BACCALAURÉAT (Bacalaureat)réalisé par Cristian Mungiu, disponible en DVD et Blu-rayle 12avril2017chez Le Pacte
Acteurs : Adrian Titieni, Maria-Victoria Dragus, Rares Andrici, Lia Bugnar, Malina Manovici, Vlad Ivanov…
Scénario : Cristian Mungiu
Photographie : Tudor Vladimir Panduru
Durée : 2h07
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Pour Baccalauréat, son cinquième long métrage, le réalisateur Cristian Mungiu, révélé par 4 mois, 3 semaines, 2 jours qui lui a valu une Palme d’Or méritée en 2007, s’inspire une fois de plus de faits réels. A l’instar de son précédent film Au-delà des collines, le cinéaste souhaite à travers le drame réaliser une radiographie de la Roumanie d’aujourd’hui, toujours gangrenée par la corruption, qui tente encore de se remettre des années Ceauşescu.
Prenant comme partis pris de ne pas être catégorique dans ses jugements ni de tenter d’identifier les coupables, Cristian Mungiu livre une oeuvre tendue comme un « thriller social » et l’on pense tout du long au cinéma de Michael Haneke (notamment le fabuleux Caché), des frères Dardenne (coproducteurs du film d’ailleurs) et d’Asghar Fahradi. Comme ces derniers, Cristian Mungiu laisse au spectateur le choix de se faire sa propre opinion sur les agissements des personnages. Où est le bien ? Où est le mal ? Qui a raison ? Qui a tort ? Le réalisateur indique « Baccalauréat est une histoire sur les compromis et les principes, sur les décisions et les choix, sur l’individualisme et la solidarité mais aussi sur l’éducation, la famille et sur le vieillissement. C’est l’histoire d’un parent qui se demande ce qui est le mieux pour son enfant, si son enfant devrait être préparé à devenir un survivant dans le monde réel ou s’il devrait se battre pour être toujours honnête et changer le monde autant qu’il le peut ».
Romeo (Adrian Titieni, bouleversant), la cinquantaine, père aimant et responsable, est chirurgien. Son mariage est en crise et il fait chambre à part avec sa femme. Il a une jeune maîtresse. Mais sa seule obsession est de sauver sa fille Eliza (Maria-Victoria Dragus, vue dans Le Ruban blanc de Michael Haneke) de l’avenir peu reluisant qui s’offre à elle si elle devait faire sa vie en Roumanie. Si elle obtient une moyenne de 18 à son bac, elle pourra bénéficier d’une bourse qui lui permettra de quitter le pays pour aller étudier dans une université prestigieuse en Angleterre. Une affaire faite pour cette élève très douée. Mais la veille des examens, l’adolescente est agressée dans un chantier près de la fac. Blessée, choquée, démotivée, elle hésite alors à se présenter à la première épreuve le lendemain matin. Toutefois, Romeo est prêt à tout. Il se tourne alors vers un patient en attente d’une greffe de foie. Influent, ce dernier lui promet d’intervenir afin de corrompre le correcteur des copies. Baccalauréat repose sur une montée de tension palpable et progressive qui prend le spectateur – placé en tant que témoin – aux tripes pour ne plus le lâcher. Quelques secrets cachés éclatent au grand jour et fragilisent les relations au sein de la famille. Que faire ? Que dire ? Le ton monte, le personnage principal, Roméo, médecin réputé, dont Mungiu adopte le point de vue, se trouve constamment face à un dilemme, pris dans une spirale infernale d’entrée de jeu (une fenêtre brisée par une pierre lancée par un inconnu) et se retrouve à utiliser les armes dont il dispose pour enfreindre la loi, dans le seul but d’aider sa fille.
A travers ces conflits intérieurs, le réalisateur dresse un constat pessimiste de son pays et de la perte de confiance de ses habitants. Avec une mise en scène implacable en plans-séquences, une structure virtuose en engrenages, un scénario brillant et le jeu intense de ses merveilleux comédiens magistralement dirigés, Baccalauréat, tout comme les œuvres précédentes de Cristian Mungiu, implique le spectateur qui s’identifie immédiatement aux personnages féminins et masculins, adultes et ados, et c’est là toute la force de son cinéma. Une oeuvre captivante et saisissante sur l’amour et le libre-arbitre, justement récompensée par le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2016.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Baccalauréat, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.
Après avoir (re)vu Baccalauréat, dirigez-vous immédiatement sur la section des suppléments qui propose un entretien fondamental entre Cristian Mungiu et Michel Ciment, directeur de la revue Positif (45’). Les deux hommes échangent en français sur la genèse du film, l’écriture du scénario (plusieurs faits divers reliés par un fil rouge), les personnages, les thèmes, les points de vue, la mise en scène, le rapport au spectateur, l’usage du son et l’absence de musique, le casting, les décors, le cadre. Tous ces sujets sont abordés longuement et de manière passionnante. Les cinéphiles amateurs de l’oeuvre de Cristian Mungiu ne devront pas manquer ce rendez-vous.
S’ensuivent deux scènes coupées (4’). La première se focalise sur Eliza qui demande à son petit ami Marius de la déposer au centre d’examens le lendemain matin. Ce dernier réagit en lui rappelant qu’elle serait amenée à quitter le pays, et donc lui aussi, si elle devait réussir son baccalauréat. Cela laisserait supposer que l’accusation de Romeo a l’égard de Marius est peut-être justifiée et que le jeune homme aurait peut-être préféré ne pas intervenir lors de l’agression en pensant que cela inciterait Eliza à rester en Roumanie. La deuxième scène montre Romeo et sa maîtresse Sonia le soir, ramenant le chien qu’ils ont percuté en voiture et qu’ils essayent de soigner. Le couple s’embrasse, mais un bruit suspect interrompt le baiser, comme si quelqu’un les observait.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p. Baccalauréat bénéficie d’un superbe traitement de faveur avec ce master HD élégant. Les contrastes sont à l’avenant, la luminosité des scènes diurnes est éclatante, le piqué acéré y compris en intérieur, les noirs sont denses, le codec AVC solide. Evidemment, la propreté est de mise, les détails foisonnent aux quatre coins du cadre, et hormis quelques saccades notables sur divers mouvements de caméra, la colorimétrie demeure agréablement naturelle, précise et classe.
Baccalauréat est disponible en versions française et roumaine DTS-HD Master Audio 5.1. Il n’y a rien à redire du point de vue dynamique et de la vivacité des dialogues. Les deux mixages sont harmonieux, même si la version originale est évidemment largement conseillée et plus naturelle, respectent l’ambiance intimiste du film, se révèlent fluide et créent un confort acoustique plaisant. Quelques ambiances et effets se font bien entendre sur les latérales, mais l’ensemble demeure anecdotique, surtout que le film se trouve totalement dépourvu de musique. Les sous-titres français sont imposés sur la piste roumaine et le changement de langue est verrouillé à la volée. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
MADEMOISELLE (Ah-ga-ssi) réalisé par Park Chan-wook, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mars 2017 chez M6 Vidéo
Acteurs : Kim Min-hee, Kim Tae-ri, Ha Jung-woo, Jo Jin-woong, Kim Hae-suk, Moon So-ri…
Scénario : Park Chan-wook, Jeong Seo-kyeong d’après le roman Du bout des doigts (Fingersmith) de Sarah Waters
Photographie : Chung-hoon Chung
Musique : Jo Yeong-wook
Durée : 2h18
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Entre la Corée et le Japon des années 1930, durant la colonisation japonaise. L’histoire mêle les trajectoires d’une jeune femme fortunée vivant recluse dans un gigantesque manoir par un vieil oncle lubrique, et d’un escroc sadique surnommé le « Conte ». Très intéressé par l’argent de la nantie, ce dernier va faire appel à une fille pickpocket, qu’il placera comme servante chez la riche héritière.
Franchement, quand on voit qu’un film comme Mademoiselleest reparti bredouille du Festival de Cannes, ou presque si l’on excepte le Prix Vulcain de l’artiste technicien remis par la CST (Commission Supérieure Technique) à la décoratrice Ryu Seong-hies, on se demande comment un tel Festival puisse encore être crédible. L’insaisissable réalisateur sud-coréen Park Chan-wook, connu dans le monde entier depuis Old Boy (2003), puis metteur en scène acclamé pour Lady Vengeance (2005), Je suis un cyborg (2006), Thirst, ceci est mon sang (2009) et un passage par le cinéma américain avec son remarquable Stoker (2013), est de retour dans son pays avec Mademoiselle, splendide thriller psychologico-érotique. En 1930, alors que la Corée est occupée par les Japonais, une jeune femme prénommée Sookee (Kim Tae-Ri dans son premier rôle à l’écran) est engagée comme servante d’une riche nipponne, Hideko (Kim Min-Hee) vivant recluse dans un immense manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique qui souhaite faire d’elle son esclave sexuel. Mais la petite bonne a un secret. Avec la complicité d’un escroc (Ha Jung-woo) se faisant passer pour un comte japonais, ils veulent mettre à exécution un plan diabolique.
Libre adaptation du roman Du bout des doigts – Fingersmith de l’écrivaine britannique Sarah Waters, publié en 2002, Mademoiselle foudroie le spectateur par sa virtuosité et la densité de son récit. Immédiatement séduit par l’histoire de ces deux femmes situées au coeur du récit, Park Chan-wook s’approprie le roman original pour livrer un véritable drame teinté de thriller, mais aussi véritable histoire d’amour aux rebondissements multiples et surprenants jamais dénués d’humour noir et aux scènes érotiques troublantes. Si l’action du roman se déroulait à Londres dans les années 1860, le cinéaste la délocalise pour son film en Corée pendant la colonisation japonaise des années 1930. Dans cette Corée soumise et à l’aube d’une époque moderne, Park Chan-wook convie le spectateur à un ballet composé d’arnaques et de faux-semblants parasité par l’irruption inattendue des sentiments. Les décors d’une richesse époustouflante reflètent alors la théâtralité des traditions et des (faux) rapports entre les personnages, mais c’était sans compter sur les sentiments qui allaient animer et enflammer les personnages de Sookee et de Mademoiselle, qui entament alors une passion amoureuse et charnelle, tandis qu’un homme, qui a envoyé la première au service de la seconde dans l’espoir que Mademoiselle accepte de l’épouser, est loin de se douter de ce retournement de situation. Qui est manipulé ? Qui manipule ? Chacun à tour de rôle.
Avec sa mise en scène étourdissante, la beauté de ses comédiennes, le soin immense apporté aux décors et aux costumes, ses scènes érotiques sulfureuses et la conduite rigoureuse de son récit découpé en trois actes (pour trois points de vue), Mademoiselles’avère un conte féministe entre ombres et lumières, parfois difficile pour les nerfs (la lente guillotine des doigts), lente, mais toujours remarquable, fascinant, populaire et hypnotique. Et quelle photographie ! Osons le dire, ce thriller sadique et romanesque où les personnages se perdent dans un palais des glaces, dont les draps de soie remplaceraient les miroirs, est le chef d’oeuvre de Park Chan-wook.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Mademoiselle, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Une édition Blu-ray limitée (non testée) contient un deuxième Blu-ray du film en version longue inédite (167′ – VOST, soit 23 minutes supplémentaires). La version du film chroniquée est donc celle du montage cinéma. Le menu principal est animé et musical, tandis que la jaquette du Blu-ray normal reprend le visuel de l’affiche française du film.
Concernant l’interactivité, c’est carrément du foutage de gueule. Si la jaquette indique un making of, la présentation du film au Festival de Cannes et une interview du réalisateur, nous déchantons rapidement puisque la durée du premier bonus est de 5 minutes, le second 1’30 et le dernier 1’40 ! Cela serait revenu à la même chose de ne rien proposer du tout ! Surtout que n’avons pas pu obtenir la version longue du film.
