Test DVD / Belfagor le magnifique, réalisé par Ettore Scola

BELFAGOR LE MAGNIFIQUE (L’Arcidiavolo) réalisé par Ettore Scola, disponible en DVD le 12 septembre 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  Vittorio Gassman, Claudine Auger, Mickey Rooney, Gabriele Ferzetti, Hélène Chanel, Milena Vukotic, Giorgia Moll, Ettore Manni, Liana Orfei, Luigi Vannucchi…

Scénario :  Ettore Scola, Ruggero Maccari

Photographie : Aldo Tonti

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

1486. Le Pape Innocent VIII et Laurent de Médicis décident de signer un traité de paix après huit ans d’hostilité. Cette paix qui règne à Rome et à Florence a trop duré de l’avis du diable. Afin de relancer la guerre, Belzebuth envoie Belfagor. Il se matérialise alors sur terre et accompagné d’un mauvais esprit. Il a dix jours pour faire revenir la guerre. Il va gagner au jeu la vie d’un prince et se substituant à lui, il refuse publiquement le mariage prévu avec la fille d’un Médicis…

Belfagor le magnifique est un petit film d’Ettore Scola (1931-2016), ou plutôt non, c’est une comédie mineure car il n’y a pas vraiment de « petit » film du maître italien. Mais il a bien fallu que le cinéaste se fasse la main derrière la caméra après avoir oeuvré pendant dix ans en tant que scénariste et script doctor auprès de ses maîtres et modèles comme Mauro Bolognini et Dino Risi. Ettore Scola passe à la mise en scène en 1964 avec Parlons femmes, interprété par un Vittorio Gassman qui se multiplie dans près d’une dizaine de personnages. Belfagor le magnifiqueL’Arcidiavolo est son troisième long métrage et déjà sa troisième collaboration avec Vittorio Gassman. A l’instar de L’Armée Brancaleone, par ailleurs sorti la même année en 1966, le mythique acteur qui encore six ans auparavant étant cantonné aux rôles de jeune premier et enfermé dans le registre dramatique, porte littéralement Belfagor le magnifique sur ses épaules. Popularisé grâce au Pigeon de Mario Monicelli en 1959, dans lequel Mario Monicelli avait dû le grimer pour le transformer et le rendre ainsi « plus drôle » aux yeux du public, Vittorio Gassman, véritable typhon humain, est sans nul doute la raison d’être de Belfagor le magnifique et la seule véritable attraction de ce film en costumes aujourd’hui.

La conjuration des Pazzi avait exacerbé la rivalité entre les Médicis et l’Église en 1478. Ce n’est qu’après huit ans de guerre, en 1486, que Laurent le Magnifique, « L’Aiguille de la balance italienne », parvint à signer la paix avec Rome. Comme une paix fatale réduit cruellement le flux des âmes damnées, Belzebuth décide d’envoyer l’un de ses princes dans le monde des vivants afin qu’il œuvre à raviver le conflit entre Florence et Rome. Satan jette son dévolu sur Belfagor, archidiable, provocateur des incendies, surintendant des tripots, charmeur de femmes. Accompagné de son serviteur Adramalek, diable roux et cornu, que lui-seul peut voir et entendre, Belfagor a dix jours pour accomplir sa mission. Autant vous dire que Vittorio Gassman se délecte d’un tel personnage ! Si le film demeure bancal et que l’intérêt s’émousse au fil d’un scénario somme toute banal, le comédien bondit, court, grimace, se ramasse et se relève pour mieux repartir, gesticule, crie, séduit, embrasse, émeut avec un tel génie qu’on ne peut qu’adhérer et se laisser embarquer dans son sillage. Parfait, hilarant et très élégant dans la peau de cet « archidiavolo » qui donne son titre au film en version originale, le comédien est accompagné de l’américain Mickey Rooney, qui tente « d’exister » à ses côtés en grimaçant de plus belle, mais il ne peut rien contre le charisme et l’immense talent de la tête d’affiche.

Belfagor le magnifique est aussi l’occasion d’admirer la grâce et la beauté de Claudine Auger. Ancienne première dauphine de Miss Monde en 1958, elle devient ensuite actrice et fait ses débuts dans Christine de Pierre Gaspard-Huit, avec Romy Schneider et Alain Delon. Elle est très vite demandée et passe d’un univers à l’autre, de Jean Cocteau à Marcel Carné, en passant par Robert Parrish, Pierre Etaix et devient même James Bond Girl dans Opération Tonnerre de Terence Young où elle interprète la sensuelle Domino. Il n’est pas étonnant que Belfagor perde la tête pour elle, d’autant plus que Maddalena semble être la seule femme à résister à son pouvoir, lui qui habituellement a juste à regarder ses proies (et à les hypnotiser c’est vrai) pour qu’elles lui tombent dans les bras.

Tourné dans les magnifiques paysages naturels de la Toscane, Belfagor le magnifique vaut pour quelques séquences remarquables, dont une partie de football endiablée, aussi anachronique qu’anthologique, à l’instar de la musique rock psychédélique d’Armando Trovajoli. Ettore Scola et son coscénariste Ruggero Maccari sont suffisamment malins pour relancer la mécanique au moment où elle commence à s’enrayer et le film est en réalité ponctué de moments jubilatoires comme celle de la partie de football évoquée ou bien encore de l’affrontement au milieu des inventions de Leonard de Vinci, dont un prototype de char d’assaut ! Par ailleurs, bien avant le film culte de Michael Lehmann, Hudson Hawk, gentleman et cambrioleur, Vittorio Gassman était probablement le premier comédien à utiliser la machine volante créée par le peintre et inventeur. Une séquence très originale. Si le rythme tend parfois à s’étirer, Belfagor le magnifique comporte son lot de moments qui reflètent autant le talent de son réalisateur que de son acteur principal.

LE DVD

Le DVD de Belfagor le magnifique est disponible chez ESC Editions, dans la collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits sont même proposés en Haute-Définition ! La jaquette se focalise uniquement sur Vittorio Gassman. Le verso montre tous les titres déjà disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet. Aucun chapitrage. L’éditeur indique que le film est inédit en France, ce qui est faux, puisque Belfagor le magnifique est sorti dans nos salles, le 20 décembre 1978 ! Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné.

Cette collection, bientôt entièrement chroniquée dans nos colonnes, a été éditée dans les bacs en trois vagues. La première en mars 2017 avec Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). La seconde vague au mois de juin avec Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Le Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). La dernière en septembre avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

L’intervention de Stéphane Roux sur ce titre demeure complètement anecdotique (9’). L’historien du cinéma se contente d’évoquer les débuts d’Ettore Scola en tant que scénariste puis derrière la caméra. S’il indique quelques éléments liés à la production de Belfagor le magnifique, Stéphane Roux s’égare trop souvent et en vient même à parler de la scène de la cuisine des Tontons flingueurs ou de la réplique finale de Certains l’aiment chaud, pour expliquer (longuement) comment une scène non prévue au scénario, a finalement été tournée pour devenir culte par la suite.

L’interactivité se clôt sur une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro.

L’Image et le son

Aïe, aïe, aïe…Alors…autant le dire tout de suite le master n’a subi aucune restauration et demeure constellé de toutes les scories possibles et imaginables, raccords de montage, points, griffures, etc. En plus de cela, la copie qui semble avoir été dégotée dans un tréfonds de catalogue, s’avère complètement usée du point de vue des contrastes et des couleurs. Terne du début à la fin, l’image est bien trop sombre, la définition ne trouve jamais d’équilibre, les flous ne sont pas rares, la gestion du grain est aléatoire et le piqué est sans cesse émoussé. Ne parlons pas des scènes de nuit, où la qualité demeure plus que passable, comme s’il s’agissait d’un transfert d’une VHS en DVD. Le cinéphile devra donc faire preuve de beaucoup d’indulgence.

Même chose pour les deux pistes proposées. Si la version italienne s’en sort « mieux » que la piste française parasitée par un bruit de fond constant et des voix pincées, les dialogues restent tantôt sourds tantôt aigus, avec de nombreuses saturations. N’ayez pas peur des craquements et des grésillements, car ils ne sont pas rares. Notons également que l’éditeur n’a toujours pas réglé les problèmes au niveau des retranscriptions des « oe » (« ceur » à la place de « coeur »). L’immense Dominique Paturel double Vittorio Gassman.

Crédits images : © R.T.I. S.P.A. / ESC Conseils/ Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Joyeuses Pâques, réalisé par Georges Lautner

JOYEUSES PÂQUES réalisé par Georges Lautner, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt, Michel Beaune, Rosy Varte, Sophie Marceau…

Scénario :  Georges Lautner, Jean Poiret d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Edmond Séchan

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

La cinquantaine florissante, Stéphane Margelle héberge, en l’absence de sa femme, une jolie jeune femme. Mais l’épouse rentre à l’improviste. Pour sauver la face, Margelle est obligé de faire passer son hôte pour sa fille.

Jean-Paul Belmondo démarre les années 1980 comme il vient de terminer la décennieprécédente, avec le réalisateur Georges Lautner (1926-2013). Si Flic ou voyou (1979) et Le Guignolo (1980) ont été de très grands succès populaires avec 3,9 et 2,9 millions d’entrées, Bebel va alors connaître trois des plus grands triomphes de sa carrière avec Le Professionnel (5,2 millions), L’As des as (5,5 millions) et Le Marginal (4,9 millions), qui se placent respectivement à la troisième, seconde et quatrième place dans son top 5, derrière Le Cerveau (5,6 millions). Des chiffres qui font rêver. Jean-Paul Belmondo tourne ensuite Les Morfalous (3,6 millions), pour la dernière fois sous la direction d’Henri Verneuil. Conforté une fois de plus par l’adhésion du public et même s’il se lasse de la comédie, Bebel retrouve Georges Lautner avec « l’envie de s’éclater » (selon les mots du cinéaste) après la noirceur du Professionnel. Ils jettent alors leur dévolu sur la pièce à succès Joyeuses Pâques de Jean Poiret, alors que le théâtre commence sérieusement à manquer à Belmondo. Comme l’enchaînement des tournages l’empêche de remonter sur les planches, c’est donc le théâtre qui s’invite au cinéma !

Georges Lautner et Jean Poiret lui-même adaptent le vaudeville original qu’ils reformatent pour permettre à Bebel d’en faire ce qu’il veut. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a tellement tout et n’importe quoi dans Joyeuses Pâques, que le film ne ressemble à rien et demeure aujourd’hui l’un des pires films du comédien et du réalisateur. Belmondo est Stéphane Margelle, un riche industriel et surtout un séducteur âgé d’une cinquantaine d’années qui collectionne les conquêtes dès que son épouse Sophie a le dos tourné. Persuadé que cette dernière a pris l’avion dans la journée, il ramène chez lui Julie, 16 ans, qui ne sait pas où dormir. Mais une grève surprise empêche Sophie de partir et elle rentre à l’improviste en pleine nuit et les surprend. Pour s’en sortir, Stéphane fait passer Julie pour sa fille, issue d’un premier mariage dont il aurait oublié de lui parler. De ce mensonge vont en découler bien d’autres et Stéphane va s’empêtrer toujours davantage. De son côté, Sophie, peu dupe et qui ferme habituellement les yeux sur les frasques de son mari, s’amuse à le voir s’embourber et se prend d’affection pour la jeune fille qui se demande dans quel pétrin elle s’est fourrée.

Dès le pré-générique, tout part en sucette. Les cascades improbables s’enchaînent avec Bebel accompagné de Rémy Julienne (pour une fois à l’écran) qui défoncent un cabanon avec leur bateau, puis Bebel qui passe de femme en femme, Bebel qui nous refait la cascade du Guignolo avec l’hélicoptère, le titre apparaît et la musique de Philippe Sarde démarre. Si l’acteur n’a jamais tari d’éloges sur Georges Lautner (« Lautner avait le don pour la comédie. Il avait le sens du rythme. C’était un grand technicien. Il savait anticiper les mouvements des acteurs. C’était un grand, grand monsieur du cinéma. Il faisait l’idiot avec moi, mais il avait son film dans la tête. Il n’improvisait pas. », L’Express, février 2014), force est de constater que Joyeuses Pâques marque un tournant dans leurs carrières respectives puisqu’il s’agit de l’avant-dernier grand succès du comédien et le dernier pour le réalisateur.

Joyeuses Pâques, c’est comme qui dirait le film de trop. Rien ne fonctionne, tout y est surligné, hystérique, fatiguant, exténuant même, comme la séquence du restaurant indien. Non seulement le film est très mal écrit, on se demande même s’il y a vraiment eu un scénario, mais Jean-Paul Belmondo y est extrêmement mauvais et grotesque. Pas une seule de ses répliques ne tombe juste et sa prestation outrancière (volontaire il est vrai) et franchement gênante, se résume à s’agiter dans tous les sens, totalement en roues libres, en brassant de l’air, en moulinant des bras, en courant de droite à gauche. Si la fraîcheur de Sophie Marceau fait parfois mouche, Marie Laforêt parvient à s’en sortir avec élégance et son ironie passe bien devant l’abattage de son partenaire qui continue de s’époumoner et de se perdre dans le plus mauvais boulevard. Quant au dernier tiers, comme la pièce originale de Jean Poiret a été réduite au minimum et qu’il faut bien livrer un long métrage, Georges Lautner et son acteur ont purement et simplement décidé d’enchaîner à nouveau les cascades burlesques et cartoonesques en Fiat Uno dans les rues de Nice. Si elles sont évidemment réussies, elles n’ont absolument aucune légitimité, si ce n’est remplir du vide.

Il fallait vraiment s’appeler Belmondo pour réunir pas loin de 3,5 millions de spectateurs avec si peu. Lautner et Bebel collaboreront une dernière fois en 1992 pour L’Inconnu dans la maison, échec critique et commercial et dernier film du réalisateur.

LE BLU-RAY

L’édition HD de Joyeuses Pâques est disponible chez Studiocanal. Le DVD du film remasterisé était d’ailleurs déjà disponible chez le même éditeur depuis 2000 et avait été réédité avec une jaquette différente en 2007. Le menu principal est fixe et muet, triste, ne proposant que le lancement du film.

Aucun supplément. Pourtant, l’édition DVD comprenait un entretien avec Georges Lautner de 12 minutes, une galerie d’affiches/photos, des filmographies et des bandes-annonces.

L’Image et le son

L’élévation HD pour Joyeuses Pâques est frappante. Fort d’un master au format respecté et d’une compression AVC qui consolide l’ensemble avec brio, ce Blu-ray en met plein les yeux dès les premiers plans. La restauration est étincelante, les contrastes d’une indéniable densité, la copie est propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les gros plans sont détaillés à souhait, les couleurs retrouvent un éclat inespéré, le relief des séquences diurnes est inédit et le piqué demeure acéré du début à la fin, même si la définition flanche très légèrement sur les séquences se déroulant dans l’appartement, mais cela reste anecdotique. Un superbe lifting.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont clairs, la propreté est de mise, les effets suffisamment riches, sans aucun souffle. La composition de Philippe Sarde bénéficie en plus d’un très bel écrin. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ni de piste Audiodescription.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Don’t Kill It, réalisé par Mike Mendez

DON’T KILL IT réalisé par Mike Mendez, disponible en DVD le 6 septembre 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs :   Dolph Lundgren, Kristina Klebe, Elissa Dowling, Billy Slaughter, Michael Aaron Milligan, Tara Cardinal…

Scénario :  Dan Berk, Robert Olsen

Photographie : Jan-Michael Losada

Musique : Juliette Beavan,  Sean Beavan

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Un démon antique est accidentellement libéré dans une petite ville dépeuplée du Mississippi. Le seul espoir de survie repose entre les mains d’un chasseur de démons et d’un agent du FBI.

Dolph Lundgren peut encore compter sur la fidélité de nombreux fans, y compris pour ses productions qui sortent directement dans les bacs. C’est le cas ici de Don’t Kill It. Si la carrière du comédien reste aujourd’hui marquée par quelques obscures séries B et Z, Les Maîtres de l’univers, Punisher, Universal Soldier, Au-dessus de la loi, Pentathlon ou encore Johnny Mnemonic, les épisodes de la franchise Expendables – Unité spéciale ont démontré qu’il restait une «  icône  » du genre dans le cinéma d’action. Né le 3 novembre 1957, Dolph Lundgren obtient une maîtrise en chimie après avoir suivi les cours du prestigieux Institut royal de technologie de sa ville natale Stockholm. Le nez plongé dans les livres et se consacrant à de hautes études, il souhaite devenir ingénieur comme son père. À 16 ans, il découvre les arts martiaux, le judo et le karaté, et commence la compétition de haut niveau en 1979, deux ans avant de devenir ceinture noire. Son gabarit et sa taille (1m96) impressionnent. Il participe au deuxième championnat du monde, emmagasine les titres nationaux au début des années 80. C’est alors qu’il rencontre Warren Robertson, professeur d’art dramatique, disciple de l’imminent Lee Strasberg. C’est une révélation, il décide de devenir comédien.

Il fait ainsi sa première apparition en 1985 dans le dernier James Bond de Roger Moore, Dangereusement vôtre. S’il n’est qu’une silhouette derrière Grace Jones, sa compagne d’alors, Lundgren enchaîne les auditions. Il passe celle pour Rambo II (la mission), mais Stallone l’imagine d’emblée pour incarner le rival de Rocky dans le quatrième opus. En 1985, Rocky IV sort sur les écrans et c’est un triomphe international. Acteur-phénomène, il est remarqué par les célèbres Menahem Golan et Yoram Globus, qui lui proposent le premier rôle dans l’adaptation live des Maîtres de l’univers. Le film est un échec critique et commercial, mais les années en ont fait un vrai objet de culte. Dolph Lundgren rebondit aussitôt et se voit offrir le scénario du Scorpion rouge que doit mettre en scène Joseph Zito, porté par les succès de Vendredi 13 – Chapitre 4 : Chapitre final, ainsi que Portés disparus et Invasion U.S.A. avec Chuck Norris. Les années 1990 sourient alors au comédien, mais les années 2000 seront difficiles et comme beaucoup de ses confrères spécialisés dans l’action (dont un certain Steven S à la coupe de cheveux en triangle), il enchaîne les films, la plupart du temps à petit budget, destinés au marché du DVD. Malgré cette période, Dolph Lundgren conserve aujourd’hui toute la sympathie des spectateurs nostalgiques de ce genre de divertissements et se voit souvent inviter par quelques réalisateurs qui ont grandi avec ses films. Il parvient d’ailleurs à tirer profit de ce regain de popularité puisqu’il est dernièrement apparu dans la série Arrow, et qu’il est déjà annoncé au casting d’Aquaman de James Wan et de Creed 2 dans lequel il reprendra son rôle mythique d’Ivan Drago ! Mais le film qui nous intéresse, Don’t Kill It, est une petite production au budget de 3,5 millions de dollars, qui intègre le haut du panier dans les DTV de l’ami Dolph, en l’occurrence une pure série B, une comédie fantastique et d’horreur, souvent gore, qui n’a pas peur du ridicule puisque le grotesque est volontaire.

Un mal très ancien sévit dans une petite ville du Mississippi, passant d’un hôte à un autre à la manière du Témoin du mal de Gregory Hoblit (1998), et semant mort et destruction sur son chemin. Seul espoir de survie, un grisonnant chasseur de démons ayant déjà fait face à cette horreur par le passé. Accompagné d’un agent du FBI réticent (Kristina Klebe), Jebediah doit découvrir comment détruire ce démon qui a la capacité de prendre possession de son tueur. Voilà. En partant sur un principe simple et usé jusqu’à la moelle, Don’t Kill It remplit son contrat et s’avère un film d’action bien bourrin et sanglant, qui repose autant sur la décontraction et le charisme buriné de Dolph Lungren, que sur d’efficaces effets de possession et les carnages qui s’ensuivent à coup de tronçonneuse, de machette et de coups de fusil à pompe.

Bien mieux et emballant que Le Dernier chasseur de sorcières avec Vin « Baboulinet » Diesel et animé par un amour contagieux de la série B, Don’t Kill It est l’oeuvre de Mike Mendez, découvert en 2000 avec Le Couvent et le déjà culte Big Ass Spider ! (2013), monteur, acteur, scénariste, le genre de type qui s’est fait tout seul, qui n’a jamais eu la prétention de révolutionner le cinéma, mais qui s’éclate à en faire et qui souhaite faire plaisir aux spectateurs. Et ça fonctionne ! Le scénario est généreux et ne se prend pas au sérieux une seconde. Dolph Lundgren s’éclate du début à la fin. Vêtu d’un long manteau usé jusqu’à la moelle, de boots et d’un chapeau de cowboy, il arbore des grigris autour du cou et vapote sa pipe électronique. Il est prêt à affronter le mal avec ses pétoires, son lance-filet à air comprimé et ses pièges à loups (oui), mais finalement, son personnage ne fait pas grand-chose à part observer le carnage tandis que le mal passe d’un flic à une grand-mère, en passant par un chasseur, une petite fille, un chien, etc. Son personnage de pistolero, il aurait d’ailleurs été un parfait Roland dans La Tour Sombre, reste cool et intervient finalement quand on le laisse en placer une, s’il n’est pas assommé avant.

Tourné en trois semaines, Don’t Kill It est une réussite dans le genre décomplexé et qui va droit à l’essentiel en à peine 80 minutes grâce à une mise en scène bien tenue, une photographie qui a de la gueule et un montage tonique. Très drôle et attachant, on en vient même à vouloir une suite, d’autant plus que la scène finale promet un affrontement plutôt…mordant.

LE DVD

Le test du DVD de Don’t Kill It, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche américaine.

Aucun supplément à part la bande-annonce en version française.

L’Image et le son

Pas d’édition HD pour Don’t Kill It, ce qui est d’autant plus dommage que le DVD proposé s’avère très médiocre. Cela faisait d’ailleurs longtemps que nous n’avions pas vu une copie aussi moche à vrai dire. Le premier plan sur la forêt donne le ton avec des couleurs délavées, des pixels à foison, un piqué émoussé, des contrastes aléatoires, des fourmillements, des moirages, tout y passe. On se demande même si le film n’a pas été tourné avec une Smartphone ou un appareil photo. Ceci dit, voir le film dans ces conditions rajoute presque un côté cradingue qui renforce l’aspect série B de Don’t Kill It. Certaines séquences semblent voilées, d’autres se révèlent plus claires et aiguisées.

Sans réelle surprise, la piste DTS 5.1 anglaise se révèle nettement plus homogène, naturelle et dynamique que les deux pistes Dolby Digital 5.1 française et également anglaise disponibles. Sans aucune commune mesure, le spectacle est beaucoup plus fracassant sur la première option acoustique que sur les deux autres, paresseuses, déséquilibrées et qui peinent à instaurer une spatialisation digne de ce nom. La version originale DTS 5.1 n’est pas avare en effets sur les scènes de carnage avec un grand soutien du caisson de basses et des latérales qui délivrent une musique qui risque d’alarmer vos voisins. Les sous-titres français sont de couleur jaune.

Crédits images : © Koch Films / M  Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Aurore, réalisé par Blandine Lenoir

AURORE réalisé par Blandine Lenoir, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Diaphana

Acteurs :   Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Pascale Arbillot, Sarah Suco, Lou Roy Lecollinet, Philippe Rebbot, Laure Calamy, Marc Citti…

Scénario :  Blandine Lenoir, Jean-Luc Gaget, Benjamin Dupas, Anne-Françoise Brillot, Océane Michel, Agnès Jaoui d’après une histoire originale de Blandine Lenoir

Photographie : Pierre Milon

Musique : Bertrand Belin

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Aurore est séparée, elle vient de perdre son emploi et apprend qu’elle va être grand-mère. La société la pousse doucement vers la sortie, mais quand Aurore retrouve par hasard son amour de jeunesse, elle entre en résistance, refusant la casse à laquelle elle semble être destinée. Et si c’était maintenant qu’une nouvelle vie pouvait commencer ?

Excellente comédienne, notamment vue chez Gaspar Noé (Carne, Seul contre tous), Blandine Lenoir est aussi la réalisatrice de sept courts-métrages, d’Avec Marinette (2000) à L’Amérique de la femme (2015), traitant souvent de l’amitié et de la solidarité entre femmes, du rapport mère-fille et de la sexualité féminine. Ces thèmes sont d’ailleurs au centre de son premier long métrage, Zouzou, sorti en 2014, qui évoquait entre autres la sexualité après 60 ans. Son second film, Aurore, découle de ses œuvres précédentes et s’avère un film-somme de tous les sujets que la réalisatrice avait abordés. Né d’expériences personnelles, notamment l’angoisse d’arriver à la quarantaine et tout simplement la peur universelle de vieillir et du temps qui passe, Aurore est une comédie délicate qui témoigne d’une qualité d’écriture déjà évidente dans les courts-métrages de Blandine Lenoir, notamment Ma Culotte (2005) et L’Amérique de la femme déjà mentionné. Le film offre également un de ses meilleurs rôles à Agnès Jaoui, lumineuse, de tous les plans, attachante, belle, pour ainsi dire caressée par la cinéaste et la photo de Pierre Milon.

Elle incarne Aurore, 50 ans, divorcée, qui apprend cour sur coup qu’elle perd son travail, que sa fille aînée Marina attend un enfant et donc qu’elle va être grand-mère, que sa plus jeune fille Lucie souhaite quitter le domicile familial pour rejoindre son copain, que son ex-mari va se remarier avec une femme plus jeune. Mais le pire pour Aurore, ce sont ces bouffées de chaleur dues à la ménopause. Consciente d’être à un carrefour de sa vie – « Vous êtes en train de passer d’abeille à reine des abeilles » lui dit-on – Aurore va faire le point sur sa propre existence et penser à elle pour la première fois. C’est alors que ressurgit le premier homme de sa vie, Christophe alias Totoche. Sur les conseils de sa meilleure amie Mano, Aurore apprend à accepter et surtout à recevoir les belles choses qui lui arrivent.

Aurore est une comédie en apparence simple, mais qui traite de la vie sentimentale et sexuelle d’une femme de plus de cinquante ans, rarement représentée au cinéma, avec une énergie revigorante et une douceur qui réchauffe le coeur. Le choix d’Agnès Jaoui est aussi malin qu’évident, puisque la comédienne apparue pour la première fois à l’écran dans Le Faucon de Paul Boujenah en 1983 (oui oui, le film où Francis Huster souhaite manger un hamburger), devenue célèbre en 1996 grâce à Cuisine et dépendances de Philippe Muyl qu’elle avait coécrit avec Jean-Pierre Bacri, d’après leur pièce de théâtre, a su traverser les années ou jouant et en profitant de ses nouveaux atouts physiques de femme mûre et plantureuse comme dans Comme un avion de Bruno Podalydès en 2015. Elle est parfaite dans Aurore, drôle et émouvante, féminine et sensuelle, toujours séduisante. La comédienne s’épanouit devant la caméra de Blandine Lenoir dans la peau de ce personnage qui lui va comme un gant. Elle est également solidement épaulée, notamment la toujours pétillante Pascale Arbillot, Thibault de Montalembert, Sarah Suco (la révélation de Discount), Lou Roy-Lecollinet (découverte dans Trous souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin), sans oublier les apparitions des indispensables Samir Guesmi, Marc Citti, Laure Calamy, Florence Muller (la scène de Pôle Emploi est hilarante) et Philippe Rebbot.

Aurore est une comédie lumineuse et optimiste, tendre et spontanée, engagée et pertinente, rythmée par ses répliques soignées et le peps de ses acteurs. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un feel-good movie.

LE DVD

Le test du DVD d’Aurore, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film.

Après Aurore, précipitez-vous sur les courts-métrages de Blandine Lenoir proposés en guise de suppléments et qui évoquent les thèmes et certains motifs repris dans Zouzou et le second long métrage de la réalisatrice. Ne manquez pas la leçon sur le clitoris par la sublime Laure Calamy dans L’Amérique de la femme.

Ma culotte (2005 – 14’), avec Christine Boisson, Anaïs Demoustier : Claire, la cinquantaine, a très envie de faire l’amour avec ce type qu’elle a ramené chez elle. Depuis le temps qu’elle attend ça, un homme. Comment fait-on déjà ?

Pour de vrai (2006 – 12’), avec Nanou Garcia, Anaïs Demoustier : Une femme de quarante-cinq ans, bouleversée à l’idée de perdre son enfant actuellement dans le coma, erre chez elle, paralysée par son désespoir et son impuissance. Elle est totalement accaparée par sa petite voix intérieure qui répète toujours les mêmes mots d’amour fou pour son enfant endormi, et l’obsession de sa culpabilité de n’avoir pu éviter la chute fatale. Il y a quand même un truc qui cloche dans tout ce désespoir.

L’Amérique de la femme (2014 – 18’), avec Jeanne Ferron, Florence Muller, Laure Calamy, Sarah Grappin : Trois sœurs entre trente-cinq et quarante-cinq ans (Agathe, Lucie et Marie) débarquent chez leur mère, Solange, pour un week-end prolongé à la campagne. La fille d’Agathe, Zouzou, est là depuis une semaine, et d’après Solange, le séjour s’est bien passé. Mais quand les quatre femmes découvrent que la jeune fille de quatorze ans est en train de faire l’amour à l’étage, certainement pour la première fois, c’est la panique.
Qu’est-ce qu’on fait ? On monte les voir ? On les interrompt ?
Un dialogue commence alors autour de la question de l’éducation sexuelle : est-ce qu’Agathe a bien préparé sa fille ? Est-ce qu’elle a su mettre les mots ?

Finissez par le très bon entretien de Blandine Lenoir (18’) réalisé en juin 2017. La cinéaste revient sur la genèse d’Aurore, né d’observations sur ses amies et sur elle-même au moment de l’arrivée de la quarantaine et plus particulièrement sur les inégalités entre les hommes et les femmes de 40 voire plus de 50 ans. Son deuxième long métrage est aussi issu de l’envie de parler de la vie amoureuse et sociale d’un personnage féminin de 50 ans, peu représenté au cinéma. Blandine Lenoir évoque ensuite le choix d’Agnès Jaoui (dont elle voulait filmer le corps) pour incarner le rôle principal, mais aussi les autres comédiens qui l’accompagnent depuis de nombreuses années. Les thèmes du film sont longuement analysés et l’ensemble ne manque pas d’anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la photographie de Pierre Milon (Les Neiges du Kilimandjaro, Au fil d’Ariane). La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition.

Outre une piste Audiodescription et des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, la version Dolby Digital 5.1 parvient sans mal à instaurer un indéniable confort phonique. Les enceintes sont toutes mises en valeur et spatialisent excellemment les effets, la musique et les ambiances. Quelques séquences auraient peut-être mérité d’être un peu plus dynamiques ou les dialogues parfois quelque peu relevés quand la partition s’envole. La piste Stéréo est de fort bon acabit et contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © Eddy BrièreKaré Productions / Diaphana Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Fondateur, réalisé par John Lee Hancock

LE FONDATEUR (The Founder) réalisé par John Lee Hancock, disponible en DVD et Blu-ray le 1er septembre 2017 chez EuropaCorp

Acteurs : Michael Keaton, Nick Offerman, John Carroll Lynch, Laura Dern, Linda Cardellini, Patrick Wilson, B.J. Novak, Griff Furst…

Scénario : Robert D. Siegel

Photographie : John Schwartzman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Dans les années 50, Ray Kroc rencontre les frères McDonald qui tiennent un restaurant de burgers en Californie. Bluffé par leur concept, Ray leur propose de franchiser la marque et va s’en emparer pour bâtir l’empire que l’on connaît aujourd’hui.

Le FondateurThe Founder est le cinquième long métrage du méconnu John Lee Hancock. Scénariste de métier, on lui doit les histoires de deux grands films de Clint Eastwood, Un monde parfait (1993) et Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997). Sorti en 2002, son premier film en tant que réalisateur, Rêve de championThe Rookie est un grand succès aux Etats-Unis, ce qui lui donne l’opportunité d’accéder aux gros budgets. Ce sera le cas de son film suivant, Alamo en 2004, western porté par Dennis Quaid, qui se solde par un échec cinglant au box-office. Cinq ans plus tard, le metteur en scène revient derrière la caméra avec The Blind Side, inédit dans les salles françaises, mais triomphe national surréaliste (255 millions de dollars de recette pour un budget de 29 millions), qui vaut même à Sandra Bullock l’Oscar de la meilleure actrice. En 2013, Dans l’ombre de Mary qui raconte la genèse et la production du film Mary Poppins, interprété par Tom Hanks et Emma Thompson, produit par Disney, est un joli succès. Le Fondateur s’avère le meilleur film de John Lee Hancock. Démarrant comme un vrai feel-good movie au ton léger et aux couleurs scintillantes, le film se révèle être le portrait d’un monstre impitoyable auquel le génial Michael Keaton prête ses traits et son empathie immédiate. Autant dire que la surprise est de taille et que Le Fondateur s’avère un grand film sur la face cachée du rêve américain.

Représentant de commerce, Ray Kroc est un quinquagénaire originaire de l’Illinois qui court en vain après le succès en proposant des appareils à milk-shakes qui ne trouvent pas preneur. Il écume les états au volant de sa voiture, puis rentre chez lui, auprès de sa femme (Laura Dern) avec qui les relations se dégradent. Sa vie change lorsqu’il découvre que deux frères, Richard et Maurice McDonald, passent la commande de six machines à glace pour le même restaurant. Croyant tout d’abord à une erreur, il se rend compte que ces deux restaurateurs ont en fait besoin de huit machines au total. Ray reprend sa voiture et traverse les Etats-Unis jusqu’à San Bernardino en Californie. Il arrive devant un drive-in familial où des dizaines de personnes font la queue devant un guichet pour y passer commande, autrement dit la formule unique hamburger-frites-soda, servie dans des gobelets en carton et du papier jetable. Attiré par ce succès, Ray rencontre les deux frères McDonald. Ces derniers, très accueillants lui expliquent alors qu’ils ont mis au point une méthode de travail ingénieuse à fort rendement modeste pour leur restaurant de burgers, cuisinés et vendus en un temps-record, trente secondes au lieu des trente minutes habituelles et interminables chez leurs concurrents. Grisé par cette méthode révolutionnaire, Ray les persuade de lui confier la franchise leur invention. Ils acceptent. Devant leur frilosité et avide de faire rapidement de l’argent, Ray Kroc va prendre les devants et s’emparer de leur concept pour bâtir son empire, au grand désespoir des deux frères qui en voulant préserver leur intégrité finiront par tout perdre dans la bataille. Cela inclut leurs arches dorées et même leur nom qui deviendra une marque déposée pour laquelle ils ne gagneront pas un dollar de royalties (malgré une promesse verbale de leur reverser 1 % des bénéfices à vie), sauf lorsqu’ils seront obligés de se retirer de ce rouleau compresseur économique et capitaliste qui les dépasse.

Le Fondateur est un film formidable, qui n’a de cesse de surprendre le spectateur. Merveilleusement écrit par Robert D. Siegel (The Wrestler), mis en scène, interprété et reconstitué, le film de John Lee Hancock, un temps envisagé par les frères Coen qui adoraient le scénario, déjoue les attentes en faisant d’abord croire que l’on se trouve devant une comédie rutilante, menée à cent à l’heure, un portrait documenté sur l’un des empires économiques devenu omniprésent au quotidien et que le film est à la gloire du rêve américain. La séquence où les deux frères, incarnés par les épatants John Carroll Lynch (Zodiac, Gran Torino) et Nick Offerman (Parks and Recreation) racontent à un Ray Kroc abasourdi comment tout a commencé et la façon dont la chorégraphie du burger a été mise en place, est un très grand moment de cinéma. Puis sans prévenir, Le Fondateur devient plus sombre, même si les couleurs pétillantes des années 1950 sont toujours présentes et que la photo du chef opérateur John Schwartzman (Benny & Joon, Rock, Jurassic World) est lumineuse. Le contraste apparaît par couches successives, au fur et à mesure que Ray Kroc, animé par ce succès démentiel et qui n’a de cesse de s’étendre, décide de prendre les choses en main, sans tenir compte de l’avis des frères McDonald dont le récit adopte finalement le point de vue. Le Fondateur est un portrait fabuleux et ironique d’un loser ambitieux qui s’est servi du succès des autres comme point de départ pour sa propre initiative personnelle, dans le but de créer « la nouvelle église américaine ». Lui-même dépassé par les événements, mais malgré tout conscient qu’il était en train d’écraser ses partenaires, Ray Kroc est devenu un vampire avide de succès et d’argent, profondément égoïste et arriviste.

On savait Michael Keaton très grand comédien. Dans Le Fondateur, il hérite d’un rôle en or, tout d’abord destiné à Tom Hanks avant son désistement, et signe une de ses plus grandes interprétations. Quasiment de tous les plans, son énergie, son bagou, son charisme crèvent à nouveau l’écran. Epoustouflant, l’acteur parvient à rendre attachant ce petit représentant sans succès, qui devient ensuite foncièrement antipathique, une vraie crapule, un homme d’affaires monstrueux dont le génie visionnaire demeure pourtant indéniable et même fascinant. Alors, si vous connaissez évidemment la chaîne de fast-food, découvrez maintenant les véritables origines de ce succès planétaire. Votre burger vous restera certainement en travers de la gorge, mais en tout cas ce film virtuose et captivant ravira les cinéphiles.

LE BLU-RAY

Disponible chez EuropaCorp, le Blu-ray du Fondateur repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

La première partie des suppléments est consacrée aux interviews du réalisateur John Lee Hancock (1’40) et des comédiens Michael Keaton (8’30), John Carroll Lynch (5’) et Nick Offerman (8’). Malgré leur courte durée et leur côté promotionnel, ces entretiens s’avèrent particulièrement intéressants. Chaque intervenant s’exprime sur la qualité du scénario (qui circulait pourtant depuis pas mal de temps à Hollywood), sur leur collaboration, sur la reconstitution des années 1950, les partis pris et les personnages ayant réellement existé. Mention spéciale à Nick Offerman qui indique que « le génie de Ray Kroc a amené des millions de personnages à devenir obèses ».

Les featurettes intitulées Les Frères McDonald (4’) et Les décors, un voyage dans le temps (7’) sont constituées d’images de tournage, d’interviews des producteurs, des comédiens, de Jason French (petit-fils de Dick McDonald), du réalisateur et du chef-décorateur Michael Corenblith, qui se focalisent sur la création du premier restaurant McDonald’s et la reconstitution du fast-food original à l’écran, des archives aux premiers concepts, jusqu’à la construction du décor principal. Un dernier supplément montre d’ailleurs ce dernier point à travers une vidéo en time-lapse (1’30).

L’Image et le son

Grands défenseurs du tournage en 35mm, le réalisateur John Lee Hancock et le chef opérateur John Schwartzman ont néanmoins décidé de tourner Le Fondateur en numérique en raison du budget du film. Afin de conserver une image proche de la pellicule, leur choix s’est porté sur la caméra Arri Alexa XT et des objectifs anamorphiques Panavision. Ces partis pris couplés au format 2.40 donnent à la photographie un aspect argentique très élégant. Le master HD concocté par EuropaCorp est sublime. Les couleurs sont étincelantes, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel et les détails, y compris le visage taillé à la serpe de Michael Keaton, foisonnent du début à la fin. De jour comme de nuit, y compris sur les séquences tamisées, l’élévation Haute-Définition est omniprésent, évident et indispensable. On en prend plein les yeux avec ce cadre large à la profondeur de champ inouïe (voir le ciel chargé de nuages sur la Route 66) et des contrastes d’une densité jamais démentie.

Du point de vue acoustique, Le film profite à fond de l’apport HD grâce à deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1 spectaculaires. Le score très présent de Carter Burwell, grand collaborateur des frères Coen depuis leur premier film est délivré par l’ensemble des enceintes, les basses sont parfois sollicitées, tout comme les latérales qui créent un environnement acoustique percutant. Les dialogues sont dynamiques et solidement délivrés par la centrale, jamais noyés par les effets sonores et la musique. L’éditeur joint également une piste Audiosdescription. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Copyright Daniel McFadden / 2016 The Weinstein Company. All Rights Reserved. / Splendid-film / EuropaCorp / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Pris au piège, réalisé par Álex de la Iglesia

PRIS AU PIÈGE (El Bar) réalisé par Álex de la Iglesia, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez L’Atelier d’Images et Condor Entertainment

Acteurs : Blanca Suarez, Mario Casas, Carmen Machi, Secun de la Rosa, Jaime Ordonez, Terele Pávez, Joaquin Climent, Alejandro Awada…

Scénario : Álex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarría 

Photographie : Ángel Amorós

Musique : Carlos Riera, Joan Valent

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Madrid, 9 heures du matin. Des clients, qui ne se connaissent pas sont dans un bar. L’un d’entre eux sort et se fait tirer dessus, les autres se retrouvent bientôt prisonniers de l’établissement.

Le réalisateur espagnol fou, expert de l’humour noir et grinçant est de retour avec une satire socio-politique. A l’instar de son récent Un jour de chance, chaque protagoniste plongé dans une situation extraordinaire et dans laquelle dépend leur survie, va apparaître sous son vrai visage et dévoiler qui se cache réellement derrière la façade affichée quotidiennement. Comme souvent chez Álex de la Iglesia, la situation sociale est au centre de Pris au piège El Bar, comédie brutale et cinglante, jubilatoire et décalée.

Avec sa virtuosité coutumière (malgré un espace confiné), un montage alerte et une photographie à couper le souffle, Álex de la Iglesia signe un film ovni très attachant, virulent, émouvant et drôle. Merveilleux directeur d’acteurs, il offre à ses comédiens l’occasion de composer des personnages explosifs, sournois, pathétiques, menteurs, hypocrites et égoïstes que n’auraient pas reniés la comédie italienne, grande source d’inspiration du réalisateur, et qui s’apparentent souvent à des cousins ibériques des mythiques Monstres. A travers une galerie de personnages hétéroclites présentés dans un fabuleux plan-séquence en guise d’ouverture, une jeune femme belle et sexy qui a visiblement réussi dans la vie (Blanca Suárez), un représentant en lingerie fine (Alejandro Awada), un ex-flic (Joaquín Climent), un SDF aux dents gâtées prénommé Israel (sensationnel Jaime Ordóñez, déjà présent dans Les sorcières de Zugarramurdi), deux tenanciers de bar (Secun de la Rosa et la regrettée Terele Pávez), un hipster (Mario Casas), une accro au jeu (Carmen Machi) et d’autres individus de la vie de tous les jours, Álex de la Iglesia dresse le portrait d’une société effrayée qui se dissimule derrière des faux-semblants, qui s’écroulent dès que leurs petites habitudes sont rattrapées par la réalité.

Dans un quartier de Madrid, en début de matinée. Quelques clients, habitués ou non, qui se connaissent de visu ou qui se rencontrent pour la première fois, prennent tranquillement leur café dans un bar. Quand soudain, un homme qui vient de sortir est tué net sous leurs yeux par la balle d’un sniper. Ils réalisent alors qu’ils sont dans sa ligne de mire, se retrouvant de fait prisonniers du bar et en danger de mort. Le compte à rebours est lancé pour trouver le moyen de s’échapper ! Quelques minutes plus tard, un homme imposant, au corps enflé, sort des toilettes en toussant jusqu’à tomber raide mort à leurs pieds. Le petit groupe comprend alors que cet individu a été victime d’une arme bactériologique et qu’ils se trouvent tous confinés dans le bar, à la merci de l’armée, prête à les tuer l’un après l’autre. Pris au piège (d’où le titre français), la tension monte, les non-dits éclatent, certains sont plus facilement pris pour cible à l’instar du hipster qui fait peur en raison de sa barbe…Le réseau ne passe plus et les chaînes d’informations restent muettes. La paranoïa entre en éruption.

Álex de la Iglesia réalise un film fou, qui ne ressemble qu’à lui. Inclassable, capable de combiner le sordide au sexy en plongeant notamment la bombe Blanca Suárez (La Piel que habito, Les Amants passagers) dans les égouts, le cinéaste espagnol montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et qu’il n’est pas prêt de se calmer à cinquante ans passés. Si la première partie peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve avec son avalanche de dialogues vachards et sa musique omniprésente, Pris au piège devient très vite un redoutable tour de force et prend même la forme inattendue d’un survival invraisemblable avec errance dans les bas-fonds où tous les coups semblent permis, comme dans un thriller d’épouvante. Mais pour y accéder, il faut encore pouvoir glisser dans un espace réduit et s’enduire d’huile, séquence aussi tordante que tordue et même érotique quand Blanca Suárez (encore elle, mais ceux qui verront le film comprendront pourquoi), en petite tenue, est badigeonnée des pieds à la tête pour pouvoir s’introduire dans l’interstice.

Álex de la Iglesia réunit les différentes faces cachées de l’Espagne contemporaine, qui vit sous la crainte de devenir elle aussi la cible récurrente d’attentats comme Paris (qui sont évoqués au travers d’une réplique), repliée sur elle-même, victime d’amalgames, prête à dénoncer et à rejeter celui ou celle qui semble ne pas lui inspirer confiance. Pris au piègeEl Bar est donc un film 100 % Álex de la Iglesia qui à travers le genre, réalise une fois de plus une sensationnelle radiographie de son pays en crise et au bord du gouffre, traitée avec intelligence, maestria et une savoureuse amoralité. Un grand spectacle, injustement privé d’une sortie dans les salles françaises, comme le précédent film du cinéaste, Mi Gran Noche.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Pris au piège, coédité par L’Atelier d’Images et Condor Entertainment, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est attractif. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Cette édition comporte tout d’abord une interview d’Álex de la Iglesia (15’), réalisée en prévision de la sortie de Pris au piège dans les bacs français. Contrairement à ses films, le réalisateur apparaît toujours calme et posé et cet entretien ne déroge pas à la règle. Álex de la Iglesia revient sur son rapport aux spectateurs, sur les thèmes abordés dans Pris au piège (la peur et sur ce qu’elle engendre chez l’être humain), sur la longue gestation du film (entre dix et quinze ans) et l’évolution des personnages au fil du récit, tout en indiquant quelques-unes de ses références comme The Thing de John Carpenter, ainsi que ses intentions de mise en scène. Quelques photos dévoilent l’envers du décor.

Nous trouvons également un excellent making of (37’) constitué d’entretiens avec les comédiens du film et d’Álex de la Iglesia, ainsi que de très nombreuses et impressionnantes images de tournage. Dans la première partie, nous assistons à la première lecture du scénario avec toute l’équipe réunie, puis nous passons aux prises de vues souvent très difficiles quand les acteurs sont plongés dans la fange, même si les égouts ont évidemment été créés en studios. Les comédiens se montrent véritablement investis, notamment Jaime Ordóñez dont le corps était véritablement recouvert d’ecchymoses que devaient dissimuler les maquilleurs ! Chaque acteur présente son personnage et aborde les thèmes du film, tandis que la caméra s’immisce dans les loges où les maquilleurs s’apprêtent à donner naissance à Israel. Comment la scène du trou a-t-elle été tournée ? Les bagarres ? La poursuite dans les égouts ? L’affrontement final ? L’épilogue ? Il faudra visionner ce formidable documentaire pour le savoir.

L’Image et le son

Que voilà un bel objet ! Les deux éditeurs ont mis les petits plats dans les grands et offre à la belle photo d’Ángel Amorós (Mi Gran Noche) un superbe écrin qui restitue adroitement les partis pris esthétiques originaux. Le piqué est diaboliquement ciselé, le cadre large flatte les rétines, les contrastes sont particulièrement riches et tranchés, les noirs concis et la colorimétrie froide des décors est bigarrée à souhait. L’ensemble est soutenu par une compression AVC de haute volée et fort élégante, et malgré quelques sensibles pertes des détails sur quelques plans sombres, ce master français HD (1080p) est brillant, dense et minutieux, avec même un léger grain très plaisant.

Le confort acoustique a été soigné avec deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 espagnol et français, aussi probants dans les scènes agitées que dans les séquences plus calmes, même si effectivement il n’y en a pas beaucoup puisque tous les personnages sont sans cesse en train de parler « très fort ». Les pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets foisonnants qui environnent le spectateur de partout. A ce titre, l’acte final dans les égouts mettra à mal votre installation ! Les ambiances annexes sont omniprésentes et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale est luxuriante avec un net avantage pour la version originale. Si possible, évitez la version française. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.

Crédits images : © Helher Escribano / L’Atelier d’Images / Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L.A. Rush, réalisé par Mark et Robb Cullen

L.A. RUSH (Once Upon a Time in Venice) réalisé par Mark et Robb Cullen, disponible en DVD et Blu-ray le 5 juillet 2017 chez AB Vidéo

Acteurs : Bruce Willis, Jason Momoa, Famke Janssen, John Goodman, Ana Flavia Gavlak, Elisabeth Röhm, Thomas Middleditch, Stephanie Sigman, Jessica Gomes…

Scénario : Mark et Robb Cullen

Photographie : Amir Mokri

Musique : Jeff Cardoni

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Steve Ford, vieux détective privé et légende de L.A, est engagé par un promoteur pour arrêter un graffiteur qui fait des dessins obscènes sur son immeuble. Menant son enquête, Steve voit sa vie prendre une autre dimension, lorsque son chien Buddy se retrouve aux mains de Spyder, un chef de gang lié aux cartels de la drogue. Face à cette situation, Steve est forcé d’utiliser la manière forte…

Au fait, il va comment Bruce Willis ? Cela fait longtemps qu’on ne l’a pas vu au cinéma ! Pourtant, à 62 ans, le comédien tourne – presque – autant qu’un Nicolas Cage et ses derniers films sont arrivés directement dans les bacs ou en VOD en France. En dehors d’un caméo dans Split (et pour cause) de M. Night Shyamalan, sa dernière véritable apparition sur le grand écran remonte à Sin City : J’ai tué pour elle de Frank Miller et Robert Rodriguez. Depuis, Bruce Willis enchaîne les séries B et Z comme des perles sur un collier dans des œuvres aux titres inconnus, Sans compromis, Fire with Fire : Vengeance par le feu, The Prince, Vice, Extraction, Braqueurs, Precious Cargo, Marauders, en affichant sur les visuels la même moue et les yeux plissés. Parfois, l’acteur semble se souvenir de son métier et qu’il peut être très bon quand il s’en donne la peine. C’est le cas de ce L.A. Rush Once Upon a Time in Venice.

Contrairement à ce que la jaquette pourrait faire penser, il ne s’agit en aucun cas d’un film d’action, bien que Bruce Willis et Jason Momoa y figurent la pétoire à la main. L.A. Rush est une comédie et cela tombe bien puisque Bruce Willis a toujours excellé dans le genre. S’il est indéniable que ce petit film léger et décalé aurait bien eu du mal à se démarquer du tout-venant pour une sortie dans les salles, il n’en demeure pas moins qu’on passe un bon et agréable moment. Bruce Willis a visiblement décidé de s’amuser et de sortir un peu de sa torpeur en jouant notamment avec son image, tout en rappelant son personnage de Joe Hallenbeck du Dernier Samaritain de Tony Scott. On le voit donc (sa doublure certes) en train d’échapper à quelques sbires, en faisant du skateboard dans le plus simple appareil et en dissimulant son pistolet dans la raie des fesses. Avec le sourire en coin bien entendu.

Il interprète Steve Ford, un détective de Los Angeles sur le déclin, qui voit sa vie prendre une autre dimension lorsque son chien est kidnappé par un gang. Car les dangereux trafiquants n’ont aucune idée de ce dont Ford est capable pour retrouver son fidèle compagnon. Voilà un pitch qui n’est pas sans rappeler le sublime John Wick de David Leitch et Chad Stahelski. Sauf que la comparaison s’arrête là puisque Steve Ford est tout sauf un homme d’action. Plus proche d’un Jeff Lebowski, le privé préfère rester là à ne rien faire, à prévenir quelques jeunes adolescents sur les dangers de la fumette ou des maladies vénériennes contractées avec quelques femmes de petite vertu. Le reste du temps, Steve range le bazar qui s’entasse sur son bureau, donne quelques indications à son jeune associé John (sympathique Thomas Middleditch de la série Silicon Valley), aide le promoteur immobilier Lou le Juif (Adam Goldberg) à mettre la main sur un artiste de rue qui a décidé de lui nuire en le représentant en fâcheuse posture sur la façade d’un immeuble qu’il souhaite mettre en vente. En dehors du travail, ou de ses occupations plutôt, Steve rend visite à son meilleur ami Dave Phillips (John Goodman, génial), propriétaire d’un magasin de planches de surf, qui déprime en raison de son divorce. Steve s’occupe également de sa sœur Katey (Famke Janssen) et de sa petite nièce, qu’il considère un peu comme la fille qu’il n’a pas eue, surtout depuis que le père de cette dernière les a abandonnées. Au milieu de tout ça, Steve voue un amour inconsidéré pour le chien de Katey, « même s’il a des gaz ». Jusqu’au jour où des petites frappes à la solde d’un chef de gang improbable (Jason Momoa excellent en abruti au bandana sur la tête) viennent cambrioler la maison de Katey en prenant avec eux le chien adoré de Steve. Ce dernier voit rouge. Il est bien décidé à retrouver son toutou.

Voilà L.A. Rush, une bonne et attachante comédie écrite et réalisée par les frères Cullen, qui avaient déjà signé Top Cops de Kevin Smith en 2010, avec Bruce Willis déjà en haut de l’affiche. Le film s’avère une chronique, celle d’un mec qui voulait se la couler douce sous le soleil ardent de la Californie et qui doit agir de temps en temps, d’une part parce que c’est son boulot (il est le seul privé de son quartier), d’autre part pour rendre parfois service à ses proches. L.A. Rush fonctionne grâce à l’alchimie de ses comédiens, mais aussi par l’abattage de Bruce Willis, qui a certes du mal à faire croire qu’il peut encore courir sans être essoufflé, mais qui ne recule devant rien pour faire marrer les spectateurs, quitte à arborer une robe, perruque et rouge à lèvres en étant poursuivi par une bande de travestis. Le film enchaîne les petits morceaux de bravoure sans se forcer, mais avec suffisamment d’efficacité et beaucoup de second degré pour ne pas ennuyer l’audience, tout en soignant la photographie et le montage. 5 minutes d’action sur 1h30, mais on rit le reste du temps et c’est déjà ça de pris !

LE BLU-RAY

L.A. Rush débarque directement en DVD et Blu-ray dans les bacs français, sous la houlette d’AB Vidéo. Le visuel de la jaquette est on ne peut plus trompeur puisque l’on pourrait croire qu’il s’agit d’un film d’action et que Bruce Willis et Jason Momoa ne sont pas là pour rigoler. Mais il s’agit bel et bien d’une comédie et Jason Momoa est loin d’inspirer la crainte ici. Le menu principal est animé et musical.

Outre la bande-annonce en version française, l’éditeur joint également un making of promotionnel, constitué de quelques images de tournage, d’autres tirées directement du film (un peu trop d’ailleurs) et d’interviews de quelques comédiens et même de Stuart Wilson, qui double le comédien Bruce Willis depuis une dizaine d’années. Aucune intervention de l’acteur principal ou des frères Cullen.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. Très belle copie HD (master français d’ailleurs) que celle éditée par AB Vidéo et qui restitue des belles couleurs estivales et chaudes du chef opérateur Amir Mokri, habituellement occupé sur des grosses productions comme Pixels, Transformers: L’âge de l’extinction, Man of Steel et Fast and Furious 4. Le piqué est aiguisé, restituant chaque cheveu grisonnant sur le crâne de Bruce Willis, les contrastes sont denses, le cadre large fourmille de détails aux quatre coins. C’est superbe, c’est lumineux, on en prend plein les yeux, le ciel est azur, la mer verte et les décolletés ne manquent pas de profondeur.

Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français pour vous plonger délicatement mais sûrement dans l’ambiance du film, bien que l’action demeure souvent réduite. La bande originale est la mieux lotie. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques effets naturels. Le caisson de basses se mêle également à la partie. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée. Deux pistes Stéréo sont également au menu.

Crédits images : ©Venice PL, LLC, All Rights Reserved / AB Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / La Kermesse des aigles, réalisé par George Roy Hill

LA KERMESSE DES AIGLES (The Great Waldo Pepper) réalisé par George Roy Hill, disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 5 septembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs : Robert Redford, Bo Svenson, Bo Brundin, Susan Sarandon, Geoffrey Lewis…

Scénario : George Roy Hill, William Goldman

Photographie : Robert Surtees

Musique : Henry Mancini

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Après la Première Guerre mondiale, l’aviateur Waldo Pepper gagne sa vie en donnant des spectacles aériens et des baptêmes de l’air aux citoyens de petites villes américaines. Frustré de n’être jamais devenu un as de l’aviation, il s’invente un passé prestigieux, prétendant avoir survécu à un affrontement contre l’as allemand Ernst Kessler. Mais alors que son talent le mène à Hollywood, où il devient cascadeur, son passé le rattrape sous la forme de Ernst Kessler, venu participer à un tournage…

Après Butch Cassidy et le Kid (1969) et L’Arnaque (1973, Oscar du meilleur réalisateur), le cinéaste George Roy Hill (1921-2002) et le comédien Robert Redford s’associent pour un troisième et dernier tour de piste avec La Kermesse des aiglesThe Great Waldo Pepper réalisé en 1974. Le neuvième long métrage de George Roy Hill demeure un formidable spectacle dont les véritables, authentiques et vertigineuses prouesses aériennes, certaines réalisées par Robert Redford lui-même et sans avoir recours aux sempiternelles transparences, ne cessent d’impressionner encore aujourd’hui.

Dans les années 20, le pilote Waldo Pepper se produit dans des cirques volants du Nebraska. Ancien pilote de combat, racontant à qui veut bien l’entendre – et le croire – qu’il avait volé avec la force aérienne américaine lors de la Première Guerre Mondiale, il aime raconter une de ses aventures durant laquelle il aurait affronté le pilote allemand Ernst Kessler, qu’il considère alors comme le plus grand du monde. Son talent pour les acrobaties périlleuses et son ambition conduisent Waldo à Hollywood où il doit tourner un film qui reconstitue justement les exploits d’Ernst Kessler, auxquels il a voulu assister et participer. C’est alors que Waldo se retrouve face à l’homme qu’il a toujours idolâtré, venu comme conseiller technique sur le plateau. Waldo voit alors son rêve se réaliser. Comme dans la plupart de ses films, George Roy Hill distille une furieuse mélancolie et une nostalgie à fleur de peau dans La Kermesse des aigles en dressant le portrait d’un homme qui n’a jamais cessé de vivre dans le fantasme, jusqu’à être rattrapé par le destin. A l’instar de La Castagne qu’il réalisera en 1977, le cinéaste oscille entre le drame et la comédie.

La Kermesse des aigles est souvent léger et reflète l’innocence d’une Amérique post-Première Guerre mondiale et avant le rouleau compresseur de la crise économique. Le personnage incarné par Robert Redford est charmeur et bondissant, vante ses talents d’acrobate et de pilote émérite, devant une population en quête de sensations. Mais George Roy Hill – grand amateur d’aviation et lui-même pilote sur le tournage – nous montre également que tout ceci n’est que vernis puisque Waldo Pepper est avant tout un homme qui vit dans le déni, qui se ment à lui-même avant de mentir aux autres et qui se contente de poudre aux yeux. Il ne sait faire qu’une seule chose, voler et seule compte l’adrénaline. Alors quand son autorisation de piloter lui est retirée puisqu’il n’a pas de licence et que le gouvernement américain souhaite réguler le trafic aérien en le démocratisant, Waldo ne sait plus quoi faire. S’il s’était déjà contenté de faire le clown et des cascades devant les yeux ébahis, Waldo doit se rendre à l’évidence. On lui interdit tout simplement de vivre s’il ne peut plus voler à sa guise. Une deuxième chance s’offre à lui, la dernière, quand son chemin va enfin croiser celui qu’il imaginait combattre. L’occasion de se mesurer à lui, quitte à en mourir. Mais cet homme, Ernst Kessler, bien que possédant toutes les décorations militaires et un prestige international, est lui aussi devenu l’ombre de lui-même depuis qu’il ne vole plus.

La Kermesse des aigles met en relief la difficile voire l’impossible reconversion professionnelle des anciens pilotes de la Grande guerre. Après Gatsby le Magnifique de Jack Clayton et avant Les Trois Jours du condor de Sydney Pollack, Robert Redford est évidemment parfait dans ce rôle complexe, pour lequel il s’est une fois de plus très investi au point d’exécuter quelques cascades et pirouettes à plus de mille mètres d’altitude. Le baroudeur est également soutenu devant la caméra par un casting quatre étoiles, dont les sublimes Susan Sarandon et Margot Kidder, mais aussi les talentueux Bo Svenson et Geoffrey Lewis, sans oublier la beauté de la photo du chef opérateur Robert Surtees (Ben-Hur, Le Lauréat, L’Arnaque) et le grand Henry Mancini à la baguette. En d’autres termes, La Kermesse des aigles, c’est la classe absolue du cinéma.

LE BLU-RAY

La Kermesse des aigles est disponible en combo Blu-ray-DVD chez Elephant Films. Le test de l’édition HD a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

L’interactivité est le gros point faible de cette édition. En effet, en dehors d’un lot de bandes-annonces et une galerie de photos, la présentation du film par Julien Comelli (12’) n’a strictement aucun intérêt puisque le journaliste en culture pop se contente d’énumérer les films réalisés par George Roy Hill, ceux écrits par William Goldman et ceux dans lesquels ont joué les principaux comédiens de La Kermesse des aigles. Vous gagnerez votre temps à consulter IMDB directement, plutôt que de visionner ce segment sans aucun rythme et platement réalisé.

L’Image et le son

La Kermesse des aigles renaît littéralement de ses cendres avec ce nouveau master Haute-Définition (1080p, AVC) grâce à Elephant Films ! C’est superbe. Alors qu’il ne bénéficiait que d’une simple édition DVD depuis une quinzaine d’années chez Universal Pictures, le film de George Roy Hill est de retour dans les bacs dans une édition digne de ce nom. La propreté de la copie est bluffante, le grain original respecté flatte les mirettes, la luminosité des scènes diurnes est élégante, tout comme la gestion des contrastes et la stabilité est de mise. Certes, le générique en ouverture est un peu plus défraîchi et grumeleux, tandis que certaines séquences sombres s’avèrent moins définies, mais cela reste anecdotique. Le cadre large offre une profondeur de champ inédite et regorge de détails, le piqué est à l’avenant et la colorimétrie étincelante.

La Kermesse des aigles est disponible en version originale et française DTS HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes et de la composition d’Henry Mancini. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques.

Crédits images : © Universal Pictures / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Mort vous va si bien, réalisé par Robert Zemeckis

LA MORT VOUS VA SI BIEN (Death Becomes Her) réalisé par Martin Provost, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Meryl Streep, Bruce Willis, Goldie Hawn, Isabella Rossellini, Ian Ogilvy, Adam Storke, Nancy Fish…

Scénario : Martin Donovan, David Koepp

Photographie : Dean Cundey

Musique : Alan Silvestri

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Depuis des années, Madeline, une actrice médiocre, vole les amants de son amie Helen, écrivain. Un soir, cette dernière se rend au spectacle de son amie, accompagnée de son fiancé Ernest, séduisant chirurgien esthétique. Une fois de plus, l’actrice joue de ses charmes et finit par épouser Ernest. Helen sombre dans la dépression et devient obèse, vouant une haine secrète envers son ancienne amie. Quatorze années plus tard, Madeline essaye désespérément de lutter contre l’inévitable vieillissement de son corps. Elle a totalement anéanti Ernest, devenu alcoolique et qui en est réduit à voir sa femme parader avec ses jeunes amants. C’est alors que Helen entre alors en scène, plus sublime que jamais et venue pour reprendre son dû.

« Où avez-vous mis ma femme ?

Elle est morte monsieur, on l’a emmené à la morgue !

La morgue ?! Elle va être furieuse ! »

Souvent sous-estimé, La Mort vous va si bienDeath Becomes Her est pourtant une œuvre centrale dans l’immense filmographie de Robert Zemeckis. Sorti sur les écrans en 1992, cette comédie-fantastique et fantastique comédie par ailleurs, est un film somme qui résume tout ce que le cinéaste avait abordé jusqu’alors et qui prépare ses prochains opus. Drôle, mais également sombre et parfois proche des films d’épouvante des studios Universal qui fleurissaient dans les années 1930-40 (plus particulièrement Frankenstein), le huitième long métrage de Robert Zemeckis mérite amplement d’être reconsidéré et n’a souvent rien à envier aux autres films plus prestigieux de son auteur.

Madeline Ashton, chanteuse sur le déclin, se désespère de vieillir. Son succès ne se résume plus qu’au nombre de ses conquêtes masculines, qu’elle a le don de ravir à sa meilleure amie, Helen. C’est ainsi que Madeline épouse Ernest Menville, un chirurgien esthétique qu’Helen venait juste de lui présenter. La malheureuse ne s’en remet pas, cède à la boulimie et prend un terrible embonpoint. Pourtant, quelques années plus tard, Madeline retrouve Helen plus éblouissante que jamais. Folle de rage, la chanteuse accepte l’offre de Lisle, une étrange créature, mi-esthéticienne, mi-sorcière, qui lui vend un remède miracle supposé lui procurer une jeunesse éternelle. Les ennuis ne font que commencer. Réalisé entre Retour vers le futur 3 (1990) et Forrest Gump (1994), La Mort vous va si bien réunit la quête d’un trésor comme celle d’A la poursuite du diamant vert (ici la fontaine de jouvence), la course contre le temps de la trilogie Retour vers le futur (ici le vieillissement), et l’opposition de l’homme et de la créature (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?). Toujours au top de la technologie, Robert Zemeckis use de l’émergence des images de synthèse, qui ont participé au triomphe international de Terminator 2 – Le Jugement dernier l’année précédente, tout en ayant recours aux effets spéciaux traditionnels et plus particulièrement aux animatroniques.

Film de transition, La Mort vous va si bien se situe à une période charnière du cinéma, y compris pour le réalisateur qui fait comme qui dirait ses adieux au divertissement made in Amblin avec Steven Spielberg à la barre (ses quatre derniers films), avant d’entamer une nouvelle partie de sa carrière avec des films plus adultes qui regroupent Forrest Gump, Contact, Apparences et Seul au monde. La Mort vous va si bien est incontestablement un film à redécouvrir. On s’amuse avant tout devant le jeu survolté de son trio star. Déjantées, Meryl Streep et Goldie Hawn s’en donnent à coeur joie devant la caméra toujours inspirée et virtuose de Robert Zemeckis puisque le cinéaste traite leurs personnages comme des cartoons live (ou dead c’est selon) – grâce aux fabuleux effets visuels mis à sa disposition – sans cesse en représentation, qui vivent dans un monde de chimères et régit par ce que leur renvoie leur reflet dans le miroir. S’ils ne bénéficient sans doute pas de la même fluidité que les images de synthèse d’aujourd’hui, les effets (Oscar et BAFTA des meilleurs effets visuels en 1993) du cou tordu de Meryl Streep et du trou dans l’abdomen de Goldie Hawn demeurent fort corrects et le film ne fait pas son quart de siècle.

Entre Le Dernier Samaritain de Tony Scott et Piège en eaux troubles de Rowdy Herrington, Bruce Willis trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Emouvant, pathétique et même tragique, le personnage d’Ernest est le plus beau de La Mort vous va si bien, celui par qui la rédemption arrive, qui donne encore confiance en l’être humain en refusant le pacte faustien que lui propose la pourtant affriolante Lisle Von Rhoman (Isabella Rossellini). Death Becomes Her est certes une comédie jubilatoire (avec un formidable caméo de Sydney Pollack en toubib dépassé par les événements), marquée par des dialogues vachards et hilarants brillamment écrits par Martin Donovan et David Koepp, mais également une critique noire, cruelle et acide sur le culte du glamour, de la jeunesse éternelle et de la recherche de la postérité. L’industrie hollywoodienne passe à la casserole et on y croise au passage James Dean et Jim Morrison, jeunes pour l’éternité.

Du point de vue technique, Robert Zemeckis ne cesse d’innover et enchaîne les morceaux de bravoure. Ses plans-séquences sophistiqués sont d’une beauté ahurissante et soutenus par la photographie élégante du chef opérateur Dean Cundey, habituellement complice de John Carpenter, tandis que la musique d’Alan Silvestri est comme d’habitude en parfaite osmose avec le travail du cinéaste.

Cette relecture du Portrait de Dorian Gray croisée avec Boulevard du crépusculeSunset Boulevard de Billy Wilder, où Norma Desmond aurait trouvé le secret pour contrer les affres du temps est donc bien plus qu’un film anecdotique comme la critique l’avait qualifié à sa sortie et ce malgré un succès honnête dans les salles. 25 ans après, La Mort vous va si bien peut enfin être reconnu à sa juste valeur.

LE BLU-RAY

Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. La jaquette reprend le célèbre visuel de l’affiche française. Le menu principal est quant à lui animé sur la musique d’Alan Silvestri.

Plus d’une heure de suppléments, voilà qui fait plaisir pour remettre en avant La Mort vous va si bien. ESC Editions a donc vu les choses en grand et nous propose de passionnants entretiens.

On commence par la présentation croisée des journalistes Jacky Goldberg et Vincent Ostria (21’) dans le segment intitulé Robert Zemeckis, ce film vous va si bien. Si l’intervention du second s’avère anecdotique et manque d’entrain, celle du premier mérite vraiment l’attention du spectateur. Jacky Goldberg présente tout d’abord les débuts de Robert Zemeckis, pris sous l’aile de Steven Spielberg, à l’instar de ses confrères Joe Dante, Chris Columbus et Barry Levinson. Considéré comme « le bon élève », contrairement à Joe Dante qui serait plutôt le « fils rebelle », Robert Zemeckis arrive à un tournant de sa carrière avec La Mort vous va si bien. Jacky Goldberg évoque l’intelligence du casting (avec Bruce Willis et Meryl Streep qui « n’ont pas d’âge »), croise habilement le fond et la forme du film qui nous intéresse, dissèque la dualité humanité/monstruosité (thème récurrent chez le cinéaste) et démontre que La Mort vous va si bien n’a rien du film mineur dans la carrière de Robert Zemeckis. Dans la dernière partie de ce module, Jacky Goldberg évoque la réception du film et met judicieusement en parallèle certains films du cinéaste avec ceux de James Cameron. En effet, leurs œuvres se sont souvent répondues dans le sens où les deux réalisateurs ont toujours été à la pointe de la technologie et ont su utiliser les nouveaux outils mis à leur disposition en matière d’effets spéciaux pour raconter leurs histoires, à l’instar de la motion-capture.

Nous retrouvons Jacky Goldberg dans un second supplément où il est cette fois seul en piste, Bruce Willis, itinéraire d’un héros ordinaire (22’). A travers une brillante analyse, le journaliste croise divers films et donc différents personnages interprétés par Bruce Willis au cours de sa carrière, et démontre que son merveilleux contre-emploi dans La Mort vous va si bien n’est finalement pas si singulier. Après une rapide présentation des débuts de la carrière du comédien, Jacky Goldberg en vient à la nouvelle figure du héros créée par Bruce Willis dans Piège de cristal. Moins indestructible en apparence que Sylvester Stallone et qu’Arnold Schwarzenegger, Bruce Willis compose des héros qui n’ont pas choisi de l’être, ce qui renforce l’empathie des spectateurs et ainsi une meilleure identification. Habitué des comédies, chez Blake Edwards et dans la série Clair de lune, l’acteur devient une star du film d’action à l’âge de 33 ans. Dans la seconde partie, Jacky Goldberg se penche sur la nature quasi-incassable et immortelle du corps de Bruce Willis à l’écran, dont le point d’orgue demeure le film de M. Night Shyamalan, Incassable. Un corps qui prend en charge l’humour dans le registre de la comédie, mais qui est blessé, égratigné, mais qui résiste, qui encaisse les coups et qui finalement ne peut mourir (ou presque) dans les films d’action. Enfin, Jacky Goldberg évoque les dernières étapes dans la carrière de Bruce Willis, en disant que « lé héros ironique est devenu cynique », presque anachronique dans le monde du cinéma contemporain. Le journaliste sauve Clones et Looper, avant de parler brièvement des catastrophiques années 2010 où l’acteur enchaîne les productions bas de gamme sortant directement en DVD, en espérant un prochain sursaut dans la suite d’Incassable.

A l’occasion de cette sortie en Haute-Définition, les responsables des effets spéciaux mécaniques Alec Gillis et Tom Woodruff Jr., qui comptent à leur actif des films comme Cocoon, Aliens – le retour, Alien 3, Terminator, Wolf et bien d’autres classiques, reviennent sur leur collaboration avec Robert Zemeckis sur La Mort vous va si bien (21’). Les deux amis et confrères évoquent leur arrivée sur le projet, avec pour mission de créer des versions robotiques de Meryl Streep et de Goldie Hawn. La Mort vous va si bien se situe à une période charnière dans le domaine des effets visuels, entre Terminator 2 – Le Jugement dernier et Abyss, mais avant Jurassic Park. Si La Mort vous va si bien bénéficie d’images de synthèse, le film repose encore sur de nombreux animatroniques. Alec Gillis et Tom Woodruff Jr. reviennent en détails sur la création du cou tordu, du trou dans l’abdomen, de la réalisation de la séquence de l’escalier et donnent même le secret de la poitrine redressée de Meryl Streep…réalisée en un tour de main.

L’interactivité se clôt sur un module précieux (3’) constitué d’une rapide présentation d’Alec Gillis et Tom Woodruff Jr et d’images d’archives montrant la création des effets mécaniques dans les ateliers des effets spéciaux.

Seul très léger bémol : il est dommage de ne pas retrouver le making of d’époque de 9 minutes présent sur le DVD Universal.

L’Image et le son

Jusqu’à présent, La Mort vous va si bien n’avait pas été gâté avec seulement une petite édition en DVD disponible depuis 2000 et quasiment dépourvue de suppléments. Le nouveau master Haute Définition proposé ici par ESC Editions remplit son contrat et offre à La Mort vous va si bien…une cure de jouvence. Ce lifting (!) sied notamment aux couleurs de la photo élégante du grand chef opérateur Dean Cundey à qui l’on doit les images mythiques d’Halloween – la nuit des masques, Fog, New York 1997, The Thing, la trilogie Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, bref un remarquable C.V. La restauration est de haut niveau, aucune scorie n’a survécu, les contrastes ont été revus à la hausse. En dehors de deux ou trois séquences sombres et du générique d’ouverture au bruit vidéo certain, la gestion du grain est solide. Si le teint des comédiens tire parfois sur le rosé, cela a toujours été le cas. Les séquences aux effets spéciaux numériques détonnent quelque peu, mais dans l’ensemble la copie est équilibrée et l’apport HD plus que probant.

Point de remixage à l’horizon comme cela avait tout d’abord été annoncé, les pistes anglaise et française sont présentées en DTS-HD Master Audio 2.0. et instaurent toutes deux un très large et semblable confort acoustique. La musique d’Alan Silvestri, à redécouvrir absolument, bénéficie d’une large ouverture des canaux, le doublage français est brillant, les effets annexes riches et le report des voix dynamique. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Universal pictures / ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Baby Phone, réalisé par Olivier Casas

BABY PHONE réalisé par Olivier Casas, disponible en DVD le 12 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Medi Sadoun, Anne Marivin, Pascal Demolon, Lannick Gautry, Michel Jonasz, Marie-Christine Adam, Barbara Schulz…

Scénario : Olivier Casas, Serge Lamadie, Audrey Lanj

Photographie : Sylvain Rodriguez

Musique : Laurent Aknin

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Au détour d’un dîner, les révélations faites à travers le baby-phone d’une chambre d’enfant vont créer un véritable cataclysme au sein d’une famille et d’un groupe d’amis…

A l’origine de Baby Phone il y a un court-métrage du même nom réalisé par Olivier Casas en 2014, qui reprend exactement le même point de départ. Si l’idée était séduisante et convenait parfaitement à un format court, on ne peut vraiment pas en dire autant pour la version long métrage qui ne fonctionne pas du tout et ce dès les premières minutes. Autant le dire d’emblée, Baby Phone est une catastrophe sur le fond comme sur la forme. Ben est marié Charlotte, avec qui il vient d’avoir une petite fille. Jeune compositeur en mal de reconnaissance, il décide de demander à leur ami d’enfance, manager d’une chanteuse très connue, de devenir le parrain de leur fille, dans l’espoir de dynamiser sa carrière. Pour le convaincre de venir chez eux, lors d’un dîner de famille, et réunir le quatuor d’amis qu’ils formaient à l’époque, il fait croire que son père est sur le point de mourir. De quiproquos en malentendus, la soirée se transforme vite en cauchemar pour Ben. Jusqu’au point de non-retour, quand le futur parrain et l’autre vieux pote se rendent dans la chambre du bébé et entament une série de mauvaises blagues. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le baby phone est branché dans le salon et que tout le monde profite de leur conversation.

Si les comédiens font le boulot, en particulier Medi Sadoun (très sobre), Pascal Demolon (agité, comme d’habitude) et Michel Jonasz (qui détient les meilleures scènes), ils sont tous au service d’une mécanique qui tourne à vide et sont malheureusement peu aidés par des dialogues d’une platitude confondante avec un pauvre « Elle a fait caca ? » récurrent. Ils valent tellement mieux que ça ! Les décors, le rythme, le montage, la mise en scène sont franchement atroces et on a très vite de la peine de voir ces acteurs, que l’on aime habituellement, se débattre comme ils le peuvent pour faire exister ces personnages sans aucune consistance. Par ailleurs, le pitch n’a rien de bien nouveau et la mixture finale s’apparente à une salade composée d’Un air de famille de Cédric Klapisch, de Cuisine et dépendances de Philippe Muyl, du Prénom d’Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte, mais aussi sur le méconnu et sympathique Les Meilleurs amis du monde de Julien Rambaldi. En effet, dans ce dernier, à la suite d’une mauvaise manipulation téléphonique, un couple entendait aussi ce que leurs amis pensaient réellement d’eux. Rien de nouveau dans Baby phone donc, qui se contente d’enchaîner les scènes sans enjeux et de façon répétitive. De plus, Baby Phone n’est pas vraiment une comédie, on esquisse à peine deux sourires, mais instaure un véritable malaise, d’une part en raison de son ratage technique, mais également par ses situations qui n’ont rien de drôles.

Olivier Casas, réalisateur, producteur et scénariste, racle les fonds de tiroir pour étendre son film sur 81 minutes (génériques compris) avec ses sept personnages enfermés dans un appartement. L’émotion est poussive (la chanson finale), artificielle, tandis que l’histoire se clôt de façon gratuite et bien trop facile après une succession de saynètes empilées à la va comme je te pousse. Mauvaise pièce de boulevard filmée, Baby phone compile donc toutes les tares du cinéma français dans ce qu’il peut faire de pire et l’on se demande parfois comment des projets aussi paresseux sur le papier et aussi pauvres techniquement réussissent encore à voir le jour. Très embarrassant.

LE DVD

Le test du DVD de Baby Phone, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé sur une musique guillerette et ne reflète pas du tout le film.

Chose étonnante pour un petit film de cet acabit, nous trouvons un commentaire audio du réalisateur Olivier Casas accompagné pour l’occasion de l’excellent Pascal Demolon. Si la complicité entre les deux hommes, visiblement amis, est évidente, on ne peut pas dire que ce commentaire vole bien haut et l’intérêt demeure très limité. Ce n’est pas que le commentaire soit désagréable, mais les deux intervenants paraissent eux-mêmes conscients de ne pas avoir grand-chose à dire sur le tournage de Baby Phone. On y évoque parfois le casting et les conditions des prises de vues, la musique, le court-métrage à l’origine de Baby Phone (déjà avec Pascal Demolon et Marie-Christine Adam) et on apprend que le comédien a fumé beaucoup de cigares et mangé beaucoup de quiches pour les besoins du tournage. Rien de passionnant donc.

Le making of (18’) est plutôt sympathique. Olivier Casas et sa compagne Audrey Lanj (tous les deux scénaristes) reviennent sur la genèse de Baby Phone, les comédiens présentent les personnages et l’histoire, tandis que des images dévoilent l’envers du décor. Dommage que le film ne soit pas à la hauteur des propos intelligents, des compliments tenus ici par les acteurs et de la rigueur apparente du réalisateur.

S’ensuivent trois scènes coupées (5’) qui n’apportent évidemment rien à l’ensemble, si ce n’est une fin alternative plutôt pas mal et qui aurait pu être gardée tant elle se révèle bien plus réussie et mise en scène par rapport à celle finalement gardée au montage final.

L’Image et le son

Ce master offre des conditions de visionnage banales et sans esbroufe. La colorimétrie est plutôt bien agencée, mais la définition demeure passable, même sur les quelques plans rapprochés. La clarté est de mise, les contrastes corrects, cependant le piqué manque de précision et certaines séquences apparaissent plus ternes que d’autres et s’accompagnent de moirages ainsi que de saccades.

Baby Phone n’est pas un film à effets et le mixage Dolby Digital 5.1 assure le service minimum. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des très rares séquences en extérieur s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles. Il en est de même pour la musique systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix sont solidement délivrées par la centrale. La piste Stéréo saura contenter ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Pas de sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © La Belle Company / M6 Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr