Test Blu-ray / Sentimentalement vôtre, réalisé par Carol Reed

SENTIMENTALEMENT VÔTRE (Follow Me !) réalisé par Carol Reed, disponible en DVD et Blu-ray le 14 mars 2023 chez Elephant Films.

Acteurs : Mia Farrow, Chaim Topol, Michael Jayston, Margaret Rawlings, Annette Crosbie, Dudley Foster, Michael Aldridge, Michael Barrington, Neil McCarthy…

Scénario : Peter Shaffer, d’après sa pièce de théâtre

Photographie : Christopher Challis

Musique : John Barry

Durée : 1h33

Date de sortie initiale: 1972

LE FILM

Américaine, Belinda est mariée depuis plusieurs mois au britannique Charles, un conseiller fiscal. La jeune femme ne goûte que très peu aux sorties que lui propose son mari. Celui-ci la soupçonne d’entretenir une liaison extra-conjugale. Il engage un fantasque détective grec pour la prendre en filature et découvrir la vérité…

Il y a des films, dont vous ignoriez jusqu’à présent l’existence, comme c’était le cas pour l’auteur de ces mots, pour Sentimentalement vôtre (1972), le dernier long-métrage réalisé par Carol Reed (1906-1976). Et là vous découvrez que le sujet abordé, ou comment séduire chaque jour celui ou celle que vous aimez, vous parle du début à la fin, comme si cette dissection du sentiment amoureux était totalement connectée à vos pensées, à votre coeur, à votre âme. Furieusement romantique et romanesque, Follow Me! est à la fois léger et pourtant mélancolique, qui offre à Mia Farrow probablement l’un de ses plus beaux rôles. Depuis Rosemary’s Baby, la comédienne a le vent en poupe et part tourner en Angleterre, où elle collabore avec Richard Fleischer (le phénoménal Terreur aveugle), puis avec Carol Reed, qui quatre ans après le triomphe d’Oliver !, la transposition de la comédie musicale éponyme (récompensée par cinq Oscars), elle-même tirée d’Oliver Twist de Charles Dickens, revient sur le sol qui l’a vu naître soixante-cinq ans plus tôt. Exténué par ses années passées à Hollywood, le cinéaste jette son dévolu sur un scénario de Peter Shaffer, adapté d’une de ses propres pièces, The Public Eye. Bien avant Equus de Sidney Lumet et Amadeus de Miloš Forman, également tirées de son travail pour le théâtre, le dramaturge est obligé « d’étendre » sa création originale constituée d’un acte unique, pour donner du grain à moudre au réalisateur, afin d’en faire un long-métrage de 90 minutes. Complètement méconnu voire inconnu, Sentimentalement vôtre est un vrai bijou qui rappelle parfois Voyage à deux Two for the Road de Stanley Donen sorti en 1967 (avec d’ailleurs le même chef opérateur à la barre), mis en scène par un artiste conscient d’être arrivé au bout du chemin, mais aussi que la roue a tourné, que le cinéma a changé, ainsi que le monde, dans lesquels il ne se reconnaissait plus forcément. En l’état, Follow Me !, produit par Hal B. Wallis (Une Bible et un fusil, Quand siffle la dernière balle, Pieds nus dans le parc, Les 4 fils de Katie Elder, Une âme perdue) est un ultime cadeau pour les cinéphiles.

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Test Blu-ray / Les Bonnes Étoiles, réalisé par Hirokazu Kore-eda

LES BONNES ÉTOILES (Beurokeo – 브로커) réalisé par Hirokazu Kore-eda, disponible en DVD & Blu-ray le 7 avril 2023 chez HK Vidéo

Acteurs : Song Kang-ho, Gang Dong-won, Bae Doona, Lee Ji-eun, Lee Joo-young, Kang Gil-woo, Park Hae-joon, Im Seung-soo…

Scénario : Hirokazu Kore-eda

Photographie : Hong Kyung-pyo

Musique : Jung Jae-il

Durée : 2h10

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé. Il est récupéré illégalement par deux hommes, bien décidés à lui trouver une nouvelle famille. Lors d’un périple insolite et inattendu à travers le pays, le destin de ceux qui rencontreront cet enfant sera profondément changé.

Le japonais Hirokazu Kore-eda est de retour ! Après son escapade parisienne pour La Vérité, qui réunissait Catherine Deneuve, Juliette Binoche et Ethan Hawke, le réalisateur ne revient pas dans son pays natal, mais bifurque pour la première fois en Corée du Sud. Les Bonnes Étoiles, n’atteint sans doute pas la réussite d’Une affaire de famille (Palme d’or à Cannes en 2018) ou de Tel père, tel fils (Prix du jury à Cannes en 2013), mais touche cette fois encore en plein coeur les spectateurs, grâce à un récit toujours délicat, une mise en scène élégante et surtout un casting exceptionnel, mené par l’immense Song Kang-ho, récompensé sur la Croisette par le Prix d’interprétation masculine. Également Prix du jury œcuménique, on ressort comblés, bouleversés et parcouru d’un sentiment de plénitude de cette comédie-dramatique, oui on rit aussi souvent, dont certaines images (splendides) et séquences reviennent en mémoire bien après la projection. Le maître nippon a encore frappé.

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Test Blu-ray / Plancha, réalisé par Éric Lavaine

PLANCHA réalisé par Éric Lavaine, disponible en DVD et Blu-Ray le 1er mars 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Lambert Wilson, Franck Dubosc, Guillaume de Tonquédec, Jérôme Commandeur, Caroline Anglade, Lionel Abelanski, Lysiane Meis, Sophie Duez, Valérie Crouzet, Alice Llenas…

Scénario : Éric Lavaine & Héctor Cabello Reyes

Photographie : Antoine Roch

Musique : Lucas Lavaine & Grégory Louis

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Huit ans après leur précédente aventure, la bande d’amis se retrouve pour fêter les 50 ans d’Yves. Tous se retrouvent à l’aéroport, masquant les yeux d’Yves pour lui faire la surprise, avant de décoller pour la Grèce ; deux semaines de bonheur, de soleil et de fêtes. Malheureusement pour eux, le voyage est annulé au dernier moment.

Éric Lavaine a de la suite dans les idées. Ou pas. Abonné au succès depuis son premier long-métrage, Poltergay en 2006, le réalisateur qui avait fait ses classes sur la série H, aura très souvent dépassé le million d’entrées comme avec l’excellent Incognito (2009), de loin son meilleur film, Bienvenue à bord (2011), Barbecue (2014), et surtout Retour chez ma mère (2016), son plus gros hit avec 2,2 millions de spectateurs. Après l’échec commercial colossal d’Un tour chez ma fille en 2021 (la suite de Retour chez ma mère donc), Éric Lavaine a eu cette étonnante idée de retrouver les personnages de Barbecue pour Plancha, en « délocalisant » son groupe des Cévennes en Bretagne. Mal lui en a pris, car son dixième long-métrage s’est lui aussi tapé un méchant bide au box-office avec un peu plus d’un demi-million d’entrées, soit trois fois moins que le premier. Est-ce en raison de l’absence de Florence Foresti, qui participait grandement à la sympathie que l’on pouvait éprouver pour Barbecue ? Pas seulement évidemment, car Plancha est comme qui dirait l’exemple type de la comédie montée uniquement sur son casting, sur l’engouement rencontré par l’épisode précédent, qui ne raconte ABSOLUMENT rien ou qui devient au contraire foncièrement antipathique quand elle essaye de le faire. On en vient à se demander si l’enjeu principal de Plancha ne se résume pas à la météo qui fera le jour suivant et il est difficile de s’attacher ne serait-ce qu’un peu à des protagonistes cyniques, pétés de tune, qui se plaignent à longueur de temps. Et puis la question qui se pose aussi en permanence est comment ceux-ci peuvent considérer être amis, tant ces aigris n’ont de cesse de se tirer dans les pattes, de se foutre de la tronche des autres, de jalouser celui ou celle qui est assis(e) à côté. Au secours.

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Test DVD / Reprise en main, réalisé par Gilles Perret

REPRISE EN MAIN réalisé par Gilles Perret, disponible en DVD le 21 février 2023 chez Jour2Fête.

Acteurs : Pierre Deladonchamps, Laetitia Dosch, Grégory Montel, Finnegan Oldfield, Vincent Deniard, Marie Denarnaud, Samuel Churin, Yannick Choirat…

Scénario : Gilles Perret, Raphaëlle Desplechin, Marion Richoux & Claude Le Pape, d’après une histoire originale de Gilles Perret

Photographie : Eva Sehet

Musique : Léon Rousseau

Durée : 1h43

Année de sortie : 2022

LE FILM

En Haute-Savoie, une usine de décolletage vieillissante est sur le point d’être rachetée par un fonds de pension anglo-saxon. Pour éviter ce rachat, Cédric, employé dans l’usine, propose à deux de ses amis de créer leur propre fonds d’investissement et de racheter l’usine, incognito.

Fils d’ouvrier militant à la CGT, Gilles Perret (né en 1968) est tout d’abord ingénieur en électronique. La vie le fait bifurquer vers le cinéma, le documentaire plus précisément. Concerné par les questions socio-économiques, le réalisateur élargit petit à petit son champ de vision, premièrement centré sur la Haute-Savoie, puis à plus large échelle. De Ma mondialisation (2006) à Walter, retour en résistance (2008), en passant par Les Jours heureux (2013), J’veux du soleil (2019), et bien d’autres, Gilles Perret (parfois en collaboration avec François Ruffin) s’intéresse aux entrepreneurs, à la lutte militante, au mouvement des Gilets jaunes, à la précarité d’auxiliaires de vie sociale, d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, de femmes de ménage…avec la même passion, une rage doublée d’une immense sensibilité. En 2012, il signe De mémoire d’ouvriers, son troisième film sorti en salle, dans lequel il s’interroge sur ce que sont devenus « ceux de l’usine » au fil du vingtième siècle. Dix ans plus tard, il revient à ce monde qu’il connaît par coeur, mais pour la première fois par l’intermédiaire de la fiction. Ce long-métrage, c’est Reprise en main, coécrit avec sa compagne Marion Richoux, Raphaëlle Desplechin (le sublime Nos batailles de Guillaume Senez) et le talentueux Claude Le Pape (la série Hippocrate, Petit paysan, Les Combattants), qui s’inspire d’anecdotes personnelles de Gilles Perret et de témoignages recueillis tout au long de sa vie. La comparaison avec le cinéma de Stéphane Brizé, mais aussi et surtout de Ken Loach pourrait être facile, pourtant elle est inévitable, tant Reprise en main suit comme qui dirait le même cahier des charges, sans pour autant tomber dans la copie carbone. Remarquable film, solidement charpenté, passionnant, même quand les dialogues « techniques » pourraient sembler hermétiques, Reprise en main repose sur un casting exceptionnel auquel on donnerait volontiers une récompense collégiale. Du cinéma de haute qualité, un vrai coup de/au coeur.

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Test DVD / Les Amandiers, réalisé par Valeria Bruni Tedeschi

LES AMANDIERS réalisé par Valeria Bruni Tedeschi, disponible en DVD et Blu-ray le 21 mars 2023 chez Ad Vitam.

Acteurs : Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Micha Lescot, Clara Bretheau, Noham Edje, Vassili Schneider, Eva Danino…

Scénario : Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky & Agnès de Sacy

Photographie : Julien Poupard

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Dans les années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.

Au moins une fois par trimestre, sort sur les écrans LE film français qui agace en tout point, sur lequel on a soudainement envie de s’acharner. Voici donc Les Amandiers, cinquième long-métrage réalisé par Valeria Bruni Tedeschi et coécrit avec Noémie Lvovsky, ainsi que le quatrième avec Agnès De Sacy. Et à chaque nouvel opus mis en scène par l’intéressée, on se dit qu’on lui va lui donner une nouvelle chance puisqu’on l’aime beaucoup en tant qu’actrice (5×2, Les Opportunistes, Folles de joie)…mais non, c’est au-dessus de nos forces, une hystérie collective a raison de nous au bout d’un quart d’heure et ça ne s’arrêtera jamais. C’est dommage, car son premier film Il est plus facile pour un chameau… (2002) comportait de bonnes choses, notamment une certaine proximité avec le spectateur, qu’elle a perdu dès son second coup d’essai, Actrices (2007), centrée sur une comédienne angoissée (tiens donc) qui ne vit que pour le théâtre, quitte à mettre de côté sa vie privée. Bon courage à qui voudrait tenter l’expérience, surtout que cela ne s’est pas amélioré par la suite avec Un château en Italie (2013) et sa famille bourgeoise, puis Les Estivants (2018) où une cinéaste cherchait à écrire son nouveau film tout en essayant de se remettre d’une rupture sentimentale. Dans Les Amandiers, c’est la première fois que Valeria Bruni Tedeschi ne tient pas le haut de l’affiche d’une de ses réalisations, bien que le film demeure incontestablement son plus personnel, car ouvertement autobiographique, ou presque, pas totalement, avec ce qui faut de fiction mêlée à ses propres souvenirs reconstitués. Mais très franchement, aller au bout de ces 120 minutes (!!!) est un supplice et ce dès le départ. Avec ses personnages antipathiques et jamais intéressants, Les Amandiers dépeint un milieu, un microcosme détestable où tout le monde est à baffer, complètement déconnecté des réalités et irresponsables. Il faut bien que jeunesse se passe, mais à ce point-là…

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Test Blu-ray / Maneater, réalisé par Justin Lee

MANEATER réalisé par Justin Lee, disponible en DVD et Blu-ray le 8 mars 2023 chez Crome Films.

Acteurs : Nicky Whelan, Trace Adkins, Shane West, Jeff Fahey, Porscha Coleman, Ed Morrone, Kelly Lynn Reiter, Alex Farnham…

Scénario : Justin Lee

Photographie : Eaman Long

Musique : Daniel Figueiredo

Durée : 1h23

Année de sortie : 2022

LE FILM

Les vacances de rêve de Jessie et de ses amis sur une île se transforment en un horrible cauchemar lorsqu’ils deviennent la cible d’un grand requin blanc implacable. Cherchant désespérément à survivre, elle s’associe à un capitaine local pour arrêter le vicieux mangeur d’hommes avant qu’il ne frappe à nouveau.

Le plus grand film de requin tueur, c’eeeeeeeeeeeest ??? Bah c’est pas celui-là en tout cas ! Maneater, retenez bien ce titre, car vous le recroiserez dans quelques rubriques consacrées aux nanars, surtout qu’il risque d’y avoir une suite très prochainement, ce que promet toutefois cette ridicule fin qui ose même citer ouvertement la réplique culte de Roy Scheider dans Jaws. Vous voulez passer une soirée pépouze devant la télé, mettre votre cerveau en mode veille (pendant 77 minutes précisément, même si le rythme est inexistant), la main gauche agrippant une part de pizza, la droite ce que vous avez dans le caleçon (ou pas d’ailleurs) à chaque apparition de Neeky Wheelan et de ses copines en bikini ? Alors Maneater est fait pour vous, car cet opus Z mettant en vedette un gros poisson pas content qui tue par plaisir (et non pas pour se nourrir) est tellement mauvais qu’il en devient forcément sympathique. On ne s’ennuie pas (vraiment) et ce grâce à des dialogues nullissimes (« Quand un requin goûte quelque chose qui lui plaît, il reste dans les parages »), une photo hideuse, un casting d’habitués aux (sous-)produits destinés au marché de la VOD, sans oublier bien sûr des effets numériques d’un autre temps, une bouillie visuelle, un gloubi-boulga de CGI au rabais supposés rentre la bébête inquiétante, pour ne pas dire effrayante. C’est bien simple, on sait dès la première minute que l’on va se marrer et Maneater tient effectivement cette promesse. Rien que pour ça, ce truc mérité d’être vu.

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Test Blu-ray / Les Mille et une nuits, réalisé par Mario Bava & Henry Levin

LES MILLE ET UNE NUITS (Le Meraviglie di Aladino) réalisé par Henry Levin & Mario Bava, disponible en combo Blu-ray+DVD depuis le 17 août 2022 chez Studiocanal

Acteurs : Donald O’Connor, Noëlle Adam, Terence Hill, Michèle Mercier, Vittorio De Sica, Aldo Fabrizi, Fausto Tozzi, Raymond Bussières, Milton Reid…

Scénario : Silvano Reina, Francesco Prosperi, Pierre Véry, Luther Davis & Marco Vicario, d’après une histoire originale de Stefano Strucchi & Duccio Tessari

Photographie : Tonino Delli Colli

Musique : Angelo Lavagnino

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Aladin, jeune homme espiègle vivant auprès de sa mère, reçoit de cette dernière une petite lampe dont il découvre, alors qu’il est en train de semer la pagaille dans son quartier, qu’un bon génie s’y cache, susceptible d’exaucer trois vœux pour lui. Rêvant au-delà de sa condition et refusant constamment les avances de son amie d’enfance Djalma, Aladin tente par tous les moyens de se rendre au mariage du prince Moluk avec la fille du Sultan tandis que le grand Vizir complote dans l’ombre pour s’emparer du pouvoir.

L’Italie nous a habitués, via ses péplums, à des adaptations très libres des légendes de sa propre Antiquité. Les États-Unis nous ont habitués, de leur côté, à des adaptations très – très ! – libres de tout et n’importe quoi. Lorsque les deux cultures font chorus, via deux coréalisateurs, pour adapter la légende d’Aladin et de sa lampe magique tirée des Mille et Une Nuits, on est en droit d’imaginer le plus improbable – et on aura raison ! Débutant dans la mise en scène sur Cry of the Werewolf à l’époque où la Columbia marchait sur les plates-bandes d’Universal, le prolifique Henry Levin a une quinzaine d’années de carrière et déjà une quarantaine de films à son actif lorsqu’il travaille sur ce drôle d’Aladin. Technicien multi-usages rompu à l’adaptation littéraire (notamment d’Alexandre Dumas, plusieurs fois), habitué aux univers noirs, épiques ou sautillants (les musicals The Petty Girl et The Farmer Takes a Wife – remake chanté du film de Victor Fleming qui vit Henry Fonda faire ses débuts à l’écran), adepte des formats décomplexés et fantaisistes (Cornel Wilde a joué pour lui le fils de Robin des Bois), Levin vient alors de boucler la comédie romantique Where The Boys Are et surtout, l’année précédente, une autre adaptation de prestige, dans une version familiale et spectaculaire : celle du Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne, grand succès populaire. Dans la foulée de ces Mille et Une Nuits – au titre français si ambitieux en comparaison du projet lui-même –, le cinéaste récidivera avec l’expérience collaborative pour The Wonderful World of the Brothers Grimm en Cinérama (George Pal dirigeant cette fois-ci les séquences les plus intéressantes).

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Test Blu-ray / La Tête de Normande St-Onge, réalisé par Gilles Carle

LA TÊTE DE NORMANDE ST-ONGE réalisé par Gilles Carle, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Carole Laure, Raymond Cloutier, Reynald Bouchard, Carmen Giroux, Gaetan Guimond, J. Léo Gagnon, Anne-Marie Ducharme, Renée Girard, Denys Arcand…

Scénario : Ben Barzman

Photographie : François Protat

Musique : Lewis Furey

Durée : 1h56 (Version intégrale)

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Dans les faubourgs de Montréal, années 1970 – Employée dans une pharmacie, Normande St-Onge vit dans une grande maison de famille, qu’elle partage avec des marginaux. La jeune femme est préoccupée par le sort de sa mère, enfermée dans un hôpital psychiatrique. Normande cherche à la faire sortir par tous les moyens, mais se heurte au refus des médecins et de son oncle avocat. Alors vient à Normande l’idée folle de la soustraire de l’asile et de la ramener à la maison.

Gilles Carle et Carole Laure, quatrième ! En réalité, La Tête de Normande St-Onge est le troisième long-métrage qui réunit le cinéaste et la comédienne, qui s’étaient retrouvés aussi pour un épisode de la série For the Record. Sur un scénario signé de l’illustre Ben Barzman (Retour aux Philippines d’Edward Dmytryk, Le Garçon aux cheveux verts et Temps sans pitié de Joseph Losey, La Chute de l’empire romain d’Anthony Mann, L’Attentat d’Yves Boisset), ancien blacklisté, La Tête de Normande St-Onge plonge dans la psyché d’une jeune femme, élevée par les sœurs, dont la mère, ancienne chanteuse de cabaret, est enfermée dans un hôpital psychiatrique depuis quatre mois pour dérèglement mental. Aux contacts de la folie de celle qui lui a donné la vie, Normande, puisque c’est son prénom, paraît désormais hésiter entre la normalité et la démence. Mais qu’est-ce que la déraison ? Cette histoire insolite qui annonce entre autres les films de Xavier Dolan, l’hystérie en moins, l’émotion en plus, peut souvent décontenancer, à l’instar de La Mort d’un bûcheron, avec ses égarements arty et des scènes érotiques étonnamment crues. Néanmoins, il serait dommage de bouder son plaisir, surtout qu’il s’agit d’un opus important voire fondateur du cinéma Quebécois contemporain, illuminé une fois de plus par la beauté incendiaire de Carole Laure.

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Test Blu-ray / La Mort d’un bûcheron, réalisé par Gilles Carle

LA MORT D’UN BÛCHERON réalisé par Gilles Carle, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Carole Laure, Willie Lamothe, Daniel Pilon, Pauline Julien, Marcel Sabourin, J. Léo Gagnon, Roger Lebel, Ernest Guimond, Jacques Gagnon…

Scénario : Gilles Carle & Arthur Lamothe

Photographie : René Verzier

Musique : Tristan Hansinger, Willie Lamothe, Chick Peabody & Peter Van Ginkel

Durée : 1h55 (Version intégrale)

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Marie Chapdelaine, jeune provinciale de Chibougamau, quitte sa mère pour se rendre à Montréal, à la recherche de Tancrède, son père, qu’elle n’a jamais connu. Là-bas, elle rencontre Armand Saint-Amour – un ex-bûcheron reconverti en patron de bar country, qui connaissait son père -, François Paradis et Charlotte Juillet, respectivement journaliste et écrivaine, mais aussi Blanche Bellefeuille, qui fut la maîtresse de son père. Marie envisage de se rendre dans le dernier camp de bûcherons où Tancrède travaillait. Mais, tour à tour exploitée par Saint-Amour et Paradis, Marie va devoir faire contre mauvaise fortune bon coeur…

En France, on connaît surtout la Québécoise Carole Laure pour La Menace (1978) d’Alain Corneau, l’exceptionnel Préparez vos mouchoirs (1979) de Bertrand Blier, peut-être aussi pour À mort l’arbitre (1984) de Jean-Pierre Mocky, tandis que les cinéphiles auront en tête le génial Asphalte (1981) de Denis Amar. Également chanteuse, scénariste et même réalisatrice avec quatre longs-métrages à son actif, Carole Laure a quelque peu disparu des radars depuis près de dix ans. A mi-temps des années 1970, on imagine mal l’aura de la comédienne dans sa province, mais aussi sur la scène internationale, suite à la présentation en compétition de La Mort d’un bûcheron au Festival de Cannes en 1973, face à, excusez du peu, Electra Glide in Blue, La Grande bouffe, La Maman et la Putain, La Planète sauvage, La Clepsydre, L’Épouvantail, De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites… Le cinéma Québécois s’exportait alors pour la première fois à l’étranger et révélait cette magnifique brune, qui allait devenir la représentante d’une nouvelle génération, celle de l’émancipation des jeunes de la Belle Province. La Mort d’un bûcheron marque la première collaboration entre Carole Laure et le réalisateur Gilles Carle (1928-2009), qui se retrouveront par la suite pour Les Corps célestes (1973), La Tête de Normande St-Onge (1975), L’Ange et la Femme (1977), Fantastica (1980), Maria Chapdelaine (1983), y compris pour un épisode de la série For the Record (1975). Remarquable portrait de femme, La Mort d’un bûcheron s’inspire très librement du célèbre roman de Louis Hémon, MariaChapdelaine, écrit en 1913, qui n’aura de cesse d’influencer Gilles Carve pour certains de ses autres opus. La caméra colle au plus près de sa protagoniste, quasiment de tous les plans, et suit son parcours semé de rencontres insolites qui la conduiront jusque sur les terres où son père bûcheron, disparu et qu’elle recherche, aura rendu son dernier souffle. Cette chronique d’une mort annoncée, qui ouvre d’ailleurs le film dans une scène percutante, transforme la quête du personnage principal en mirage, auquel elle se raccrochera jusqu’au dernier moment, quand elle se rendra compte qu’elle n’est plus et ne sera plus jamais la même, même si cette mutation s’était déjà opérée avant la révélation. Étrange récit que celui de Mort d’un bûcheron, qui se perd sensiblement dans un dernier acte trop bavard et démonstratif, mais qui n’en reste pas moins imprévisible et un bel objet de cinéma, illuminé par l’une des plus belles actrices des années 1970.

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Test Blu-ray / Milliardaire pour un jour, réalisé par Frank Capra

MILLIARDAIRE POUR UN JOUR (Pocketful of Miracles) réalisé par Frank Capra, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 21 février 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Glenn Ford, Bette Davis, Hope Lange, Arthur O’Connell, Peter Falk, Thomas Mitchell, Edward Everett Horton, Mickey Shaughnessy, David Brian, Sheldon Leonard, Ann-Margret…

Scénario : Hal Kanter & Harry Tugend, d’après une histoire originale de Damon Runyon, d’après un scénario de Robert Riskin

Photographie : Robert J. Bronner

Musique : Walter Scharf

Durée : 2h11

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

New York, au début du XXe siècle. Dave-le-dandy, patron d’un club de jeu, est devenu le défenseur des petites gens, enfants, mendiants et poètes confondus. Sa nouvelle protégée est une orpheline de 20 ans, Queenie, que son père lui a confiée avant de mourir. Annie, une clocharde, frappe à sa porte, bien embarrassée. Sa fille Louise, élevée dans un couvent et ignorant la situation de sa mère, lui a annoncé sa visite en compagnie de son fiancé, un comte espagnol fortuné. Dave et ses amis décident de jouer la comédie à Louise et de se faire tous passer pour des notables de la ville, avec l’espoir de tromper la famille, très collet monté, du futur époux…

New York Miami, L’Extravagant Mr. Deeds, Les Horizons perdus, Vous ne l’emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au Sénat, L’Homme de la rue, Arsenic et vieilles dentelles, La Vie est belle…tant de titres qui font vibrer encore et toujours les cinéphiles. Les films de Francesco Rosario Capra alias Frank Capra (1897-1991) sont indéniablement une étape dans la vie d’un passionné du septième art. Ce que l’on connaît moins en revanche, c’est sa fin de carrière, marquée par l’échec commercial de La Vie est belle en 1946. Par la suite, le réalisateur aura du mal à revenir sur le devant de la scène, en enchaînant trois films qui passeront plus ou moins inaperçus, L’EnjeuState of the Union, Jour de chance Riding High et Si l’on mariait papaHere Comes the Groom. Le succès reviendra avec Un trou dans la têteA Hole in the Head, avec Frank Sinatra et Edward G. Robinson. Les années 1950 disparaissent et Frank Capra décide de mettre en route ce qui sera alors son ultime opus, Milliardaire pour un jourPocketful of Miracles. À l’instar de Jour de chance, qui était le remake de La Course de Broadway Bill (1934), le cinéaste jette son dévolu sur La Grande dame d’un jour Lady for a Day, qu’il avait mis en scène en 1933, qui lui avait valu sa première nomination aux Oscar. On ne peut pas parler de « mise à jour » de l’oeuvre originale, mais plutôt d’une relecture plus étendue (le nouveau film durant 140 minutes, contre 95 minutes pour le film original), Frank Capra (comme Alfred Hitchcock et Leo McCarey avant lui) préférant jouer la sécurité avec un scénario qui avait déjà fait ses preuves. Seulement voilà, Milliardaire pour un jour sort en 1961 et apparaît comme qui dirait anachronique la même année que West Side Story, Diamants sur canapé, Un pyjama pour deux, Le Zinzin d’Hollywood, L’Arnaqueur, La Fièvre dans le sang…néanmoins, plus de soixante après, nous redécouvrons ce petit bijou, le chant du cygne d’un des plus grands réalisateurs de la première moitié du vingtième siècle, un film testamentaire (qui s’ignore), succulent, drôle, enlevé, qui offre à ses comédiens de fabuleux numéros. Il est temps de reparler de Pocketful of Miracles, qui condense et résume quarante ans de carrière dédiée au divertissement et aux spectateurs, en s’inspirant une fois de plus du conte Cendrillon.

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