Ces featurettes n’apportent évidemment rien de conséquent. L’image est d’ailleurs affublée d’un bandeau noir sur lequel sont apposés les sous-titres français, probablement pour en dissimuler d’autres. On y voit rapidement le réalisateur à l’oeuvre avec ses comédiens, tandis que l’équipe s’exprime face à la caméra sur les conditions de tournage et l’histoire du film. Le photocall et la montée des marches de l’équipe à Cannes ne nous intéressent pas, pas plus que la minuscule interview du réalisateur dans le dernier « supplément ».
Cette section se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Pour la première fois de sa carrière, Park Chan-wook a tourné un de ses film en numérique, au moyen de la très convoitée caméra Arri Alexa XT Plus, afin de pouvoir utiliser un objectif anamorphique. On ne saurait faire mieux. Le cinéaste signe sa septième collaboration avec le chef opérateur Chung-hoon Chung. Les magnifiques partis pris esthétiques originaux sont magnifiquement rendus à travers ce Blu-ray d’une folle élégance et aux couleurs étincelantes. Le piqué est affûté, la profondeur de champ impressionnante, les contrastes fabuleusement riches, les détails abondent aux quatre coins du cadre large, tandis que le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, y compris sur les très nombreuses scènes se déroulant dans la demeure ou en basse lumière. Apport HD indispensable et même primordial pour ce titre et même top démo pour ce Blu-ray (1080p).
Si elle s’avère aussi parfaite que la version originale, évitez bien évidemment de visionner Mademoiselle en français ! En coréen/japonais comme en français, l’environnement acoustique est tout aussi incroyable que la photographie. Les deux versions jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio 5.1 particulièrement enivrant, immersif et riche. La balance frontale rivalise d’effets et d’énergie avec les latérales, le caisson de basses intervient à bon escient, tandis que les dialogues demeurent toujours ardents sur la centrale. Toutes les séquences en extérieur s’accompagnent automatiquement d’ambiances naturelles. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo plutôt fracassantes.
Anouk, 14 ans, a hâte d’effectuer son stage d’observation de troisième dans la compagnie d’assurances où travaille sa mère Cyrielle. Mais dès le premier jour, l’adolescente se voit confier le rangement d’un placard rempli de dossiers. Une tâche qu’elle trouve ingrate et sans aucun intérêt. Pire, au fil de cette semaine d’immersion, Anouk découvre brutalement un autre visage de sa mère, celle d’une femme froide et insensible à la détresse d’une jeune mère de famille endettée qui risque d’être expulsée du jour au lendemain. La jeune fille est alors confrontée au monde adulte de l’entreprise, avec ses petits arrangements et ses grandes lâchetés.
Maman a tort est déjà le cinquième long métrage de Marc Fitoussi après La Vie d’artiste, Copacabana, Pauline détective et La Ritournelle. Depuis dix ans, le réalisateur a su prouver la singularité et la sensibilité de son univers, en jouant souvent avec certains codes, à l’instar de Pauline détective qui mélangeait habilement la comédie policière avec des références au cinéma hollywoodien (Charade notamment), mais aussi les romans de la Bibliothèque rose ou verte à l’instar de Fantômette et du Club des cinq, et même les oeuvres d’Agatha Christie. Depuis La Vie d’artiste, Marc Fitoussi a toujours marqué ses films, pourtant souvent ancrés dans une réalité sociale, d’une douce folie. Ses œuvres possèdent également un décalage qui fait l’âme de son cinéma, toujours marquées par des dialogues subtils et d’une remarquable intelligence. Le dernier-né de Marc Fitoussi, Maman a tort, ne déroge pas à la règle et apparaît même comme un film-somme.
En haut de l’affiche la toujours parfaite et lumineuse Emilie Dequenne donne la réplique à la révélation du film, la jeune comédienne Jeanne Jestin, vue dans Le Passé d’Asghar Farhadi et La Vie domestique d’Isabelle Czajka. Cette dernière, à la fois solaire et grave, magnétique et promise à une belle carrière, porte littéralement le film sur ses épaules puisque le réalisateur adopte le point de vue de son personnage. Jeanne Jestin interprète Anouk. Ses parents sont divorcés. Elle voit son père de temps en temps (l’excellent Grégoire Ludig, très touchant). Alors qu’elle devait passer son stage de troisième dans la petite entreprise d’un ami de son père, le plan tombe à l’eau au dernier moment. Du coup, Anouk n’a d’autre recours que de réaliser cette semaine de stage dans la société d’assurance de sa mère Cyrielle Lequellec (Emilie Dequenne, dix ans après La Vie d’artiste). Remisée à des tâches subalternes par des employées indélicates et hypocrites (Nelly Antignac et Camille Chamoux, qui font penser aux terribles sœurs de Cendrillon) ou trop légères (Annie Grégorio, toujours géniale), elle ne tarde pas à s’ennuyer. Un jour, elle assiste à une plainte d’une assurée, Nadia Choukri (sublime Sabrina Ouazani), qui ne comprend pas pourquoi elle ne reçoit pas l’assurance-vie de son mari après son décès. Anouk constate que sa mère Cyrielle étudie le dossier de Nadia avec peu d’attention et de complaisance. Choquée par l’injustice faite à cette femme, elle va mener sa petite enquête pour essayer de lui venir en aide, car elle la sent menacée de se retrouver SDF avec ses deux enfants. Elle accède subrepticement au dossier et fait des découvertes sur les pratiques de la société d’assurance et de sa mère.
Récit initiatique, adieu à l’enfance et perte de l’innocence, Maman a tort montre la première plongée d’une adolescente dans le monde terrible et très violent des adultes et celui du travail avec ses règles établies. Malgré ses bureaux colorés et chaleureux (Marc Fitoussi a toujours apporté une grande importance aux couleurs), l’entreprise pourtant nommée Serenita est montrée comme un univers impitoyable, où ceux qui détiennent même une petite autorité n’hésitent pas à s’en prendre aux subalternes, puisque ceux-ci n’oseront pas répliquer. Anouk constate que même sa mère est victime de ce rapport de forces. Mais il n’y a pas que ça, puisqu’elle se rend compte également que sa mère n’est pas innocente et qu’elle est obligée de prendre des décisions importantes, même si cela doit détruire une ou plusieurs familles, pour pouvoir conserver son poste bien placé. Une situation inespérée pour Cyrielle, devenue cadre sans détenir de diplômes. Sans transition, Anouk se perd du jour au lendemain dans ces couloirs où les petites mesquineries sont quotidiennes, où les secrétaires se permettent de l’accuser d’avoir volé les chocolats du calendrier de l’Avent, sans avoir de preuves. Un « vol inqualifiable » puisque cela chamboule les quelques rituels qui « animent » la vie de bureau. Anouk observe (et quel regard ! ) et écoute. Son stage de troisième devient donc celui de la vie.
Marc Fitoussi filme l’entreprise et ses employés, comme des rats lâchés dans un labyrinthe étriqué, impression renforcée par l’usage du cadre 1.55 dans lequel les personnages semblent enfermés. Le personnage d’Emilie Dequenne est complexe, à la fois empathique mais aussi impitoyable et pathétique, la comédienne s’en acquittant encore une fois parfaitement. L’alchimie avec Jeanne Jestin est évidente et participe – entre autres – à la très grande réussite de Maman a tort, comédie-dramatique sociale élégante, bourrée de charme et très attachante, maline et dont le désenchantement progressif du personnage d’Anouk prend aux tripes jusqu’au générique de fin. On le savait déjà, probablement depuis son premier film, Marc Fitoussi est devenu l’un de nos plus précieux cinéastes.
LE DVD
Le test du DVD de Maman a tort, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la jolie musique du film. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film.
En 2005, Marc Fitoussi réalise L’Education anglaise, un documentaire de 52 minutes, présent sur le DVD, sur le séjour linguistique à Bristol de jeunes Français. « Un tournage que j’avais adoré et au cours duquel j’avais eu la chance de capter des choses qu’il me semblait difficile de restituer sous forme de fiction. » indique le cinéaste. Pour parfaire leur anglais, les adolescents âgés de 13 à 16 ans sont envoyés en Angleterre par leurs parents. Le programme concocté par l’organisme a été conçu selon une stratégie pédagogique imparable : logement en famille d’accueil, cours intensifs d’anglais, activités sportives et culturelles. Pourtant, les adolescents se révèlent assez peu sensibles à l’efficacité linguistique du séjour. Enfin affranchis de la tutelle parentale, ils se soucient surtout de nouer de nouvelles amitiés et de vivre pleinement une liberté tant désirée. Un film durant lequel Marc Fitoussi parvient à s’immiscer dans le quotidien de ces jeunes, venus des quatre coins de l’Europe, « obligés » de cohabiter durant un été, pour se perfectionner dans la langue de Shakespeare, mais pas seulement. Entre les discussions laborieuses avec les familles d’accueil et les cours obligatoires, les jeunes se rencontrent et se confrontent, s’attirent, flirtent pour certains. Les amours passagères, les amitiés qui dureront, ou inversement, sont capturées par la délicate caméra de Marc Fitoussi. Le documentaire se clôt sur la dernière fête organisée, le soir avant que les jeunes soient séparés.
La section des suppléments propose également 14 minutes de scènes coupées au montage, dont une fin alternative. Si rien n’est dit sur l’éviction de ces séquences, probablement pour une question de rythme, il serait dommage de passer à côté puisqu’elles s’avèrent très réussies.
L’Image et le son
Dommage de ne pas bénéficier de ce titre en Blu-ray. Néanmoins, l’éditeur soigne le transfert du film de Marc Fitoussi. Soutenu par une solide définition, le master est parfaitement propre. La copie est exemplaire et lumineuse tout du long, les couleurs excellemment gérées, avec une prédominance de teintes bleues, tout comme les contrastes très élégants.
Ne vous attendez pas à un déluge d’effets surround si votre choix s’est portée sur la Dolby Digital 5.1 qui se contente seulement de faire entendre de légères ambiances naturelles ou tout simplement d’offrir une spatialisation épisodique de la musique du film. Maman a tort ne se prêtant évidemment pas aux exubérances sonores, le principal de l’action se trouve canalisé sur les frontales où les dialogues ne manquent pas d’intelligibilité. N’hésitez pas à sélectionner la stéréo, ardente et dynamique, amplement suffisante avec un parfait confort acoustique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
TWIN PEAKS, série créée par David Lynch et Mark Frost.
Saison 1 et Saison 2, réalisées par David Lynch, Duwayne Dunham, Tina Rathbourne, Tim Hunter, Lesli Linka Glatter, Caleb Deschanel, Mark Frost, Todd Holland, Graeme Clifford.
TWIN PEAKS – FIRE WALK WITH ME, réalisé par David Lynch
Coffret Intégrale Prestige Blu-ray disponible le 29juillet 2014 chez Paramount Pictures
Acteurs de la série : Kyle MacLachlan, Sheryl Lee, Michael Ontkean, Richard Beymer, Lara Flynn Boyle, Sherilyn Fenn, Ray Wise, Grace Zabriskie, Mädchen Amick, Dana Ashbrook, Jack Nance, Everett McGill, James Marshall, Eric DaRe, Piper Laurie, Kimmy Robertson, Joan Chen, Frank Silva, Michael J. Anderson…
Acteurs du film Twin Peaks – Fire Walk With Me : Sheryl Lee, Ray Wise, Harry Dean Stanton, Mädchen Amick, Kyle MacLachlan, David Bowie
Scénario de la série : Saison 1 : Mark Frost, David Lynch, Harley Peyton, Robert Engels. Saison 2 : David Lynch, Mark Frost, Harley Peyton, Robert Engels, Jerry Stahl, Barry Pullman, Scott Frost, Tricia Brock
Scénario du film Twin Peaks – Fire Walk With me : David Lynch, Robert Engels
Photographie de la série : Frank Byers, Ronald Víctor García
Photographie du film Twin Peaks – Fire Walk With Me : Ronald Víctor García
Musique : Angelo Badalementi
Duréetotale du coffret : 27 heures
Année : 1990 / 1991 / 1992
TWIN PEAKS : LA SERIE TV
Dans la ville imaginaire de Twin Peaks, située dans le nord-ouest de l’État de Washington, le cadavre de Laura Palmer, une jolie lycéenne connue et aimée de tous, est retrouvé emballé dans un sac en plastique sur la berge d’une rivière. L’agent spécial du FBI Dale Cooper est désigné pour mener l’enquête. Il découvre alors que Laura Palmer n’était pas celle que l’on croyait et que de nombreux habitants de la ville ont quelque chose à cacher.
