longtemps envisagé pour la porter à l’écran, le comédien Denzel Washington préfère tout d’abord interpréter la pièce de théâtre à Broadway, même si August Wilson avait déjà rédigé le scénario avant d’être emporté par un cancer du foie en 2005 à l’âge de 60 ans. Cinq ans après son décès, la pièce est un triomphe et remporte trois Tony Awards, pour le meilleur acteur Denzel Washington, la meilleure actrice Viola Davis et pour la meilleure reprise. Longuement mûri, le projet au cinéma prend forme petit à petit. Denzel Washinton était déjà annoncé à la réalisation en 2013, mais le tournage n’a finalement lieu qu’en 2015. A cette occasion, tous les comédiens qui avaient créé la pièce à Broadway, Mykelti Williamson, Russell Hornsby et Stephen Henderson reprennent leurs rôles respectifs pour sa transposition au cinéma.

A l’écran et malgré toute la bonne volonté de Denzel Washington de respecter la pièce originale, Fences se révèle être un drame très académique, très long (2h20), extrêmement bavard. L’histoire est la même qu’à Broadway. Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson travaille depuis dix-huit ans en tant qu’éboueur. Il est amer car il aurait pu devenir joueur de football professionnel, or il était trop âgé quand les Noirs ont finalement été acceptés en Major League. Sa femme Rose l’a toujours soutenue. Son frère Gabriel est revenu de la guerre avec un handicap mental. Un jour, Cory, leur fils qui pratique également le football, annonce à Troy qu’il a quitté son emploi dans une épicerie pour pouvoir jouer devant un recruteur de Caroline du Nord. Troy se met en colère et ordonne à Cory de reprendre son travail. S’il n’évite pas le cabotinage (il est même souvent en roues libres puisque personne n’est là pour le freiner), on ne doute pas de la sincérité du comédien-réalisateur et que ce projet lui tenait à coeur au point d’y avoir consacré de nombreuses années, mais Fences souffre d’une mise en scène, de dialogues et de symboles qui n’ont de cesse de surligner l’émotion et le propos.

Bien que les acteurs soient très bons et impliqués, notamment Viola Davis, dont la puissante prestation a été justement récompensée par un Golden Globe, un British Academy Film Awards et un Oscar, le spectateur a souvent l’impression d’assister à une succession de scènes où les performances sont faites pour épater la galerie et flatter l’académie des Oscars. Quinze ans après Antwone Fisher et dix ans après The Great Debaters, Denzel Washington signe son retour derrière la caméra, tout en s’octroyant le premier rôle. Son troisième long métrage souffre d’une théâtralité jamais dissimulée avec des décors pourtant voulus réalistes dans le véritable quartier de Hill District à Pittsburgh (où August Wilson a grandi et où se déroulent neuf de ses pièces), mais qui s’avèrent limités (un jardin, une cuisine, une chambre), ce qui crée un sentiment de claustrophobie. Si cela renforce parfois l’intensité de certaines séquences, l’authenticité désirée par le réalisateur a du mal à prendre, surtout que le film enchaîne les longs tunnels de dialogues durant lesquels il est inévitable de perdre le fil. Le jeu parfois enflé et les dialogues souvent excessifs tuent l’émotion dans l’oeuf, tandis que la mise en scène ne fait rien ou pas grand-chose pour donner un semblant de vie et surtout un rythme suffisant pour maintenir l’intérêt de l’audience durant 140 minutes qui couvrent six années.

Etrangement, ces défauts n’empêchent pas de se sentir concerné par le destin poignant et finalement universel de ces personnages, qui ont tout pour s’aimer, mais qui ne savent pas comment le faire ou le dire. Fences est une œuvre attachante, y compris dans ses nombreuses maladresses – cette impression quasi-constante et même exténuante de théâtre filmé – et on en retient finalement de belles choses grappillées ici et là.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Fences, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et musical, reprend le visuel de la jaquette et de l’affiche originale.

C’est toujours un peu la même chose chez l’éditeur. L’interactivité est inutilement divisée en plusieurs segments puisque les sujets abordés restent quasiment les mêmes d’un module à l’autre. Les suppléments intitulés Un plus grand public : du théâtre au cinéma (9’), La Troupe de Fences (9’), La Création de Fences : Denzel Washington (7’), Dans son rôle : Rose Maxson (7’) et August Wilson : Le District de Hill (6’) se focalisent essentiellement sur la création de la pièce d’August Wilson à Broadway en 2010 puis de son adaptation cinématographique tournée en 2016 avec la même troupe menée par Denzel Washington.

Les acteurs, les producteurs, la directrice de la photographie, la costumière, le compositeur, le chef décorateur, le monteur, le metteur en scène de la pièce à Broadway prennent la parole à tour de rôle afin de parler de cette aventure qui s’est étendue sur plusieurs années, sur ce que la pièce a changé dans leur vie, sur les œuvres d’August Wilson et de leur importance. Denzel Washington s’exprime également sur les partis pris, ses intentions, le casting et les recherches faites pour l’adaptation cinématographique de la pièce de théâtre, dont nous pouvons apercevoir quelques clichés. Les thèmes du film sont également abordés, diverses images du plateau viennent illustrer les propos dithyrambiques des intervenants.

L’Image et le son

L’élévation HD (1080p) magnifie les beaux partis pris esthétiques de la photographie signée Charlotte Bruus Christensen (La Chasse, La Fille du train) qui fait la part belle aux teintes brunes, légèrement sépia, du plus bel effet. Le piqué dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus incisif sur toutes les séquences tournées en extérieur. La copie est immaculée, les contrastes concis, les noirs souvent denses. En revanche, on aurait souhaité des gros plans plus détaillés, surtout que Denzel Washington reste souvent en plan fixe sur ses comédiens (et sur lui-même), mais la définition montre ses limites. Dans l’ensemble, l’image est élégante et flatteuse, le rendu des matières est palpable, tout comme un grain argentique caractéristique d’un tournage en 35mm.

Seule la version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 7.1, contrairement à la piste française qui doit se contenter d’une pauvre piste Dolby Digital 5.1. Pour la première option acoustique, le mixage créé une spatialisation en adéquation avec le film. Les dialogues sont exsudés avec force, les effets et ambiances annexes sont bien présents sur les scènes en extérieur, ne cherchant jamais à jouer la surenchère. Nul besoin de monter le volume pour profiter pleinement de la musique discrète mais bien présente de Marcelo Zarvos (Raisons d’état, L’Elite de Brooklyn). Le caisson de basses intervient seulement durant la scène de l’orage. La version française reste acceptable, mais ne tient pas la comparaison avec son homologue.

Crédits images : © Paramount Pictures Corporation. All Rights Reserved. / David Lee / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jack l’Eventreur, réalisé par John Brahm

JACK L’ÉVENTREUR (The Lodger) réalisé par John Brahm, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre chez Rimini Editions

Acteurs :  Merle Oberon, George Sanders, Laird Cregar, Cedric Hardwicke, Sara Allgood, Aubrey Mather…

Scénario :  Barré Lyndon d’après le roman de Marie Belloc Lowndes

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

1888. Londres est secouée par une série de meurtres sanglants, et l’on vient de découvrir la quatrième victime de l’assassin. Au même moment, l’étrange M. Slade loue une chambre dans une maison bourgeoise et tombe amoureux de la nièce de sa logeuse.

Le cinéaste allemand John Brahm (1893-1982) fuit l’Allemagne à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Il arrive à Hollywood et signe son premier long métrage Le Lys brisé en 1936, sous le nom d’Hans Brahm. Eclectique, John Brahm passe facilement du drame à la comédie, d’une Prison centrale à un Pensionnat de jeunes filles, quand la consécration arrive avec son thriller Laissez-nous vivre (1939) avec Henry Fonda et Maureen O’Sullivan. En 1942, The Undying Monster est un tournant dans sa carrière. Pour le compte de la Fox, John Brahm suit le genre fantastique initié par les studios Universal, à travers une histoire de loup-garou mise en scène avec une esthétique expressionniste saluée de la part de la critique. Le cinéaste récidive dans le genre épouvante avec Jack l’EventreurThe Lodger en version originale, troisième adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes. Publié en 1913, cet ouvrage avait déjà été transposé au cinéma en 1927 par Alfred Hitchcock – sous le titre français Les Cheveux d’or – avec Ivor Novello et demeure entre autres célèbre pour sa séquence du plafond transparent où l’on aperçoit le tueur présumé faire les cent pas. Le réalisateur britannique Maurice Elveny signera également une adaptation en 1932, cette fois encore avec Ivor Novello.

D’après un scénario de Barré Lyndon (Crépuscule de Henry Hathaway), le film de John Brahm s’inspire très librement de la véritable histoire de Jack l’Eventreur, même si le récit est bel et bien situé dans le district londonien de Whitechapel en 1888. Il s’agit d’une interprétation parmi tant d’autres, résolument moderne et sexuellement explicite. Même si John Brahm a toujours déclaré n’avoir jamais vu la version d’Alfred Hitchcock, le réalisateur joue sur les attentes des spectateurs qui auraient en tête Les Cheveux d’or, pour mieux les prendre par surprise. Ainsi, la présence de l’imposant Laird Cregar, vu dans Le Cygne noir de Henry King et Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch, peut à la fois être inquiétante (surtout quand il est filmé en contre-plongée), mais aussi créer un sentiment de doute quant à la véritable nature de son personnage, en faisant penser que nous sommes en présence d’un commissaire infiltré qui enquête sur les meurtres commis dans le quartier de Whitechapel. John Brahm brouille ainsi les cartes en jouant sur l’aura de la première transposition, tout en proposant une relecture différente, sans doute plus premier degré, mais tout autant efficace que le film d’Alfred Hitchcock.

La première séquence donne le ton en plongeant directement le spectateur dans un quartier animé où les passants se trouvent perdus dans le fog londonnien. Les décors sont très réussis avec ses murs défraîchis et ses ruelles pavées. Même si la présence de policemen a été renforcée depuis que trois meurtres de femmes se sont succédé, nous assistons (hors-champ) au quatrième à travers la voix de la nouvelle victime. Dans le Londres victorien, la terreur règne. Des chanteuses et danseuses de cabaret sont assassinées par un tueur en série et la police peine à trouver le coupable. Cette série macabre coïncide avec l’arrivée d’un étrange locataire, Mr Slade, dans la pension de famille des Bonting. Cet homme énigmatique dit être pathologiste. Mais très vite, ses étonnantes et multiples sorties nocturnes inquiètent les locataires, surtout quand Mr Slade semble s’intéresser à la nièce de sa logeuse, une certaine Kitty Langley, nouvelle vedette d’une revue dansante qui connaît un grand succès dans la capitale.

Jack l’Eventreur de John Brahm se regarde et s’apprécie en deux temps. La première fois, l’histoire rondement menée par le cinéaste allemand s’avère un formidable divertissement, prenant et qui comprend son lot de surprises. La deuxième fois, une fois au fait des rebondissements ou plutôt des soupçons qui se sont révélés exacts quant à la véritable nature de Mr Slade, le spectateur pourra encore plus apprécier la grande réussite technique de cette œuvre, sa mise en scène souvent virtuose mais également la sublime photographie expressionniste de Lucien Ballard (La Horde sauvage, L’Ultime razzia, Guet-apens) faite d’ombres et de perspectives, sans oublier le fond de l’histoire particulièrement ambigu. Sur ce point, la nature ouvertement bisexuelle de Mr Slade est étonnante pour un film de 1944, y compris son affection quasi-incestueuse qu’il entretenait pour son frère, dont le suicide pour l’amour d’une danseuse est devenu le déclencheur de la haine (mais y compris de l’attirance) de Slade pour les jeunes femmes artistes. Le roman de Marie Belloc Lowndes sert de support et John Brahm s’approprie le mythe du personnage de Jack l’Eventreur (qui tuait alors des prostituées et non des chanteuses), pour en livrer sa propre interprétation en l’inscrivant dans un trauma sexuel et psychologique d’une folle modernité qui n’est pas sans rappeler les motifs de l’assassin du Dressed to Kill de Brian de Palma.

En effet, Slade est à la fois tiraillé entre ce désir de venger son frère en tuant ces chanteuses de cabaret et l’envie sexuelle de ces femmes, notamment de Kitty (la belle Merle Oberon, la Cathy des Hauts de Hurlevent de William Wyler) dont il tombe amoureux malgré-lui. Les dialogues qui peuvent parfois paraître trop écrits et déclamés avec théâtralité par Laird Cregar, sont pourtant violents et encore une fois saisissants pour un film des années 1940. N’oublions pas la présence de George Sanders, qui incarne l’inspecteur de Scotland Yard chargé de l’enquête et qui use de son côté de nouvelles méthodes afin de démasquer le tueur, en ayant notamment recours aux empreintes digitales. Jack l’Eventreur version John Brahm est au final une très grande réussite, dont l’atmosphère poisseuse sur le fond et sur la forme demeure singulière plus de 70 ans après sa sortie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jack l’Eventreur, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 32 pages rédigé par l’incontournable Marc Toullec, ancien rédacteur en chef de Mad Movies, intitulé John Brahm, l’illustre inconnu d’Hollywood.

Pour compléter le visionnage de Jack l’Eventreur, l’éditeur est allé à la rencontre du critique cinéma Justin Kwedi, qui officie pour les sites DVDClassik et Culturopoing (19’). Si l’intervention de Justin Kwedi, visiblement impressionné par l’exercice, manque de construction et s’avère parfois redondante, elle n’en demeure pas moins intéressante et donne entre autres envie de se pencher un peu plus sur l’oeuvre de John Brahm. Le portrait du réalisateur est dressé dans une première partie où Justin Kwedi démontre son éclectisme après son arrivée à Hollywood dans les années 1930. Puis le journaliste se penche sur la trilogie gothique constituée de The Undying Monster (1942), Jack l’Eventreur (1944) et Hangover Square (1945), qui a largement contribué à sa renommée. L’adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes, le casting du film, ses qualités esthétiques (la photo, les décors) et la psychologie des personnages sont les sujets également abordés durant ces vingt minutes.

L’Image et le son

Ce master restauré de Jack l’Eventeur, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Lucien Ballard retrouve une densité inespérée dès le générique en ouverture. Même si elle semble déjà dater, la restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves hormis quelques effets de pompages des noirs. La gestion des contrastes est certes aléatoire, mais le piqué s’avère convaincant la plupart du temps. Si les puristes risquent de rechigner en ce qui concerne le lissage parfois trop excessif (euphémisme) du grain argentique original, le cadre n’est pas avare en détails – sauf sur les scènes embrumées, difficiles à restituer – et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce grand film méconnu.

L’unique version anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable en version originale (avec sous-titres français imposés), avec une bonne restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. Si elle manque parfois de coffre, l’acoustique demeure suffisante.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Entertainment / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Prairies de l’honneur, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES PRAIRIES DE L’HONNEUR (Shenandoah) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  James Stewart, Doug McClure, Glenn Corbett, Patrick Wayne, Rosemary Forsyth, Phillip Alford, Katharine Ross, George Kennedy…

Scénario :  James Lee Barrett

Photographie : William H. Clothier

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Charlie Anderson, fermier de son état à Shenandoah, en Virginie, se retrouve impliqué dans la guerre civile. Il refuse de soutenir les Confédérés, car il s’oppose fermement à l’esclavage, mais ne soutient pas non plus l’Union car il est profondément contre la guerre. Lorsque son fils est fait prisonnier, Charlie part immédiatement à sa recherche. Il va rapidement être confronté aux horreurs de la guerre et va devoir choisir son camp.

« Les croque-morts gagnent la guerre. Les Hommes politiques se gargarisent de la gloire de la guerre, les vieillards disent que c’est nécessaire. Les soldats n’ont qu’un seul désir, rentrer chez eux. »

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles comme Chisum (1970), Les Oies sauvages (1978) et Les Loups de haute mer (1980). Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart puisque les deux hommes travailleront ensemble sur trois autres films, Rancho Bravo (1966), Bandolero ! (1968) et Le Rendez-vous des dupes (1971).

Si Les Prairies de l’honneur a été réalisé en 1965 alors que le western vivait ses dernières heures de gloire aux Etats-Unis et triomphait en Europe, le film d’Andrew V. McLagen s’avère un drame familial attachant, marqué par un sous-texte humaniste et ouvertement antiguerre, qui reflète alors l’enlisement de l’Oncle Sam au Viêt Nam. 1863. En Virginie, alors que la Guerre de Sécession fait rage, le fermier Charlie Anderson (James Stewart) refuse de prendre part au conflit et prétend qu’il ne se sent pas concerné tant que la guerre n’arrive pas sur ses terres. Veuf, père d’une fille sur le point de se marier et de six garçons dont le plus jeune vient d’avoir 16 ans, Anderson interdit à ses enfants de participer à cette guerre. Mais la guerre n’épargne personne, et Charlie ne pourra pas longtemps rester à l’écart, surtout que Boy, son benjamin, s’est fait arrêter par des soldats de l’Union. Les Prairies de l’honneur est un film superbe, qui séduit d’emblée par son apparente simplicité et ses personnages menés par un James Stewart aussi impérial que magnifique en patriarche, galurin vissé sur la tête et cigare au bec, qui aime ses enfants et qui s’en occupe seul depuis que sa femme est morte en couches il y a une quinzaine d’années. Alors qu’il vient de marier son unique fille Jennie (Rosemary Forsyth, nommée pour le Golden Globe du meilleur espoir féminin en 1966) à un soldat sudiste (Doug McClure) appelé sur le champ de bataille juste après la cérémonie, Anderson voit son terrier voler en éclats quand son jeune fils disparaît. Accompagné de ses fils, sauf de James (Patrick Wayne) et de sa femme Ann, interprétée par Katharine Ross (Le Lauréat), qui viennent d’avoir un bébé, Anderson se rend compte des horreurs de la guerre dont il ne voulait pas entendre parler.

A sa sortie, le message pacifiste et antimilitariste a été salué. Mais Shenandoah ne se résume pas qu’à cela. Andrew V. McLaglen signe également l’un de ses plus beaux films. Toujours soucieux du travail bien fait, le cinéaste a confié la photo au célèbre chef opérateur William H. Clothier, à qui l’on doit les images de cinq films de John Ford, dont Le Massacre de Fort Apache (1948) et L’Homme qui tua Liberty Valance (1962). L’immense compositeur Frank Skinner se voit confier la musique. Si le budget est confortable, Les Prairies de l’honneur ne bénéficie pas des moyens alloués aux grandes productions passées, surtout que le western apparaît déjà comme un genre en fin de vie, mais l’immense talent d’Andrew V. McLaglen parvient à donner au film un véritable standing. L’histoire ne manque pas d’humour, de tendresse et d’émotions, les séquences d’affrontements sont impressionnantes, la violence est montrée frontalement (comme le soldat qui reçoit une balle dans la tête) et James Stewart fait preuve d’une immense sensibilité dans la peau de ce père qui voue un amour sans limite pour ses enfants.

Après une première partie qui installe une atmosphère plutôt légère – dont une bagarre endiablée au ton quasi-burlesque – malgré la guerre qui se déroule hors-champ avec des coups de canon qui résonnent jusque dans la vallée, le récit devient plus grave et désenchanté au fur et à mesure qu’Anderson se rend compte non seulement de la mort qui n’a pas épargné les jeunes soldats, mais également que les Etats du Sud ont perdu la guerre. Alors peu importe que Les Prairies de l’honneur ait pu être considéré comme anachronique à sa sortie quand Sergio Leone et Sam Peckinpah renouvelaient le genre, car aujourd’hui le film d’Andrew V. McLaglen demeure un très grand divertissement, la mise en scène apparaît toujours aussi élégante, le scénario intelligent et son final bouleversant.

LE BLU-RAY

L’édition HD des Prairies de l’honneur est disponible chez ESC Editions. Le visuel est élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

L’éditeur joint une présentation et une analyse du film qui nous intéresse par Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (28’). Point par point, le journaliste revient sur tous les aspects des Prairies de l’honneur (« peut-être le meilleur western du réalisateur » dit-il), en indiquant tout d’abord le caractère quasi-désuet et old-school du film, alors que le cinéma américain connaît ses premiers bouleversements qui conduiront au Nouvel Hollywood. Mathieu Macheret évoque ensuite le casting, l’évolution du western dans les années 1960, la carrière du cinéaste Andrew V. McLaglen et la façon avec laquelle ce dernier use du classicisme comme d’une forme de résistance afin de faire passer son message antimilitariste. Une métaphore caractérisée par le personnage interprété par James Stewart, qui représente un héros d’un autre temps, qui croit pouvoir vivre en vase clos avec les siens, avant de se rendre à l’évidence devant la violence qui l’entoure lui et ses fils.

L’interactivité se clôt sur une comparaison de l’image avant/après la restauration avec à gauche l’image source et l’image restaurée à droite de l’écran.

L’Image et le son

Les Prairies de l’honneur avait tout d’abord connu une édition DVD sortie en 2004 chez Universal, avant de ressortir en 2009 chez le même éditeur. Le film d’Andrew V. McLaglen fait désormais peau neuve chez ESC Editions dans un nouveau master restauré HD. Si la propreté est indéniable, la restauration ne semble pas récente et a du mal à rivaliser avec les scans HD plus contemporains. Néanmoins, le Blu-ray des Prairies de l’honneur présenté ici n’a vraiment rien de honteux. La définition est correcte, surtout sur les plans rapprochés où les détails s’avèrent plus pointus et très plaisants. Le bât blesse au niveau des plans larges où on espérait une profondeur de champ plus dense. Les couleurs deviennent plus fanées, les contours manquent de finesse et le grain original a été beaucoup trop lissé. En revanche, l’image affiche une stabilité à toute épreuve, aucun fourmillement ne vient perturber le visionnage et les contrastes s’avèrent plutôt bons.

Les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage récent, qui dénature tout le charme original du film, avec des voix inappropriées. Si l’écoute demeure correcte, elle ne vaut évidemment pas le naturel de la piste originale plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Universal Pictures / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr