Test Blu-ray / The Lost Soldier, réalisé par Bille August

THE LOST SOLDIER (Feng huo fang fei) réalisé par Bille August, disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Emile Hirsch, Liu Yifei, Fangcong Li, Hanlin Gong, Tiankuo Gong, Tsukagoshi Hirotaka, Lambert Houston, Zhu Jin…

Scénario : Greg Latter

Photographie : Filip Zumbrunn

Musique : Gerd Tjur

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

En 1942, en riposte à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, l’US Air Force décide de bombarder Tokyo. Mais sur le chemin du retour, l’avion du jeune pilote Jack Turner, à court de carburant, s’écrase dans la jungle de la province de Zhejiang en Chine. Les aviateurs qui ont pu sauter en parachute sont capturés par les forces d’occupation japonaise. Jack, blessé, est secouru par Ying, une jeune veuve chinoise du village voisin. Aidée par sa fille de 12 ans et la résistance chinoise, elle va cacher le soldat américain chez elle, alors que les troupes japonaises ratissent la zone à sa recherche. Au coeur des combats, ying et Jack vont-ils réussir à s’exfiltrer et à fuir le chaos ?

Etrange carrière que celle du danois Bille August. Si son nom reste souvent méconnu des cinéphiles et des spectateurs, il est pourtant l’un des rares réalisateurs à avoir remporté deux fois la Palme d’or au Festival de Cannes pour Pelle le Conquérant en 1988, inspiré du livre de son compatriote Martin Andersen Nexo et Les Meilleures intentions en 1992, portrait de jeunesse des parents d’Ingmar Bergman, dont il était un ami proche. Ses plus grands succès restent La Maison aux esprits (1994) grâce à son casting international et sa version Reader’s Digest des Misérables réalisé en 1998 avec Liam Neeson dans le rôle de Jean Valjean. En dehors de cela, Bille August, ancien directeur de la photographie, n’a jamais vraiment arrêté de tourner, même si ses œuvres restent marquées par un académisme souvent ronflant. C’est comme qui dirait le cas de The Lost Soldier, sorti également sous le titre In Harm’s Way aux Etats-Unis, The Hidden Soldier en Angleterre ou bien encore The Chinese Widow dans le reste du monde. Cette romance entre une chinoise, veuve éplorée et un soldat américain manque singulièrement de mordant, d’entrain et d’intérêt et vaut essentiellement pour ses comédiens.

Après avoir bombardé Tokyo, les pilotes d’avion tentent de renflouer sur les zones côtières de Zhejiang en raison du manque de carburant pour rentrer en Amérique. Après s’être parachuté, l’un d’entre eux, Jack Turner, est sauvé par une jeune veuve locale, Ying, qui le cache dans une grotte. Rapidement, bien qu’ils ne soient pas capables de communiquer verbalement, ils tombent amoureux et une histoire d’amour commence entre ce soldat blessé et cette mère de famille hantée par la mort de son mari. Mais l’Américain est traqué par l’armée japonaise qui veut l’éliminer…

Bille August sait faire des belles images. C’est indéniable. Mais malheureusement il n’y a pas vraiment grand-chose d’autre à sauver de cette production chinoise. Révélation de The Girl Next Door de Gregory Wilson en 2004, puis lancé définitivement avec Into the Wild de Sean Penn en 2007, Emile Hirsch est un comédien qui a toujours inspiré la sympathie. C’était également le cas dans le sensationnel Speed Racer des Wachowski, Harvey Milk de Gus Van Sant, Killer Joe de William Friedkin et Prince of Texas de David Gordon Green. Un C.V. plutôt impressionnant. Mais il n’est guère convaincant dans The Lost Soldier dans le rôle-titre. Son charisme semble éteint et son personnage passe même au second plan. L’actrice Liu Yifei, vue dans Le Royaume interdit de Rob Minkoff et future Mulan dans la prochaine adaptation live des studios Disney, tire son épingle du jeu. Sa sensibilité, sa beauté et son talent transcendent The Lost Soldier.

Les effets visuels sont étonnamment laids et rappellent parfois un nanar d’Asylum, comme lorsque Jack et son équipe décollent du porte-avions, ainsi que toutes les scènes de bombardements et de vol aérien qui sentent les CGI à deux balles. Admettons. Le reste du film, qui au passage a été projeté en ouverture au Festival international du film de Shanghaï en juin 2017, adopte un rythme de croisière très lent, peu aidé par un montage conventionnel. The Lost Soldier devient alors trop contemplatif, tandis que l’amourette entre Jack et Ying arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, sans signes annonciateurs, sans évolution des personnages. Bille August ne prend aucun risque et apparaît ici plutôt en tant que technicien au service d’un film intéressant dans son propos, auquel il ne parvient jamais à insuffler une âme pour le distinguer du tout-venant. Dommage.

LE BLU-RAY

The Lost Soldier arrive directement dans les bacs, sans passer par la case cinéma. Le test de l’édition Blu-ray, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

M6 Vidéo ne vient pas les mains vides.

On commence par l’interview du réalisateur réalisée lors de la présentation de The Lost Soldier au Festival international du film de Shanghaï (13’). Bille August répond à des questions sans véritable intérêt. Il revient sur le casting, les conditions de tournage (quelques images à l’appui), le scénario, la reconstitution. Puis, l’entretien dévie sur Pelle le Conquérant et sur l’amitié du cinéaste avec Ingmar Bergman.

Emile Hirsch intervient également sur The Lost Soldier, une fois encore dans le cadre du festival évoqué plus haut (4’). Les questions d’une journaliste chinoise sont traduites en anglais. Le comédien évoque le travail avec Bille August, son personnage et sa partenaire Liu Yifei.

Si les cours d’histoire vous embêtaient à l’école, passez votre chemin. Autrement, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter l’exposé de François Garçon, docteur en histoire, auteur, enseignant et chercheur à l’université de Paris I (15’). Ce dernier présente le contexte historique du film, à travers quelques cartes et images d’archives.

Des images d’archives il en est encore question dans le dernier module, puisque l’éditeur a mis la main sur un reportage d’époque, résumant l’histoire de la guerre du Pacifique (10’). Les images sont très impressionnantes, violentes, frontales.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce en VF et VO.

L’Image et le son

Un master HD loin d’être optimal. De nombreux flous parasitent le visionnage, le piqué est aléatoire et les contrastes sont à la traîne. Les horribles images de synthèse passent très mal le cap du petit écran. La photo aux ambiances bleutées et verdâtres est assez bien restituée, surtout sur les séquences en extérieur. Malgré tout, le teint des acteurs est assez cireux, les détails manquent à l’appel.

M6 Vidéo propose de visionner le film en français et version originale, en DTS HD Master Audio 5.1 ou en simple Dolby Digital 5.1 ! Evidemment, notre choix est évident puisque nous ici en Haute-Définition. La piste originale mêle anglais et mandarin, tandis que la version française conserve les dialogues en mandarin et seuls les dialogues anglais sont doublés, ce qui conserve une touche d’authenticité. En VO, les propos en anglais sont sous-titrés en français avec des caractères plus épais. Dans les deux cas, la spatialisation est convaincante, surtout lors des scènes de bombardement au début du film, ainsi que sur les raids aériens. La pluie est également et subtilement distillée sur les enceintes latérales.

Crédits images : © M6 Vidéo / SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Charlie (Firestarter), réalisé par Mark L. Lester

CHARLIE (Firestarter) réalisé par Mark L. Lester, disponible en DVD et Blu-ray le 9 octobre 2018 2018 chez ESC Editions

Acteurs : David Keith, Drew Barrymore, Freddie Jones, Heather Locklear, Martin Sheen, George C. Scott, Art Carney, Louise Fletcher, Moses Gunn, Antonio Fargas, Drew Snyder, Dick Warlock…

Scénario : Stanley Mann d’après le roman « Charlie » – « Firestarter » de Stephen King

Photographie : Giuseppe Ruzzolini

Musique : Tangerine Dream

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Ses parents ayant servi de cobayes à des expériences scientifiques confidentielles, Charlene McGee naît avec l’extraordinaire don de pouvoir, à distance et par la pensée, de manipuler le feu. Petite fille, elle attise désormais la convoitise de l’agence gouvernementale secrète responsable de son état. Une organisation puissante et prête à tout…

Depuis le succès mondial de Carrie au bal du diable de Brian De Palma, l’adaptation du premier roman de Stephen King, l’écrivain devenu le maître de l’horreur est très courtisé par le cinéma. Sorti en 1980 et malgré son rejet par Stephen King, Shining de Stanley Kubrick est un chef d’oeuvre instantané qui révolutionne le septième art. En 1982, Creepshow de George A. Romero, écrit par Stephen King, montre encore une fois l’engouement du public pour ses histoires d’épouvante. Cujo de Lewis Teague est également un succès en 1983. Le grand producteur Dino De Laurentiis acquiert les droits du roman Charlie aka Firestarter en version originale. John Carpenter est courtisé. Le réalisateur confie le scénario à son complice Bill Lancaster, qui vient d’écrire The Thing, qui est ensuite validé par Stephen King lui-même. Seulement voilà, The Thing se fait écraser au box-office par E.T, l’extra-terrestre de Steven Spielberg. Universal remercie purement et simplement John Carpenter. Ce dernier héritera néanmoins de l’adaptation de Christine, qu’il mettra en scène uniquement dans le but de pouvoir survivre au sein des studios. Alors qui pour s’occuper de la transposition de Charlie à l’écran ?

Finalement, Dino De Laurentiis jette son dévolu sur un nommé Mark L. Lester, remarqué avec son film Class 1984. Le scénario est confié à Stanley Mann, l’auteur de L’Obsédé de William Wyler (1965) et de Damien : la Malédiction 2 de Don Taylor (1978). Quant au rôle principal et éponyme, il est confié à Drew Barrymore, huit ans, qui venait d’exploser à l’écran dans…E.T., l’extra-terrestre. La boucle est bouclée.

Tourné en même temps que Christine de John Carpenter et Dead Zone de David Cronenberg, Charlie, une drôle de petite dame, n’a pas le même prestige que ses concurrents puisqu’il ne bénéficie pas d’un cinéaste de renom ou qui possède une griffe particulière. Ici, la star c’est Stephen King et cette entreprise mise tout sur la popularité et le succès du roman. Malgré tout, après un succès très modeste et des critiques globalement négatives à sa sortie, les années ont été plutôt clémentes avec Firestarter et mérite d’être (re)découvert.