Honnêtement, est-il utile de présenter ou de critiquer une des séries les plus cultes de l’histoire de la télévision ? Kyle MacLachlan dans le rôle de l’Agent Dale Cooper, moitié mystique, moitié rationnel, croyant en l’analyse des rêves, moitié freudien, moitié holmesien donc, mais aussi Michael Ontkean (le shérif Harry S. Truman), Mädchen Amick (Shelly Johnson), Dana Ashbrook (Bobby Briggs), Richard Beymer (Benjamin Horne), Lara Flynn Boyle (Donna Hayward), Sherilyn Fenn (Audrey Horne), Warren Frost (Dr William Hayward), Peggy Lipton (Norma Jennings), Kimmy Robertson (Lucy Moran), Ray Wise (Leland Palmer), Joan Chen (Jocelyn « Josie » Packard), Piper Laurie (Catherine Packard Martell), Harry Goaz (Adjoint Andy Brennan), Michael Horse (Adjoint Tommy « Hawk » Hill), Sheryl Lee (Laura Palmer / Madeleine « Maddy » Ferguson), Michael J. Anderson (The Man from Another Place), Russ Tamblyn (Dr Lawrence Jacoby) et bien d’autres comédiens tous autant talentueux auront définitivement marqué la petite lucarne, nos esprits, nos vies.
A l’origine, David Lynch et le scénariste Mark Frost planchent sur l’adaptation d’un roman consacré à la mort mystérieuse de Marilyn Monroe, Goddess : The Secret Lives of Marilyn Monroe d’Anthony Summers. Le projet n’aboutit pas, mais les deux écrivains imaginent une petite bourgade paumée (et imaginaire) des Etats-Unis avec ses habitants, qui ont tous quelque chose à se reprocher, secoués par l’assassinat d’une jeune lycéenne bien sous tous rapports. Le plan de la ville est dressé, le profil psychologique de chaque personnage (au moins une trentaine) bien établi, l’image d’un corps enveloppé dans un sac en plastique échoué sur les bords d’un lac les obsède. Twin Peaks est née.
Welcome to Twin Peaks, population 51.201… bientôt 51.200.
La chaîne ABC, alors à la traîne, est emballée par le projet et décide de financer un épisode pilote pour la somme de 2 millions de dollars en laissant une entière liberté aux auteurs. Le casting une fois réuni et les repérages effectués, le tournage est lancé. Le succès est au rendez-vous. Une saison de 7 épisodes est ensuite commandée par ABC, puis une seconde de 22. Twin Peaks devient rapidement un vrai phénomène culturel, lance la carrière des comédiens, déclenche l’hystérie chez certains illuminés qui souhaitent savoir qui a tué Laura Palmer. Cette question reste une des plus connues de l’histoire de la télévision.
Cette série mythique, diffusée en France sur La Cinq dès avril 1991 sous le titre Mystères à Twin Peaks, puis 20 ans plus tard sur Arte, transcende le(s) genre(s) et abolit les règles du feuilleton traditionnel. Décalée avec son atmosphère de film-noir, hors-normes, hypnotique (la musique n’y est pas pour rien) et fantasmagorique, Twin Peaks demeure une expérience unique en son genre avec sa multitude de personnages insensés, ses intrigues entremêlées, son ambiance rétro, son parfum de perversité, ses références (Boulevard du Crépuscule, Sueurs froides), qui demandent l’attention assidue des spectateurs. Bourrée d’humour, mais également violente, sombre et macabre, bercée par la splendide composition d’Angelo Badalamenti, Twin Peaks n’a pas pris de rides puisqu’elle est inclassable, hors-du-temps, intouchable.
Beaucoup s’accordent à dire que la série a commencé à décliner dès la révélation de l’assassin de Laura Palmer (épisode 7 de la deuxième saison), d’autant plus que David Lynch, parti réaliser Sailor & Lula, avait commencé à délaisser quelque peu son bébé en le confiant à d’autres cinéastes, certes très inspirés, mais quelque peu décontenancés par une nouvelle intrigue moins passionnante. En dépit de son intérêt décroissant (ainsi que l’audience), voire frustrant, jusqu’au final tout bonnement ahurissant repris en main par David Lynch himself qui pour le coup nous a concocté un dernier épisode bourré de rebondissements comme lui seul en a le secret (et en espérant sans doute une saison 3), Twin Peaks nous apparaît toujours comme un véritable miracle, un diamant aux facettes multiples et infinies que le temps ne parvient pas à altérer.
Twin Peaks : Fire Walk With Me : le film :
La mort mystérieuse de Teresa Banks donne du fil à retordre aux agents spéciaux du FBI Dale Copper et Chester Desmond. Plus tard, dans la ville de Twin Peaks, la belle et populaire Laura Palmer sombre dans une spirale maléfique…
Un an après l’arrêt brutal de la série Twin Peaks à la fin de la seconde saison, David Lynch décide de revenir dans cette petite ville et plus précisément pour évoquer les sept derniers jours de Laura Palmer. Conscient que l’intérêt de la série résidait dans le mystère qui entourait la mort de cette jeune lycéenne, trop vite résolu en raison des pressions provenant des pontes de la chaîne ABC, le cinéaste revient à la sève même du mythe à travers une préquelle. Seulement là où David Lynch aurait pu se contenter de surfer sur ce qui a fait le succès de Twin Peaks, à savoir cet équilibre fragile mais magistral de violence, d’humour, de thriller, de grotesque et de mélodrame, Fire Walk With Me s’avère une totale relecture encore plus nihiliste, dépourvue du moindre second degré, sauvage et désespérée. Du coup, les fans qui attendaient un retour en grâce se sont retrouvés face à une oeuvre, que dis-je un chef-d’oeuvre, profondément tourmenté et ténébreux.
Film mal aimé à sortie, conspuée par celles et ceux qui vouaient un culte à la série originale, Twin Peaks : Fire Walk With Me est aujourd’hui enfin reconsidéré à sa juste valeur : il s’agit ni plus ni moins d’un des plus grands films de son auteur.
Lynch filme suffisamment de matériel – 280 kilomètres de pellicule sur 40 jours de tournage – pour un film d’une durée de près de quatre heures. Conscient que le rythme est différent sur le grand écran que sur la petite lucarne, il se voit contraint de couper 1h30 au montage, en particulier les séquences où apparaissaient les personnages tant aimés des spectateurs, Lucy, le Shérif Truman, l’adjoint Andy, Audrey, pour ne citer que ceux-là, tandis que Lara Flynn Boyle (Donna) est purement et simplement remplacée par une autre comédienne, Moira Kelly.
De ce fait, toutes les soupapes d’humour sont laissées de côté, Kyle MacLachlan ne fait qu’une brève apparition et les scènes qui avaient été au préalable écrites pour lui obligent David Lynch et son coscénariste Robert Engels à créer un nouveau personnage, interprété par Chris Isaak.
Lynch préfère au contraire resserrer son film comme un étranglement progressif… jusqu’au final d’une violence inouïe. Le réalisateur prend alors le risque inconsidéré de perdre son audience. Ce qui n’a pas manqué d’ailleurs. Celles et ceux qui ont su prendre le train en marche n’en reviennent toujours pas. Véritables montagnes russes émotionnelles, expérience sensorielle et cinématographique rare, à ne pas mettre devant tous les yeux certes, Twin Peaks : Fire Walk With Me est un film virtuose, qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Un véritable objet de fascination.
LE COFFRET BLU-RAY
Il s’agit probablement d’un des plus beaux coffrets trouvables aujourd’hui sur le marché. Vraiment. Le visuel est magnifique et présente le célèbre portrait de Laura Palmer, « brisé », et laissant entrevoir le visage de la victime dans son sac en plastique. Le recto indique en bas à gauche la présence des fameuses pièces manquantes du dossier, en d’autres termes les séquences coupées au montage de Twin Peaks : Fire Walk With Me.
Il nous a fallu un petit moment pour trouver comment l’ouvrir… mais alors un véritable trésor s’offre à nous ! C’est tout d’abord la pancarte d’entrée de la ville qui nous accueille. Nous tournons ensuite chaque volet, non pas comme un livre, mais plutôt comme un calepin. Chaque page présente un visuel spécifique de la série (l’oiseau du générique, la chute d’eau, la station-service Big Ed, le pont ferroviaire, la tarte aux cerises, la salle rouge) ainsi que la liste des épisodes des saisons et leur répartition sur chaque galette bleue. La sérigraphie des Blu-ray est sobre, mais dans le ton du coffret, très élégante.
Chaque menu principal possède une thématique, à savoir les arbres, la tarte aux cerises, les lieux principaux de la ville, le café, les messages écrits, les cours d’eau, les donuts, les hiboux, la bague, la pièce rouge.
Tous les épisodes s’accompagnent de la mythique présentation de la femme à la bûche. Certains étant également proposés avec le résumé de l’épisode précédent qui était diffusé à la télévision. Chaque disque propose de visionner chaque épisode agrémenté de la présentation de la femme à la bûche, du résumé et dans certains cas d’un aperçu de l’épisode à venir. Les épisodes sont répartis ainsi : Blu-ray 1 (épisodes pilote,1,2), Blu-ray 2 (épisodes 3,4,5,6,7), Blu-ray 3 (épisodes 8,9,10), Blu-ray 4 (épisodes 11,12,13,14), Blu-ray 5 (épisodes 15,16,17,18), Blu-ray 6 (épisodes 19,20,21,22), Blu-ray 7 (épisodes 23,24,25,26), Blu-ray 8 (épisodes 27,28,29), Blu-ray 9 (Twin Peaks : Fire Walk With Me, les pièces manquantes), Blu-ray 10 (suppléments).
Blu-ray 1 :
En plus de l’épisode pilote traditionnel, cette galette contient la version internationale (ou dite européenne) alternative de l’épisode pilote (1h53). Lors de la réalisation de cet épisode, David Lynch doit honorer une clause de son contrat, à savoir proposer un montage comprenant une fin fermée, autrement dit qui résout le meurtre de Laura Palmer, afin de toucher le marché de la vidéo. Ce montage a été exploité en VHS dans nos contrées sous le titre Qui a tué Laura Palmer ?. Désavouée par le cinéaste, cette mouture d’une durée de 20 minutes supplémentaires, demeure une véritable curiosité, surtout qu’elle a permis à David Lynch de créer la célèbre Salle Rouge habitée par « The Man From Another Place » interprété par Michael J. Anderson. Point de doublage français pour cette version. Nous ne dévoilerons pas la teneur de cette « fausse » conclusion pour ceux qui ne l’auraient pas vu… il y en a oui… au fond de la classe…
Blu-ray 2 :
L’interactivité de ce deuxième Blu-ray se résume à une large galerie de photos issues de la première saison (et de son tournage avec des images du plateau, de David Lynch à l’oeuvre avec ses comédiens), mais aussi des « avant-goûts » de Twin Peaks (3’) qui se révèlent être quelques résumés des épisodes précédents – racontés par le personnage de Lucy – en vue de celui qui sera projeté le soir-même, ainsi que des clips promotionnels réalisés pour la télévision (3’), avec l’aide de quelques comédiens de la série qui prêtent leurs voix pour appâter les spectateurs pas encore conquis par la série.
Blu-ray 3 :
En guise de promo, l’éditeur joint quelques clips promotionnels (5’) réalisés à l’époque où la série commençait à connaître un grand succès. Ce montage propose pêle-mêle une publicité pour le tee-shirt Twin Peaks, un message pour les troupes parties combattre au Moyen-Orient, ou diverses prises alternatives (avec parfois le clap et la voix de David Lynch en arrière-fond qui demande le moteur) où Kyle MacLachlan et Michael Ontkean évoquent quelques paris sportifs en trinquant au café.
Une large galerie de photos issues de la deuxième saison (et de son tournage avec des images du plateau, de David Lynch avec ses acteurs) est également au programme.
Mais le must de cette troisième galette bleue reste le documentaire intitulé Une tranche de Lynch (2007, 56’). Confortablement installé à la table d’un diner où on vient de lui apporter une tarte aux cerises, le réalisateur est rejoint par les comédiens Kyle MacLachlan et la ravissante Mädchen Amick (Shelly dans la série), ainsi que John Wentworth, assistant de David Lynch sur Blue Velvet, enregistreur de sons, coordinateur de la post-production, producteur associé sur la série Twin Peaks. Devant une damn fine cup of coffee, tous les quatre se remémorent l’aventure de la série, sa genèse, tandis que les acteurs évoquent leur rencontre avec le cinéaste et la façon dont ils ont été casté. Tout y est rapidement abordé, notamment leurs impressions au moment du tournage de l’épisode pilote, le succès grandissant de la série, la collaboration avec le reste du casting et les autres réalisateurs au fil des deux saisons, et les anecdotes se succèdent à vitesse grand V pendant que David Lynch savoure sa clope et couvre d’éloges ses acteurs qu’il observe avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Blu-ray 4 :
Pas grand-chose ici, mais ce n’est pas inintéressant.
Tout d’abord, les scènes coupées de la série (14’) feront le bonheur des fans puisque nous y voyons Cooper et Donna parler du pique-nique, Cooper qui découvre la beauté des paysages de Twin Peaks en compagnie de Truman, le discours du maire de Twin Peaks (qui vaut son pesant quant à la situation), Lucy qui parle des ratons laveurs, Bobby qui donne quelques leçons à Shelly, Lucy et Andy, l’oeil vagabond de Jerry, Lucy, Andy et les donuts… bref, tout ça monter en vrac et on adore.
Les prises coupées (2’) montrent les quelques ratages de Kyle MacLachlan et Michael Ontkean lors de la scène de la planque nocturne. La complicité des deux acteurs est évidente et l’ensemble demeure réjouissant.
Blu-ray 5 :
Une galette bien garnie !
Retour à Twin Peaks (2007, 20’) : ce module est dédié au mythe de la série qui se perpétue avec les années puisque nous y voyons de nombreux témoignages de fans de la première heure, qui consacrent pour ainsi dire leur vie à Twin Peaks (ça fout un peu les jetons quand même…) et qui n’hésitent pas à s’inscrire tous les ans au Festival Twin Peaks organisé depuis 1993 avec le concours de certains comédiens de la série. Des visites en bus sont effectuées sur les lieux de tournage. Le pèlerinage est donc très sérieux, les fans se recueillent devant la maison de Laura Palmer, des concours sont organisés (meilleur sosie, meilleur costume, le lancer de pierre tibétaine), des questionnaires sont installés, évidemment tout cela en rapport avec la série.
Un guide des extérieurs (8’) nous propose ensuite un comparatif des lieux de tournage à l’époque avec ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.
17 parts de tarte… (10’) : En août 2000, à l’occasion du Festival Twin Peaks, une équipe de journalistes rencontre l’ancienne propriétaire du diner ayant servi de décor pour le Mar-T-Cafe. Elle livre ici ses souvenirs liés à sa rencontre avec David Lynch, les conditions de tournage… et la confection de véritables tartes aux cerises.
Interview de Mark Frost (15’) : En août 2001, le romancier américain, scénariste, cocréateur et producteur délégué de Twin Peaks est à son tour interviewé sur son travail avec David Lynch, la genèse de la série, les partis pris, le casting, la psychologie et l’évolution du personnage interprété par Kyle MacLachlan au fil des deux saisons et le montage de l’épisode pilote destiné au marché européen.
Michael J. Anderson aka The Man from Another Place, nous donne ensuite quelques petites leçons pour « parler » dans la Salle Rouge (4’).
A propos de David Lynch (21’) : un message avertit le spectateur qu’au-delà de la 19è minute, quelques révélations sont faites sur la mort de Laura Palmer, dont son assassin. Après avoir vu la série, n’hésitez pas à visionner ce documentaire constitué d’entretiens avec la plupart des comédiens et quelques réalisateurs de la série, qui une fois de plus reviennent sur le mythe de Twin Peaks et leur travail respectif avec David Lynch.
La Twin Peaks Hotline (23’) qui est ensuite disponible est un montage d’enregistrements téléphoniques successifs qui résumaient l’épisode précédent pour celles et ceux qui l’auraient raté. Une petite mise en scène (audio donc) est réalisée avec les voix des protagonistes, le tout mené par celle si reconnaissable de Kimmy Robertson aka la standardiste Lucy Moran.
Pour celles et ceux qui seraient plus intéressés par l’envers du décor, l’éditeur joint une galerie d’archives constituée de documents de tournage, des carnets de route et même des feuilles horaires. Anecdotique, mais sympathique. Une autre galerie d’images dévoile le tournage de la Salle Rouge, des cartes de collection Twin Peaks.
L’interactivité de ce cinquième Blu-ray se clôt sur les « autocollants » de Lucy (2’), qui se révèlent être les accroches audio diffusées juste avant la publicité pour inciter les spectateurs à ne pas bouger de leur canapé.
Blu-ray 6 :
Passons rapidement sur les clips promotionnels (46 secondes) diffusés à la télévision pour annoncer l’épisode du jour, pour aller directement sur Les cartes postales des acteurs (59’). A l’instar de certains documentaires déjà vus ailleurs dans cette section, la plupart des comédiens de la série (sauf Lara Flynn Boyle qui se cache et on comprend pourquoi) qui ne manquent pas d’anecdotes et de souvenirs liés (ou non, comme Sheryl Lee et Richard Beymer) au tournage de Twin Peaks.
Blu-ray 7 :
Si vous n’êtes pas rassasiés, attendez, c’est loin d’être terminé ! C’est reparti pour 42 minutes d’interviews des comédiens réalisées en 2006 ! Afin de laisser croire que nous avons affaire à quelques suppléments originaux, l’éditeur a réparti les propos des acteurs sous forme d’une grille interactive, à savoir les origines de Twin Peaks, la production, les répercussions. Mais ne soyons pas dupes, les entretiens ici n’apportent pas grand-chose de neuf par rapport à ce qui a pu être déjà entendu.
L’autre « interview de l’équipe » (2006, 23’) est un module qui donne la parole à Jennifer Lynch, fille de, créatrice du journal secret de Laura Palmer, ainsi qu’aux réalisateurs Todd Holland (épisodes 11 et 20), Caleb Deschanel (épisodes 15 et 19), Duwayne Dunham (épisodes 18 et 25), Stephen Gyllenhaal (épisode 27) et Tim Hunter (épisodes 16 et 28). Nos interlocuteurs s’attardent sur leur collaboration avec David Lynch, le succès de la série et les conditions de tournage. Un point de vue original et très intéressant.
Blu-ray 8 :
Cela commence doucement avec l’annonce spéciale par Lucy du dernier épisode de la saison 2 de Twin Peaks (51 secondes) diffusée pendant le générique de fin de l’avant-dernier épisode… pour ensuite déboucher sur Des secrets venus d’ailleurs : la création de Twin Peaks, un documentaire d’1h46 (2007) ! Après tout ce que nous avons déjà pu voir et entendre, cet excellent module propose un angle inédit sur le casting, la genèse et la création du pilote, les deux saisons, la musique de la série mythique (grand moment avec le compositeur Angelo Badalamenti sur la création du thème de Laura Palmer), le phénomène culturel. Non seulement nous voyons enfin quelques images inédites et photos de tournage avec notamment David Lynch à l’oeuvre avec ses comédiens, mais les producteurs, le monteur, le décorateur, les réalisateurs, les comédiens de la série – même le scénariste Mark Frost l’avoue – ne mâchent pas leurs mots sur la qualité qui s’est malheureusement effritée dès la révélation du meurtrier de Laura Palmer. « La saison 2 était nulle » dit d’ailleurs Kimmy Robertson, « ça partait dans tous les sens » disent les autres, « si c’était à refaire, je n’hésiterais pas » dit Mark Frost, qui a tout fait avec David Lynch pour reprendre le train en marche dans les derniers épisodes, au point de créer « trop » de rebondissements dans le dernier épisode, dans l’espoir d’une troisième saison. Chacun s’accorde à dire que l’intérêt de Twin Peaks résidait justement sur le mystère de la mort de Laura Palmer, qui n’aurait jamais dû être dévoilé. Si quelques redites demeurent évidentes, ne manquez pas ce rendez-vous !
Blu-ray 9 :
C’est ici que vous trouverez le plus grand trésor de ce coffret, le Saint Graal, à savoir les 91 minutes de scènes coupées et/ou rallongées de Twin Peaks : Fire Walk With Me, baptisées les « pièces manquantes ». En effet, pas moins de 33 séquences (en HD 1080p !) sont ici compilées pour le plus grand bonheur des aficionados qui demandaient à les découvrir depuis belle lurette, à grands coups de pétitions qui circulaient à travers le monde.
Nous ne les dévoilerons pas de peur de vous gâcher le plaisir, toujours est-il que ces scènes s’avèrent évidemment indispensables, qu’elles prolongent la première partie du film avec l’enquête sur la mort de Teresa Banks (plus de séquences avec Chris Isaak, Kiefer Sutherland et David Bowie donc), Cooper qui parle à Diane (la voit-on ? Là est la question à laquelle nous ne répondrons pas). Les célèbres personnages de la série qui n’apparaissaient pas dans le montage final – Jocelyn, Garland Briggs, Andy, Hawk, Big Ed Hurley, Lucy, Sheriff Harry S. Truman – à la grande déconvenue des fans purs et durs, sont enfin rétablis ici ! De quoi se délecter !
De plus, le quotidien de Laura et de sa famille est également approfondi, tout comme l’addiction à la drogue et la déchéance de la lycéenne. Enfin, Fire Walk With Me est sans doute le film le plus sombre, violent et nihiliste de David Lynch. C’est donc avec joie que l’on découvre toutes les séquences avec l’humour retrouvé de la série ! Sans oublier une fin alternative de la saison 2 en cadeau… Enjoy !
Avant de passer à l’ultime Blu-ray, visionnez également les quelques interviews de Robert Wise, Sheryl lee, Moira Kelly et Mädchen Amick (5’) enregistrées à l’occasion de la sortie au cinéma de Twin Peaks : Fire Walk With Me.
Blu-ray 10 :
La voilà la dernière galette ! Deux heures de suppléments divisés en plusieurs documentaires :
Entre deux mondes (38’) : Dans la continuité d’Une tranche de Lynch, David Lynch se retrouve à nouveau à la table d’un diner, l’air lugubre et pour cause… il se retrouve face à la famille Palmer, Leland, Sarah et Laura. L’image N&B et le léger vent notable dans le fond sont là pour instaurer une atmosphère très sombre puisque le réalisateur s’entretient avec cette étrange lignée en leur demandant ce qu’ils sont devenus…puis un quart d’heure après, la couleur apparaît et David Lynch se retrouve face à Ray Wyse, Grace Zabriskie et Sheryl Lee pour parler du bon vieux temps, de leur collaboration, de leurs meilleurs moments sur le tournage et sur l’accueil glacial de Twin Peaks : Fire Walk With Me à sa sortie.
Voyage à travers le temps : souvenirs des 7 derniers jours de Laura Palmer (30’) : C’est ici que vous en apprendrez le plus sur la genèse, la création, la réalisation, la réception de Twin Peaks : Fire Walk With Me. Les comédiens Kyle McLachlan, Sheryl Lee, Victor Rivers, Phoebe Augustine, Don Davis, Kimmy Robertson, Grace Zabriskie, Walter Olkewicz, Pamela Gidley, le premier assistant Deepak Nayar, le scénariste Robert Engels, le chef opérateur Ronald Víctor García ont tous répondu présent pour parler de ce cauchemar éveillé qui a décontenancé les spectateurs de la série originale en raison de la violence de l’histoire.
Réflexions sur le phénomène Twin Peaks (31’) : entre mai et août 2000, les comédiens de Twin Peaks : Fire Walk With Me – mais également Michel Chion en invité ! – sont invités à parler du film de David Lynch. C’est le bonus dispensable de cette édition. Complètement décousus, jamais intéressants, longs, ennuyeux, les propos que nous parvenons à glaner ici et là ne retiennent jamais l’attention. Vous pouvez aisément zapper.
Le petit bonus supplémentaire intitulé Atmosphère (13’) demeure original puisqu’il propose la compilation des images servant à illustrer chaque menu principal des Blu-ray de ce coffret, comme nous l’évoquons dans la rubrique Généralités.
Nous avons trouvé deux bonus cachés (7’ et 2’) sur ce dernier disque, mais nous n’allons pas vous mâcher tout le travail. A vous de les découvrir. Sachez seulement qu’ils ne sont pas sous-titrés en français.
L’interactivité se clôt sur trois bandes-annonces (américaine, internationale, Missing Pieces Teaser), une galerie de photos des coulisses du film, et le générique de ce magnifique coffret Blu-ray.
L’Image et le son
Twin Peaks – Saison 1 & 2 (5/5) :
L’attente a été récompensée ! En prévision de son 25e anniversaire, la série Twin Peaks s’offre à nous en Haute Définition dans une nouvelle et superbe copie entièrement restaurée, chaque épisode étant proposé dans son format 4/3 respecté. Cette version renforce les contrastes, la densité des noirs, la finesse la texture et le modelé de la photographie, avec un codec AVC qui consolide l’ensemble avec brio. L’image est stable, entièrement débarrassée de scories diverses et variées, les couleurs sont conformes au matériel original, tirant souvent sur le rouge-rosé, parfois chatoyantes, certains décors brillent de mille feux, les détails sont légion aux quatre coins du cadre. Les scènes en extérieur affichent une luminosité inédite, tout comme un relief inattendu, un piqué parfois pointu, un grain flatteur et des contrastes divins. Tous les défauts constatés sur l’édition DVD sortie chez TF1 Vidéo en 2007 ont été éradiqués, à l’instar de certains pompages, petites tâches, du bruit vidéo dans les arrière-plans (sur les scènes nocturnes notamment), ainsi que les instabilités de l’étalonnage. Revoir Twin Peaks dans ces conditions techniques est subjuguant. Même si la qualité peut varier d’un épisode à l’autre, nous n’hésitons pas à donner la note maximale à cette édition HD (1080p) car il serait vraiment difficile de faire mieux.
Twin Peaks : Fire Walk With Me (4,5/5) :
La préquelle de la série Twin Peaks est proposée dans une version restaurée 4K supervisée by mister Lynch himself. Ce qui se fait de mieux en matière de lifting quoi ! Le DVD de Twin Peaks : Fire Walk With Me sorti en 2004 chez MK2 proposait le chef-d’oeuvre de David Lynch dans un master 16/9 avec son format du film respecté 1.85. Pour son nouveau lifting et sa nouvelle sortie en Blu-ray (également sorti chez MK2 en 2010), Twin Peaks : Fire Walk With Me est de retour en Haute Définition dans un format 1080p, AVC. La définition n’est peut-être pas optimale, néanmoins, ne faisons pas la fine bouche, car la restauration est admirable. L’élévation HD offre à Twin Peaks : Fire Walk With Me une nouvelle cure de jouvence, le grain cinéma est restitué et les contrastes trouvent une nouvelle densité. L’encodage consolide l’ensemble, les noirs sont plutôt concis, le piqué renforcé, peut-être un peu moins dans les scènes en intérieur. La colorimétrie retrouve un éclat et une chaleur inédits, un équilibre indéniable, un étalonnage beaucoup plus conforme aux partis pris esthétiques originaux. Certains plans sont sensiblement plus altérés et la profondeur de champ parfois limitée.
Twin Peaks – Saison 1 & 2 Twin Peaks : Fire Walk With Me
Bien que seule la version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 7.1 (!), contrairement à la piste française proposée en Mono (pour la série), le confort acoustique est total pour ces deux options ! Le premier mixage créé une spatialisation très impressionnante. Rien que le sublime générique donne des frissons. Les dialogues sont exsudés avec force, les effets et ambiances annexes sont riches, amples et variés (le vent dans les sycomores est un délice), respectueux, car ne cherchant jamais à jouer la « surenchère ». Nul besoin de monter le volume pour profiter pleinement de la bande-son mythique d’Angelo Badalamenti. Le caisson de basses intervient aux moments opportuns, sans en faire trop et les sous-titres français ne sont pas imposés. Que les puristes se rassurent, ils trouveront également la version originale dans sa version Stéréo, qui assure le confort phonique avec brio. Sur Twin Peaks, le doublage français emmené par les experts Patrick Poivey (Agent Dale Cooper) et Daniel Russo (Shérif Harry S. Truman) caresse notre fibre nostalgique, l’ensemble est propre, sans soucis majeur, suffisant.
Le mixage anglais 7.1 sur Fire Walk With Me propose des dialogues encore plus nets, le reste est du même acabit que pour la série. Seule différence, et non des moindres, en ce qui concerne la version française sur le film, l’option acoustique présentée est en Dolby Digital 5.1, une perte par rapport au DVD MK2 (DTS 5.1 !) et le Blu-ray MK2 (DTS-HD Master Audio 5.1). Elle reste acceptable, mais ne tient pas la comparaison avec la langue de Shakespeare.
TOUR DE FRANCEréalisé par Rachid Djaïdani, disponible en DVD le 21 mars 2017 chez Studiocanal
Acteurs : Gérard Depardieu, Sadek, Louise Grinberg, Nicolas Marétheu, Mabô Kouyaté, Raounaki Chaudron…
Scénario : Rachid Djaïdani
Photographie : Luc Pagès
Musique : Clément « Animalsons » Dumoulin
Durée : 1h30
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Far’Hook est un jeune rappeur de 20 ans. Suite à un règlement de comptes, il est obligé de quitter Paris pour quelques temps. Son producteur, Bilal, lui propose alors de prendre sa place et d’accompagner son père Serge faire le tour des ports de France sur les traces du peintre Joseph Vernet. Malgré le choc des générations et des cultures, une amitié improbable va se nouer entre ce rappeur plein de promesses et ce maçon du Nord de la France au cours d’un périple qui les mènera à Marseille pour un concert final, celui de la réconciliation.
En 2012, le comédien et ancien boxeur Rachid Djaïdani sort son premier long métrage, Rengaine. Il lui aura fallu neuf ans pour peaufiner, tourner, monter et réussir à faire distribuer ce film d’une durée de 77 minutes piochées dans 200 heures de rushes. Réalisé sans argent, sans producteur ni scénario et autorisations, avec des potes, quand les conditions le permettaient, en laissant une grande place à l’improvisation, ce petit film mis en scène avec le coeur et des tripes avait su d’emblée imposer un style brut de décoffrage. Tour de France est le deuxième film de Rachid Djaïdani.
A l’instar de Rengaine, Tour de France contient de très belles choses. Une sensibilité à fleur de peau, une rage, une envie de frapper, une liberté totale de création et d’expression se dégagent de ce second long métrage qui se focalise sur la rencontre entre deux personnages que tout oppose. Far’Hook, un jeune rappeur qui tient à conserver son anonymat, se retrouve pris au piège de l’escalade de la violence. Après une altercation, il doit quitter la capitale afin de se protéger avant un grand concert qu’il doit donner à Marseille. Bilal, son producteur, lui trouve une planque temporaire. Ce même Bilal, qui a pris ses distances avec son père, Serge, demande alors à Far’Hook de lui rendre service : il s’agit de convoyer le retraité à travers les routes de France, sur les traces du peintre Joseph Vernet. Mais entre Far’Hook, jeune artiste arrogant, et Serge, retraité désabusé, misanthrope et limite raciste, le courant ne passe pas vraiment. Heureusement, la route est longue et ces deux générations vont alors vraiment faire connaissance.
Sélectionné dans la cadre de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2016, Tour de France bénéficie d’un budget plus important et de la présence du monstre Depardieu en tête d’affiche. Le comédien est absolument parfait en bonhomme bourru, veuf, en froid avec son fils récemment converti à l’Islam. Par un concours de circonstances, Serge, ancien maçon désormais à la retraite, accepte d’héberger un ami de son fils, Far’Hook. Tout d’abord réticent et malgré son racisme latent, il va se prendre d’amitié pour ce jeune de 20 ans dans lequel il reconnaît son fils et grâce auquel il va pouvoir admettre ses propres erreurs et lutter contre ses préjugés. De son côté, Far’Hook va à la rencontre de la France, lui qui n’a jamais quitté Paris. Tour de France est un petit film fait avec un coeur immense. On retrouve tout ce qui faisait la réussite de Rengaine tandis que le réalisateur prend plus soin de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs. A ce titre, le rappeur Sadek s’avère touchant, souvent bluffant et fait preuve d’un réel talent de comédien avec son charisme brut qui s’impose sans mal face à l’imposante présence physique de Depardieu, qui de son côté n’hésite pas à entonner un rap sur La Marseillaise.
Tour de France est un road-movie élégant et chaleureux, spontané, jamais mièvre ou simpliste. Un beau moment.
LE DVD
Le DVD de Tour de France, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est quant à lui fixe et muet.
Du point de vue des suppléments ? C’est simple, il n’y en a pas ! Même pas la bande-annonce !
L’Image et le son
Tour de France ne bénéficie pas de sortie en Blu-ray. Toutefois, ce DVD s’en sort bien, même si les couleurs s’avèrent parfois ternes. Rachid Djaïdani use parfois des images tirées de téléphone portable et d’autres sources indéterminées, ce qui entraîne inévitablement des baisses de la définition. La stabilité est de mise, les détails appréciables sur les gros plans. Notons également divers moirages.
Soyons honnêtes, le mixage Dolby Digital 5.1 ne sert pour ainsi dire à rien et concentre l’acoustique sur les enceintes avant, au détriment des ambiances naturelles. Les dialogues sont clairs, posés, la balance frontale dynamique, les basses ayant quant à elles quelques opportunités pour faire parler d’elles. Toutefois, privilégiez la Stéréo, beaucoup plus adaptée, souvent percutante et qui instaure un excellent confort. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
LES PORTES DE LA NUITréalisé par Marcel Carné, disponible en combo Blu-ray-DVD le 29mars2017chez Pathé
Acteurs : Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Yves Montand, Nathalie Nattier, Saturnin Fabre, Raymond Bussières, Jean Vilar, Sylvia Bataille…
Scénario : Jacques Prévert
Photographie : Philippe Agostini
Musique : Joseph Kosma
Durée : 1h52
Date de sortie initiale: 1946
LE FILM
A Paris, dans le quartier de Barbès-Rochechouart, au cours de l’hiver 1945, Diego, un ancien résistant, retrouve fortuitement Raymond Lécuyer, un de ses camarades de combat, qu’il croyait mort après une dénonciation. Alors qu’ils fêtent leurs retrouvailles autour d’une table, un clochard, surnommé «le Destin», prédit à Diego qu’il va rencontrer la plus belle femme du monde. La prédiction se réalise lorsque, sur un chantier de démolition qui appartient à son père, la belle Malou, en manteau de fourrure, croise le regard de Diego. Un amour passionné les lie bientôt. Mais Diego reconnaît en Guy, le frère de Malou, l’homme qui a dénoncé Raymond…
« Paris, février 1945, vers la fin d’une journée d’hiver, le dur et triste hiver qui suivit le merveilleux été de la libération de Paris.La guerre n’est pas encore finie, mais au nord de la ville, la vie coutumière reprend son cours avec ses joies simples, ses grosses difficultés, ses grandes misères, et ses terribles secrets… »
Longtemps considéré comme LE film maudit de Marcel Carné, Les Portes de la nuit n’est peut-être pas un chef d’oeuvre, mais n’en demeure pas moins une immense réussite. Cette dernière collaboration Carné – Prévert, d’après l’argument de son ballet Le Rendez-vous, se déroule durant une nuit de février 1945 à Paris, Jean Diego (Yves Montand) se rend chez la femme de son copain, Raymond Lécuyer (Raymond Bussières), pour lui annoncer la mort de son mari devant le peloton d’exécution des occupants nazis. Or, Raymond est bel et bien vivant. Un clochard, qui se présente comme étant le Destin (Jean Vilar), fil rouge de l’histoire, annonce à Jean qu’il va rencontrer, dans les heures à venir, « la plus belle fille au monde ».
« Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une mort heureuse... »
Malgré une ambiance sinistre et froide, qui reflète l’état d’un pays après des années de conflit, Les Portes de la nuit montre des personnages qui ont su rester optimistes, sauvés grâce à l’amour. Ce film choral avant l’heure, se focalise non pas sur un couple en particulier, mais sur un groupe de personnages qui se croisent et s’entrecroisent autour du destin personnifié, qui rôde autour d’eux, qui les met en garde, qui les encourage, qui les observe. Les Portes de la nuit, c’est aussi le portrait d’un quartier de Paris, le XIXe arrondissement. Le film s’ouvre sur un incroyable travelling montrant le métro aérien de la ligne 2 et la Place Stalingrad, la Rotonde et le Bassin de la Villette jusqu’à l’amorce de l’avenue Jean Jaurès. Les décors exceptionnels d’Alexandre Trauner prennent le relais puisque la station Barbès-Rochechouart a été intégralement reconstituée en studio, quasiment à l’échelle.
Alors que le film avait été pensé pour Jean Gabin et sa compagne Marlene Dietrich, Carné a vu ses deux comédiens se désister juste avant les prises de vue. Pris de panique, le cinéaste a jeté son dévolu sur Yves Montand, âgé de 25 ans, dont la carrière de chanteur venait de décoller. Il fait ici ses débuts, peu convaincants certes, au cinéma. Même chose pour sa partenaire Nathalie Nattier, dont la carrière restera cependant confidentielle. Face à ces jeunes premiers, Carné s’entoure de merveilleux acteurs « secondaires », qui font la grande réussite du film, Raymond Bussières et Jean Vilar donc, mais aussi Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Saturnin Fabre, l’indispensable Julien Carette. Ces protagonistes reflètent le Paris d’époque, le français victime de l’Occupation, certains ayant trouvé la combine de mieux subsister que d’autres en mettant toute morale de côté. C’est le cas de monsieur Sénéchal, dont les affaires n’ont cessé de fleurir même en temps de guerre. Son fils, petite frappe sans envergure (Reggiani) a su prendre le train en marche pour essayer de s’imposer dans le quartier, jusqu’au jour où sa route croise celle du Destin.
Beau, tragique, forcément poétique, porté par l’envoûtante et mélancolique musique de Joseph Kosma et de la ritournelle des Feuilles mortes composée spécialement pour ce film, ce huitième long métrage de Marcel Carné ne peut laisser indifférent, même si le rythme paraît aujourd’hui poussif. Froidement accueilli par la critique – à tel point que Prévert songe à quitter le monde du cinéma – et malgré un public mitigé, Les Portes de la nuit, qui évoquent également celles de la Libération qui commençaient à s’entrouvrir, n’est pourtant pas un échec commercial, même si considéré comme tel.
Après avoir été démoli une nouvelle fois par Truffaut et sa clique, il faudra attendre les années 1970 pour que ce film maudit et tombé dans un relatif oubli, y compris au cours des rétrospectives consacrées à Marcel Carné, soit enfin reconsidéré.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray des Portes de la nuit a été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray et le DVD reposent dans un Digipack dans la collection Version restaurée par Pathé, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est très élégant, animé et musical.
Comme petit-four, l’éditeur et Jérôme Wybon nous proposent un petit entretien avec le réalisateur Jean-Pierre Jeunet (5’). Grand admirateur de Marcel Carné, il indique que Les Portes de la nuit arrive probablement en troisième position derrière Quai des brumes et Le Jour se lève, dans son top Carné personnel. Entouré d’objets de collection liés au cinéma de Marcel Carné, Jean-Pierre Jeunet indique ensuite comment ces films ont influencé les siens, notamment Delicatessen.
Après cette déclaration d’amour de Jeunet pour Carné, ne manquez pas le documentaire rétrospectif réalisé une fois de plus par Jérôme Wybon, intitulé Le Destin des Portes de la nuit (31’). Ce module croise les propos de Philippe Morisson (créateur du site Marcel Carné) et N.T. Binh (critique et enseignant du cinéma). Tout d’abord, les deux intervenants replacent Les Portes de la nuit dans l’oeuvre de Marcel Carné, la genèse du film, les personnages, mais aussi et surtout sur le casting puisque l’oeuvre devait être portée par Jean Gabin et Marlene Dietrich. Suite au désistement de la comédienne juste avant le tournage, l’acteur français, également compagnon de Dietrich, quitte également le projet. Carné doit alors trouver très rapidement deux remplaçants et jette son dévolu sur Yves Montand et Nathalie Nattier. Deux choix contestés à l’époque, également par les deux intervenants, même s’ils finissent par modérer leurs propos. Jérôme Wybon nous propose également quelques images d’archives rares, montrant les essais de Jean Vilar (pour le rôle finalement tenu par Saturnin Fabre), à qui Jean Gabin (de dos) en personne donne la réplique en tenant le rôle qui sera offert à Serge Reggiani (voir la capture suivante).
Nous voyons également le test passé par Yves Montand, ainsi que la construction de l’incroyable décor d’Alexandre Trauner qui reconstituait alors la station Barbès-Rochechouart en grandeur réelle. De nombreuses anecdotes de tournage sont dévoilées, la sortie du film est abordée (le film est froidement accueilli par la critique et les spectateurs) ainsi que sa reconnaissance tardive dans les années 1970.
L’Image et le son
Dans la continuité du plan de restauration de son catalogue, Pathé propose de (re)découvrir des classiques du cinéma français dans de très belles éditions DVD et Blu-ray restaurées. Les Portes de la nuit est enfin disponible dans les bacs, dans une nouvelle version numérisée et restaurée en 4K à partir du négatif original sous la supervision de Pathé et grâce aux bons soins du laboratoire L’Immagine Ritrovata. Avec son format respecté 1.37 et une compression AVC, ce Blu-ray au format 1080p permet enfin de (re)voir Les Portes de la nuit dans une superbe copie. La restauration est étincelante, les contrastes d’une densité impressionnante, la copie est stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ évidente et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les rares scènes diurnes (l’ouverture du film), le piqué est parfois joliment acéré pour un film des années 1940 et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur les gros plans. Toutefois, quelques légers flous sporadiques font parfois une apparition remarquée et quelques séquences paraissent plus douces.
Comme pour les autres titres prestigieux de son catalogue, Pathé est aux petits soins avec le film de Marcel Carné puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus et la musique qui se fait plus chuintante, l’écoute se révèle fluide. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs et les échanges sont clairs à l’exception d’une séquence, celle où monsieur Sénéchal parle avec sa fille Malou. Les sous-titres destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
L’HOMME DE NULLE PART (Jubal)réalisé par Delmer Daves, disponible en DVD et Blu-rayle 23 mars2017chez Sidonis Calysta
Acteurs : Glenn Ford, Ernest Borgnine, Rod Steiger, Valerie French, Felicia Farr, Basil Ruysdael, Charles Bronson, Jack Elam…
Scénario : Russell S. Hughes, Delmer Daves
Photographie : Charles Lawton Jr.
Musique : David Raskin
Durée : 1h40
Date de sortie initiale: 1956
LE FILM
Sans monture, épuisé, Jubal Troop s’écroule sur un chemin. Il est recueilli par un rancher, Shep Horgan, qui lui propose bientôt de travailler pour lui. Shep se prend d’amitié pour Jubal qu’il nomme très vite régisseur de son domaine, au grand dam de Pinky, qui briguait le poste. Mae, la femme de Shep, se lasse de la vulgarité de son mari au contact de Jubal, dont la distinction et la réserve naturelle la séduisent. Lorsque des vagabonds s’installent sur les terres de Shep, Pinky tente de les chasser, mais Jubal leur permet de rester et s’éprend même de la fille de l’un d’eux, Naomi Hoktor…
C’est ce genre de film qui nous fait aimer le cinéma, qui nous passionne, nous donne chaud au coeur et nous évade loin du quotidien. L’Homme de nulle part – Jubal est un des chefs d’oeuvres réalisés par Delmer Daves (1904-1977), réalisateur souvent oublié et sous-estimé, qui a pourtant signé de nombreux classiques tels que Les Passagers de la nuit (1947) aka Dark Passage avec Humphrey Bogart, qui est resté célèbre pour son usage de la caméra subjective, La Flèche brisée (1950) le premier western pro-indien, et 3h10 pour Yuma (1957), superbe western adapté d’une nouvelle écrite par l’immense et prolifique écrivain Elmore Leonard parue en mars 1953. L’Homme de nulle part (1956), est la première des trois collaborations Delmer Daves – Glenn Ford.
Ce film placé sous haute-tension malgré sa quasi-absence d’action, repose sur la confrontation psychologique entre les comédiens, Glenn Ford donc, mais aussi Ernest Borgnine et Rod Steiger (tous deux venaient d’obtenir l’Oscar du meilleur acteur), le débutant Charles Bronson, sans oublier les rôles féminins tenus par Valerie French et Felicia Farr. Dans un magnifique Technicolor signé par le directeur de la photographie Charles Lawton Jr. (3h10 pour Yuma, La Dame de Shanghaï), sur un montage sec, une mise en scène d’une suprême élégance et son cadre léché, L’Homme de nulle part oscille entre le western proprement dit, le mélodrame, renforcé par la composition de David Raskin, et le film noir avec une vraie femme fatale placée au centre de l’intrigue, incarnée par la sublime Valerie French. Tourné dans les extraordinaires paysages du Wyoming filmés en Cinemascope, L’Homme de nulle part agit comme un étau qui resserre et enferme progressivement ses personnages au fil du récit.
A travers ce western flamboyant et intimiste, Delmer Daves évoque la solitude et les désirs frustrés avec les personnages de Mae, jeune femme aimée maladroitement et dégoûtée par Shep (Ernest Borgnine), homme bon, mais paillard et naïf, amoureux maladroit et balourd, également désirée par Pinky (Rod Steiger), homme violent et jaloux, qui voit d’un mauvais œil l’arrivée de Jubal (Glenn Ford) dans leur ranch. Ce dernier, petit garçon non désiré par sa mère, a été sauvé de la noyade par son père, ce dernier n’ayant pu en réchapper à son tour, happé par l’hélice d’un bateau. Tout cela devant les yeux d’une mère reprochant à Jubal de s’en être sorti indemne. Comme il le confie à Naomi (Felicia Farr), Jubal n’a depuis cessé de courir sans se retourner. C’est ainsi que le film s’ouvre, sur un homme à bout de forces, qui finit par s’écrouler, après un long marathon. D’où vient-il ? Où a-t-il appris à manier si habilement le revolver alors qu’il n’en porte pas sur lui ? A quoi essaye-t-il d’échapper ? Pourquoi dit-il être poursuivi par la malchance ? Nous n’en saurons que très peu sur ce personnage ambigu auquel on s’attache d’emblée grâce à l’intensité du jeu de Glenn Ford, monstre de charisme, qui trouve un des plus beaux rôles de sa longue et prolifique carrière.
Ce qui a toujours fait la force du cinéma de Delmer Daves, c’est son attachement aux personnages, masculins comme féminins, plutôt que le contexte et le genre, même s’il affectionnait tout particulièrement le western puisqu’il en a réalisé près d’une dizaine, y compris La Dernière Caravane et La Colline des potences. Oeuvre complexe, dramatique, psychologique, qui met en relief l’homme, ses contradictions, ses espoirs et la rédemption grâce à l’amour, L’Homme de nulle part est un vrai chef d’oeuvre intense et inaltérable.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de L’Homme de nulle part, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.
Pas moins de trois présentations au programme de cette édition !
On commence évidemment par la présentation la plus longue, la plus passionnée et passionnante, la plus complète, celle de Bertrand Tavernier (38′). Le cinéaste et historien du cinéma évoque la collaboration Glenn Ford – Delmer Daves sur trois films (qu’il compare à celle de James Stewart avec Anthony Mann), l’écriture de L’Homme de nulle part par Delmer Daves qui a rejeté la première mouture trop fidèle au roman de Paul Wellman. Les personnages et donc l’interprétation de chaque comédien sont passés en revue et Tavernier met en parallèle l’histoire de Jubal avec celle d’Othello de Shakespeare. On apprend également que Delmer Daves ne voulait pas de Rod Steiger dans le rôle de Pinky, mais Aldo Ray. Tavernier raconte ensuite quelques anecdotes de tournage, dont les difficultés de Delmer Daves face à la « méthode » chérie par Rod Steiger. Après avoir revu le film, notre interlocuteur avoue avoir reconsidéré Rod Steiger dans la peau de ce personnage. Le soin apporté par Delmer Daves aux petits détails, au décor, aux costumes, aux accessoires est ensuite loué par Bertrand Tavernier.
Après cet entretien, les deux suivants font ce qu’ils peuvent pour apporter de nouveaux éléments qui pourraient intéresser les spectateurs. Comme d’habitude, Patrick Brion (14′), commence par réaliser un petit tour d’horizon du western l’année où le film qui nous intéresse est sorti sur les écrans. Cette manie commence à devenir bien redondante, mais heureusement, nous arrivons à glaner quelques informations, notamment sur la fin de carrière de Delmer Daves, qui a consacré ses derniers films à des drames sur la jeunesse américaine. Comme bien souvent ces derniers temps, Patrick Brion évoque deux ou trois points « très intéressants » sans forcément les aborder et les approfondir, ce qui est un peu frustrant.
A l’instar de Bertrand Tavernier, Patrick Brion compare L’Homme de nulle part à Othello, argument que conteste François Guérif dans la troisième et dernière présentation du film de Delmer Daves (12′). En effet, pour lui, ce parallèle ne tient pas en raison du personnage de Mae, en contradiction avec celui de Desdémone. Mais François Guérif ne concentre pas son intervention sur cette comparaison et évoque également le jeu des comédiens (dont l’interprétation « décalée » de Rod Steiger), l’histoire du film et celle du roman original et explique que L’Homme de nulle part était l’un des films préférés de son auteur.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie d’affiches.
L’Image et le son
Sidonis Calysta édite L’Homme de nulle part en Blu-ray, dans une version restaurée. Dès le générique d’ouverture, la copie affiche une remarquable propreté. Si le grain est très prononcé sur certains arrière-plans qui s’accompagnent également de sensibles fourmillements, les couloirs ne déçoivent pas. Certaines séquences paraissent moins définies, mais le Technicolor est assez vif, la copie HD au format 1080p trouve un équilibre fort convenable jusqu’à la fin. Le piqué est appréciable, les contrastes bien gérés, même si quelques petits points subsistent. Le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, le cadre large n’est pas avare en détails. Hormis de menus décrochages sur les fondus enchaînés, L’Homme de nulle part n’a jamais paru aussi net et lumineux qu’à travers ce Blu-ray.
L’éditeur ne propose pas un inutile remixage 5.1, mais encode les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi, mais dont les voix paraissent bien confinées et peu ardentes, sans parler de la pauvreté des effets annexes. Elle n’arrive pas à la cheville de la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.
PROPRIÉTÉ PRIVÉE (Private Property)réalisé par Leslie Stevens, disponible en DVD et Blu-rayle 1er mars2017chez Carlotta Films
Acteurs : Warren Oates, Corey Allen, Kate Manx, Jerome Cowan, Robert Wark, Jules Maitland…
Scénario : Leslie Stevens
Photographie : Ted D. McCord
Musique : Pete Rugolo
Durée : 1h19
Date de sortie initiale: 1960
LE FILM
Dans une station-service de la Pacific Coast Highway, deux marginaux nommés Duke et Boots remarquent une élégante femme blonde dans une belle auto blanche. Ils grimpent dans la voiture d’un représentant de commerce et l’obligent à suivre l’auto jusqu’à sa destination finale, une villa cossue de Los Angeles. Par chance, la maison d’à côté est inoccupée et les deux hommes décident de s’y installer incognito pour épier leur nouvelle voisine, Ann, qui passe ses journées au bord de la piscine à attendre son mari. Duke a un plan : proposer ses services en tant que jardinier pour pouvoir pénétrer dans la villa…
Quelle découverte ! Longtemps considéré comme définitivement perdu avant qu’une copie 35mm soit finalement retrouvée par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), Propriété privée – Private Property s’avère une vraie perle rare du film noir des années 1960, qui demeurait invisible depuis sa sortie. Premier film réalisé par le cinéaste américain Leslie Clark Steven IV alias Leslie Stevens (1924-1998), célèbre pour avoir créé la série Au-delà du réel en 1963, ce drame-thriller que l’on pourrait qualifier de néo-hitchcockien (le nom du maître du suspense est d’ailleurs malicieusement évoqué dans le film) marque les débuts au cinéma du comédien Warren Oates (Coups de feu dans la Sierra, Dans la chaleur de la nuit, La Horde sauvage), qui signe sa troisième apparition à l’écran après plusieurs participations dans des séries télévisées.
Tourné en dix jours seulement pour un budget de 60.000 dollars, Propriété privée se déroule en Californie. Duke (Corey Allen) et Boots (Warren Oates), deux voyous désoeuvrés vagabondent non loin d’une station-service. Quand Duke apprend que Boots, pourtant adulte, est encore vierge, il entreprend de trouver lui-même une partenaire à son ami. Ils remarquent alors une jeune femme blonde, Ann Carlyle (Kate Manx). Après s’être invités sans ménagement dans la voiture d’un homme, ils suivent la femme jusque chez elle, dans les quartiers aisés de la ville et s’installent aussitôt dans la maison d’à côté, inoccupée, où ils l’observent à la fenêtre comme s’ils regardaient la télévision. Peu de temps après, Duke fait connaissance avec Ann. La jeune femme, mariée à un cadre dans les assurances, n’est pas très satisfaite par son époux, souvent absent en raison de son travail et qui s’occupe peu d’elle quand il est à la maison. Aussi se laisse-t-elle doucement séduire par Duke.
Ancien protégé d’Orson Welles et membre du célèbre Mercury Theatre, Leslie Stevens a tourné dans sa propre villa sur les hauteurs de Beverly Hills et offre le premier rôle féminin à sa compagne Kate Manx, ravissante comédienne qui embrase Propriété privée de sa sensualité. Elle est absolument divine dans ce rôle de desperate housewife frustrée et en manque de sexe, ce qui vaut d’ailleurs quelques séquences très osées pour l’époque, qui passe son temps au soleil dans son jardin et en faisant quelques brasses dans sa piscine. Dépressive, l’actrice mettra fin à ses jours à l’âge de 34 ans.
Tourné dans un magnifique N&B signé par le célèbre chef opérateur Ted McCord (La Mélodie du bonheur, Le Trésor de la Sierra Madre, A l’Est d’Eden), Propriété privée annonce rien de moins qu’un pan du Nouvel Hollywood, dont Warren Oates allait devenir un comédien emblématique (chez Monte Hellman et Sam Peckinpah), avec sa liberté de ton, son cadre inquiétant, sa critique féroce de l’American Way of Life, de l’incompatibilité des classes sociales, du fantasme de l’American Dream, avec un voyeurisme revendiqué. Bonjour Brian de Palma ! Même la composition de Pete Rugolo marque la frontière entre les deux classes opposées, avec d’un côté un thème léger et presque caricatural représentant le cadre bourgeois d’Ann, et de l’autre une musique plus grinçante qui caractérise les deux compères. La musique s’emballe enfin lors de la confrontation des deux mondes.
Aux côtés de Warren Oates, Corey Allen (La Fureur de vivre, Traquenard) s’avère tout aussi ambigu et à fleur de peau dans le rôle de Duke, dont on se demande jusqu’à la fin quel est le véritable dessein envers Ann, tout comme envers son ami Boots, avec lequel il entretient probablement une liaison homosexuelle. On suit ce duo atypique, qui met mal à l’aise les spectateurs et qui pourtant s’avère attachant à certains égards, et l’on pense alors au duo sadique de Funny Games de Michael Haneke, tout comme à Lenny et George du chef d’oeuvre de John Steinbeck, Des souris et des hommes (1937), avec ce rapport d’amitié entre le dominant (macho et tête pensante) et le dominé (faible, effacé et un peu simple d’esprit), liaison mise à mal par une femme qui s’immisce entre les deux.
Avec ses scènes sexuellement explicites (la bougie délicatement caressée par Ann, ses poses lascives) et son cadre stylisé qui participe au malaise et à la montée de tension de l’audience, Propriété privée sort sur les écrans en 1960, accompagné d’un parfum de scandale. Près de 60 ans plus tard, grâce à une extraordinaire restauration 4K, les spectateurs peuvent enfin redécouvrir ce grand, magnétique, audacieux, pervers et complexe film noir et Home Invasion avant l’heure et le réhabiliter à sa juste valeur.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Propriété privée, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Peu de choses à se mettre sous la dent en guise d’interactivité ! Outre la bande-annonce de la version restaurée sortie sur les écrans français en septembre 2016, l’éditeur joint un entretien avec Alexander Singer (18’). Photographe de plateau et conseiller technique sur Propriété privée , ce dernier évoque les débuts de sa carrière, sa rencontre, le travail et son amitié avec Leslie Stevens, le déroulement du tournage, le casting du film, les partis pris de la photographie du chef opérateur Ted McCord, ainsi que les thèmes explorés.
L’Image et le son
C’est une résurrection. Jusqu’alors perdu, Propriété privée renaît de ses cendres grâce aux bons soins (techniques et financiers) de Cinelicious Pics, de l’UCLA et de la Television Archive. Nous avons devant les yeux un master restauré 4K. Le Blu-ray est au format 1080p et le film présenté dans son format original 1.66 (compatible 4/3) avec des contrastes très bien équilibrés. La copie N&B restitue les partis pris (dont le « flou artistique ») et le grain original (magnifique patine argentique), parfois plus appuyé sur certaines séquences aux blancs brûlés. Disposant de moyens techniques rudimentaires et d’un coût de production peu élevé, Propriété privée trouve néanmoins un nouvel et adéquat écrin. D’une propreté jamais démentie, ce master HD est lumineux, stable, impressionnant, élégant et participe largement à la redécouverte de ce bijou noir.
Le film est proposé avec une piste anglaise DTS-HD Master Audio 1.0. aux sous-titres français non imposés. Le mixage plutôt bien nettoyé, même s’il demeure parfois sourd et sans véritable relief. Il n’est pas rare que le volume change au cours d’une même scène. Malgré tout, l’écoute demeure plutôt agréable et fluide (à part un petit ronronnement), sans souffle parasite. Egalement sur cette galette, la version originale proposée cette fois en PCM 1.0, moins dynamique, mais tout aussi propre.
AQUARIUSréalisé par Kleber Mendonça Filho, disponible en DVD et Blu-rayle 9 mars 2017chez Blaq Out
Acteurs : Sonia Braga, Maeve Jinkings, Irandhir Santos, Humberto Carrão, Zoraide Coleto, Fernando Teixeira, Buda Lira, Paula De Renor…
Scénario : Kleber Mendonça Filho
Photographie : Pedro Sotero, Fabricio Tadeu
Durée : 2h26
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Dans les années 1960 et 1970, à Recife, au Brésil, Clara fut une critique musicale très au fait de la vie artistique du pays. Issue de la bonne bourgeoisie, elle a mené une belle existence, dont elle conserve le souvenir à travers une grande collection de vinyles. Les disques sont rangés dans l’appartement où vit la sexagénaire. Veuve et mère de trois enfants, Clara est la dernière habitante de l’Aquarius, un immeuble construit dans les années 1940. Mais il est menacé par un promoteur qui en a racheté tous les autres appartements. Clara, qui veut rester, résiste à ses propositions, qui vont bientôt se transformer en harcèlement…
Décidément, le palmarès du Festival de Cannes 2016 restera l’un des plus inappropriés de toute son histoire. Comment un film comme Aquarius a-t-il pu repartir bredouille ? Comment le Prix d’interprétation féminine a-t-il pu échapper à Sonia Braga ? Deuxième long métrage réalisé par Kleber Mendonça Filho après Les Bruits de Recife (2012), Aquarius raconte l’histoire de Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l’Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur immobilier a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime.
A travers ce personnage issu de la classe aisée, le cinéaste brésilien se penche sur la mémoire et l’héritage, sur la lutte pour préserver ses souvenirs et évoquer brillamment l’inéluctabilité du temps qui passe. Clara est merveilleusement incarnée par Sonia Braga, icône brésilienne et star internationale, dont les films les plus célèbres restent Le Baiser de la femme-araignée d’Hector Babenco (1985), La Relève de Clint Eastwood (1990) et vue dernièrement dans la série Luke Cage. Magnétique, Sonia Braga hypnotise la caméra et les spectateurs depuis près de 50 ans et n’a jamais été aussi resplendissante que devant la caméra de Kleber Mendonça Filho. Elle est la raison d’être d’Aquarius, quasiment de tous les plans.
Clara n’est pourtant pas un personnage immédiatement attachant, puisque femme privilégiée et en apparence froide, parfois condescendante avec sa femme de ménage et cuisinière. Bien installée et très à l’aise financièrement, Clara se dévoile par strates et le spectateur comprend très vite que Clara a réussi à vaincre un cancer du sein, qui a meurtri son corps, mais qui est parvenue à surmonter cette épreuve il y a trente ans (superbe prologue en 1980) grâce à l’amour des siens, en particulier dans son appartement, devenu un véritable cocon protecteur. Autant dire qu’elle est évidemment très attachée à ce logement – dans lequel elle vit seule car veuve depuis quelques années et ses enfants faisant leur vie – malheureusement convoité par un promoteur qui souhaite transformer toute la résidence. D’où ce sentiment de peur qui s’empare du personnage, qui reste digne malgré cette crainte de voir s’envoler ce qu’elle a de plus précieux, puisque détruire son appartement reviendrait à effacer sa mémoire étant donné que chaque parcelle du logement est imprégnée de plus d’un demi-siècle de vie(s).
Aquarius déroule son récit avec une langueur romanesque et sensuelle, avec quelques emprunts au thriller et même au fantastique qui créent quelques menaces et tensions, surtout lorsque Clara se rend compte qu’elle n’est plus que la dernière habitante de toute sa résidence et que divers événements semblent se produire dans l’appartement au-dessus de chez elle. Clara est une femme complexe et mystérieuse, qui d’ailleurs ne se livre pas d’un bloc et qui ne se dévoile jamais totalement. Même encore à la fin du film, ce personnage conserve son ambiguïté, grâce à l’intensité, à l’immense talent et à la beauté naturelle et solaire de Sonia Braga. A travers le portrait de cette femme, Kleber Mendonça Filho réalise une radiographie de son pays, attaché à son passé mais devant se plier au rouleau compresseur de la mondialisation, quitte à oublier ce qui a fait sa richesse et son Histoire.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray d’Aquarius, disponible chez Blaq Out, repose dans un boîtier classique de couleur bleue foncée, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est élégant, animé et musical.
Dans un premier temps, nous écoutons l’intervention d’Alberto Da Silva, maître de conférences à Paris Sorbonne, spécialiste du cinéma brésilien et d’histoire contemporaine (17’). Durant cet entretien, nous en apprenons plus sur l’histoire politique du brésil après la dictature (1964-1985), mais aussi sur la situation du cinéma du pays et les thèmes explorés par Kleber Mendonça Filho dans Aquarius, liés à une certaine catégorie sociale, celle de la bourgeoisie de la ville de Recife. Alberto Da Silva évoque les intentions du réalisateur, la bande-son, la façon dont le passé et le présent s’entrecroisent, les personnages et notamment celui de Clara qui pour lui s’avère une synthèse de tous ceux incarnés par la comédienne Sonia Braga dans sa longue et prestigieuse carrière.
Ne manquez pas le court-métrage Vinil Verde (16’), réalisé par Kleber Mendonça Filho en 2003. Dans le quartier de Casa Amarela de Recife, Mère offre à Fille un cadeau spécial : une boîte pleine de petits disques de couleur pour enfants. Fille pourra écouter les disques, à l’exception du vinyle vert. Mais la curiosité finit par l’emporter et Fille désobéit. A son retour, Mère a perdu un bras. Inclassable, essentiellement composé de photos animées, beau, inquiétant, insolite, les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer ce Vinil Verde !
L’Image et le son
Superbe Blu-ray concocté par Blaq Out. La colorimétrie brûle les yeux, les teintes bigarrées et chaudes sont divinement restituées et parfaitement saturées, le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, les contrastes sont denses et les détails abondent aux quatre coins du cadre large. Les scènes en extérieur sont magnifiques, limpides, la luminosité est étincelante. Ce master full HD (1080p) ravit du début à la fin.
Seule la version originale est disponible. Franchement, qui s’en plaindra ? Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 se révèle ample et dynamique. La spatialisation est évidente (le culte Another One Bites the Dust de Queen) sur toutes les scènes en extérieur, les dialogues sont solidement plantés sur la centrale, la balance frontale est riche et les effets annexes ne manquent pas. Le mixage respecte la délicatesse de la mise en scène. La Stéréo est tout aussi riche et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène avant. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
CAPTAIN FANTASTICréalisé par Matt Ross, disponible en DVD et Blu-ray le 14février 2017chez TF1 Vidéo
Acteurs : Viggo Mortensen, Frank Langella, George Mackay, Samantha Isler, Annalise Basso, Nicholas Hamilton, Shree Crooks, Charlie Shotwell, Ann Dowd, Erin Moriarty, Missi Pyle…
Scénario : Matt Ross
Photographie : Stéphane Fontaine
Musique : Alex Somers
Durée : 1h58
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Dans les forêts reculées du nord-ouest des Etats-Unis, vivant isolé de la société, un père dévoué a consacré sa vie toute entière à faire de ses six jeunes enfants d’extraordinaires adultes. Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris.
C’est l’un des succès surprises de l’année 2016. Captain Fantastic, réalisé par Matt Ross, aura attiré près de 600.000 spectateurs français dans les salles à sa sortie. Ben et sa femme détestaient la société consumériste et ont donc tout quitté pour aller vivre dans les bois. Alors que son épouse est à l’hôpital, Ben continue à enseigner à ses six enfants comment vivre en communion avec la nature et les forme aux techniques de survie. Ils les entraînent à chasser, à pratiquer l’escalade, les arts martiaux, les langues étrangères, le tir à l’arc, les poussent à dépasser leurs limites physiques et leur fait l’école, tout en célébrant chaque année l’anniversaire du linguiste et philosophe Noam Chomsky. Leur monde s’écroule quand leur mère, bipolaire, se suicide. Ben découvre le testament de son épouse. Il est bien décidé à ce que ses dernières volontés soient respectées. Le père de la défunte, qui menace de faire arrêter Ben s’il se rend à la cérémonie, compte bien enterrer sa fille alors que la jeune femme voulait être incinérée.
Acteur vu dans la série Silicon Valley, mais aussi au cinéma dans L’Armée des douze singes, Volte/Face, Les Derniers jours du Disco et même dans Les Visiteurs en Amérique, Matt Ross signe son premier long métrage en 2012, 28 Hotel Rooms, inédit dans nos contrées. Son deuxième film en tant que réalisateur, Captain Fantastic, récompensé par le Prix de la mise en scène dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes, sans oublier le Prix du jury et celui du public au Festival du cinéma américain de Deauville, est un petit bijou indépendant. Inspiré par la propre enfance du metteur en scène passée dans quelques communautés de Californie du Nord et de l’Oregon, éloigné de toute technologie, du confort moderne et de la télévision, Captain Fantastic se penche sur les modes de vie et l’éducation alternatifs au XXIe siècle, avec notamment les choix qu’imposent les parents à leurs enfants, dans un environnement éloigné de la société de consommation.
Dans Captain Fantastic, le père de famille est sublimement incarné par Viggo Mortensen, dans un rôle taillé sur mesure, qui a pris en charge l’éducation de ses six enfants. Bo (excellent George MacKay), le fils aîné, maoïste, commence à ressentir un manque social et à s’intéresser aux filles de son âge, d’autant plus qu’il est accepté à Harvard et Yale, sans que son père le sache. Dans un contexte difficile – leur mère vient de décéder – Bo se rebiffe quelque peu et pour la première fois Ben (Mortensen) voit ses idéaux remis en question. On pense souvent au désormais classique Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris, avec quelques motifs semblables, la famille réunie dans un véhicule lancé sur les routes américaines, un décès, quelques enfants rebelles. Viggo Mortensen, radieux, est formidablement entouré par un jeune casting très impliqué, mention spéciale aux plus jeunes, d’un naturel confondant.
Doux-amer, pudique et à la fois frontal, joliment mis en scène et photographié par le chef opérateur français Stéphane Fontaine (De battre mon coeur s’est arrêté, De rouille et d’os, Elle), Captain Fantastic émeut, fait rire et réfléchir, interroge sur notre propre rapport à la société et ravit les sens. Le message passe, sans jamais tomber dans la démonstration gratuite et laisse le spectateur se faire sa propre opinion sur ce choix de vie en usant habilement de la fable et de la poésie.
LE DVD
Le test du DVD de Captain Fantastic, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation française.
Un tout petit making de 4 minutes, montre rapidement les comédiens sur le tournage, le tout ponctué par les propos du réalisateur Matt Ross et des acteurs Viggo Mortensen et Frank Langella. Les personnages sont abordés, tout comme l’histoire et les thèmes. Viggo Mortensen évoque rapidement sa préparation dans le nord de l’Idaho, où il a passé son enfance, dans un lieu proche de celui où habite la famille Cash dans le film.
A travers une interview réalisée – le 7 décembre, jour de l’anniversaire de Noam Chomsky ! – par Didier Allouch, le réalisateur Matt Ross revient sur tous les aspects de Captain Fantastic, à l’occasion de la sortie de son film en France (25’). La genèse, les thèmes, ses intentions, les personnages, le casting, le travail avec les enfants et le chef opérateur Stéphane Fontaine, les partis pris, la préparation de Viggo Mortensen, le montage (il existe une version de 3h30 !), sont analysés point par point, le tout illustré par quelques extraits tirés du film en version française et d’images de tournage.
Nous retrouvons le même Didier Allouch, mais cette fois à l’occasion de la présentation de Captain Fantastic au Festival de Sundance (7’). Les comédiens, dont Viggo Mortensen (en français dans le texte), répondent aux questions du journaliste sur le tapis rouge.
L’Image et le son
Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la beauté des paysages naturels dans la première partie. La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition sur les plans plus agités filmés en caméra portée.
Les versions anglaise et française bénéficient de mixages Dolby Digital 5.1. Afin de se plonger véritablement dans l’ambiance du film, nous vous conseillons d’oublier immédiatement le doublage français, totalement inapproprié, même si les effets latéraux sont aussi dynamiques qu’en version originale. La piste anglaise est plus homogène et l’exploitation des enceintes arrière judicieuse sur les séquences en extérieur. Le confort acoustique et musical y est cependant plus délicat et posé, tout à fait dans le ton du film. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo de fort bon acabit, ainsi qu’une piste Audiodescription et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.