Andy McGee et Victoria « Vicky » Tomlinson, sont soumis à une expérience commandée par le Dr. Joseph Wanless, dont le but est l’injection du « Lot 6 », une drogue qui stimule la glande pituitaire, qui permet au cobaye d’acquérir différents pouvoirs psychiques. Ce à quoi Andy et Vicky ne s’attendaient pas, c’était d’avoir une petite fille, Charlene surnommée « Charlie », dotée d’une incroyable beauté, mais aussi d’un terrifiant pouvoir : la pyrokinésie. Ce pouvoir lui permet d’incendier n’importe quoi et n’importe qui par la pensée. Huit ans plus tard, Vicky est tuée par des agents d’une agence gouvernementale secrète, « Le Laboratoire », commandé par l’ambitieux Capitaine Hollister. C’est alors qu’apparaît John Rainbird, un homme impitoyable et sadique, dont le seul désir est d’avoir Charlene pour lui tout seul, pour pouvoir la tuer de ses propres mains.

Rien qu’à la lecture du résumé, le lecteur fan de Stephen King y reconnaîtra les grandes lignes du roman. Et c’est le cas. Charlie (Firestarter) est très fidèle au livre original. Trop sans doute. C’est ce qui en fait son point fort, au moins le lecteur ne se sentira pas trahi puisqu’il retrouvera vraiment ce qui lui aura plu dans ce roman par ailleurs sensationnel, mais c’est également son point faible. Car Charlie (Firestarter) manque d’âme. A l’instar des deux premiers Harry Potter réalisés par Chris Colombus, le spectateur aura l’impression de tourner les pages du livre en même temps qu’il découvre le film. Contrairement à Brian De Palma, John Carpenter, George A. Romero et David Cronenberg, Mark L. Lester n’a pas un style qui lui est propre. Excellent « faiseur », comme il le prouvera l’année suivante dans son chef d’oeuvre, Commando avec Arnold Schwarzenegger, Mark L. Lester dispose d’un solide bagage de technicien. Le boulot est bien fait, l’image Scope est soignée, la photo du chef opérateur Giuseppe Ruzzolini (collaborateur de Pier Paolo Pasolini, Mon nom est Personne de Tonino Valerii) est superbe, les acteurs sont excellents, très bien castés. Le final dantesque, qui n’est évidemment pas sans rappeler celui de Carrie au bal du diable, est explosif à souhait, dans tous les sens du terme avec une gigantesque démonstration d’effets pyrotechniques.

Aujourd’hui, il serait difficile d’imaginer une autre petite actrice que Drew Barrymore pour incarner le personnage principal. Charismatique en diable et tempérament de feu (oui bon, elle était facile), la très jeune comédienne étonne par sa sincérité et son investissement, autant dans les séquences dramatiques que lors des affrontements. A ses côtés, Martin Sheen (qui venait de jouer un autre salaud dans Dead Zone) et George C. Scott (Oscar du meilleur acteur pour Patton, L’Enfant du diable – The Changeling) se donnent la réplique et apportent au film une indéniable plus-value. Moins célèbre, David Keith (The Rose de Mark Rydell, Officier et Gentleman de Taylor Hackford) ne démérite pas moins dans le rôle du père de Charlie et s’avère même très émouvant dans ses scènes avec Drew Barrymore. Quant à la musique de l’immense groupe Tangerine Dream, elle reste très enivrante et souligne la dramaturgie de façon décalée. Rien d’étonnant à cela puisque la B.O. provient de morceaux déjà composés à l’avance et mis à la disposition de Mark L. Lester pour qu’il en fasse ce qu’il veut.

35 ans après, Charlie reste un bon et beau divertissement. S’il ne pourra jamais prétendre au prestige et à la reconnaissance des autres adaptations de Stephen King susmentionnées, cela n’a pas empêché le film de devenir culte auprès de très nombreux cinéphiles. Longtemps oublié et dissimulé derrière des œuvres et chefs d’oeuvres de grands maîtres, il est temps aujourd’hui de découvrir les qualités de ce petit film très attachant, bien rythmé et très plaisant à regarder.

LE BLU-RAY

Exit la version DVD MGM de Charlie (Firestarter) qui se revendait très cher sur le net ! Le film de Mark L. Lester jouit enfin d’une édition Haute-Définition sous la houlette d’ESC Editions. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche originale. Le menu principal est animé sur la musique de Tangerine Dream.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent concernant les bonus. Seule une présentation (23’) du film et des adaptations de Stephen King au cinéma par Laurent Duroche de Mad Movies. Un peu plan-plan et filmé en plan fixe, le journaliste replace Charlie Firestarter) dans la carrière de l’écrivain et dans le courant cinématographique au début des années 1980. La production du film, son tournage et son accueil sont passés en revue, ainsi que le casting, la musique et les prochaines transpositions de Stephen King, notamment Marche ou crève que Laurent Duroche attend avec une grande impatience.

Cette section se clôt sur la bande-annonce de Charlie (Firestarter) et celle de Chucky – Jeu d’enfant.

L’Image et le son

ESC Editions livre un master HD qui frôle la perfection. Les très beaux partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Giuseppe Ruzzolini trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point ou peu de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret (même sur les plans de vapeur ou de fumée difficiles à consolider), la photo parfois ouatée est savamment restituée, la colorimétrie retrouve un éclat inédit et le piqué est probant. Le format 2.35 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. A peine quelques plans flous et des visages légèrement rosés à déplorer. L’encodage AVC demeure solide, la gestion des noirs impeccable, la propreté exceptionnelle et le niveau de détails impressionnant. Charlie (Firestarter) qui affiche déjà plus de trente ans au compteur peut se targuer d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance.

Les versions originale et française sont proposées en DTS-HD Master Audio Mono 2.0, des pistes exemplaires et limpides, restituant les dialogues avec minutie – moins en version originale toutefois – ainsi que l’enivrante bande originale signée Tangerine Dream. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française se focalise un peu trop sur les dialogues au détriment des effets annexes, plus saisissants en version anglaise. Le mixage français est certes moins riche mais contentera les habitués de cette version. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Orion Pictures / MGM / ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Break, réalisé par Marc Fouchard

BREAK réalisé par Marc Fouchard, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Sabrina Ouazani, Kevin Mischel, Hassam Ghancy, Slimane, Maxime Pambet, Camille Japy, Christophe Reymond, Stella Fenouillet…

Scénario : Marc Fouchard, François-Régis Jeanne

Photographie : Maxime Cointe

Musique : Maxime Desprez, Michael Tordjman

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

A la suite d’un grave accident, Lucie craint de voir se briser le rêve de sa vie : devenir danseuse. Elle quitte les beaux quartiers et part en banlieue à la recherche du père qu’elle n’a jamais connu. La jeune femme y croise Vincent, un ex-danseur qui a étrangement sacrifié sa passion. Poussé par Malik, son complice de toujours, il accepte de la coacher et lui fait découvrir un nouveau style de danse, le break. Issus de deux mondes différents, Lucie et Vincent vont s’engager dans un duo passionné de danse et de sentiments.

Sexy mais peu dense…En effet, ce Sexy Dance (vous comprenez l’astuce maintenant ?) à la française marche sur les pas de cette franchise US comprenant à ce jour cinq opus et ayant rapporté la bagatelle de 650 millions de dollars dans le monde. Le phénomène a même pris en France puisque cette saga musicale a attiré au total pas moins de 3,5 millions de spectateurs dans les salles. Une bonne moyenne avec un quatrième volet qui aura même dépassé le million d’entrées ! Alors dans Break nous ne sommes pas dans Bouge ! de Jérôme Cornuau, sorti durant l’été 1997 et dans lequel Ophélie Winter jouait son propre rôle au cours d’une soirée Dance Machine. Encore moins dans Dancing Machine de Gilles Bréhat où Alain Delon (« Bonsoir Chico ! ») fume le cigare et claudique devant un Patrick Dupont qui saute comme un cabri devant lui. On serait plutôt proche du Défi, comédie musicale hip-hop réalisée par Blanca Li en 2002. Break est un premier long métrage qui ne manque pas d’audace ni d’ambitions.

Son réalisateur Marc Fouchard, lui-même danseur de hip-hop, spécialisé ensuite dans le break depuis l’âge de 16 ans, a un vrai sens de l’image et soigne son film sur la forme. A l’écran, il est aussi épaulé par un bel atout avec la présence en haut de l’affiche de la lumineuse et talentueuse Sabrina Ouazani. Break s’ouvre sur une superbe scène mêlant danse et voltige. Sur la façade d’un bâtiment délabré, deux danseurs, un homme et une femme exécutent un ballet. Attachés à l’aide d’un filin, les deux partenaires semblent défier la gravité. Et c’est un ravissement. La caméra épouse les acrobaties et la performance de ces artistes quand soudain, la scène renvoie à l’exposition de Cliffhanger de Renny Harlin, vous savez celle où Sly tente de sauver cette femme d’une chute mortelle. S’ensuit un accident, un semi-coma, le réveil, un trauma et une existence qui reprend à zéro.

Dans Break, Sabrina Ouazani, très grande sportive qu’on a l’habitude de voir courir comme qui dirait tous les films, apporte à la fois son solide bagage d’actrice constitué depuis sa découverte dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche en 2004, ainsi que ses capacités physiques et athlétiques. Le truc qui ne fonctionne pas vraiment à l’écran, c’est qu’on ne s’improvise pas danseuse, malgré l’évidente et intense préparation à laquelle la comédienne a dû se plier. Du coup, Marc Fouchard est un malin et limite finalement les scènes où le personnage principal danse. Quelques pas ici et là, mais même la représentation finale de Lucie ressemble finalement plus à un numéro visuel qu’à une chorégraphie proprement dite. Celles et ceux qui seraient venus voir ce film pour la danse, devront plutôt se tourner vers Kevin Mischel, que l’on avait découvert dans Divines, film phénomène réalisé par Houda Benyamina. Belle gueule et danseur émérite, son charisme est indéniable à l’écran et le duo avec Sabrina Ouazani fonctionne bien.

En dépit de ses défauts (un manque de rythme flagrant, un montage approximatif), Break s’avère contre toute attente un film attachant, sincère, animé par une belle énergie contagieuse, qui donne d’ailleurs un autre visage à la Seine-Saint-Denis grâce à un beau cadre large et une photographie léchée. La partie dramatique avec cette jeune femme qui souhaite nouer une relation avec son père est passe-partout et seul le talent des acteurs fait passer doucement cet élément. Les séquences de battles (avec Slimane, gagnant de l’émission The Voice en 2016) sont filmées comme de vraies scènes d’action et l’on se surprend à taper du pied en rythme.

Break est donc une tentative plutôt réussie de film de danse hexagonal, auquel il lui manque un scénario plutôt qu’un fil rouge sur lequel se greffent des performances pour le moins épatantes.

LE BLU-RAY

Break est disponible chez M6 Vidéo, en DVD et en Blu-ray. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Le film s’accompagne d’un petit mais complet making of (16’30), qui suit le tournage des premières répétitions au début des prises de vue, en passant par la création des séquences principales, jusqu’au clap de fin. Le réalisateur et les deux acteurs principaux interviennent également afin de parler des personnages et des conditions de tournage.

L’Image et le son

Après un passage plutôt discret dans les salles françaises, Break est pris en main par M6 vidéo pour sa sortie dans les bacs. Nous sommes devant un très beau master HD. La définition est optimale, la luminosité affirmée, ainsi que le relief, la gestion des contrastes et le piqué sans cesse affûté. L’apport HD est constant et renforce la colorimétrie, l’encodage AVC consolide l’ensemble, les détails fourmillent sur le cadre large, et toutes les séquences de jour tournées en extérieur sont magnifiques de précision.

Comme pour l’image, l’apport HD pour Break permet de profiter à fond de la bande originale. La piste DTS-HD Master Audio 5.1 s’en donne à coeur joie en ce qui concerne la spatialisation de la musique. Chaque enceinte est remarquablement mise à contribution, précise dans les effets, avec une impressionnante balance frontales-latérales et une fluidité jamais démentie. Les ambiances naturelles ne manquent pas, les effets sont concrets et immersifs. Le caisson de basses participe évidemment à ces numéros. Les dialogues auraient mérité d’être relevé sur la centrale, problème récurrent chez M6 Vidéo. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Année dernière à Marienbad, réalisé par Alain Resnais

L’ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD réalisé par Alain Resnais, disponible en combo Blu-ray/DVD le 25 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Giorgio Albertazzi, Delphine Seyrig, Sacha Pitoëff, Jean Lanier, Françoise Spira, Gilles Quéant…

Scénario : Alain Robbe-Grillet

Photographie : Sacha Vierny

Musique : Francis Seyrig

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Dans un château de Bohême transformé en hôtel, des gens vivent dans une atmosphère feutrée. Ils sont là pour se reposer, et tout autre bruit que quelques paroles chuchotées est proscrit. Un homme s’attache à une femme et tente de la persuader qu’ils ont eu une aventure, l’année dernière, à Marienbad.

Et si L’Année dernière à Marienbad était le plus grand film fantastique français ? Film phare de la Nouvelle Vague, le second long métrage réalisé par Alain Resnais est tellement riche, insondable, pluriel, que les années n’ont aucune emprise sur lui. Scandale à sa sortie puisqu’il remettait en question le principe de la narration classique en rejetant toute notion d’intrigue, ce gigantesque chef d’oeuvre absolu de l’histoire du cinéma n’a jamais révélé et ne révélera d’ailleurs jamais toutes ses facettes. Ouvert à toutes les interprétations, L’Année dernière à Marienbad, écrit par l’un des chefs de file du Nouveau roman, Alain Robbe-Grillet, restera à jamais un film énigmatique, mystérieux, doublé d’un extraordinaire objet visuel avec une mise en scène à se damner et une photographie N&B qui sublime les décors de Bernard Evein, les costumes créés par Coco Chanel et l’immense comédienne Delphine Seyrig dans son premier vrai rôle au cinéma.

Une soirée théâtrale dans un somptueux palace d’une ville d’eau allemande. Un homme très élégant rencontre une femme et s’efforce de la persuader que, l’année précédente, à Marienbad, elle avait promis de tout quitter pour vivre avec lui. La femme ne se souvient absolument pas d’avoir eu une telle conversation avec lui. L’homme la poursuit pourtant et la harcèle, parfois doucereux, quelquefois inquiétant. Décontenancée, elle ne sait si elle le désire, s’il la répugne, si elle lui obéira. Les jardins et les décors de l’hôtel sont intimement liés à sa longue quête intérieure…

Est-ce un rêve éveillé ? Un cauchemar qui revient en boucle des suites d’un traumatisme, peut-être un viol refoulé ? Où est-on réellement ? Au purgatoire ? Les personnages sont-ils tous décédés ? Les statues du parc se sont-elles animées comme par enchantement ? « A », cette femme brune inaccessible, est-elle née du désir de l’homme de voir apparaître sa moitié à ses côtés ? Son visage de marbre reflète-t-il la matière dont elle était faite quelques instants auparavant ? Tant de questions et encore plus qui nous viennent à l’esprit durant 1h35, tandis qu’Alain Resnais nous ravit le coeur et les yeux par la beauté incandescente de ses travellings.

Pourquoi « X » (Giorgio Albertazzi), cet homme à l’accent italien, essaye par tous les moyens d’atteindre et de convaincre cette beauté brune qui ne se souvient pas de lui ? Lorsqu’il croit l’avoir fait, elle s’est déplacée sur une autre pointe du temps, un autre souvenir : il faut la convaincre à nouveau. De nouveaux cauchemars se dressent devant lui : est-il sûr que c’est elle qu’il aime ? Est-il sûr de l’avoir rencontré ? Pourquoi cet inconnu doit également affronter à plusieurs reprises un autre homme, « M » (Sacha Pitoëff), un joueur invétéré, peut-être l’époux de « A », dans une partie de jeu d’allumettes où le sort semble s’acharner contre « X » systématiquement.

D’entrée de jeu, Alain Resnais fait perdre ses repères au spectateur à travers les interminables couloirs labyrinthiques et les hauts plafonds d’un palace baroque. Dans les allées des jardins à la française, des individus en smoking ou en robe de soirée restent figés sur place, comme si le temps était suspendu. Pourtant, dans le palais, une pièce de théâtre se joue, tandis que les discussions s’animent d’un salon à l’autre. Les propos sont opaques, n’ont aucun sens ou reprennent certaines répliques de la pièce. Seul un homme, « X » donc, semble être animé par une réelle conscience et pourvu d’émotions, comme Bérenger dans Rhinocéros de Ionesco. Autour de lui, les personnages s’apparentent à des pantins animés par le même marionnettiste. Et c’est dans ce décor majestueux que nous suivons X et A, eux-mêmes perdus dans le temps puisque les costumes peuvent changer d’une pièce à l’autre, dans un même plan.

Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet ne donneront aucune explication et le spectateur ne connaîtra jamais la vérité. A sa sortie en 1961, L’Année dernière à Marienbad est accueilli par une presse plutôt favorable, même si ses détracteurs sont particulièrement virulents, en avançant comme argument que le rôle du cinéma, divertir les spectateurs, est bafoué au profit de l’intelligentsia. Si le succès est nettement moins conséquent qu’Hiroshima mon amour (2,2 millions d’entrées), le deuxième film d’Alain Resnais, Lion d’or au Festival de Venise, Prix Méliès, Prix du meilleur film français du syndicat de la critique de cinéma attire quand même près de 900.000 français dans les salles, tous attirés par ce véritable phénomène sur lequel tout le monde souhaite avoir une opinion. Mais la plupart demeureront dubitatifs devant ce récit obscur, ce refus de la chronologie, ces apparents flashbacks et sauts dans le temps soulignés par la lancinante, envoûtante et hypnotique partition de Francis Seyrig, frère de la comédienne.

C’est ce renoncement au naturalisme, qui a ensuite inspiré moult cinéastes, de David Lynch à Gus Van Sant, en passant par Stanley Kubrick, procédé très avant-gardiste et d’ailleurs toujours aussi moderne en 2018, qui a décontenancé la plupart des spectateurs. L’Année dernière à Marienbad est inclassable puisque le genre auquel il appartient n’est autre que le film lui-même, comme s’il se basait sur un jeu sans aucune règle (comme celui des allumettes et des cartes qui revient dans le film), si ce n’est se laisser emporter par la mise en scène sans cesse inspirée et d’où naît l’émotion. De ce labyrinthe de mots et d’images naît le trouble, de cette révolution esthétique le coeur s’emballe. Loin d’être un pensum prétentieux et verbeux, ce puzzle complexe foudroie du début à la fin et s’inscrit de façon indélébile dans les mémoires. Et l’on reviendra toujours se perdre dans ce dédale intrigant, onirique, déroutant, froid en apparence, pourtant accueillant, hors du temps, qui bouscule et fait confiance à l’intelligence d’une audience toujours flattée qu’on lui propose une expérience de cinéma unique en son genre.

LE BLU-RAY

Quasiment dix ans après sa première édition en Haute-Définition, L’Année dernière à Marienbad fait son grand retour en Blu-ray dans une version restaurée inédite. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Tout d’abord, l’éditeur reprend l’intégralité des suppléments disponibles sur l’édition HD de novembre 2009, à savoir :

Toute la mémoire du monde (1956-21’)  et Le Chant du Styrène (1958-13’), deux courts-métrages réalisés par Alain Resnais. A travers une superbe mise en scène, le premier film dévoile l’organisation au sein de la Bibliothèque Nationale de Paris, 58 rue de Richelieu. Sur un scénario de Rémo Forlani et une musique de Maurice Jarre, ce documentaire rend hommage à tous les employés qui répertorient, classent et entretiennent tous les ouvrages et sans qui ce trésor serait inaccessible. Quelque part, Toute la mémoire du film annonce L’Année dernière à Marienbad. Plongez dans ce véritable coffre-fort et musée des mots où lectures, œuvres précieuses et introuvables, connaissances, catalogues et collections de livres sont enfermés, répertoriés, analysés, classés, notés, étiquetés, enregistrés et consultés.</

Le second film met en images le poème éponyme de Raymond Queneau en alexandrins. Du bol en plastique jusqu’au pétrole, toute la chaîne industrielle conduisant à la fabrication des objets en plastique est parcourue en remontant à la source. Une visite des usines Péchiney guidée par la voix de Pierre Dux. Le fabricant de polystyrène avait commandé ce film qui devait être à la gloire de ce « noble matériau entièrement créé par l’homme ».

Alain Robbe-Grillet, épisode de la série documentaire 1 siècle d’écrivains (1999-18’30) : Le réalisateur Frédéric Compain déclare sur la genèse de ce documentaire : « Au lycée, vers l’âge de 17 ans, j’ai lu un roman d’Alain Robbe-Grillet. En 1973, 20 ans après sa parution, Les Gommes était au programme du bac français. On découvrait toute une littérature qui, disait-on, s’affirmait par des refus. On évitait par contre de souligner à quel point son œuvre – toujours très contestée – était hantée par des fantasmes sado-masochistes. Alain Robbe-Grillet est étudié, décortiqué, scannérisé, mais est-il vraiment lu ? Cet homme en mouvement, cet écrivain vivant, je voulais le connaître. Une certaine image de la littérature laissait imaginer un écrivain vieillissant, vaniteux et blasé. J’ai découvert, étonné, un homme encore jeune, insolent, jouant ouvertement au sale gosse, lui « le pape du nouveau roman » qui, avec Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Marguerite Duras et Michel Butor avaient tant secoué la littérature contemporaine. Aujourd’hui, plus de 20 ans après, il m’a dit : « Pourquoi nous n’irions pas à l’île d’Ouessant ? On pourrait y faire un film. Sur moi. Avec vous. » J’ai dit oui, je veux bien ». L’écrivain se livre face à la caméra, chez lui, tandis que diverses archives complètent et illustrent ses propos. Egalement au programme, des extraits d’interviews diverses et variées, de conférences et d’interventions télévisées.

Professeure en études cinématographiques à King’s College London et critique de cinéma à Sight and Sound, Ginette Vincendeau propose ensuite une formidable présentation (en anglais sous-titré français) de L’Année dernière à Marienbad (2005-18’30). Le chef d’oeuvre d’Alain Resnais est analysé sous tous les angles, sur le fond comme sur la forme. Ginette Vincendeau propose également de multiples interprétations du film, tout en le remettant dans son contexte cinématographique et même littéraire puisque L’Année dernière à Marienbad reste évidemment lié à l’émergence du Nouveau roman dont Alain Robbe-Grillet était l’un des chefs de file.

Vous pouvez compléter cette intervention par l’essai en vidéo réalisé par Luc Lagier, intitulé Dans le labyrinthe de Marienbad (33’). Résumer ce module (découpé en plusieurs chapitres) serait bien trop complexe tant celui-ci regorge en détails et analyses absolument indispensables, qui pourront donner quelques pistes ou éclaircissements sur une œuvre qui de toute façon ne révélera jamais toutes ses facettes et ses recoins cachés. Par ailleurs, le parallèle établi entre L’Année dernière à Marienbad et Shining de Stanley Kubrick est aussi troublant que passionnant. Même chose concernant les points communs entre le chef d’oeuvre d’Alain Resnais et La Mort aux trousses d’Alfred Hictchcock, ce dernier étant d’ailleurs présent dans le film…

Les seuls bonus inédits sont la bande-annonce de la version restaurée, ainsi qu’un entretien croisé de François Thomas, spécialiste de l’oeuvre d’Alain Resnais, Catherine Robbe-Grillet (écrivaine et épouse d’Alain Robbe-Grillet) et la comédienne Anna Mougladis. Ce supplément de trente minutes replace L’Année dernière à Marienbad dans la carrière respective du cinéaste et du scénariste, jusqu’à leur rencontre et leur désir de collaborer ensemble puisqu’ils étaient chacun admiratif du travail de l’autre. L’écriture du film, son tournage, la bande-son, les thèmes, sa sortie, tout y est évoqué avec une passion contagieuse.

L’Image et le son

L’Année dernière à Marienbad avait déjà bénéficié d’une édition HD en 2009. Le même éditeur propose cette fois le film d’Alain Resnais dans une version entièrement restaurée. Sublime ! Ce Blu-ray présenté au format respecté est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Sacha Vierny (Hiroshima mon amour, Belle de jour) retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, sans lissage excessif, ce qui devrait rassurer les puristes. Le cadre fourmille de détails. Une des éditions incontournables de l’année 2018 !

Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Le Cercle littéraire de Guernesey, réalisé par Mike Newell

LE CERCLE LITTÉRAIRE DE GUERNESEY (The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society) réalisé par Mike Newell, disponible en DVD le 16 octobre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Lily James, Michiel Huisman, Matthew Goode, Jessica Brown Findlay, Tom Courtenay, Penelope Wilton, Katherine Parkinson, Glen Powell…

Scénario : Kevin Hood, Thomas Bezucha, Don Roos d’après le roman « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Annie Barrows et Mary Ann Shaffer

Photographie : Zac Nicholson

Musique : Alexandra Harwood

Durée : 1h59

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Londres, 1946. Juliet Ashton, une jeune écrivaine en manque d’inspiration, reçoit une lettre d’un mystérieux membre du Club de Littérature de Guernesey créé durant l’Occupation. Curieuse d’en savoir plus, Juliet décide de se rendre sur l’île et rencontre alors les excentriques membres du Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates dont Dawsey, le charmant et intrigant fermier à l’origine de la lettre. Leurs confidences, son attachement à l’île et à ses habitants ou encore son affection pour Dawsey changeront à jamais le cours de sa vie.

Il y a des films que l’on regarde confortablement installé dans un canapé, calfeutré sous un plaid, bien au chaud, en sirotant un thé (ou un bon Whisky certes), tandis qu’il fait un froid de canard dehors. Le Cercle littéraire de Guernesey en fait partie. Réalisée par le vétéran Mike Newell (né en 1942), cette adaptation du best-seller de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, le roman épistolaire Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patatesThe Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society, phénomène littéraire de l’année 2008, n’a pourtant rien de bien original et remplit un cahier des charges sans se forcer. Cette histoire non dépourvue de multiples clichés se laisse surtout voir pour ses comédiens (Michiel Huisman aka Daario Naharis de la série Game of Thrones, le grand Tom Courtenay), tous charismatiques en diable et surtout talentueux, en particulier la désormais omniprésente Lily James. L’actrice de 29 ans, étoile montante du cinéma anglais et révélation du Cendrillon de Kenneth Branagh, hérite ici d’un rôle qui aurait été destiné à Keira Knightley il y a dix ans et confirme décidément tout le bien qu’on pensait d’elle après Baby Driver d’Edgar Wright , Trahisons de David Leveaux et la mini-série Guerre et Paix.

S’installer devant Le Cercle littéraire de Guernesey c’est un peu comme se mettre devant un feu de cheminée, au calme, caresser par la chaleur qui en émane. En tant que vieux briscard derrière la caméra, le réalisateur éclectique (qui a dit « faiseur »?) de Quatre mariages et un enterrement (1994), Donnie Brasco (1997), Le Sourire de Mona Lisa (2003), Harry Potter et la Coupe de feu (2005), Prince of Persia : Les Sables du temps (2010) se repose également lui-même, comme s’il devenait spectateur de son propre film. La mise en scène est donc un rien pépère, fonctionnelle, et se contente de capturer les merveilleux paysages naturels (même si le film n’a pas été tourné sur l’archipel éponyme en raison de soucis logistiques) et la performance de ses formidables acteurs.

L’audience est en territoire connu et rien ne viendra vraiment bouleverser l’ensemble, tant les moments attendus se succèdent du début à la fin. Mais ce n’est pas grave, car même si l’on sait d’avance comment cette histoire va se terminer, on est finalement pris par ce récit qui commence de façon plutôt légère avec des personnages malins, évidemment très attachants et même drôles, mais qui révèlent très vite une face cachée. Juliet se rendra compte très vite qu’un secret, une blessure, un traumatisme liés à l’occupation nazie se dissimulent derrière ces apparents sourires et apprendra progressivement à se faire accepter par ce groupe, tout en tombant sous le charme de cette île Anglo-Normande et d’un intrigant fermier du cru.

The Guernsey Literary and Potato Peel Pie (un des titres anglais les plus longs de l’histoire du cinéma) est au final un pur mélodrame historique, mais aussi une histoire d’amour teintée d’aventures, certes trop sage avec Newell qui retombe parfois dans les mêmes travers pompeux que sa transposition de L’Amour au temps du choléra. Toutefois, la reconstitution est élégante (jusqu’aux costumes) et le tout n’en demeure pas moins divertissant et bourré de charme.

LE DVD

Pas d’édition HD pour Le Cercle littéraire de Guernesey, pourtant les paysages le méritaient ! Néanmoins, Studiocanal propose le film de Mike Newell dans un DVD de très bonne qualité. On a quand même du mal à reconnaître Lily James sur la jaquette. Le menu principal est fixe et muet.

En complément, l’éditeur joint un mini-making of classique de 7 minutes, composé d’images de tournage et d’interviews de l’équipe.

L’Image et le son

C’est en découvrant le master SD soigné du Cercle littéraire de Guernesey que l’on regrette l’absence d’une édition en Haute définition. Si le piqué n’est pas aussi ciselé sur les séquences sombres ou tamisées, la colorimétrie est d’une richesse impressionnante, les contrastes sont tranchants et les détails abondent aux quatre coins du cadre. Le relief est omniprésent, la clarté très appréciable.

Nous n’avons pas non plus à nous plaindre des mixages français et anglais Dolby Digital 5.1 qui répartissent les répliques, la musique et les effets avec une belle fulgurance. Il est évidemment nécessaire de visionner Le Cercle littéraire de Guernesey en version originale, même si la piste française s’en sort aussi bien. Les enceintes s’en donnent à coeur joie dans les envolées musicales. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Kerry Brown / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, réalisé par Ettore Scola

NOS HÉROS RÉUSSIRONT-ILS À RETROUVER LEUR AMI MYSTÉRIEUSEMENT DISPARU EN AFRIQUE ? (Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ?) réalisé par Ettore Scola, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Alberto Sordi, Bernard Blier, Manuel Zarzo, José María Mendoza, Erika Blanc, Franca Bettoia, Alfredo Marchetti…

Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli, Ettore Scola

Photographie : Claudio Cirillo

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 2h02

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Un homme d’affaires fatigué de son travail, de sa famille et de sa vie part à la recherche de son beau-frère disparu en Afrique quelques années plus tôt, entraînant dans cette quête son comptable qui n’en demandait pas tant. Et quand après de très nombreuses aventures, ils retrouveront, finalement, leur ami devenu chef de tribu, se posera la question de le ramener dans ce qu’on appelle la civilisation…

Quel film se cache derrière ce titre à rallonge typique des romans-feuilletons, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? ou bien encore en version originale Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ? Un des bijoux méconnus du grand Ettore Scola. Réalisée en 1968, cette comédie grinçante s’inspire en réalité de l’histoire de Walt Disney intitulée Topolino e il Pippotarzan, dessinée par l’artiste italien, vénitien plus précisément, Romano Scarpa, dans laquelle Dingo (Pippo en Italie) part en Afrique avec Mickey (Topolino) afin de retrouver son frère Pappo, disparu sans laisser de trace. Si Ettore Scola et ses co-scénaristes, les maîtres Age & Scarpelli, prennent évidemment quelques libertés avec le récit original, ils n’en conservent pas moins les grands traits, y compris son dénouement. Dans le film Alberto Sordi (toujours aussi génial et hilarant) incarne Fausto Di Salvio, un bourgeois fier de ce qu’il est devenu, inculte et arrogant, un éditeur de renom qui profite allègrement du miracle économique de son pays. En apparence seulement, car Fausto s’ennuie dans son travail et surtout dans sa vie privée, notamment avec sa femme, avec qui il n’a plus aucune intimité.

« Nous recherchons mon beau-frère…mais nous nous recherchons aussi nous-mêmes ! »

Contraint de partir en Afrique, continent qui l’a toujours fasciné, Fausto emmène avec lui Umbaldo Palmarini, son comptable et homme à tout faire – Bernard Blier, qui retrouve Sordi pour la troisième fois à l’écran – pour chercher et ramener en Italie son beau-frère Oreste Sabatini (Nino Manfredi) qui du jour au lendemain est parti s’installer en Angola, parmi une communauté africaine, en quittant sa femme et sa vie de bourgeois romain. Là-bas, à la fois perdu géographiquement et culturellement, Fausto, homme moderne déboussolé se heurte à un nouveau monde qui lui permettra de repartir sur de nouvelles bases, de faire le point sur sa propre vie, monotone malgré ses succès. Quelle aurait été la vie de Fausto si cette possibilité d’évasion ne s’était pas offerte à lui ?

Le personnage, très attiré par le continent africain, évolue à l’écran en deux heures. Il passera du personnage détestable (il filme tout ce qui se présente à lui, comme s’il tournait un documentaire animalier), raciste et colonialiste (on pense alors fortement à Tintin au Congo), mais malgré tout comique puisqu’il ne comprend rien et ignore tout de ce pays, à l’homme mature qui tentera de dénoncer notamment la traite des noirs. Pour son périple, un parcours initiatique même, Ettore Scola opte pour la comédie d’aventure pour dénoncer le thème du colonialisme à travers une mise en scène inventive et astucieuse, profitant également de la beauté majestueuse de ses décors naturels avec des prises de vue effectuées à Luanda, capitale de l’Angola, par ailleurs toujours sous domination portugaise à l’époque.

Le scénario est un vrai bijou, très intelligent, caustique et engagé, tous comme les savoureux dialogues signés Furio Scarpelli. Pour la petite histoire, alors qu’il entreprend de se doubler lui-même en français, Bernard Blier se rend compte que les dialogues ont changé et le propos adoucis, à tel point que les responsables de cette adaptation avaient purement et simplement gommé toute la dimension anticolonialiste du film. Le comédien prévient alors Ettore Scola qui fait stopper immédiatement la post-synchronisation, puis la sortie hexagonale en raison de cette censure réalisée dans son dos. Sensationnelle comédie ironique, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? mettra dix ans pour être enfin exploité dans les salles françaises.

LE BLU-RAY

Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? avait connu une première édition DVD en novembre 2007 chez M6 Vidéo, dans sa collection Les Maîtres italiens SNC. Le film d’Ettore Scola débarque en Blu-ray, toujours chez le même éditeur, qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages écrit par Laurent Bourdon. Le menu principal est animé et musical.

Une interview particulière, une rencontre avec Ettore Scola (53’) : Ce documentaire réalisé pour la chaîne publique italienne Rai, déjà disponible sur l’édition DVD, mélange extraits de films d’Ettore Scola, images du réalisateur et de ses acteurs (Sergio Castellito, Diego Abatantuono…) en plein travail sur le tournage de Concorrenza sleale (réalisé en 2001), et une interview accordée par le réalisateur italien qui revient notamment sur ses débuts en tant que scénariste. Il explique ce qu’il a appris avec chacun de ses confrères, du cinéaste Dino Risi aux scénaristes Age et Scarpelli en passant par l’acteur Massimo Troisi. Un entretien profond qui aborde plusieurs thèmes avec intérêt et qui dresse le portrait d’un cinéaste surdoué.

De la BD au grand écran par l’auteur de BD Charles Berbérian (20’) : Réalisé à l’occasion de cette nouvelle édition, cet entretien permet d’en savoir plus sur la genèse de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, en particulier sur la bande-dessinée Topolino e il Pippotarzan de Romano Scarpa dont le film de Scola est en réalité un détournement. Si Charles Berbérian se penche sur les thèmes, sur la sortie reculée du film pendant dix ans, l’auteur s’égare quelque peu du sujet qui nous intéresse en parlant des adaptations de bandes-dessinées dans les années 60. Finalement, ce module bifurque maladroitement sur la promotion de son livre Cinerama, les meilleurs plus mauvais films.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et le teaser.

L’Image et le son

Voici donc le master restauré 2K de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?. L’image est plus qu’impeccable et le superbe générique l’atteste d’emblée. C’est net, les couleurs sont vives, étincelantes, les contrastes solides et les détails sont très appréciables. La propreté est également impressionnante, le grain original respecté, le piqué acéré et l’apport HD non négligeable sur les splendides paysages africains.

La piste mono italienne a été restaurée avec précision. Toutefois, les dialogues y sont moins dynamiques que sur la piste française, même si la merveilleuse partition musicale d’Armando Trovajoli, très représentative du film, est très bien lotie. Certains bruitages (comme les envolées de baffes) sont poussés à l’extrême et rappellent les films du duo Hill & Spencer. Le mixage français, également restauré (Bernard Blier se double lui-même), est plus criard avec des échanges trop mis à l’avant, au détriment des ambiances naturelles. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SNC (Groupe M6) / SND / M6 Vidéo / Fondazione Scuola Nazionale Di Cinema / Rai Trade /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Comme des chiens enragés, réalisé par Mario Imperoli

COMME DES CHIENS ENRAGÉS (Come cani arrabbiati) réalisé par Mario Imperoli, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Piero Santi, Annarita Grapputo, Paola Senatore, Cesare Barro, Luis La Torre, Gloria Piedimonte, Mario Farese, Silvia Spinozzi…

Scénario : Mario Imperoli, Piero Regnoli

Photographie : Romano Albani

Musique : Mario Molino

Durée : 1h38

Année de sortie : 1976

LE FILM

Dans la Rome des années 1970, trois amis, Tony, Rico et Silvia, étudiants exemplaires, surmontent leur ennui en laissant libre cours à leurs bas instincts. Braquages, torture, viols et meurtres constituent leur quotidien, tandis que le commissaire Muzi et sa collègue Germana cherchent à les démasquer. Tony, le cerveau de la bande, est le fils d’un homme riche et influent, lui-même corrompu. Se croyant intouchables, le jeune homme et ses complices sont entraînés dans une spirale infernale à laquelle seul Muzi pourra mettre un terme.

« Si vous n’aimez pas la réalité sur une certaine jeunesse d’aujourd’hui, alors ce film n’est pas fait pour vous ! S’il vous déplaît d’apprendre que vous non plus n’êtes peut-être pas des parents modèles, laissez tomber ce film ! »

Au cours des années 70, l’Italie subit les revendications politiques des Brigades Rouges et vit ce que l’on appellera plus tard ses « années de plomb » . Reflet social, le cinéma va exprimer cette violence dans une vague de polars urbains âpres et cruels. Fortement inspirés par des films comme L’inspecteur Harry (1971), Un justicier dans la ville (1974) ou encore French Connection (1971), les réalisateurs Enzo G. Castellari, Fernando Di Léo, Umberto Lenzi, et bien d’autres, vont faire mettre en images violence, vengeance et justice. Franco Nero, Tomás Milián, Fabio Testi, ou Maurizio Merli, vont camper les flics, voyous, mafieux, escrocs ou justiciers, pour le plus grand bonheur des spectateurs. A l’heure où certaines villes italiennes sont ratissées par certains gangs organisés et les petits commerçants pillés de toutes parts, Comme des chiens enragés Come cani arabiati agit comme un véritable défouloir dans les salles de cinéma en 1976.

Le film est réalisé par Mario Imperoli (1931-1977), cinéaste rare qui n’aura tourné que huit longs métrages en quatre années. Il fait d’abord ses classes en tant que journaliste, puis devient scénariste en signant l’histoire et en produisant L’interrogatorio (1970) de Vittorio De Sisti. Puis il passe lui-même derrière la caméra avec des histoires érotiques aux titres explicites, Mia moglie, un corpo per l’amore (1973), La Lycéenne découvre l’amour (1974), Le Dolci zie (1975), Couples impudiques (1975). Avec Comme des chiens enragés, Mario Imperoli prend le train en marche et signe son premier poliziesco. Si par la suite, le réalisateur reviendra au film érotique avec Quella strana voglia d’amare (1977), il terminera sa carrière sur un autre thriller, Canne mozze. Mais son film le plus célèbre auprès des amateurs de films Bis, reste incontestablement Comme des chiens enragés.

Ce thriller violent n’a sans doute pas l’audace de Big Racket d’Enzo G. Castellari, mais n’en demeure pas moins un reflet de l’Italie d’alors et n’a rien perdu de sa férocité aujourd’hui. Co-écrit par le prolifique Piero Regboli (Deux salopards en enfer, L’Avion de l’apocalypse, La Collégienne en vadrouille), Come cani arrabbiati n’est pas un film aimable et n’a pas peur de choquer à travers des séquences particulièrement violentes envers les femmes notamment. Sur un montage sec et nerveux d’Otello Colangeli, on suit cette enquête policière qui possède pas mal de points communs avec l’excellent San Babila : Un crime inutile de Carlo lizzani, sorti la même année. Une description frontale de la violence qui animait les rues des grandes villes italiennes (d’ailleurs le film s’inspire d’un fait divers réel), des crimes réalisés par des fils de bonne famille alors en lutte contre leurs pères, les institutions et les prostituées qui constituent des cibles faciles et qu’ils trucident à la pelle. C’est également là que l’on voit l’impact d’Orange mécanique de Stanley Kubrick sur une génération de cinéastes puisque la scène finale n’est pas sans rappeler celle où Alex et ses compagnons prennent d’assaut une maison en pleine nuit, tabassent son propriétaire et violent sa femme.

Véritable tour de force et polar prenant, Comme des chiens enragés vaut également pour la beauté insolente et le talent de Paola Senatore, sans doute le plus beau rôle du film et qui en profite pour ravir les yeux de ces messieurs lors de scènes dénudées disons très émouvantes. C’est du vrai et excellent cinéma italien d’exploitation.

LE BLU-RAY

Comme des chiens enragés est savamment pris en charge par Le Chat qui fume. Ce combo Blu-ray/DVD est disponible dans un Digipack 3 volets glissé dans un superbe surétui cartonné liseré bleu et au visuel on ne peut plus attractif. Edition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

Un seul supplément sur cette édition, l’interview de Claudio Bernabei (31’30), assistant-réalisateur de Mario Imperoli sur Comme des chiens enragés. Claudio Bernabei se souvient de sa rencontre avec le réalisateur sur L’interrogatorio de Vittorio De Sisti et le couvre d’éloges en disant « Imperoli n’était pas quelqu’un de bien, mais de très très bien […] gentil, poli, jamais autoritaire, sans doute parce qu’il était devenu réalisateur sur le tard ». L’assistant-réalisateur se penche plus longuement sur le film qui nous intéresse en parlant du fait divers à l’origine du scénario, des années de plomb en Italie, le tout ponctué par de nombreuses anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont beaux, le cadre fourmille de détails, même si le piqué demeure aléatoire. Le grain est très bien géré (sans doute plus prononcé sur les séquences sombres), l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Romano Albani (Inferno, Phenomena) sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Le charme opère et l’on (re)découvre Comme des chiens enragés avec ses partis pris esthétiques originaux.

Le film de Mario Imperoli est présenté dans sa version intégrale et seulement en version originale. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique de Mario Molino.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Rewind SRL / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Chats rouges dans un labyrinthe de verre, réalisé par Umberto Lenzi

CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (Gatti rossi in un labirinto di vetro) réalisé par Umberto Lenzi, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Martine Brochard, John Richardson, Ines Pellegrini, Andrés Mejuto, Mirta Miller, Daniele Vargas, George Rigaud, Silvia Solar, Raf Baldassarre…

Scénario : Umberto Lenzi, Félix Tusell

Photographie : Antonio Millán

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h32

Année de sortie : 1975

LE FILM

Lors d’un voyage organisé à Barcelone, un groupe de touristes américains est attaqué par un tueur en série vêtu de rouge qui égorge les jeunes femmes puis leur arrache l’œil gauche. Alors que l’enquête policière patine, l’un des leurs, le publiciste Mark Burton, est soupçonné d’être le maniaque. Bien décidé à prouver son innocence, il décide d’enquêter avec l’aide de sa maîtresse, une certaine Paulette Stone.

Umberto Lenzi (1931-2017) est l’exemple typique du réalisateur qui a su suivre la mode, les goûts et les préférences des spectateurs, en passant successivement du film de pirates (Mary la rousse, femme pirate, Les Pirates de la Malaisie) au péplum (Maciste contre Zorro, Hercule contre les mercenaires) dans les années 1960, puis du giallo (Le Tueur à l’orchidée, Spasmo) au poliziottesco (Brigade spéciale, La Rançon de la peur, Le Cynique, l’Infâme et le Violent) dans les années 1970, pour terminer sa carrière dans le genre épouvante (La Secte des cannibales, L’Avion de l’apocalypse). Un cinéaste prolifique, diplômé du Centro Sperimentale di Cinematografia, avec plus de 60 films à son actif réalisés en 35 ans de carrière. Chats rouges dans un labyrinthe de verreGatti rossi in un labirinto di vetro apparaît tout juste au milieu de sa carrière.

Ce giallo traditionnel s’inscrit dans la droite lignée du genre avec son lot de crimes réalisés par un tueur ganté et filmés en caméra subjective. Ce qu’il y a d’original ici, c’est que le film est tourné quasi-intégralement à Barcelone, sous un soleil radieux, loin des villes froides et angoissantes, habituellement le terrain de jeu traditionnel des tueurs masqués transalpins. Les victimes trépassent presque au milieu de la foule sur La Rambla, en plein jour. A côté de ça, Chats rouges dans un labyrinthe de verre n’a rien de vraiment miraculeux ou d’original, mais reste un bon moment pour les amateurs d’un genre qui connaissait déjà une sérieuse baisse de régime en 1975.

Des vacanciers venus du Vermont parcourent les routes en car lors d’un voyage organisé en Espagne. Au cours d’une escale à Barcelone, une jeune femme du cru est assassinée. Quand on la découvre, l’oeil gauche énucléé, l’image saisissante renvoie les touristes à un crime identique commis un an plus tôt à Burlington. Bientôt, c’est l’une des américaines qui succombe sous les coups du maniaque. Pour le commissaire Tudela, le groupe de touristes est forcément lié aux crimes. Mark Burton, quant à lui, commence petit à petit à soupçonner que sa femme puisse être la coupable. Insaisissable, le tueur continue à frapper…

Soyons honnêtes, les indices laissés par le metteur en scène (également coscénariste) et Félix Tusell sont tellement énormes que l’on parvient à deviner l’identité du maniaque au bout d’une demi-heure. Une fois cette découverte faite, le but est donc de s’amuser à voir comme il/elle parvient à donner le change à ses petits camarades et surtout de savoir pourquoi il/elle s’en prend à eux ainsi. Et pourquoi cet œil crevé systématiquement ?

Umberto Lenzi n’est heureusement pas un amateur derrière la caméra. Son film se suit sans déplaisir, grâce à un montage plutôt nerveux, une belle photo ensoleillée, une visite carte-postale de la ville, ainsi que des meurtres assez brutaux ou inattendus comme lors de la séquence du train-fantôme. Si la musique est signée Bruno Nicolai, son omniprésence agace en revanche prodigieusement. Le thème revient constamment alors que Lenzi aurait gagné en tension en laissant certains moments reposer uniquement sur les bruitages et les cris.

Du point de vue interprétation, la frenchie Martine Brochard (Polices parallèles de Sergio Martino) tire aisément son épingle du jeu, ainsi que l’argentin George Rigaud (Les Rendez-vous de Satan de Giuliano Carnimeo) dans la peau d’un prêtre au regard perçant, sans oublier le charme sexy d’Ines Pellegrini (vue dans Les Mille et Une Nuits de Pier Paolo Pasolini) et la tronche cramée aux UV – sorte de rejeton de Donald Trump et de Valentino – d’Andrés Mejuto dans le rôle du commissaire chargé de l’enquête (à une semaine de la retraite) qui aimerait bien mettre la main sur le tueur avant d’aller pêcher la truite. Le reste du casting, dont le falot John Richardson et les acteurs en majeure partie espagnols, co-production oblige, marque peu les esprits.

Malgré ses points faibles, Chats rouges dans un labyrinthe de verre, ou Eyeball pour son exportation, conserve son charme désuet. Nous sommes ici en plein cinéma d’exploitation et le réalisateur ne s’en cache pas. Tout est fait ici pour attirer le chaland, pour lui faire acheter un billet de cinéma et Umberto Lenzi n’était sûrement pas le dernier à vouloir faire rentabiliser son ticket au spectateur venu là pour être diverti. Gatti rossi in un labirinto di vetro est une œuvre généreuse, parfois maladroite certes, mais animée par une envie de bien faire et de faire plaisir à une audience toujours partante pour quelques émotions fortes.

LE BLU-RAY

Chats rouges dans un labyrinthe de verreGatti rossi in un labirinto di vetro est le second giallo édité par Le Chat qui fume en novembre 2018. Ce superbe combo Blu-ray/DVD, proposé sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné, est disponible en édition limitée à 1000 exemplaires.Le menu principal est animé et musical.

Nous commençons les suppléments par un entretien d’Umberto Lenzi, décédé en octobre 2017 (23’). En introduction, un carton indique que cette interview dévoile plusieurs fins des gialli du réalisateur comme Paranoia (1970), Spasmo (1974) et bien sûr Chats rouges dans un labyrinthe de verre. Umberto Lenzi indique que son giallo avait tout d’abord été pensé dans le but de sortir un ami metteur en scène de la faillite, le cinéaste étant prêt à faire le film gratuitement. Ensuite, le réalisateur aborde le film qui nous intéresse en revenant sur les conditions de tournage à Barcelone, sur l’explication du titre, sur le casting, sur la musique de Bruno Nicolai et sur l’évolution du travail du metteur en scène.

Après Olivier Père, Jean-François Rauger, Fathi Beddiar et Philippe Chouvel, c’est au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de nous donner la liste de ses trois gialli préférés (14’), vus sous « l’angle du plaisir ». Non seulement l’invité du Chat qui fume indique quels sont ses gialli de prédilection, Le Chat a neuf queues de Dario Argento, La Dame rouge tua sept fois d’Emilio Miraglia et La Queue du scorpion de Sergio Martino, mais Francis Barbier dresse également en parallèle l’histoire du genre dans les années 1970, avec ses codes, son évolution et sa fin.

Ne manquez pas la délicieuse rencontre avec la comédienne Martine Brochard (17’). Douce, accueillante et chaleureuse, l’actrice revient sur sa carrière en mettant en parallèle son parcours professionnel et sa vie personnelle. De ses débuts en tant que danseuse dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, en passant par ses premiers pas devant la caméra dans Baisers volés de François Truffaut, jusqu’à son arrivée en Italie, Martine Brochard est visiblement très heureuse d’évoquer ses plus belles rencontres. Elle y raconte également à quel point « le cinéma italien était grisant » et évoque le tournage de Chats rouges dans un labyrinthe de verre, son personnage dans le film ainsi que sa collaboration avec Umberto Lenzi qu’elle a toujours aimé et admiré. Les anecdotes de tournage s’enchaînent, souvent teintées d’émotion. La comédienne est également ravie de constater que ces films intéressent aujourd’hui autant si ce n’est plus les spectateurs, surtout les plus jeunes. Notons également que Martine Brochard réalise une petite présentation de Chats rouges dans un labyrinthe de verre juste lors du lancement du film.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

La copie est très propre, lumineuse et les couleurs profitent de cette élévation en Haute-Définition. Malgré tout, nous dénotons divers fourmillements, le piqué est peu acéré et la gestion des contrastes est parfois aléatoire. Celle du grain est en revanche bien gérée, certaines séquences sortent du lot (toutes celles tournées en extérieur) et le bilan est au final positif.

Seule la version originale aux sous-titres français est imposés est disponible. L’omniprésente musique de Bruno Nicolai est bien délivrée avec une ardeur souvent étonnante, tandis que les dialogues, entièrement réalisés en post-synchronisation sont également dynamiques. Un léger souffle se fait entendre, mais l’ensemble est clair, net, précis.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Variety / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Rendez-vous de Satan, réalisé par Giuliano Carnimeo

LES RENDEZ-VOUS DE SATAN (Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?) réalisé par Giuliano Carnimeo, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Edwige Fenech, George Hilton, Paola Quattrini, Giampiero Albertini, Franco Agostini, Oreste Lionello, Ben Carra, Carla Brait, George Rigaud…

Scénario : Ernesto Gastaldi

Photographie : Stelvio Massi

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h35

Année de sortie : 1972

LE FILM

Deux jeunes femmes sont assassinées coup sur coup dans le même immeuble appartenant à l’architecte Andrea Antinori. Ce dernier, en échange d’une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer et Marylin, de venir s’y installer. Tandis que Jennifer, au passé trouble, échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant…

Les gialli fleurissent sur les écrans depuis quelques années déjà quand le réalisateur Anthony Ascott, aka Giuliano Carnimeo (1932-2016) entreprend le sien, lui qui était habituellement cantonné au western. Depuis Six femmes pour l’assassin de Mario Bava sorti en 1964, puis l’avènement de Dario Argento avec son Oiseau au plumage de cristal (1970), moult ersatz ou autres chefs d’oeuvre du genre ont vu le jour. Alors comment se démarquer du tout-venant ? Giuliano Carnimeo, loin d’être un manchot derrière la caméra comme il avait déjà pu le démontrer avec Le Fossoyeur (1969) et Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera (1970), tous deux avec le mythique Gianni Garko, a toujours su s’entourer de solides collaborateurs. Pour Les Rendez-vous de Satan, son unique thriller, le cinéaste s’associe à nouveau avec le scénariste Ernesto Gastaldi, qui avait déjà signé pour lui deux westerns, Le Fossoyeur et Una nuvola di polvere… un grido di morte… arriva Sartana (1970).

A la barre, Luciano Martino produit Giuliano Carnimeo pour la troisième fois, le fidèle Bruno Nicolai tient la baguette, tandis que le chef opérateur Stelvio Massi signe une fois de la plus la photographie. Tous ces talents combinés donnent naissance au giallo Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?, sorti en France sept ans plus tard sous le titre accrocheur bien qu’improbable, Les Rendez-vous de Satan, qui surfait de manière opportuniste sur la vague Exorciste. Ajoutez à cela la présence en haut de l’affiche de la sublime et sexy Edwige Fenech, qui donne cette fois encore la réplique au comédien George Hilton après L’Étrange Vice de madame WardhLo strano vizio della Signora Wardh et Toutes les couleurs du viceTutti i colori del buio réalisés par Sergio Martino, et vous obtenez un pur film d’exploitation vraiment bien troussé qui mérite largement le détour.

En moins de 24 heures, deux jeunes femmes sont sauvagement assassinées dans un immeuble luxueux. Peu après, la propriétaire des lieux, Andrea, invite deux mannequins, Jennifer et Marilyn, à emménager dans le bâtiment, souhaitant en retour qu’elles posent pour une campagne de publicité. Mais Jennifer est très vite harcelée par le tueur en série. Alors que tous les soupçons se portent sur Andrea, Jennifer tente de démasquer le meurtrier avant qu’elle ne devienne la prochaine victime. Les suspects sont nombreux : son ancien époux membre d’une secte sexuelle, une voisine lesbienne, le fils difforme d’une vieille veuve ou encore l’architecte et propriétaire de l’immeuble qui ne supporte pas la vue du sang. Qui est le coupable ?

D’entrée de jeu, Giuliano Carnimeo parvient à marquer Les Rendez-vous de Satan de sa griffe. A l’aide d’une caméra portée, le cinéaste donne à son film une respiration, un côté organique, qui suit les personnages, court avec eux, s’essouffle même en cadence lors des séquences agitées. Le cadre happe l’audience à l’aide de contre-plongées, de renversements à 180°, la mise en scène vit, pulse, tandis que la photo cotonneuse à la palette chromatique volontairement effacée et aux sources luminescentes ravit les yeux. Il n’en fallait pas plus pour que les spectateurs se laissent porter par cette histoire, classique du genre, mais représentative de l’efficacité d’un scénariste chevronné (La Queue du scorpion, Plus venimeux que le cobra). S’il n’est finalement pas difficile de deviner qui est le véritable tueur dans ce whodunit transalpin, Les Rendez-vous de Satan va à l’essentiel. Tous les ingrédients du giallo sont là, largement influencés par le chef d’oeuvre matriciel de Mario Bava, tant certaines scènes y font écho de façon troublante, ne serait-ce que dans l’apparence du tueur.

Outre l’indéniable maîtrise formelle qui dynamise constamment un script respectant le cahier des charges, l’un des autres points forts des Rendez-vous de Satan est la composition de Bruno Nicolai, aux accents forcément « morriconiens », une plus-value qui n’a rien d’anecdotique et qui participe à la véritable identité du film. Enfin, nous l’avons mentionné plus haut, Edwige Fenech est l’une des principales attractions de Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?. A l’instar de Barbara Bouchet, l’actrice âgée ici de 24 ans hypnotise par sa beauté sauvage héritée de sa mère sicilienne, son regard félin et ses courbes affriolantes. Elle démontre une fois de plus qu’elle était bien plus qu’une redoutable créature, ici dans la peau d’une jeune femme en détresse. George Hilton (Deux salopards en enfer, L’Adorable corps de Deborah) qui s’éloignait des westerns qui l’ont rendu populaire est ambigu à souhait, Paola Quattrini apporte cette touche mutine, innocente et coquine aux côtés d’Edwige Fenech, tout comme Carla Brait, l’atout blaxploitation, Giampiero Albertini (le commissaire) et Franco Agostini (l’inspecteur) livrent quelques touches d’humour bienvenues, sensiblement décalées et surtout très réussies.

Mine de rien, sans en avoir l’air, Les Rendez-vous de Satan enchaîne les petites scènes élégantes (cadrage stylisé), violentes (la scène du meurtre au scalpel dans l’ascenseur fait penser à Pulsions huit ans avant), sexy (on se rince l’oeil comme il faut), drôles (le flic philatéliste, l’inspecteur maladroit), angoissantes (la séquence de la baignoire), avec une réelle virtuosité, sans aucun temps mort, jusqu’à la révélation finale. D’ailleurs, l’épilogue reste aujourd’hui bien étrange et peu importe si le spectateur comprend ou pas sa signification. Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? est un très bon cru qui se déguste et s’apprécie toujours autant plus de 45 ans après sa sortie en Italie.

LE BLU-RAY

Edition limitée tirée à 1 000 exemplaires pour Les Rendez-vous de Satan, nouveau giallo à atterrir dans l’escarcelle du Chat qui fume. Le DVD et le Blu-ray reposent tranquillement dans un Digipack 3 volets avec étui cartonné, avec d’un côté Carla Brait dans une de ses démonstrations scéniques (qui rappelle Perle Noire contre James Bond dans Les Diamants sont éternels), et de l’autre Edwige Fenech recouverte d’iris. Nous en avons déjà parlé, mais il est toujours bon de saluer le superbe travail du graphiste Frédéric Domont, qui livre une fois de plus un objet à se damner. Le menu principal est animé sur la musique de Bruno Nicolai. Enfin, le film de Giuliano Carnimeo est proposé dans sa version intégrale.

En ce qui concerne les suppléments, l’éditeur est allé à la rencontre du comédien Jorge Hill Acosta y Lara alias George Hilton (21’). Alors qu’il s’apprêtait à fêter ses 84 ans en 2018, l’acteur né en Uruguay revient dans un premier temps sur sa carrière et son succès dans le western, et explique avoir voulu sortir de ce carcan. Il cite volontiers les films L’Adorable Corps de Deborah et La Queue du scorpion, qui lui ont permis de montrer qu’il pouvait aisément passer à un autre genre, pour montrer ses capacités d’adaptation. Ensuite, George Hilton évoque sa rencontre avec le réalisateur Giuliano Carnimeo sur le western Django arrive, préparez vos cercueils, tout en louant son talent de metteur en scène. En ce qui concerne Les Rendez-vous de Satan, il parle des prises de vues effectuées à Gênes, partage quelques souvenirs de tournage (l’affrontement final), évoque ses partenaires (dont sa grande amitié et ses diverses collaborations avec Edwige Fenech) et indique qu’il n’a jamais compris l’épilogue du film !

Les mêmes questions ou presque sont posées à l’actrice Paolo Quattrini (12’). Cet entretien est plus court puisque l’intéressée déclare avoir du mal à se souvenir du film qui nous intéresse. A part le fait qu’elle se trouve excellente dans Les Rendez-vous de Satan, qu’elle avait revu pour l’occasion, la comédienne n’a effectivement pas grand-chose à dire de plus, si ce n’est que la ville de Gênes tient une place importante dans sa vie.

Enfin, c’est au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de prendre la parole pour une analyse indispensable des Rendez-vous de Satan (33’). Comme un panneau l’indique en introduction, ce module contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Comme il en l’habitude, Francis Barbier croise habilement le fond (le thème de l’homosexualité notamment) et la forme (les partis pris, la photographie) du film de Giuliano Carnimeo en revenant sur ce qui fait de ce giallo son caractère propre que l’on doit à son réalisateur, à son chef opérateur, à son compositeur, à son producteur et à son scénariste. Quelques séquences du film sont passées au scalpel (c’est le cas de le dire), tout comme le travail du metteur en scène et sur le cadre. Le casting n’est évidemment pas oublié, tout comme l’épilogue troublant (Francis Barbier donne sa propre interprétation) et enfin la sortie et le succès du film en Italie.

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces des Rendez-vous de Satan et de La Saignée.

L’Image et le son

Nous avons déjà testé une quinzaine de titres édités par Le Chat qui fume. Force est d’admettre que nous nous trouvons devant l’un de leurs plus beaux Blu-ray. Le cadre large, superbe, regorge de détails aux quatre coins et ce dès la première séquence. Si le générique est évidemment plus doux, la définition reste solide comme un roc, la stabilité est de mise et le grain original flatte constamment la rétine. La propreté de la copie est irréprochable, à part peut-être quelques pétouilles bleutées à la 52e minute, mais ce serait vraiment chipoter. La palette chromatique profite de cet upgrade avec des teintes jaunes, rouges et bleues revigorées. Les séquences diurnes en extérieur bénéficient d’un piqué pointu et d’une luminosité inédite. Ajoutez à cela des noirs denses, une magnifique patine seventies, quelques éclairages luminescents et vous obtenez donc l’une des plus belles éditions HD de l’éditeur.

Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la sublime musique de Bruno Nicolai. A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 est tout aussi dynamique, malgré un léger souffle et un rendu plus artificiel. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale. Les scènes coupées réintégrées ici et non doublées, passent directement en version originale sous-titrée.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Variety / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Divorce à l’italienne, réalisé par Pietro Germi

DIVORCE À L’ITALIENNE (Divorzio all’italiana) réalisé par Pietro Germi, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Marcello Mastroianni, Daniela Rocca, Stefania Sandrelli, Leopoldo Trieste, Odoardo Spadaro, Margherita Girelli, Angela Cardile, Lando Buzzanca…

Scénario : Ennio De Concini, Pietro Germi, Alfredo Giannetti

Photographie : Leonida Barboni, Carlo Di Palma

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Un noble sicilien est amoureux d’une magnifique jeune femme. Mais le divorce est illégal en Italie. Il concocte donc un « divorce à l’italienne » : surprendre sa femme dans les bras d’un amant, l’assassiner et, de bon droit, n’écoper que d’un minimum de prison…

Pietro Germi (1914-1974), comédien, réalisateur, producteur et scénariste plusieurs fois récompensé pour ses oeuvres dans les festivals du monde entier est aujourd’hui bien trop souvent oublié quand on évoque l’âge d’or du cinéma italien. Malgré une timidité maladive, Pietro Germi a toujours défendu un cinéma engagé et usait de son art comme d’un vecteur pour contester certaines moeurs de la société, tout en désirant avant toute chose divertir les spectateurs dans le drame ou dans la comédie. C’est le cas de Divorce à l’italienne, probablement le film le plus connu de son auteur.

Comme il le fera dans Séduite et abandonnée en 1966, Pietro Germi décrit les us et coutumes archaïques, ainsi que les comportements hypocrites qui reflètent une société ancrée, pour ne pas dire engluée, dans une tradition obsolète. Sommet de la comédie de mœurs, chef d’oeuvre absolu, Divorce à l’italienne est l’un des plus grands films italiens de tous les temps et permet à Marcello Mastroianni d’être enfin considéré comme un immense acteur d’un genre dans lequel le public avait encore du mal à l’identifier et même à l’accepter. Chose amusante et troublante, dans ce film son personnage se retrouve au cinéma pour aller voir La Dolce Vita de Federico Fellini, comme si les célèbres masques représentatifs du théâtre, l’un triste, l’autre riant, se faisaient face.

Comment détourner la loi qui interdit le divorce quand on est amoureux d’une attrayante personne ? Le baron Ferdinando Cefalù, noble sicilien, veut se remarier avec la jeune Angela. Mais comme le divorce est illégal en Italie, il fait tout pour que son épouse ait une aventure avec un autre homme, pour pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d’honneur. La recherche de l’amant potentiel est une tâche ardue au regard de la laideur de la baronne.

Après Meurtre à l’italienne, titre français de Un maledetto imbroglio (1959), voici donc Divorce à l’italienne réalisé cette fois encore par de Pietro Germi et qui a permis à Marcello Mastroianni de recevoir le Golden Globe et le BAFTA du meilleur acteur la même année pour sa magnifique interprétation. A l’origine, le cinéaste ne pensait pas réaliser une comédie, registre qu’il n’avait jamais abordé frontalement. Pietro Germi voulait se pencher sur la question du « crime d’honneur ». En Italie, le divorce n’existait pas encore – il ne sera finalement voté au Parlement italien qu’en 1969 – et restait interdit. La vie d’un couple marié ne prenait fin qu’à la mort de l’un des deux conjoints. Sur ce postulat de départ, Pietro Germi et ses collaborateurs s’appuient sur l’article 587 du code pénal, qui prévoit pour un mari ou une femme trompé(e) une peine de trois à sept ans de prison s’il ou elle a tué pour venger son honneur. Selon Pietro Germi « Si son affaire est bien préparée, sa cause bien défendue, s’il se conduit bien en prison et bénéficie automatiquement d’une remise de peine, il se retrouve libre au bout de deux ans ».

Le jeu en vaut la chandelle alors pour ce noble, qui chamboulé par la juvénile Angela, sa cousine de 16 ans (!) décide de se débarrasser de sa femme à moustache (y compris frontale) en la poussant dans les bras d’un autre, après avoir lui-même rêvé de la trucider. Divorce à l’italienne bascule dans l’ironie et la satire sociale, sans jamais rendre le personnage de Marcello Mastroianni repoussant ou antipathique. Malgré tout ce qu’il entreprend, on l’aime ce pauvre baron qui commence à péter les plombs face à cette femme envahissante (géniale Daniela Rocca, enlaidie pour l’occasion), la sienne donc, qui se permet même de couper la parole à la voix-off !

C’est souvent le cas dans le cinéma de Pietro Germi, la foule, les habitants du quartier réunis autour d’un verre, s’amassent sur les trottoirs, en regardant une scène de ménage ici, en attendant là que quelqu’un passe à l’acte et ose enfin faire le premier pas. Car personne n’est dupe, tout le monde est au courant de la situation du baron Fernandino qui est un cas parmi tant d’autres, loin d’être le modèle de vertu que son statut social semble afficher.

Habitué au drame néoréaliste (le sublime Il FerroviereLe Disque rouge, le film préféré et le plus personnel du cinéaste) et aux intrigues policières (Au nom de la loi), Pietro Germi utilise les codes et la forme des genres qu’il a abordés dans le passé, pour les mettre au service d’une comédie, sur les conseils de son ami, le grand Mario Monicelli. Le regard sur son pays et ses concitoyens est le même, acéré. L’Italie archaïque mène à l’hystérie collective. Sur un montage percutant, le réalisateur enchaîne une série de quiproquos corrosifs, de répliques cinglantes, de rebondissements, de gags visuels déchaînés qui demeurent aussi frais qu’au premier jour, le tout joyeusement mis en musique par l’incontournable Carlo Rustichelli.

Avec son sens de l’observation aussi aiguisé que chaleureux et surtout en évitant de tomber dans la morale toute faite, Pietro Germi signe un véritable bijou du cinéma transalpin, élevant la comédie à l’italienne sur un indéboulonnable piédestal, illuminé par la beauté de Stefania Sandrelli et l’immense talent de Marcello Mastroianni. Divorce à l’italienne est récompensé par l’Oscar du meilleur scénario original, le Prix de la meilleure et devient le premier film estampillé « comédie à l’italienne ».

LE BLU-RAY

Plus de huit ans après une très belle édition DVD, Divorce à l’italienne débarque en Blu-ray, toujours chez M6 Vidéo qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend l’exceptionnel documentaire intitulé Marcello Mastroianni, l’attrait d’un homme ordinaire (1h) qui rend hommage à cet immense artiste et homme exceptionnel. Ce module indispensable revient longuement sur la prolifique carrière du comédien à travers des extraits d’entretiens réalisés tout au long de sa vie. Intitulé en version originale « Le charme discret d’un homme comme les autres », ce reportage produit et diffusé sur la RAI dresse le portrait d’un acteur simple, humble et modeste, refusant d’être catalogué latin lover en remettant constamment son image en jeu. De nombreux cinéastes et comédiens de renom font leur apparition, en particulier Federico Fellini, Vittorio Gassman, Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Marco Ferreri, lui rendant un hommage aussi sincère qu’émouvant, notamment lors des Prix d’interprétation ou pour l’ensemble de sa carrière que Marcello Mastroianni reçoit dans les dernières années de sa vie. Ce documentaire permet d’avoir un large panel des transformations physiques du comédien qui a marqué à jamais le cinéma. Ce segment se clôt sur les rares images de Marcello Mastroianni accompagné de sa fille Chiara lors de leur passage au Festival de Cannes.

Le nouveau supplément proposé par M6 Vidéo est un entretien avec Philippe Rouyer (25’). Le critique et historien du cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif et en charge des pages cinéma du magazine Psychologies propose de réhabiliter le cinéaste Pietro Germi. Selon lui, « le réalisateur n’a pas la place qu’il mérite » et devrait apparaître auprès des noms plus prestigieux et souvent cités. Philippe Rouyer revient sur la carrière de Pietro Germi, croise le fond et la forme de Divorce à l’italienne, « un film d’une incroyable modernité […] avec un metteur en scène qui se fait plaisir ».

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de Dommage que tu sois une canaille et de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?.

L’Image et le son

Le chef d’oeuvre de Pietro Germi est présenté en édition restaurée 2K. Un master HD très impressionnant. Contrairement à ce que la jaquette indique (et c’était déjà le cas sur le DVD), Divorce à l’italienne n’est pas proposé dans un format plein cadre 1.33 mais 1.85. Le transfert est irréprochable avec des contrastes fabuleux une stabilité irréprochable (le DVD s’accompagnait de légers défauts de compression et un tremblement d’image), une propreté sidérante, des noirs denses, des blancs lumineux, des détails à foison et un grain cinéma respecté. Les quelques micro-poussières et les décrochages sur les fondus enchaînés sont purement anecdotiques. Il s’agit probablement d’un des plus beaux Blu-ray sortis chez M6 Vidéo. Un véritable plaisir pour les yeux.

Divorce à l’italienne contient son lot de cris en tous genres. De ce fait, quelques saturations sont inévitables mais le mixage demeure d’excellente qualité avec de solides effets et un souffle qui ne se fait entendre qu’à deux reprises. Les voix des comédiens sont dynamiques, la musique bien mise en valeur et ce mixage italien en DTS-HD 2.0 restauré fait de véritables prouesses acoustiques. Pas de version française, mais les sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Les Films du Camélia / SND / M6 Vidéo / Rai Trade/Rai Teche /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr